* 30 août – On attend l’Europe (depuis bien longtemps). Les pays de la rive nord se désengagent de l’accueil des clandestins en Méditerranée. Le Sea Watch 4 allemand comme le Louise-Marie affrété par Bangsi n’ont pas eu à naviguer très loin pour secourir des centaines d’exilés à la dérive sur des embarcations précaires. Depuis le début de l’année, plus de 17 000 personnes sont arrivées en Italie et à Malte en provenance des côtes libyennes et tunisiennes, soit trois fois plus qu’en 2019, selon le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) et plus de 300 auraient péri en mer. De fait, entre la fin juin et l’arrivée récente sur zone du Sea Watch 4, aucun dispositif de sauvetage n’a fonctionné, les bâtiments des ONG se trouvant confisqués dans des ports italiens et les navires commerciaux redoutant leur mise en quarantaine en cas de débarquement de clandestins recueillis en mer. Pour éviter le fameux ‘’appel d’air’’ vers Europe, la plupart des gouvernements préfèrent laisser la gestion des sauvetages aux garde-côtes libyens, de sinistre réputation humanitaire, et ils se désengagent du droit maritime. La peur d’une aggravation de l’épidémie de Covid-19 a mis entre parenthèse l’accord de Malte, mécanisme de répartition des migrants adopté l’an dernier entre la France, l’Allemagne, l’Italie, la Finlande et Malte. On entreprend donc de laborieuses négociations à l’arrivée de chaque bateau. En sens inverse, les premiers contrecoups économiques de la crise sanitaire provoquent déjà l’augmentation du nombre des candidats au départ. Pour la Tunisie, la hausse est de 462% sur l’année dernière. Résultat, les fermetures de frontières reprennent en arguant du danger sanitaire et des populations riveraines revendiquent la fermeture des centres d’accueil (Sicile, Grèce, Malte…). Le HCR estime les situations encore gérables, à condition que, en dépit de la pandémie, l’UE fasse preuve de solidarité dans la répartition des réfugiés et ne laisse pas seules l’Italie et Malte face à l’afflux. Une cause citoyenne…
* 29 août – Double baffe aux Etats-Unis. L’Indonésie, qui préside le Conseil de sécurité des Nations unies, a passé outre l’exigence des Etats Unis de ‘’rétropédaler’’ au statu quo ante vis-à-vis de l’Iran (procédure ‘’snap back’’), c’est-à-dire de rétablir des sanctions étendues. Dian Triansyah Djani, le représentant de Jakarta à l’ONU, justifie ce rejet par l’impossibilité de formaliser un consensus entre les quinze membres de l’instance. Washington, n’étant plus partie à l’accord nucléaire de juillet 2015 avec Téhéran, l’administration Trump n’a, par conséquent, plus de base légale pour exiger un retour des sanctions internationales, dans le cadre dudit accord. Une majorité des 15 Etats concernés se satisfait de cet apparent aveu d’impuissance, qui leur permet surtout de mettre Washington sur la touche et ce, pour la seconde fois. Ceci aurait été inconcevable, il y a quelques mois encore : l’ex-puissance dominante du monde ( ?) déchue au rang de quantité négligeable (car irresponsable) ! C’est dire à quel point, à force de s’en prendre au système multilatéral tous azimuts, la diplomatie américaine est parvenue à faire l’unanimité contre elle. En sens inverses, sa propension à agir unilatéralement reprend le dessus, en contradiction avec le credo protectionniste / isolationniste des Républicains américains. C’est du moins ce que semble annoncer Mike Pompeo après ce double fiasco. Pour sa représentante à New-York, en vertu de la résolution 2 231 ayant entériné l’accord nucléaire de 2015, ‘’nous sommes en droit de déclencher le retour des sanctions … et gardons la ferme intention de le faire, en l’absence de courage et de clarté morale du Conseil’’. Résultat immédiat : l’Iran plastronne et le ton monte entre les Etats-Unis et l’Europe. Plus de confusion à venir dans les prochaines semaines.
* 28 août – Cœur sec et esprit flou. Quand la Hongrie, puis la Tchécoslovaquie, enfin, la Pologne se sont soulevées contre l’oppression stalinienne, l’émotion en Europe occidentale avait conduit les citoyens à les acclamer dans la rue. En pleine période de Covid, mais surtout de »chacun chez soi », ce temps là paraît loin, presqu’étranger. Depuis 15 jours, les Biélorusses luttent pacifiquement contre un ogre, qui les menace, les enferme, les torture et gesticule sur les écrans, une kalachnikof à la main. L’Europe va cibler des sanctions sur certains dirigeants de Minsk,… avant ou après que les chars ne soient passés, ce n’est pas clair. L’ambivalence du grand voisin russe devient plus menaçante : en substance, Moscou pourrait décider d’une intervention armée chez son petit voisin, s’il était constaté que l’action de l’opposition met en péril la stabilité du système. Propos à usage dissuasif ? Allusion à la répression des » révolutions de couleur », en Géorgie et en Ukraine ? Il y a en tout cas une claire volonté de faire peur et de décider de la conduite à tenir au Kremlin-même. Les capitales occidentales cherchent à calmer Poutine et, pour ce faire, à cantonner dans la sphère d’intérêt de l’ex-glacis russe l’ardeur émancipatrice des Biélorusses. Une intervention russe au Bélarus serait «le pire» qui puisse arriver, prévient E Macron. Juste mais vague.
* 26 août – Reflux. Les media nous signalent des pluies diluviennes en Afghanistan, mais c’est plutôt la libération, par les autorités de Kaboul, de quatre cents combattants talibans et jihadistes qui interpelle. D’un côté, on ne peut qu’approuver le principe d’un dialogue entre l’administration Ashraf Ghani et les Talibans. Comment négocier un armistice et reconstruire une paix, même relative, autrement ? Mais pour négocier utilement, encore faut-il un équilibre approximatif dans le rapport de forces. Or, les Talibans contrôlent 90 % du territoire avec, sans doute plus de soutien que le Gouvernement dans la population. Les prisonniers de l’armée »officielle » échangés vont disparaitre dans la nature voire, pour certains, changer de camp. Les Talibans sortis de prison sont, pour un bon nombre des commandants dont la réintégration va encore renforcer la supériorité des »rebelles ». Les formations militaires dispensées par l’OTAN sont de plus en plus bâclées et on perçoit bien la volonté de retrait des »envahisseurs étrangers ». Un air de défaite planne comme à Saigon à l’approche du printemps 1975. On apprend rien de l’Histoire.
*25 août – Double standard. A Kenosha, dans le Wisconsin, la colère populaire a éclaté et le gouverneur démocrate en appelle à la Garde nationale, après deux nuits de protestation contre les brutalités de la police. Celle-ci avait tiré à bout-portant, à plusieurs reprises, dans le dos d’un père de famille noir, devant ses enfants. On arrête les contestataires. Ces scènes de meurtre à consonnance raciale se multiplient sous l’ère Trump et sont devenues insupportables. Le maire, hué par la foule, s’est réfugié dans un commissariat.
– A Minsk et ailleurs en Biélorussie, la colère populaire a éclaté et le dictateur autocrate en appelle à l’armée pour ‘’régler le problème dans le sang’’, après deux semaines de contestation. Non content de piper les élections présidentielles, il fait arrêter et torturer la population mal-pensante à tour de bras. Malgré une certaine habitude de ce genre de choses, les Biélorusses trouvent cette barbarie insupportable. Aux prises avec une prétendue ‘’agression occidentale’’, l’ogre, dans son bunker, cherche son refuge dans une intervention armée du grand frère russe. L’injustice se ressemble d’un continent à l’autre. La géopolitique se cache là où notre peur nous contraint.
* 24 août – Ronds dans l’eau au Mali. Le putsch militaire à Bamako est condamné par l’Afrique, par la terre entière, mais pas par le peuple malien. On s’habitue à ce mode de succession par les armes où un militaire prend la place d’un autre et cela devient la norme. Le colonel Goïta et ses comparses assurent qu’ils veulent »respecter les traités » et ils ont reçu poliment la délégation de la CEDEAO venue leur faire la morale. »Rassurez-vous, on n’a tué personne, on n’est pas des Loukachenko ! ». Leur programme est un tissus de vagues intentions : créer un comité de transition, qui »révisera en profondeur les fondations de l’Etat et sera dirigé par un officier-Chef d’Etat; Mettre en place un gouvernement de militaires avec quelques civils; Placer en liberté surveillée le président IBK et son premier ministre; Songer, peut-être, à des élections dans trois ans. »Ah bon, alors il ne s’agit donc pas d’un putsch militaire ! ». La réaction des notables de la CEDEAO est d’une naïveté désarmante, à moins que ce ne soit que pure complaisance. La face est sauve mais le Mali paraît dans le déni de sa situation d’Etat failli. Les jihadistes de tous poils sauront-ils en profiter ? Il est assez probable que l’hostilité aux interventions étrangères française, européenne, du G 5 et de l’ONU tiendra lieu de ciment à une unité malienne chimérique. Aucun acteur local n’exprime sa détermination à contrer vigoureusement le jihadisme. En France, des voix averties commencent à s’élever pour un retrait pur et simple du dispositif Barkhane, avant que ce soit un Afghanistan.
* 23 août – Pensées de Bibi (c’est dimanche !). Bien malin qui sait ce que l’Histoire retiendra de l’actualité du jour ! Prioriser les phénomènes et les accidents de parcours qui présagent notre futur est en partie affaire de subjectivité. Car il y a des évolutions inédites dont on devine la nature systémique émergeante : tout ce qui tient à la mondialisation (un phénomène très ancien), par exemple : l’épidémie de SARS 2-Covid et la dizaine d’autres qui prolifèrent plus ou moins sur la planète ou le » jour du dépassement’’, qui nous rappelle notre surconsommation irresponsable des ressources de la planète. Quelle inertie nous force à l’adoration des marchés et de la finance (une vraie religion globale, sauf en Europe), qui, pourtant, jette dans le chômage, l’assistanat ou la misère des franges de plus en plus larges de l’humanité ? Face aux perspectives sinistres du climat – sujet n° 1 – la désunion bloque toute action dans l’urgence, chacun y allant, au fond, de ses intérêts égoïstes. Elle nous confronte en ordre dispersé aux injustices du ‘’système’’ et nous confine dans de stériles querelles de dogmes entre groupes-lobbies. Ajoutons-y les guerres commerciales et technologiques, conduites entre blocs hostiles, qui étaient amis il y a peu encore, l’emprise sur nos esprits du marketing publicitaire et la confusion intellectuelle alimentée par les réseaux sociaux, le contrôle numérique et la fragmentation mentale du monde selon des critères pernicieux, ethniques, religieux, communautaristes, nationalistes chauvins, etc. Voulues par des dirigeants médiocres, avides d’en tirer profit, les guerres se multiplient comme jamais depuis 1945, à la fois locales et de dimension régionales (par le jeu des interventions extérieures). La Paix n’est plus un impératif et le lien qu’elle entretient avec tous les autres grands défis d’avenir est perdu. L’esprit de belligérance et l’intolérance provoquent à leur tour l’abandon progressif du contrôle des armes de destruction massive, des canaux multilatéraux de la coopération et, plus grave encore, celui du droit – comme source de protection des gens et de leurs droits. Qui s’inquiète alors du délitement des institutions démocratiques sous couvert de l’urgence antiterroriste ou sanitaire, ou encore, de la fin des solidarités du développement qui assuraient une certaine cohésion sociale au monde ? La contagion populiste comble ce vide, avec son brouillon désir d’en finir avec la paix et la démocratie. Ah oui, j’oubliais : le fait du jour ? Un début de solidarité avec le peuple biélorusse qui veut sortir de la dictature et le regard ambigu de Moscou sur la question.
