1.G – Brèves de Septembre – Décembre 2020

* 31 décembre – Disparition tragique ? Des ours calaisiens nous signalent ne plus distinguer l’archipel britannique, antérieurement sur l’autre rive de la Manche. Le brouillard ne cacherait plus qu’une absence béante. Où donc serait passée la galère UK ? Selon certaines sources à confirmer, des promeneurs auraient vu passer les falaises de Douvres au large de la Galice espagnole. Le doute n’est plus permis, la destination finale du Royaume Brexiteur doit être Singapour, à l’issue d’une régate d’étape avec la Vendée-Globe. A ce que l’on dit, les rameurs du Capitaine Johnson consacreraient leur rare temps libre à l’appretissage du mandarin chinois.

* 30 décembre – Cap sur 2021. L’Ours n’est pas connu pour sa clairvoyance prospective, même lorsqu’il chausse ses lunettes et savoure à petites gorgées son thé bio. La rédaction du blog est bien consciente que ce serait abuser de la confiance de ses chers lecteurs que de prétendre annoncer 2021 dans les détails. On va se contenter de choses basiques.
Tout d’abord, les paradoxes ont la vie dure. L’année qui s’en va s’était ouverte sur un grand mouvement d’émancipation des peuples privés de la démocratie. Du Soudan à l’Algérie, de l’Irak à la Thaïlande, ils nous rappellent que ces valeurs européennes de liberté, de représentativité et de justice que nous avons plus ou moins chassées de nos esprits (au profit de la protection et du tout sécuritaire) restent un phare pour l’humanité. La magnifique résistance de l’Amérique démocrate à la toxicité du mandat de Donald Trump a conduit à une première victoire sur le mal. Joe Biden, dont on attend des myriades de miracles, projette une première lueur d’espoir sur l’an qui vient. En Europe, le soulèvement pacifique du peuple biélorusse contre la tyrannie devrait nous remobiliser solidairement. L’obstacle géopolitique qu’y oppose le Kremlin est pour une bonne part contournable, l’Ukraine et la Géorgie l’ont démontré. De plus, l’humeur n’est plus aux élargissements aventureux de l’OTAN ou de l’UE. La volonté politique, la confiance dans les valeurs démocratiques ont singulièrement faibli dans l’Union européenne, que l’on voit de moins en moins fidèle aux valeurs universelles de la DUDH de 1948. Les ventes d’armes en Arabie saoudite, aux Emirats et à diverses autocraties manifestent un repli mercantile de la politique extérieure. L’absence de réaction forte à l’asservissement de Hongkong, résultat d’une répudiation des traités par la RPC ne marque pas à cet égard une décolonisation ratée de plus. C’est un renoncement au droit international et aux droits humains en particulier. Un réveil des consciences est souhaitable et possible dès lors que la pandémie et surtout l’appauvrissement des économies auront dissipé leurs effets et que nous serons capables de renouer avec nos valeurs fondatrices.


Constatons pour nous en réjouir que, les autocrates ont encore plus mal géré la pandémie et ses conséquences que les politiciens occidentaux, sauvés qu’ils sont par la répartition des pouvoirs et par la transparence des affaires publiques, lesquelles ont permis les réajustements et les correctifs indispensables. Lui-même malade, Poutine essaye de cacher l’ampleur de la catastrophe sanitaire russe. Son agressivité guerrière s’en trouve émoussée et il doit compenser en surenchérissant par la cyber-guerre et l’assassinat. R.T. Erdogan ruine son pays en même temps qu’il en décime l’élite. Il a gagné trois guerres contre les Kurdes, l’opposition libyenne de Haftar et l’Arménie, mais il commence à faire patte douce quant à ses prétentions sur les ressources de la Méditerranée orientale tant l’économie turque se retrouve à bout de souffle. Même Xi Jinping a senti passé le vent du boulet au début de l’épidémie de Covid 19, après qu’on se soit aperçu qu’il avait caché au monde la réalité, telle qu’à Wuhan, pendant au moins trois mois, ce qui n’a pas manqué de susciter une suspicion à l’international. Il est vrai que d’offensive de propagande sanitaire en offensive sur les nouvelles routes de la soie, la Chine a réussi le tour de force opportuniste de s’imposer en moteur principal des affaires géopolitiques du monde. Aux côtés des Ouighours, les Tibétains et les avocats et les blogueurs chinois en paient le prix fort. L’affichage de l’hégémonisme et de la puissance stratégique mettra-t-il en danger l’état de droit et le multilatéralisme que Pékin veut abattre tout en prétendant y adhérer ? C’est un enjeu sur une décennie entière et il pourra être mesuré dans la croisade mondiale qui s’est mise en branle sur la sauvegarde de la biodiversité et du climat. Bonne Année !