* 22 août – Radeau de la Méduse. La pandémie du Covid aurait-elle été mise à profit pour discrètement refouler vers la Turquie un millier de naufragés parvenus dans les eaux grecques ?C’est ce que révèle le New-York Times, en précisant que leurs embarcations ont, à cette occasion, été mises en panne pour empêcher tout retour vers l’Europe. Laissées à la merci des garde-côtes turcs, la plupart auront sans doute connu une fin tragique. Athènes nie fermement avoir violé les lois de la mer, mais le HCR confirme, à mots couverts, que ce mode de refoulement puis d’abandon a bien eu cours, de nombreuses ONG ajoutant qu’il est même devenue une norme pour les autorités grecques, mais aussi italiennes et maltaises. En fait, depuis 2015, l’Europe est bien dans le déni des réalités du monde et obsédée par l’idée ‘’d’externaliser’’ le traitement du problème, ‘’pour n’y plus penser’’. Comment sermonner la Grèce quand ce pays est économiquement exsangue et, lui aussi, abandonné à son fardeau de frontière extérieure maritime de l’UE sans que la solidarité supposée des 27 n’ait allégé sa charge ? Le dispositif ‘’Dublin’’, si cher à nos dirigeants, écrase les Etats de la périphérie pour désengager ceux de l’intérieur. Son maintien handicape la Grèce, l’Italie, l’Espagne, Malte, Chypre, etc. De plus, après le coût humain et économique prélevé par la pandémie, l’intrusion dans les eaux orientales de l’UE d’escadres turques armées imposant leur »prospection gazière » interdit de fragiliser les pays voisins du Grand Turc par des polémiques avec eux. Bref, ce ne sera jamais le moment de poser honnêtement la question de notre déshumanisation vis-à-vis des exilés, qui est aussi celle de la régression du droit humanitaire en Europe. D’ailleurs, hormis les ONG, qui s’intéresse encore à la question ?
* 21 août – Navalny. Il y a des jours où le sujet s’impose… tristement. Empoisonné par une main ‘’protégée’’ et sûre de son impunité, le principal opposant russe, Alexei Navalny – un fou intrépide, qui ose dire la vérité et risquer sa vie tous les jours – est entre la vie et la mort, à Omsk, dans un hôpital sibérien délabré. L’Homme a fermement dénoncé la récente réforme de la Constitution votée par référendum qui permet au président russe de rester au pouvoir jusqu’en 2036. Il s’intéresse aussi aux mouvements de protestation qui se font jour en Sibérie. Plutôt que de le sauver, les médecins attendent qu’il ‘’évacue ses toxines’’. En effet, les poisons sont mis au point au sein du FSB : il ne faudrait pas que des médecins étrangers puissent les identifier et confirmer l’homicide d’Etat. La priorité du Kremlin est de protéger un système de pouvoir fondé sur l’assassinat comme outil de gouvernement, qu’importe si Poutine lui-même est dans la boucle ou non ! Aussi, l’avion médicalisé dépêché à Omsk par l’Allemagne attend son passager sans motif probant. C’est la tentative d’assassinat la plus politique depuis la ‘’liquidation’’ de l’ex-vice premier ministre Boris Nemtsov, en 2015, devant les portes du Kremlin. La même méthode (la tasse de thé empoisonnée) a été utilisée contre Anna Politkovskaïa, en 2004 ( la journaliste s’intéressait aux crimes contre l’humanité en Tchétchénie). Alors que les Russes observent, médusés, la révolte de leurs voisins biélorusses contre le tyran, cette manifestation de mépris du pouvoir poutinien à leur égard aurait de quoi réveiller leur conscience.
* 20 août – Bazar sans nom, au Mali. On peut s’attendre à tout, après le putsch des colonels maliens contre le président Keita. Tous les scénarii sont glauques, même si, vu de l’extérieur, la seule question qui compte est : »cela va-t-il profiter aux jihadistes et rendre l’engagement français, occidental, onusien impossible ou inopérant ? ». Le pire coup d’état est celui provenant de militaires en déroute et accusés (par l’ONU) de crimes de guerre. C’est malheureusement le cas et les classiques promesses de retour à la démocratie n’engageront que les naïfs qui veulent y croire. On en est au »sauve qui peut, chacun pour soi » et la morale politique qui dicte un rétablissements des institutions et la mise au pas de la sédition ne mène nulle part : IBK, le sortant, a lui-même fait tirer sur la foule et son CV n’est pas démocratique. Tous les Maliens le rejettent et les messages de soutien de l’Europe, de l’ONU, etc. ne sont émis que pour le principe. Car l’option électorale, très hypothétique, propulserait au pouvoir le Mouvement du 5 juin et son leader, l’imam Dicko, un crypto Wahhabite, enclin à traiter avec le camp adverse. Une menace se profile pour les quatre autres pays voisins menacés et un revers politique potentiel pour la France. Elle ne dit pas franchement que sa relation avec les Maliens s’est dégradée et qu’elle intervient au Sahel, avant tout pour protéger son propre territoire des attaques terroristes.
* 19 août – De l’eau dans le gaz en Méditerranée. Il n‘est pas aisé de décortiquer les :tensions qui montent en Méditerranée orientale, autour des riches gisements de gaz découverts au large de la Grèce, de Chypre, de la Turquie, de l’Egypte etc. En tout cas, la France a pris le camp gréco-cypriote en déployant dans la zone des forces maritimes et aériennes au moins symboliques. Ces richesses présumées – dont l’exploitation nuira au climat – attisent les conflits entre puissances détentrices d’eaux territoriales et de zones économiques, tant celles-ci sont curieusement taillées. Les archipels grecs et les eaux cypriotes tracent en effet, selon les critères du droit international, des frontières maritimes très désavantageuses pour la Turquie dont les zones concernées sont étroites. Aussi, Ankara refuse d’adhérer aux traités en fixant les limites et renâcle à reconnaitre l’existence de la république de Chypre, ce qui revient à s’en attribuer les eaux, au nom de la partie turque de l’Ile. Pour ajouter de la confusion à la tension, la Turquie a conclu avec les autorités de Tripoli un accord contraire au droit, partageant les zones économiques exclusives selon un axe diagonal du bassin oriental, un vrai casus belli. Par le passé et sur incitation de l’UE, Ankara s’était prêté à la négociation, mais en vain. L’heure est plutôt au passage en force, alors que le pays, profitant de la faiblesse américaine, reconstitue son glacis ‘’ottoman’’, de la Syrie à la Libye et se dote de leviers de chantage sur Bruxelles (les vannes ouvertes au déferlement des exilés). Il s’est durement heurté à la France en violant l’embargo onusien sur les armes livrées à Tripoli, il embarrasse l’OTAN en traitant de façon ambigüe avec la Russie. Erdogan pratique surtout une classique fuite en avant, qui fait des éclats de politique extérieure un dérivatif populiste à ses difficultés internes. Comment faire pour qu’aucun des deux camps, surarmés, ne soit ni humilié ni perdant ? S’investir politiquement, soigner la mégalomanie paranoïaque du sultan turc, renoncer au gaz et passer à l’énergie solaire. Amen !
* 18 août – Claque. Le Conseil de sécurité de l’ONU a rejeté une résolution américaine visant à prolonger l’embargo sur les livraisons d’armes à l’Iran. Seule la république dominicaine a accompagné Washington dans sa volonté punitive, ce qui marque un isolement historique de la diplomatie américaine dans le sillage de son retrait unilatéral de l’accord international sur le nucléaire iranien, en mai 2018. On retiendra la méfiance inspirant les alliés européens comme les autres puissances vis-à-vis des pulsions politiques de D. Trump. Après ce camouflet sans précédent, celui-ci déclare vouloir recourir à un « snapback » dans les jours prochains. Ce mécanisme constitue une sorte de droit de veto à l’envers pour rétablir un statu quo aboli. Plusieurs Etats, notamment les Européens, pourtant en principe favorables à un maintien de l’embargo, ont ouvertement contesté ce qu’il est désormais devenu impossible de nommer le ‘’leadership américain’’. Celui-ci est bafoué parce que beaucoup soupçonnent le président américain de vouloir fomenter une crise autour de l’Iran, pour créer des conditions favorables à sa réélection, dans un contexte truqué d’union nationale contre ‘’l’ennemi’’. Les détracteurs de la politique de Trump n’entendent pas pour autant accorder un blanc-seing à Téhéran, mais entre deux maux… Dans la capitale iranienne, le régime des mollahs jubile. Poutine propose un sommet des cinq permanents du Conseil de sécurité en présence de l’Iran, certain, de cette façon, de sortir les Etats-Unis du jeu onusien (ils ne peuvent y prendre part sans se déjuger) et du Moyen-Orient, au moins sur le plan multilatéral. L’Occident est en miettes, l’Europe, coincée dans l’abstention, la Russie et l’Iran, du côté de l’initiative et les Etats-Unis (outrés) tentés par l’unilatéralisme le plus brutal. En pleine épidémie et crise économique, on ne pourrait imaginer une situation plus malsaine.
* 17 août – Le printemps à Minsk. Ce n’est pas tous les jours qu’en Europe, un peuple se dresse – pacifiquement, qui plus est – contre la tyrannie. Les Biélorusses ne sont plus les champions de la résignation face à la répression imbécile. Ils ne pardonnent plus à A. Loukachenko d’avoir confisqué les élections, de s’être attaqué à des mères de famille, d’avoir lâché les Omons barbares contre sa population, en faisant torturer des innocents. Le week-end de l’Ascension a marqué un tournant décisif dans la démonstration de résistance et d’unité des Biélorusses, à l’appel de la très populaire Svetlana Tikhanovskaïa, la candidate qui paraissait favorisée par les urnes. Ce sont peut-être plusieurs centaines de milliers de citoyens déterminés, qui ont défilé sous les couleurs de l’ancien étendard blanc-rouge-blanc. Une identité nationale autre que celle – clonée – de la Russie se forge dans cette lutte. Les Biélorusses exigent le départ du dictateur, non pas un ‘’passage à l’Ouest’’ comme les Ukrainiens, en 2014. Leurs autres revendications tiennent en la libération des milliers de protestataires arrêtés, la démission des responsables de la répression, le recomptage des bulletins ou l’organisation d’un nouveau scrutin présidentiel. La grève générale est massivement suivie et elle contribue à saper la base politique du Pouvoir, qui repose sur les grands combinats d’Etat. Pire encore pour Loukachenko, de plus en plus fébrile et contradictoire (‘’même mort, je ne vous laisserai pas mettre la main sur ce pays’’), une partie de la police et de l’Armée, inquiète d’avoir à rendre des comptes à l’avenir, s’excuse parfois et hésite à suivre ses ordres. Dans ce contexte, l’allié russe ne joue plus le rôle de dérivatif ni de souffre-douleur pour les dysfonctionnements du pays. Moscou reste l’ultime carte à jouer pour étouffer le Mouvement. Mais Poutine voit son allié comme un crétin utile, assurant un tampon ou un tremplin vers l’Union Européenne. Il ne va pas sacrifier ses propres intérêts à cette alliance de raison purement géographique avec un demi-fou. Par contre, si ce glacis stratégique lui paraissait déstabilisé … Bon courage les Biélorusses !
15 août – Diplomatie en mode pause. C’est l’Ascension, une sourdine est mise sur les affaires du monde. Plutôt que de tonner »n’abandonnons pas une solution à deux Etats en Palestine », le Quai lâche, dans un souffle anonyme, ses félicitations pour la manœuvre de Trump, de Netanyahou et de l’Emir actant le lâchage des Palestiniens par leurs »frères » arabes. Forcément : Abu Dhabi, qui se rapproche d’Israël est un très bon client de notre armement. Nous l’aidons dans son assaut armé du Sud-Yémen, alors… Sur un tout autre front, pourquoi menacer Londres de contre-mesures réciproques à l’instauration soudaine d’une quinzaine sanitaire après l’entrée dans ses frontières. On est devant un problème humain, nous le connaissons en France aussi. Faut-il y ajouter une touche de machisme/ populisme parfaitement inutile ? Les stagiaires qui gèrent le mois d’août s’amusent un peu pendant que les chefs titulaires barbottent.
* 14 août – Percée ou coup de grâce ? L’établissement de relations diplomatiques entre Jérusalem et Abu Dhabi est spectaculaire aux yeux de qui regarde le Moyen-Orient et le conflit israélo-arabe avec les lorgnettes de l’Histoire depuis les accords de Camp David. Depuis lors (1979), seule la Jordanie s’était résolue à franchir le pas, déjà sous la pression de Washington. C’est un beau coup – électoral, mais peut-être, sans lendemain – pour la diplomatie américaine, qui en a conçu le plan, dans la perspective d’une convergence entre Israël et les monarchies du Golf. Pour ces dernières, la reconnaissance officielle de l’Etat hébreu n’est qu’une formalisation des multiples liens établis officieusement. Elle crée surtout l’ébauche d’une coordination voire d’un front commun incluant la plus forte armée de la Région, face à l’ennemi commun iranien doté d’armes de destruction massive redoutées. Ceci ne manquera pas de relancer les tensions avec Téhéran. B. Netanyahou, en difficulté avec la justice de son pays, redore pour pas cher son blason d’homme d’Etat. Sans réellement s’engager à modérer la colonisation rampante et constante des terres cisjordaniennes et des Palestiniens qui les occupent, il flatte son électorat extrémiste. Les Palestiniens sont en effet les grands perdants, lésés par Washington et abandonnés par leurs voisins arabes au-delà de quelques faux-semblants. Assimilés aux fantômes d’une crispation anachronique, ils n’intéressent plus et sont plus que jamais réduits à soumission et dépossession par Israël. Ils constatent au passage la triste fin du plan Abdallah pour constituer deux états séparés. Ce plan arabe conditionnait toute reconnaissance d’Israël à la création de l’Etat palestinien sur les territoires occupés, avec Jérusalem-Est pour capitale. Faut-il alors multiplier les éditions spéciales des médias pour célébrer une ‘’ percée’’ diplomatique ?
*13 août – Silence, on coule ! Une contraction de son PIB de 20,4 % au deuxième trimestre, le second score du monde le plus désastreux face au coronavirus (47.000 morts !), en proportion de sa population, un blocage de la négociation des différents chapitres de ses relations avec l’UE assorti d’ un couperet tombant fin-octobre, un démarrage boiteux de sa stratégie du grand large réorientant son commerce hors du marché unique, l’absence de passeport financier pour les banques de la City opérant en Europe et en €uros, une forte chute de popularité de son nouveau premier ministre, des tractations conflictuelles sur les pêches, un début de polémique avec la France autour des exilés traversant la Manche sur des embarcations de fortune (fichus accords du Touquet !), le Royaume-Uni de l’après-Brexit fait face à des tempêtes tous azimuts. »Global Britain » se profile mal. Il semblerait qu’avec toutes ses certitudes et son indéniable spécificité, elle se soit plutôt placée sur une pente ‘’libanaise’’. Sa superbe se trouve réduite à peau de chagrin. Tout en reconnaissant la gravité de la situation, le ministre britannique des Finances, Rishi Sunak, a assuré qu’aucun citoyen ne serait laissé pour compte. Il y aurait donc un modèle social ? C’est moins que clair. « S’il y a des choix difficiles qui devront être faits, nous traverserons cette tempête’’. On le souhaite sincèrement, mais avec quelle stratégie et surtout quels appuis ? En déplacement aux Etats-Unis, la ministre du commerce international n’a même pas obtenu la levée des sanctions commerciales frappant son pays, encore moins le ‘’traitement spécial’’ tant convoité. Six mois et une pandémie plus tard, le bilan n’est pas flatteur et la self-estime de grande puissance se voit sérieusement écornée. Reste la fuite en avant populiste, amorcée depuis 2016. Va-t-on aussi larguer la démocratie dans un pays qui est quasiment l’inventeur de sa forme moderne ?
* 12 août – Tous pourris, qu’ils dégagent ! Surtout quand il s’agit de la classe politique d’autres pays, l’expression du ras-le bol fait secrètement plaisir. Avec ce slogan un rien populiste, mais qui défoule les citoyens écœurées, où vont donc le Liban, l’Iraq, l’Algérie, le Soudan, la Biélorussie, etc. ? C’est une chose que de dénoncer – à raison – la corruption, le clanisme, l’incompétence, s’en est une autre, quand on est le peuple et que l’on contrôle donc aucune institution, d’influencer réellement le cours de l’économie, d’inventer de toute pièce un plan B qui tienne la route. Sans doute, certains y pensent et sont même prêts à opposer au Pouvoir en place des coalition hétéroclites, où certains considèreront la violence révolutionnaire comme légitime, d’autres, non. Leurs programmes se focalisent sur les libertés, l’honnêteté, mais en matière de stabilité, de protection sociale, de gestion économique, ce peut être le vide absolu et l’échec assuré. Sans une tête de file populaire, sérieuse et charismatique, l’existence de ces mouvements peu structurés est éphémère. Avec un chef trop musclé, on recréera in fine une autre forme de dictature. Dans tous les cas, l’Armée est là, détentrice de la force et apte à l’imposer, sans régler les problèmes : l’Egypte, l’Algérie, les milices chiites irakiennes, le faux partage du pouvoir au Soudan, la Biélorussie encore. Un changement de régime se prépare sur une période longue, après un tri dans la classe politique permettant de promouvoir ceux qui pourront l’accompagner, une période de résistance pacifique avec des hauts et des bas, des appuis à trouver dans l’Armée/ la Police et dans l’appareil de la Justice. Pas évident !
* 11 août – Barbarie et amertume. Les a-t-on assassinées parce que six d’entre elles étaient françaises, employées par une ONG humanitaire ? Et que la France, est perçue en ‘’force occupante’’ face aux jihadistes ? Les huit victimes se rendaient dans un parc du Niger où vivent les dernières girafes d’Afrique de l’Ouest. Peu après avoir passé le poste de garde, à quelques pas de la route principale, leur véhicule a été pris sous le feu d’hommes surgis à moto. Cela s’est passé dans le seul espace considéré ‘’sans danger’’ pour la sécurité. Que le coup vienne du GSIM ou de l’Etat Islamique au Grand Sahara, ce qui est plus probable, c’est la démonstration magistrale qu’aucun recoin du Sahel n’échappe à leur capacité d’action. Poursuivre les criminels s’impose. Mais il faudrait aussi s’inquiéter de ce que le crime suscite ou non la compassion des Nigériens de la région… et comparer les soutiens populaires qui vont au Jihad à ceux qui vont à Barkhane. Il y a là peut-être une réalité amère.
* 10 août – Statuquo à Minsk. Des bulletins de vote visibles à la ronde, des urnes opaques, un décompte réalisé avant-même le vote, intégrant une partie par correspondance soigneusement truquée, la présidentielle biélorusse apparaît tout aussi frauduleuse que les précédentes. Résultat, selon l’agence officielle : 80,3 % des voix en faveur de Loukachenko et 9,9 % concédés à sa rivale inattendue, Svetlana Tikhanovskaïa. Pour rappel, le pays n’a pas organisé de scrutin jugé libre depuis 1995 et l’accession de l’impétrant au pouvoir. On s’est habitué aux élections falsifiées. La grande différence est qu’une opposition s’est récemment constituée, à l’initiative d’un groupe de femmes courageuses et qu’elle est populaire. On peut donc redouter des victimes, alors que des manifestations à Minsk mais aussi à Brest, Pinsk, Gomel et Grodno déclenchent une répression violente. ‘’Equipements spéciaux’’ et arrestations collectives sont mis en œuvre pour disperser les rassemblements. Il y aurait déjà des blessés et un mort. Loukachenko s’est engagé à ce qu’il n’y ait »ni perte de contrôle ni chaos » dans le pays. Il faut dire que la sinistre situation des droits humains au ‘’Belarus’’ ne passionne pas. La géopolitique prime : Moscou comme les Occidentaux se méfient de l’autocrate irascible mais lui reconnaissent un mérite, celui de veiller à ce que son pays ne bascule pas en bloc d’un côté ou de l’autre.
* 8 août – Effet boomerang. Les sanctions décidées par les Etats-Unis contre onze dirigeants de Hong Kong sont «sauvages» et «déraisonnables», affirme le secrétaire au Commerce de Hong Kong, Edward Yau. Ce haut responsable du territoire estime que ces mesures auront des conséquences négatives pour les entreprises américaines. Cet effet boomerang n’est pas faux. Le recours à des sanctions pour montrer ses muscles sans ouvrir la moindre porte de sortie à la partie visée, frise la crétinisme populiste. Les électeurs jubilent, les rancœurs s’incrustent, la justice n’y gagne rien. Mais c’est ainsi que fonctionne la politique des Etats-Unis, sans considérer que punir Hongkong c’est faire le jeu de Pékin. Shanghai, qui ne demande qu’à prendre la suite, se frotte déjà les mains.
* 7 août – Apprentis sorciers. Les interventions étrangères en Lybie et, singulièrement, l’expédition armée de la Turquie, déstabilisent la région et créent une menace terroriste pour l’Europe. De fait, Daech refait surface en Tripolitaine, à Sabratha, d’où l’organisation avait été chassée à plusieurs reprises, depuis 2014. Cette ville, située à proximité de la frontière tunisienne, à 70 km à l’ouest de Tripoli, était jusqu’en 2016 une base stratégique de l’État islamique. Une frappe américaine a détruit ce camp d’entrainement, tuant une cinquantaine de jihadistes. Depuis peu, ceux-ci sont à nouveau installés dans les deux camps (Al Tlil et Al Baraem) qu’ils occupaient dans les faubourgs et n’ont plus à se cacher. Réintroduits par la Turquie, depuis l’Egypte et le Moyen-Orient ou libérés des prisons de Tripoli et de Sabratha, ils combattent, en principe, aux côtés des forces gouvernementales de Fayez al Sarraj contre l’armée de Khalifa Haftar. Leur QG est précisément celui qu’avait créé le gouvernement de Tripoli… pour lutter contre Daech ! Il est difficile d’imaginer que ce foyer terroriste activé par deux gouvernements reconnus par l’ONU (!) puisse s’auto-dissoudre dans l’avenir. D’autant plus que ses combattants peuvent facilement se fondre dans le flux des migrants innocents originaires du Maghreb et du Moyen-Orient. Erdogan et al Sarraj sont coupables d’un jeu déstabilisateur pour la Région et menaçant pour l’Europe. Peut-être, l’ONU devrait-elle s’en émouvoir …
* 6 août – Les deux Chine. L’Institut américain gérant les relations commerciales avec Taïwan a confirmé que le secrétaire américain à la Santé, Alex Azar, prendra bientôt la tête d’une délégation dans l’île ‘’rebelle’’. Il s’agit de la première visite quasi-officielle d’un membre du gouvernement américain en six ans et celle du plus haut niveau à ce jour. Ce sera une première depuis 1979, l’année où Washington a choisi de reconnaître Pékin et de rompre avec Taipei. Ce geste très politique ne manquera pas de heurter la ‘’Grande Chine’’ et d’aggraver les tensions. « Taiwan a été un modèle de transparence et de coopération en matière de santé mondiale durant la pandémie de Covid-19 », relève Washington, mentionnant aussi la ‘’solidité de la confiance mutuelle’’ avec Taipei. »Cela souligne notre croyance commune que des sociétés libres et démocratiques sont le meilleur modèle pour protéger et promouvoir la santé ». Les États-Unis sont le premier fournisseur d’armes de Taïwan mais ils ont traditionnellement été prudents quant à la nature des contacts officiels bilatéraux. Cela change et Pékin réagit en accusant Washington de « mettre la paix en danger », une allusion voilée à sa capacité de blocus ou d’intervention militaire contre sa petite voisine. L’administration Trump veut surtout gêner Pékin, mais elle pose la vraie question de l’isolement injuste d’une démocratie exemplaire de 25 millions d’habitants. Celle-ci mériterait de trouver toute sa place dans le concert des Nations. Les Taiwanais sont certes chinois. Ils n’en sont pas moins respectables. Le langage qui en fait à la fois des compatriotes et une cible à détruire (car libre) est insupportable.
* 5 août – Catastrophe par négligence. L’aide promise par la France au Liban après la double explosion à Beyrouth est acheminée par deux avions militaires. A leur bord est un détachement de la sécurité civile (55 militaires de l’Unité de sécurité civile n.1), 15 tonnes de matériels et un poste sanitaire mobile permettant la prise en charge de 500 blessés. La tragédie du port de Beyrouth est plus violente que tout ce que la capitale libanaise a connu pendant la guerre civile ou du fait d’attaques terroristes. Stocker, en grande quantité, un explosif aussi dévastateur que le nitrate d’ammonium (10 fois la puissance de l’explosion d’AZF), dans une zone urbaine densément habitée, est digne de la gouvernances de Ubu-Roi. C’est une démonstration d’irresponsabilité et de délitement total de l’Etat. Le Liban n’est plus loin de devenir un Etat failli, à dépecé par des seigneurs de la guerre, hélas !
* 4 août – Monarchie en quenouille. En Espagne, la dynastie Bourbon a eu sa part de responsabilité dans l’effondrement de la démocratie, au cours des années 1930. Elle a constitué un axiome non-négociable lors du rétablissement des libertés, en 1978. Celui qui en a été l’acteur principal part aujourd’hui en exil – on ne sait où – pour échapper à la justice de son pays (et à celle de la Suisse) dans une affaire de fraude fiscale et de pots de vin. Bravo, au passage, à l’Arabie saoudite, son corrupteur ! Ce n’est pas un fait divers : cela traduit un naufrage institutionnel. A 82 ans, l’ex-souverain, Juan-Carlos, connaît l’infâmie, après l’opprobre ayant frappé son grand-père, sa sœur, son beau-frère, etc. Reste droit, seul, le roi actuel, Felipe VI, tiraillé entre sa conception – jusqu’ici rigoureuse – de sa charge et de son image et une indulgence un peu coupable pour son ascendant. Car, même si la maison Royale assure le contraire, les magistrats espagnols n’auront aucune chance de remettre la main sur lui.
* 3 août – Des bémols dans le plan de relance européen. Comme on le sait, le Conseil Européen a adopté un plan de relance qui comprend 360 milliards de prêts, et – heureuse innovation – 390 milliards d’euros de mutualisation de la dette. La répartition des fonds se fera en fonction des besoins des pays (essentiellement, le Sud et l’Est) et une participation sera requise de tous via le budget de l’UE. Mais quelques bémols atténuent ce succès :
1 / Cette décision prise par le Conseil a échappé au Parlement européen élu : les tractations ont donc fait ressurgir certains deals étatiques, au détriment de l’intérêt général. Ainsi, de l’obtention de rabais pour certains Etats riches sur leur participation au budget de l’UE. 2 / Les moyens financiers n’ont pas été sérieusement identifiés : participation des États, ressources propres par des impôts ou taxes ? 3 / Plusieurs programmes préexistants devront subir des coupes budgétaires : InvestEU, Horizon Europe, Fonds de Transition Juste, EU4Health, le nouvel instrument de solvabilité des entreprises, Erasmus+, le FSE+, le numérique, le développement rural, l’instrument pour la politique de voisinage, le développement et la coopération internationale, le Fonds européen de Défense. 4 / Le mécanisme de conditionnalité au respect de l’État de droit a été édulcoré et repoussé à des temps incertains. On peut donc rester vigilant pour améliorer le paquet.
* 2 août – Amnésie. Au pays de la mode, l’actualité passe sans marquer durablement les esprits. Il n’est pas dans la nature française d’encore rechercher qui donc a cassé le vase de Soissons. La pandémie, autant qu’elle a focalisé les esprits a accéléré le défilement rapide de nos émotions fugaces… et de nos oublis consécutifs. Dans une chronique intitulée ‘le cercle des peuples disparus’, Patrick Besson pose la question à propos de la guerre de la drogue et des féminicides au Mexique : nulle trace de tout ça depuis que le Covid est passé, avec son horrible facture humaine. Parle-t-on encore de ce qui arrive aux Syriens, exilés à travers la planète, dont le pays est détruit et les logements et les terres confisquées par leurs bourreaux ? Daech est toujours là – comme le virus – mais on regarde ailleurs et, seuls, les enfants des jihadistes français font encore quelques lignes sur les portails d’actualité. Il est vrai qu’on a aussi perdu de vue les Kurdes, qui furent nos alliés, et les Yésidites, tous tombés sous le joug turc et chassés de leurs foyers. Quant aux printemps démocratiques en Iraq, au Soudan, au Liban, en Algérie, ils sont sans doute ‘’normalisé’’, comme c’est depuis longtemps le cas en Egypte. La Libye fait encore la une, mais c’est à cause des frictions entre puissances alentour – dont la France – également de la phobie de flux migratoire et des transactions d’armement. L’avenir de la nation libyenne ne préoccupe guère. Savons-nous ce qui se passe au Venezuela, champion du monde de la récession et de la paupérisation express, qui était une cible obsessionnelle des États-Unis ? Reste-t-il quelques Vénézuéliens au Venezuela, en dehors du président Nicolas Maduro ? En Corée du Nord, Kim Jong-un a plus de chance : on sait que sa sœur a pris le manche, qu’il y a un unique malade du Covid à Pyongyang (un transfuge venu du Sud), mais quid de l’usine à bombes ? L’Amérique n’est plus au rendez-vous… J’allais oublier l’Ukraine, écartelée par les séparatistes du Donbass. Apparemment, ça va durer… ou alors, nous sortir de torpeur. Pas besoin de rallonger la liste : on sature ! Oublions juste un instant que nous (et les médias) avons quasiment tout oublié !
* 1er août – Le virus chamboule la vie (plus ou moins) démocratique, mais pas sur un mode uniforme. A Hongkong, la gouverneure, Carry Lam, prend prétexte de la pandémie – de façon ignominieuse – pour renvoyer les législatives à un avenir incertain, en tout cas sous la botte de Pékin. Pendant ce temps, à Minsk, des femmes courageuses saisissent l’étendard des libertés, face un autocrate usé et incapable de gérer l’urgence sanitaire. A l’approche de l’échéance présidentielle du 9 août, A. Loukachenko, l’unique dictateur de Biélorussie depuis l’effondrement de l’URSS, a resserré les boulons et arrêté plus d’un millier d’hommes susceptibles de le contrer pendant sa campagne, ‘’forcément triomphale’’. Parmi les épouses de ses malheureux, Svetlana Tsikhanovskaïa a eu l’audace de se présenter à la magistrature suprême, appuyée par d’autres épouses de bannis. Le macho moustachu, trouvant la chose amusante, a choisi de la laisser faire. Il n’avait pas prévu la réponse enthousiaste des électeurs à cette candidature, dont le maître-mot n’est autre que de ‘’rendre le pouvoir au peuple en organisant des élections honnêtes et transparentes’’. Le candidat officiel ne parle pas aux électeurs, mais fait la tournée des unités militaires sur lesquelles il compte s’appuyer pour maintenir son règne. En rassemblant d’emblée des foules de dizaines de milliers de citoyens, la ’’ révolution des femmes’’ (plébiscitée par les hommes) va rendre plus difficile la grande tricherie habituelle du jour du scrutin. En attendant la contre-attaque de Loukachenko, on se prend à rêver d’un printemps de Minsk qui mette un terme à la pire tyrannie d’Europe.
* 31 juillet – Soyons compassionnels ! Eructées ou simplement tweetées, les sorties de D. Trump n’intéressent plus grand monde. Les media s’en lassent et les pronostiques électoraux font de plus en plus apparaître l’olibrius de la Maison Blanche comme un looser programmé. De plus, aux Etats-Unis, la perspective d’une récession de l’ampleur de celle de 1929 ne pardonne pas. Justement, l’outrance reste un bon moyen pour détourner l’attention des gens vers des bruits plus »porteurs ». La dernière manœuvre consistait à vouloir reporter les élections du 3 novembre, parce que le vote par correspondance ouvrirait un boulevard à la fraude. Curieusement, en interne, le Parti Républicain a recours à ce mode de scrutin – particulièrement pertinent en temps d’épidémie – pour ses primaires. Aux Etats-Unis, le prétexte du »vote postal frauduleux » est traditionnellement avancé pour dissuader les électeurs afro-américains de participer au scrutin. Car ce sont bien eux qui rallient massivement la candidature de Joe Biden. Qui plus est, la fixation du calendrier électoral incombe au Congrès, pas au Président. A force de roucouler au téléphone avec R.T. Erdogan, D. Trump finit par emprunter ses méthodes au dictateur turc. Compassion…
* 30 juillet – Salade (russe) d’infox. Bizarre… Le président biélorusse accuse V. Poutine de vouloir saborder ses prochaines élections présidentielles et de soutenir ses opposants. Il y aurait donc encore des opposants en vie en Bélarus ? Trente-trois membres du groupe de mercenaires russes Wagner ont été capturés mais 200 environ seraient présents dans le pays. Une liste en a été dressée. La télévision de Minsk étale des images de passeports russes, des liasses de dollars, des manuels d’instruction pour du matériel militaire. On a plutôt l’habitude de voir en Alexandre Loukachenko un comparse de l’Homme du Kremlin qu’un ennemi stratégique et idéologique. Mais les égos hypertrophiés tendent à s’égratigner pour un rien. Et puis, la dictature Loukachenko est usée et son contrôle social s’effrite. De là à tenir des élections non-truquées, on n’en est pas là ! Une autre hypothèse émane des services russes : Wagner utiliserait l’aéroport de Minsk comme hub pour ses opérations de déstabilisation en Afrique. Nous voilà rassurés !
* 29 juillet – Autonomie stratégique. Etait-ce, pour l’Union européenne, le bon moment pour se donner les moyens de ses ambitions ? Les tractations difficiles sur le fonds de relance post-Covid de 750 milliards d’euros, le débat sur l’importance à accorder aux composantes climatiques et énergétiques, dans ce cadre, la focalisation très légitime sur les enjeux sociaux, tout cela a replacé en arrière-plan la nécessaire adaptation de l’Union Européenne à un état du monde de plus en plus dangereux. C’est quand l’économie va bien que l’opportunité d’une action forte est à saisir. Il est donc plutôt rassurant, dans ces temps difficiles, que le chiffrement initial de l’effort de défense européen ait été préservé à hauteur de 7 milliards €, sur les 13 initialement envisagés. Une ‘’Facilité européenne de paix’’ sera dotée de 5 milliards pour financer des opérations extérieures communes et équiper les armées de pays tiers. Tel quel, ce Fonds européen de la défense permettra de lancer des actions concrètes pour augmenter l’opérabilité des forces. Les Etats-majors et leurs extensions politico-militaires existent déjà, montés par Bruxelles ou empruntés à l’OTAN. L’expérience a été engrangée d’opérations d’interposition ou de maintien de la paix ayant requis la participation de plusieurs pays volontaires, notamment en Afrique. Une agence de l’armement a été mise sur pied pour favoriser certains partages entre industriels. La France, l’Allemagne, l’Espagne et quelques autres ont appris à mutualiser leur logistique. Mais le partage du renseignement reste inégal et les moyens, satellitaires et autres, sont très insuffisants et peu performants hors-OTAN. Ne nous cachons pas certaines évidences : la volonté politique n’est pas encore au rendez-vous et lorsqu’elle existe, elle oppose ceux qui veulent se garder à l’Est et ceux que préoccupe le Sud. Le Brexit, cause de l’introversion britannique actuelle, la pandémie également, obscurcissent le regard que certains ne portent qu’à courte vue sur le monde. Et la motivation citoyenne fait défaut…
* 28 juillet – Cloisonnements. L’UE rouvre ses frontières extérieures à une liste restreinte de 15 pays. Mais, à l’intérieur, la crainte d’une deuxième vague conduit plusieurs pays-membres à se barricader à nouveau. Ainsi, les voyageurs de retour d’Espagne sont mis en quarantaine avant leur retour en Grande-Bretagne et en Norvège et la France n’exclut pas de fermer sa frontière sur les Pyrénées. L’isolement est aussi imposé aux Roumains et aux Bulgares se rendant en Grèce. Au-delà, les États-Unis restent fermés aux Européens et réciproquement. L’OMS rappelle que la fermeture des frontières n’est pas un remède probant. ‘’Ce n‘est durable pour personne : ni pour l’économie mondiale, ni pour les plus pauvres de la planète. Vous pouvez ouvrir vos frontières et devoir les fermer dans la foulée, puis les rouvrir à nouveau, etc. … et ça ne donne aucun résultat’’. D’ailleurs, fermer les frontières n’a pas le même impact, dit le chef des opérations d’urgences à l’Organisation, Mike Ryan, ‘’selon qu’il s’agisse d’une petite île – où l’on pourra limiter la propagation du virus à très peu de cas – ou d’un pays continental, avec beaucoup de clusters, où le virus prospèrera de toute façon, sur tout le territoire. Touristes, migrants, hommes d’affaires et familles séparées vont rester dans le brouillard pour un bout de temps…
* 27 juillet – Cyber-cauchemar. Le livre blanc du SGDSN passant en revue la stratégie française de cyberdéfense constate un retard de protection à combler dans ce secteur sensible de la souveraineté, en dépit des efforts récemment entrepris. ‘’La France doit constamment adapter ses dispositifs, hors de tout cloisonnement institutionnel et de toute approche sectorielle exclusive’’, conclut le Secrétaire général de la Défense et de la Sécurité nationale. Depuis 2004, une forme de guerre globale, larvée et furtive, fait de gros dégâts : L’Anssi, l’agence de sécurité numérique, évoque trois sujets de préoccupation majeurs : la multiplication des acteurs, la prolifération des outils offensifs consécutive, notamment, au pillage de l’arsenal américain dérobé par des hackers, enfin, le recours à des mercenaires-esclaves, les trolls. La période du confinement, l’activisme croissant de la Chine et de la Russie, les flottements de la défense américaine n’ont fait qu’aggraver ces évolutions (cf. l’attaque chinoise d’envergure sur l’Australie). Les auteurs de la revue listent sept priorités : le perfectionnement des systèmes de protection, la dissuasion par la capacité de riposte, la souveraineté numérique, les sanctions pénales, la sensibilisation à la sécurité numérique, une Europe sûre inspirant la confiance et une gouvernance collective du cyberspace. Sur ce dernier point, les négociations semblaient bien parties en 2013 mais tout bloque depuis 2019. Est-ce parce que certaines attaques se sont montrées si efficaces que de grands acteurs misent désormais tout sur leur capacité offensive ?
* 26 juillet – Le virus, impossible de n’y plus penser. La course folle du coronavirus repart à la hausse, avec plus de cas asymptomatiques et des patients plus jeunes. A ce jour, 196 pays, 14 millions de personnes sont affectés par la pandémie et 616.317 décès ont été enregistrés, un doublement en deux mois. Une seconde vague se profile en Afrique, jusque-là à peu près épargnée. Avec 5 000 décès, l’Afrique du Sud alarme l’OMS. À Madagascar, en Zambie ou en Namibie, le nombre de cas explose. L’Amérique latine flambe aussi. Avec plus de 80 000 décès – presque 1.000 par jour – le Brésil est ‘’hors-contrôle’’. Le Mexique connait aussi une situation critique (40.000 morts), la Colombie place ‘’sous cloche’’ Bogota et Medellin. L’Amérique centrale reconfine les populations après avoir trop vite levé les contraintes. A Tokyo, les habitants sont invités à ‘’rester chez eux’’. La Chine se barricade derrière tests et quarantaine pour tout arrivant aux frontières. La Corée du Nord, en alerte rouge, annonce… un malade, venu du Sud qui plus est ! La Russie préfère se faire oublier. Les Etats-Unis présentent un spectacle de désastre et d’incompétence : 150.000 décès pour 4 millions de malades. La Floride et le Texas sont les plus lourdement frappés. L’affaire du moment reste lapolémique idéologique autour du port du masque (rendu obligatoire dans 28 États sur 50) ! De son côté, l’Europe (180.887 décès) se prépare à une deuxième vague. Le Royaume-Uni reste le plus touché (45.422 décès) mais c’est en Catalogne espagnole que la maladie rebondit le plus fort. Précisons que ce tour d’horizon n’ouvre pas un grand choix de destinations pour passer les vacances.
* 25 juillet – Mars ou crève ! Tianwen-1, la première mission chinoise vers Mars a décollé le 23 juillet, depuis Hainan, quelques jours après le lancement de la première mission émiratie, et une semaine avant l’envoi de la mission américaine « Perseverance ». Le but de Pékin n’est pas moins que de rattraper l’avance prise par la NASA, notamment par la sonde Discovery, depuis l’orée du siècle. Dans le contexte sino-américain de nouvelle guerre froide scientifique et militaire, l’exploration de la planète rouge présente, comme, dans les années 1960, celle de la Lune, une part d’enjeux stratégiques. La fenêtre de tir de trois semaines voit converger plusieurs expéditions concurrentes dont certaines lancées par des puissances spatiales émergentes. La volonté de se hisser sur la scène spatiale pour magnifier leur prestige politique est patente dans le cas des Emirats Arabes Unis, dont la mission Hope, ‘’made in USA’’, ne comportera qu’une rotation en orbite (sans atterrissage) et une sorte de spectacle pyrotechnique censé être visible depuis la Terre. L’Inde avait envoyé son premier orbiteur martien, « Mangalyaan », en 2013, mais elle a depuis décidé de reporter ses efforts sur Vénus, comme la Russie. En 2024, le Japon lancera une mission de retours d’échantillons de Phobos, la Lune de mars, qui pourrait permettre de rapporter des échantillons de Mars. Quant à l’Europe, la mission « Beagle 2 » de l’ESA avait échoué, en 2003, comme celle de l’atterrisseur expérimental « Schiaparelli, en 2016. Elle s’est, depuis lors, associée à la NASA pour équiper ‘’Perseverance’’. Faut-il craindre une militarisation rampante de l’espace ?
* 24 juillet – Malheureux Liban, piégé par son histoire ! Premier pays arabe à être entré en guerre civile, il a beaucoup tardé à en sortir par sa ‘’formule magique’’ de répartition communautaire du pouvoir. Il se retrouve, aujourd’hui, ruiné et désorganisé par ce même postulat communautariste. Ses générations montantes ont dénoncé, depuis octobre 2019, les méfaits croissants du clanisme et des clientélismes, corrupteurs et même mafieux. L’irruption du Covid 19 a anéanti ce soubresaut de lucidité citoyenne. Pacifique, trans-communautaire mais sans structure ni tête de lige, le mouvement a poussé un premier ministre à la démission mais il n’a aucunement neutralisé l’oligarchie politico-financière. Celle-ci s’accroche et l’économie du pays, trop tertiaire, trop spéculative et trop négligée, chute en vrille à un rythme-éclair. Pauvreté, chômage et désespoir progressent de façon exponentielle, comme autant d’invites aux interférences de puissances extérieures, dont le Hezbollah pro-iranien constitue l’illustration typique. La France, dont l’amour pour le Liban fluctue entre légende et fidélité, peut-elle contribuer à refonder ce pays ? ‘’Aidez-nous à vous aider ! ’’, lance J-Y LeDrian, en visite à Beyrouth. ‘’Les réformes sont attendues depuis trop longtemps », ajoute-t-il en reconnaissant que la forte poussée populaire pour le changement a malheureusement échoué. Au-delà de l’incantation, la France ne peut guère que se proposer en intermédiaire de bons offices en direction des organismes de crédit, FMI en tête. Les Libanais menant les négociations ne sont sûrement pas ceux qui pourraient porter le renouveau du Liban.
* 23 juillet – Aux armes ! Le monde post-Covid (ou pré-élections du 3 novembre) a-t-il besoin d’une confrontation sino-américaine tous-azimuts ? L’administration Trump semble le croire, même si l’’’hégémonisme global’’ de la Chine de Xi Jinping offre effectivement des motifs de préoccupation. En ordonnant sans préavis (trois jours !) la fermeture du consulat général de la RPC à Houston, Washington pratique une fois de plus la politique de l’huile sur le feu : faire monter les enchères, attiser les rancœurs, récupérer la mise sous forme de vote souverainiste. ‘’C’est une escalade sans précédent des récentes actions américaines contre la Chine… elle viole gravement le droit international… s’ils devaient insister sur cette mauvaise voie, la Chine réagirait avec de fermes mesures de rétorsion », a commenté le porte-parole chinois. On peut certes compter sur un atavisme chinois en matière de rétorsion. »La Convention de Vienne dit que les diplomates d’État doivent respecter les lois et règles du pays hôte et ont le devoir de ne pas interférer dans les affaires internes de cet État » rétorque son homologue américain. La mesure vise à »protéger la propriété intellectuelle américaine et l’information privée des Américains‘’. Telle est la facette disciplinaire d’un texte destiné à énoncer des immunités. »Les États-Unis ne tolèreront pas les violations de notre souveraineté et l’intimidation de notre peuple par la Chine, tout comme nous n’avons pas toléré les pratiques commerciales injustes, le vol des emplois américains et d’autres comportements flagrants’’. Espionnage, infox et concurrence technologique. Il ne resterait qu’à opérer des mouvements de troupe pour parfaire une déclaration de guerre dans les formes
* 22 juillet – Têtes de turc. « La France regarde avec beaucoup d’attention les témoignages relayés par la presse et les organisations de défense des droits de l’Homme » concernant les Ouïghours », déclare Jean-Yves LeDrian, devant l’Assemblée nationale. Détentions massives (un million d’internés sur une population de 15 millions), disparitions et travaux forcés, surveillance de masse, destruction du patrimoine culturel et religieux, stérilisations par la contrainte… Paris, après plusieurs pays anglo-saxons, condamne à son tour le traitement violent que le régime de Pékin inflige à sa minorité musulmane de culture turque. L’internement collectif y constitue une pratique « inacceptable », qui nécessite le libre accès au Xinjiang du Haut-Commissaire aux droits de l’Homme des Nations-Unies. Sur France Info, Bruno Le Maire, a lui aussi évoqué une pratique « révoltante et inacceptable, et (que) nous condamnons fermement ». Simultanément, Washington annonce placer sur liste noire onze entreprises chinoises impliquées dans des violations des droits humains et dans la répression au Turkestan et Londres y va aussi de sa dénonciation. Le problème n‘étant pas nouveau, ce durcissement procède soit de la pression des ONG et de certains élus (peu probable), soit d’un mouvement d’ensemble des pays occidentaux aiguillonné par les Etats-Unis, soit encore, d’un calcul de posture pour marchander, sur le plan commercial, avec Pékin. S’y greffe, peut-être aussi, une préoccupation vis-à-vis de la présence persistante de jihadistes ouighours dans les mouvements terroristes au grand Moyen-Orient. Si les droits de l’Homme constituent le vrai motif de cette fâcherie – car Pékin va sûrement riposter – il faudrait se démarquer de D. Trump, le pire des avocats pour cette cause. En fait, on voudrait bien savoir…
* 21 juillet – Encore vivante mais pas sauvée. La négociation-marathon, conclue ‘’au bord du gouffre’’, au bout de quatre jours, sur le budget septennal et le programme de 750 Mds € de relance économique pos-Covid n’annonce pas le ‘’nouveau monde européen’’ que certains autosatisfaits proclament. Mais, le fait qu’elle ait pu aboutir sur un compromis acceptable permettant de mobiliser 390 milliards d’euros de subventions pour les États les plus frappés par la pandémie, manifeste une saine résilience et la volonté des 27 de rester ensemble. C’est rassurant. 40 milliards sur les 390 mds de subventions seront attribués à la France pour son plan de relance de 100 milliards d’euros sur deux ans. Ce plan sera présenté dans le détail lors du conseil des ministres de rentrée le 24 août. Sur ces 40 milliards d’euros, une dizaine devrait aller à la transition écologique. Une vingtaine sera dépensée sur l’emploi, le reste allant à la consommation des ménages modestes. Ne serait-ce pas le moment de s’entendre sur l’harmonisation de la fiscalité et des affaires sociales ? Et, parlons-en aussi, de la coordination des efforts pour accélérer la transition environnementale, la mise au point des énergies nouvelles, la revitalisation des terres agricoles ? On compte plus sur l’Europe que sur n’importe qui d’autre.
* 20 juillet – Inhumanité. Le 14 juillet, on pouvait encore croire qu’un sursis serait accordé par la Cour Suprême à Daniel Lee qui, dans la prison fédérale de Terre Haute (Indiana), aurait dû être mis à mort la veille. On pouvait espérer que les appels formulés permettraient aux condamnés de vivre au moins jusqu’en novembre. En 75 ans, la justice fédérale américaine n’avait exécuté que treize condamnés, aucun depuis une quinzaine d’années. Or, Daniel Lee a finalement mis à mort, ce jour-là, après être resté sanglé quatre heures durant sur la table d’injection. Les familles de ses victimes, tenues d’y assister, ont choisi d’échapper à ce spectacle sinistre, arguant du Covid pour refuser de se déplacer. Le complice de Lee et cerveau des trois meurtres qui leur sont reprochés, a pu, lui, bénéficier d’un avocat haut de gamme et s’en sort avec une peine adoucie. Au final, pour ‘’faire de la place dans le couloir de la mort’’, ce sont trois êtres humains qui ont été exécutés, en quatre jours à Haute Terre. Wesley Purkey, le 16 juillet et Dustin Honken, le 17, après avoir récité un poème de Samuel Barber (le Ciel, mon refuge). Après la torture que constitue la longue attente dans ce lieu inhumain, les victimes du talion, poussées parfois jusqu’à la démence, peuvent accueillir la mort comme la fin de leur supplice. Trump et l’attorney general Barr sont donc parvenus à leurs fins, mais s’ils pensent que cela aidera à les reconduire au pouvoir, ils pourraient craindre un démenti cinglant. En attendant, la justice centrale de la première puissance mondiale affiche le visage hideux de la vengeance. Par un effet de contraste étrange, au même moment, trois Iraniens condamnés à mort (sans qu’aucun témoin à charge ne se soit manifesté) pour leur participation aux manifestations de novembre 2018 contre le prix du pain et de l’essence, seront rejugés et leur peine sera suspendue en l’attente. Des personnalités de la société civile se sont publiquement opposées à cette sentence inepte. Les mollahs, eux, ont écouté …
* 19 juillet – Innovation démocratique. Après le Grenelle de l’environnement de 2007, la France a proposé, avec sa récente Convention citoyenne pour le climat, une forme de débat relativement originale, de nature à répondre à un défi d’ordre universel et, de ce fait, relevant de la géopolitique ; L’idée est de dépasser le niveau des corps intermédiaires pour faire directement dialoguer un nombre gérable de citoyens tirés au sort, aussi représentatifs que possible de la population. L’impulsion venant de la base, le tirage au sort, le temps long (9 mois) consacré la formation et la réflexion, ce ne sont certes pas des inventions françaises mais ces recettes appliquées à un grand pays de 68 millions d’habitants rétifs montrent que l’innovation n’est plus réservée aux ‘’pays-villages’’. Elle peut éviter les tensions habituelles inhérentes à toute perspectives de changement. La leçon a été tirée de la crise des Gilets jaunes. Face à l’expression confuse de la colère ‘’d’en-bas’’, il s’agit de faire parler des voix tout aussi légitimes et populaires, mais tournées vers la mise en œuvre d’un agenda constructif, très large : ‘’réduire d’au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre dans un esprit de justice sociale’’. Il en ressort 149 propositions, regroupées autour des cinq thèmes, couvrant les différents aspects de nos modes de vie ; S’y ajoutent des propositions de réforme constitutionnelle ainsi que quelques pistes possibles de financement sans chiffrage. Ensuite, c’est aux élus du Législatif et à l’Etat de prendre la suite, aux citoyens de commenter. Si cela ne constituera pas, assurément, le sésame absolu, c’est déjà une nouvelle piste que notre démocratie aura tout intérêt à perfectionner.
* 18 juillet – La chaleur sibérienne, un sérieux défi ! Des températures jusqu’à 10 degrés supérieures à la normale font mijoter la Sibérie. Dans la petite ville de Verkhoïansk, près du cercle arctique, le mercure pointait à 38°C, fin juin, contre 20°C en temps normal. Cette vague de chaleur extrême s’inscrit dans la durée, puisqu’elle a débuté dès l’hiver. Ce vaste territoire de 13 millions de km² – plus grand que le Canada – connait une mutation climatique inquiétante, en raison des courants océaniques chauds qui le bordent. S’y ajoutent, au-dessus du pôle Nord, un vortex inhabituellement fort et un système à haute pression qui favorise cette vague de chaleur. On ne sait pas encore s’il s’agit d’un événement sur un an ou du début de quelque chose de nouveau et d’assez inquiétant. D’énormes feux de forêts ont embrasé la région : plus de 275 000 hectares sont partis en fumée dans la République de Sakha, provoquant l’émission de 59 mégatonnes de CO2 dans l’atmosphère, un record absolu, qui accélère le réchauffement climatique. Au total, quelque 9,26 millions d’hectares ont été touchés par les incendies depuis l’été dernier, avec des conséquences tragiques pour les forêts. Surtout, la hausse du mercure entraîne la fonte du permafrost, cette couche de glace pouvant dépasser 1 000 mètres d’épaisseur. Des virus et des bactéries d’un autre âge, congelés dans le sol, sont réactivés par la chaleur. On doit à ce phénomène l’effondrement d’une centrale thermique en Arctique causant le déversement de 20 000 tonnes de fioul dans la rivière de l’Ambarnaïa, en juin. Il pourrait provoquer l’effondrement de villes entières, au nord du cercle polaire. Aux yeux des climatologues, la fonte du permafrost sibérien constitue une vraie ’’ bombe climatique et sanitaire’’.
* 17 juillet – La Perse et la Soie. L’Iran se porte mal, on le sait, tant aux plans économique, social et sanitaire. Pour sortir de l’étouffement, Téhéran recherche désespérément des alliés extérieurs et se tourne logiquement vers Pékin, le principal client de son industrie pétrolière. Un client qui apparaît, en fait, moins fiable, tant il se montre prudent à éviter des sanctions américaines. Mais, le rapport de force lui est si favorable qu’il incite à conclure rapidement un accord de coopération stratégique sur 25 ans. Ce projet, dont le texte a été récemment révélé par les milieux nationalistes iraniens – qui sont vent debout contre son adoption – porte sur 400 milliards de dollars d’investissements chinois : 280, dans l’industrie pétrolière et gazière et 120, dans le réseau routier, les chemins de fer, les aéroports et les hautes technologies. Le document prévoit l’établissement de zones de libre-échange dans le nord-ouest et le sud du pays, le développement de la 5G, de même qu’une coopération militaire plus poussée. Le président Hassan Rohani est mis sur la sellette par son prédécesseur et par les Gardiens de la Révolution, qui l’accusent de s’apprêter à ‘’vendre à la Chine’’ l’économie du pays. L’Affaire est en tout cas symptomatique de la façon de procéder du géant chinois – y compris à l’égard d’une puissance régionale majeure – dans sa volonté de développer les ‘’nouvelles routes de la Soie’’. A court terme, on ‘’offre’’ – à crédit – tout ce qui favorise l’expansion économique de l’Empire du milieu. On contrôle le commerce, les communications et les infrastructures, dans un souci d’exclusivité. Dans un second temps, on confisque éventuellement les avoirs à l’origine de la dette et on ignore, bien sûr, les règles et les recours du système multilatéral. Une sorte de ‘’colonisation de marché’’ où le cash remplace les canonnières. Il est vrai que durant les crises financières des années 1990, les monétaristes occidentaux, inspirés par Milton Friedman, avaient montré la voie.
* 16 juillet – Manège maritime mode européen. Au terme de quatre opérations de sauvetage dans les zones maritimes de recherche de l’Italie et de Malte, qui ont permis de secourir 180 exilés dont vingt-cinq mineurs, l’Ocean Viking de SOS Méditerranée a tourné en rond deux semaines dans les eaux internationales, à la recherche d’un port d’accueil. Ses appels n‘ont reçu aucune réponse de la part des autorités maritimes de La Valette et de Rome. Le navire a connu alors une situation de détresse critique : maladies, tentatives de suicide, pénuries, révolte de certains passagers… avant de pouvoir enfin débarquer les rescapés en Sicile. Cette situation, dangereuse pour l’équipage comme pour sa cargaison humaine, est le résultat des tergiversations de l’Union européenne. Celles-ci ont fait de lourds dégâts humains au cours des années passées et si les Etats concernés l’avaient voulu, il aurait été mis un terme à ce type de scandale récurrent. Les exilés à bord fuyaient l’enfer libyen. Certains avaient subi la torture et souffraient de sérieux traumatismes. Le droit humanitaire oblige à les protéger rapidement, pas à les repousser au large de l’Europe, une spécialité de l’agence Frontex. Le respect du droit international et des valeurs européennes nécessiterait de sortir des à-peu-près et des ambiguïtés. On attend toujours ce mécanisme pérenne d’accueil, dans le respect des droits et de la dignité, que ni le Parlement, ni la Commission ne parviennent à faire adopter aux Etats-membres.
* 15 juillet – Scénarii-cauchemars. A l’occasion du 14 juillet, le Chef d’Etat-major des armées s’est exprimé sur l’état des forces françaises engagées dans les opérations extérieures. Pour lui, la rapidité de la dégradation sécuritaire est frappante à l’occasion de la crise pandémique. Trois théâtres sont mentionnés : le Sahel, où « Barkhane », renforcée à 5 100 hommes, aurait marqué des points face à la filiale régionale de Daech ; l’espace atlantique, devant le regain d’agressivité russe ; la Méditerranée et le Levant, surtout, où les tensions sont exacerbées par les interventions de puissances extérieures. Le CEMA se soucie de la constitution de foyers jihadistes, importés du Moyen-Orient, à proximité du flanc sud de l’Europe. Il décèle le risque d’y faire converger des flux migratoires, pour des actions de chantage ou autre. Aussi, les armées maintiennent leur engagement au large de la Libye avec l’opération « Irini », dans le canal de Syrie et au Levant, où des frappes importantes ont lieu dans le détroit d’Ormuz (mission de surveillance Agenor). L’hypothèse reste envisagée d’un engagement stratégique majeur s’ajoutant aux missions actuelles d’intensité limitée. Agissant en coalition (OTAN ou autre), la France mobiliserait alors 27 000 militaires, dont des capacités de commandement, deux brigades interarmes – environ 15 000 soldats – ainsi qu’une force aérienne et maritime. Le combat pourrait être de très haute intensité au niveau tactique, avec des pertes importantes, mais le général n’imagine pas pour autant, une guerre totale. Toutes les gradations seraient possibles, le conflit s’annonçant de nature hybride. Doit-on se sentir rassuré par la vigilance qu’on nous donne à voir ou perdu quant à l’identité des ennemis qui nous veulent tant de mal ? Il est vrai que le flou est volontaire et inhérent à ce genre d’exercice rhétorique. Le général parlait-il aux Français… ou à d’autres ?
* 14 juillet – La paille, la poutre… »Nous le disons clairement: les revendications de Pékin sur les ressources offshore dans la plus grande partie de la mer de Chine méridionale sont complètement illégales, de même que sa campagne d’intimidation pour les contrôler », a déclaré Mike Pompeo,le secrétaire d’Etat de l’administration Trump. L’offensive américaine contre Pékin se propage à tellement d’aspects de la politique chinoise qu’elle finit par traduire une humeur agressive plus que des préoccupations réelles. Ses tenants électoralistes et même populistes n’échappent à personne. Pourtant, certains griefs mériteraient d’être entendus : citons en exemples le sort révoltant fait aux populations ouïghoures du Turkestan chinois (Xinjiang) ou l »écrasement des libertés fondamentales et du statu quo »un pays, deux systèmes », à Hongkong. Mais la diplomatie américaine confère plus d’importance aux sujets sécuritaires (le grignotage des îlots et des ressources de la Mer de Chine du Sud) et économiques qu’aux droits fondamentaux des gens. En fait, au même moment, l’administration se démène pour rétablir l’exécution de la peine de mort dans le système fédéral et pour enfermer les migrants. Washington est surtout très mal fondé à juger les failles de la politique chinoise, quand sa principale »contribution » au monde actuel est la destruction méthodique et systématique du droit international et de l’ordre multilatéral, sans lesquels la paix et la stabilité sont dangereusement fragilisés.
* 13 juillet – Mémoire coloniale. La mémoire coloniale compte parmi les vestiges de l’Histoire les plus délicats à gérer. La Belgique possède un certain mérite à vouloir ‘’faire parler ‘’ son passé commun avec le Congo, le Rwanda et le Burundi. Dans la foulée des manifestations mondiales « Black Lives Matter », un pas a été franchi avec l’expression des « profonds regrets » par le roi Philippe, le 30 juin. L’AfricaMuseum de Tervuren a été chargé de la sélection des personnalités à consulter. Le choix reflète encore largement l’ancienne école des études coloniales. Est-ce à cette institution passéiste de fixer unilatéralement la composition et les modalités de travail de la future Commission ‘’Vérité et réconciliation’’ (CVR) – curieux emprunt à l’Afrique du Sud – censée produire une vision consensuelle du passé ? Comment les personnalités africaines pressenties par la seule Belgique pourront-elles travailler avec des historiens connus pour leur refus de reconnaître les atrocités commises au Congo sous la férule personnelle du roi Léopold II ? Ce premier comité devrait rendre un rapport préliminaire le 15 septembre. Il recherchera non pas la réconciliation des nations concernées mais à « faire la paix sur le passé colonial ». Ceci, à l’intention des Belges plus que des Africains. Pour couronner le tout, l’absence persistante de consensus entre les historiens belges pourrait bien, dès le départ, perdre le processus dans les sables.
* 12 juillet – Gilets noirs. Le Mali, confronté à la pauvreté, à la corruption, aux tensions ethniques et au jihadisme, est-il en passe de devenir un Etat failli, un maillon faible de plus dans le front sahélien de ‘’résistance’’ à l’offensive continentale d’Al Qaïda, de Daech et de leurs nombreux affiliés ? Pour répondre aux tensions quasi-insurrectionnelles qui soulèvent Bamako, le président Ibrahim Boubacar Keïta annonce la dissolution de fait de la Cour constitutionnelle (en fait, la suspension du mandat des juges). L’Institution avait invalidé une trentaine des résultats des élections législatives de mars-avril. La coalition hétéroclite des contestataires, dite ‘’mouvement du 5 juin’’, demande la démission du Président. L’arrestation de certains des principaux leaders a versé de l’huile sur le feu et fait passer un vent de folie autour de la mosquée où prêche l’imam Mahmoud Dicko, l’inspirateur présumé de la contestation. Dans l’autre bord, Ibrahim Boubacar Keïta, 75 ans, au pouvoir depuis 2013, réitère une offre de gouvernement d’ouverture politique « consensuel, composé de cadres républicains et patriotes et non de casseurs et de démolisseurs du pays », pour laquelle il ne semble plus très crédible. Le mécontentement se focalise aussi contre la dégradation sécuritaire et l’incapacité de l’Etat à y faire face, contre le marasme économique ou le discrédit qui s’attache à des institutions corrompues. L’escalade du type ‘’gilets jaunes’’ s’inscrit dans un contexte d’effondrement régional. Cet élément déstabilisateur de plus rend imprévisible l’avenir de l’un des pays les plus pauvres du monde. Cela alarme les voisins africains, la France et les autres partenaires extérieurs du Mali.
* 11 juillet – Résistance. L’entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong est loin de l’avoir freiné la vitalité démocratique de l’ancienne colonie britannique. Optant pour sa participation aux législatives de septembre, l’opposition hongkongaise tient ses primaires, ce week-end, en mode semi-clandestin, malgré la menace que fait peser sur elle la nouvelle loi de sécurité nationale. Celle-ci, on le sait, est censée réprimer la subversion, la sécession, le terrorisme et la collusion avec les forces étrangères. Elle se veut une réponse au mouvement de contestation populaire lancé il y a un an, pour la non-tenue de l’engagements de Pékin à instaurer le suffrage universel. La police a perquisitionné le bureau de l’lnstitut de recherche sur l’opinion publique (HKPORI) qui pilote l’organisation du scrutin. Un doute en résulte quant à l’honnêteté de la future élection. Par ailleurs, Joshua Wong appelle sur Twitter à manifester partout dans le monde. Son slogan, « Friday for freedom : Free Hong Kong ! » constitue un message risqué tombant sur le coup de la nouvelle loi liberticide. Sa résistance sans concession l’expose à des mesures de répression. Il n’avait que 8 mois, en 1997, quand Hong Kong a été restitué à la Chine contre la promesse de respecter le principe d’un pays, deux systèmes, son autonomie totale administrative, économique et législative, ainsi que son mode de vie, pendant 50 ans. C’est-à-dire jusqu’en 2047.
* 10 juillet – ‘’Les affaires de Hongkong relèvent des affaires intérieures de la Chine et aucun pays n’a le droit de s’en mêler ‘’, a déclaré le porte-parole de la diplomatie chinoise. »Certains pays devraient faire preuve de prudence en paroles comme en actions ». La mise en garde sévère fait suite aux propos de J-Y Le Drian, comme quoi ‘’ la France n’allait pas rester inactive’’ sur la question hongkongaise et ‘’envisageait des mesures, le moment venu, en coordination avec les autres pays européens’’. On a l’habitude des réactions sèches de Pékin ponctuées de sous-entendus inquiétants, mais il est frappant que dans cette affaire, l’existence d’un engagement de droit, conclu avec le Royaume Uni en 1984 et validé aux Nations Unies, ne soit même plus mentionnée. C’est une sortie de la légalité internationale, au nom de l’envie de réprimer qui l’on veut. En 1989, l’écrasement de la révolution manquée de Tiananmen n’avait pas été aussi cyniquement justifié. Il est vrai que la posture de ‘’montée en puissance pacifique’’ de la Chine se traduit par de nombreuses frictions avec le monde extérieur : guerre commerciale, technologique et sanitaire avec les Etats-Unis, pied de guerre en Mer de Chine, notamment autour des îles Paracels, impliquant une demi-douzaine de nations (le Vietnam, en pointe), propos guerriers à l’égard de Taiwan, cyberattaque d’ampleur sur l’Australie, réticences ça et là, surtout en Europe, envers les ‘’nouvelles routes de la soie’’, lesquelles après avoir inondé le monde d’infrastructures chinoises aboutiraient à des situations de monopole du contrôle des échanges par le pays ‘’bienfaiteur’’, ce, aux dépens des institutions multilatérales. L’UE commence à faire la part des choses entre le langage iréniste de la propagande chinoise et la réalité – plus brutale – de cette montée en puissance. D’où la nécessité de faire taire les voix – même timides – telle celle du ministre français.
* 9 juillet – Guerre hybride. A coup de virus informatique et de bombes-laser, Israël et l’Iran se frappent sans merci … mais discrètement. Ce conflit larvé a commencé il y a une décennie, lorsque Jérusalem, épaulée par la CIA, a secrètement introduit un programme dévastateur dans le cyber-contrôle des programmes d’enrichissement du combustible nucléaire iranien. Une formule anonyme et efficace, qui a retardé de plusieurs années la progression vers la bombe. Tsahal a, par ailleurs, régulièrement bombardé, en Syrie et aussi en Iraq, des détachements militaires de pasdarans iraniens ou du Hezbollah. Téhéran n’a pas bronché mais s’est mis, à son tour, au cyber-sabotage, attaquant les logiciels de gestion de l’eau en Israël. Une nouvelle attaque au missile vient de détruire, dans le site iranien »secret » de Natanz, l’équipement de mise au point d’une nouvelle génération de centrifugeuses. L’impression est celle d’une guerre circonscrite et sans publicité, assez typique de la façon dont les Etats s’affrontent en évitant l’escalade. Israël comme l’Iran a besoin d’un ennemi extérieur suffisamment effrayant pour conditionner sa propre population et bétonner le pouvoir en place. Mais, ce jeu du chat et de la souris encourage la prolifération nucléaire à moyen terme bien plus qu’il ne la bloque. L’Agence Internationale de l’Energie nucléaire est la grande perdante. La fureur monte. Qui sait ce qu’il en sortira, le jour où le jeu dépassera les acteurs ?
* 8 juillet – Malheur aux vaincus ! Bachar, avec l’aide de la Russie et de l‘Iran, a repris le contrôle du territoire, à l’exception d’une partie de la province d’Idlib, mais la crise humanitaire est loin d’être surmontée. Des millions de civils souffrent de la faim et de l’absence de soins. Le seul soutien à leur survie vient des Nations Unies et transite par deux sites transfrontaliers depuis la Turquie. L’ouverture de ces points de passage est soumise au vote du Conseil de Sécurité tous les six mois. Moscou refuse d’ouvrir plus largement l’accès des secours. Pékin appuie en sous-main cette position anti-humanitaire. Aussi, la résolution belgo-allemande visant à ouvrir de nouveaux canaux d’acheminement a été contrée. La menace d’un double veto – annulant le peu qui est fait actuellement – a amené les autres puissances à renoncer à l’extension de l’aide. L’obstruction russo-chinoise est largement dénoncée mais les deux capitales n’en ont cure. Le droit humanitaire et, tout simplement, l’humanité ne sont pas dans le registre des totalitarismes.
* 7 juillet – Espionnage et marivaudage. Il est très rare que des agents du gouvernement français soient jugés aux assises pour trahison et intelligence avec une puissance étrangère. Surtout à la DGSE. Un tel procès se déroule pourtant à huis clos, deux décennies après les faits. Arrêtés en décembre 2017, deux fonctionnaires du contre-espionnage sont accusés d’avoir été retournés contre leur propre pays. Ils étaient en poste à Pékin, à la fin des années 1990. Il leur est imputé la divulgation d’informations touchant à la défense nationale, notamment d’avoir permis à une puissance étrangère de ‘’pénétrer les institutions françaises du renseignement. Le chef d’accusation est particulièrement grave et implique une trahison durable dans le temps. La hiérarchie non seulement n’a rien vu, mais elle a aussi omis de les maintenir ‘’sous le radar’’, comme il est d’usage, depuis qu’ils ont quitté le service actif. Or, pour l’un, qui entretenait une liaison avec l’interprète chinoise de l’Ambassadeur, comme pour l’autre, qui a touché sans grande précaution d’importantes sommes d’argent, les failles étaient assez visibles dans un milieu professionnel particulièrement rompu à la vigilance. La ‘’piscine’’ a été négligente. Dix ans auparavant, les frasques sexuelles d’un agent de l’Ambassade avec une ‘’chanteuse’’ d’opéra de Pékin (qui s’est finalement révélée être un homme) avaient créé l’émoi : le traître amoureux avait livré en clair la correspondance chiffrée du poste aux services chinois. Ceux-ci doivent bien s’amuser de l’inconséquence française… et en profiter. Ils y reviendront car ils sont plus tenaces qu’on ne peut imaginer.
* 6 juillet – Virus global. Il est peu de phénomènes aussi symptomatiques (le mot s’impose) de la mondialisation qu’une pandémie. Pour notre malheur, l’état du virus est furtif, pernicieux et décalé d’une région à l’autre, du fait de sa propension extrême à se faire oublier pour mieux rebondir en force. Des évidences, certes, mais qui impliquent qu’il y a danger à ne pas observer de près l’état problématique de la maladie Covid de par le à juin. Aucun grand pays ne semble épargné, à l’heure où ni les Etats Unis, ni l’Inde, ni la Russie, ni le Brésil ou le Mexique n’ont encore atteint le pic. En Europe, où le confinement a été mené avec sérieux, des foyers géants ressurgissent, en Allemagne, en Angleterre, en Espagne conduisant au reconfinement partiel des populations. En France, les »clusters » sont très nombreux, même s’ils semblent encore contrôlables. L’Amérique latine ne contrôle pas sa flambée. L’Afrique n’en sort pas, au-delà d’une situation complexe à analyser. Le plus inquiétant, à l’horizon de l’automne, est la seconde vague qui s’amplifie dans l’hémisphère Sud, sous l’effet du retour des températures froides. Après les épreuves du printemps, les populations aspire à l’insouciance. Hélas, de l’insouciance à la négligence fatale, la marge est étroite.
* 5 juillet – Histoire et mémoire. En arrière plan du mouvement »Black lives matter » l’exigence se fait jour d’un regard dur sur l’Histoire, plus conforme à la Justice. Des statues de personnages coloniaux ou liés à l’économie esclavagiste sont déboulonnées. Des patronymes de ces époques sont biffés des plaques de rue. Des chapitres entiers du passé sont, non pas réévalués mais censurés. Ceci, le plus souvent, par des justiciers très peu au fait des réalités ou des débats d’antan. Aux Etats-Unis, la mémoire et l’identité de la Confédération sudiste tendent à devenir tabou, sans souci du rôle fondateur de la réconciliation des deux belligérants et de leurs communautés civiles dans la construction de l’identité américaine. En France, l’effigie de Colbert est taguée devant l’Assemblée Nationale, comme si il avait établi, lui-même, l’exploitation des Noirs (elle était bien antérieure au Code noir, lequel, à sa façon, entendait limiter les abus). L’Histoire est un référentiel positif mais plus encore négatif. Sa fonction n’est pas d’ »éliminer les méchants » mais de tendre vers une vérité aussi objective et consensuelle que possible, que l’on précisera au fil des études. Si on l’efface, si on l’idéologise, on tombera dans le piège des régimes totalitaires voire simplement populistes, qui la récupèrent pour alimenter les fantasmes et les haines. Au pays de Voltaire, il y a encore du travail à faire : écriture de la guerre d’Algérie, ambigüité de l’intervention en Libye, opacité des ventes d’armement, etc…
* 4 juillet – L’Afrique en Russie. Au terme d’un referendum taillé sur mesure pour servir V. Poutine, 78 % des électeurs russes ont plénbiscité la réforme de la Constitution dont l’élément principal est de permettre à l’autocrate de se maintenir à la tête du Pays jusqu’en 1936. A plusieurs occasions, au cours des dernières années, celui-ci avait démenti avoir cet objectif. Mais il en va un peu comme en Afrique… Le ‘’reset’’ des mandats présidentiels a été inséré parmi quarante-six amendements de divers ordres. La participation citoyenne, seul enjeu politique de l’opération, a atteint 65 %, ce qui marque une approbation populaire assez large. Y contribuent la popularité (encore) forte de Vladimir Poutine, le conservatisme social et le besoin chronique de stabilité des Russes, la conception populiste de l’opération sous la forme d’une puissante mobilisation citoyenne, l’omniprésence des urnes (sans offrir les garanties de vrais bureaux de vote), enfin, les innombrables petites manipulations et fraudes aux résultats. Un expert en droit électoral, Andreï Bouzine, compare d’ailleurs le scrutin aux votes à l’arraché organisés en Crimée, à Donetsk ou à Louhansk. De très nombreux retraités auraient ainsi voté, sans le savoir. D’autres sont surtout venus pour les cadeaux. L’indexation annuelle des retraites a constitué le meilleur appât. Peu d’électeurs, en revanche, ont perçu la concentration des enjeux autour de la personne de Poutine lui-même. L’Autocrate a réussi son pari, mais il reste, à son habitude, impénétrable. A 67 ans, il a la possibilité de se perpétuer à la tête d’un dispositif institutionnel modifié ou celle de mettre en selle un / des successeurs(s). Mais l’économie ou l’implication militaire au-delà des capacités de son pays pourraient aussi bien troubler ses plans.
* 3 juillet – Hongkong. Le monde de 2020 ne suit plus la même dynamique collective que lors du Tiananmen de 1989. A l’époque, l’indignation avait guidé les réactions du monde occidental au moins pendant un an ou deux. L’effet CNN, la statue de la liberté en polystyrène, les images de chars … Aujourd’hui, il suffit d’un jour pour que le monde extérieur valide l’inacceptable, moyennant quelques propos désolés pour donner le change. A Genève, une majorité d’Etats a bloqué une motion déplorant la confiscation des libertés des Hongkongais et la mise en place d’une machinerie répressive contre une population dont la volonté d’autonomie ne fait aucun doute. Pire encore, une motion du Bélarus de soutien à l’action policière et à la rupture de l’accord de 1984 sur l’avenir de l’ex-colonie britannique a été adoptée, grâce au soutien d’une majorité d’Etats africains. Le gouvernement de Londres se voit intimer, par celui de Pékin, l’ordre de ne pas accorder refuge aux démocrates hongkongais dont la vie est désormais en danger. Avec le Brexit qui le place au bord du gouffre ou au-dessus du vide, osera-t-il défier la deuxième puissance économique du monde ? Le multilatéral a été démantelé, brique par brique. Avec lui, les valeurs qui fondent notre vision du monde. S’il n’est pas votre électeur ou votre ennemi, l’Etre humain ne compte pas.
* 2 juillet – Tete de Turc. Paris suspend sa participation à l’opération de contrôle de l’embargo sur les armes à destination de la Libye. Une façon de signifier sa mauvaise humeur à l’OTAN, qui n’a pas voulu sanctionner l’incartade de la Turquie et, en particulier, la menace de sa flotte contre Le Courbet. Les Etats-Unis, qui, de tout temps, font leur loi au sein de l’Alliance, n’ont pas voulu trancher. Les alliés européens sont plus prudents, soupesant aussi les accointances saoudiennes et émiriennes de la diplomatie française. Il n’empêche que l’expansion grand-turque sur l’ensemble de la Méditerranée et le mépris de toutes les règles, affiché par le sultan Erdogan, inquiètent l’Europe. Ce dernier recrute ses mercenaires parmi les réfugiés islamistes, en Syrie comme en Libye, et il manifeste une volonté de captation des ressources off-shore aux dépens de la Grèce et de Chypre. Paris saisit l’occasion pour poser en héraut de la cause sud-européenne… et d’une émancipation de l’Alliance de la tutelle américaine, synonyme de »mort cérébrale », selon E. Macron.