* 24 décembre – Be sovereign ! Le retour du Royaume Uni à son indépendance totale s’effectue dans un vent de folie. Onze mois de négociations sans écoute et ponctués de marches arrières pour en arriver à lâcher du lest, dans la précipitation et le désordre, à quelques jours du gong final ! A l’heure de rédiger la brève, il est impossible de dire si ce marathon du dernier carat va aboutir ou faire flop. On se bat griffes et ongles sur quelques quotas de poisson, insignifiants à l’échelle des enjeux économiques ; on fait le black-out sur les questions relatives à la gestion loyale de la concurrence sur le Marché Unique ; on laisse la City de Londres à son sort, mais l’Euro va lui courir un peu partout où la souveraineté britannique s’apprêterait à fléchir. Incroyable paradoxe d’un rétablissement de souveraineté qui se fait en taillant des croupières à celle-ci !

A ce qu’on en sait mais qu’il reste à confirmer, Londres aurait accepté que le processus économique d’unification de l’Irlande se confirme autour d’une fusion douanière et monétaire de la République d’Eire et de l’Ulster britannique, consolidée par une frontière (douanière) extérieure passant en Mer d’Irlande. C’est la solution sauvegardant l’accord de paix du vendredi Saint 1998, acceptée par Londres dans l’Accord de Séparation de 2019, puis aussitôt abrogée par une loi de souveraineté adoptée par le parlement de Westminster. Ce méchant procédé n’aura servi à rien. Tout a basculé avec la victoire aux Etats Unis de ‘’l’Irlandais’’ Joe Biden, qui s’est clairement rangé du côté de l’Union. Impossible de contrer l’Europe, les Etats Unis et l’Irlande en même temps : Boris Johnson a du manger son chapeau. Dans la foulée et c’est bien plus qu’un détail, le même arrangement devrait prévaloir avec Gibraltar (rendu économiquement, monétairement mais aussi sur le plan migratoire à l’Espagne, donc à l’Europe) et sur le territoire des bases anglaises de Chypre (idem). Le Royaume Uni ne garderait alors qu’une souveraineté nominale – défense, affaires internationales non-économiques – sur tous ces territoires, quasi-décolonisés par les effets de l’après-Brexit. Avec leur chauvinisme un peu naïf, les tabloïdes britanniques crient déjà ‘’victoire !’’ et présentent Johnson en habile Père Noël. Attendons que le réveillon passe et que les chauffeurs de poids lourds, dûment testés, soient rentrés en France, ils sera toujours temps, Outre-Manche, de se réveiller avec la gueule de bois…

* 23 décembre – Centrafrique : la faillite absolue. Depuis la chute de l’Empereur aux diamants, SM Bokassa 1er, en 1979, la Centrafrique a sombré dans les troubles civils et la déliquescence de l’Etat, au point d’être devenue l’archétype parfait de l’Etat failli (irrécupérable). C’est bien pour cela que la France s’est désengagée, en 2018, de son intervention inutile dans les multiples clusters de guerre civile et de banditisme associé, qui ont jeté cette population dans la violence et la misère. La force onusienne, MINUSCA est restée sur place dans un état d’impotence pitoyable. L’accord passé à Libreville, en 2008, entre groupes armés belligérants, reste depuis lettre morte. Ala faveur d’élections qui auront lieu le 27 décembre et dont on peut se demander quel est le sens en de telles conditions (donner bone conscience à l’ONU ?), le général Bozizé, ancien putschiste militaire réélu plusieurs fois dictateur, tente un retour dans l’arène du pouvoir. Quel que soit le gagnant, il aura peu de chance de pouvoir rétablir des institutions, lesquelles n’existent plus depuis les années 1990, et encore moins faire cesser les affrontements sanglants dans les campagnes entre Chrétiens et Musulmans, mais aussi entre ethnies, entre groupes sociaux agriculteurs et nomades, etc, tous exacerbés par les mouvements de migration que génèrent les guerres civiles soudanaises.

Depuis 2012, des organisations à majorité musulmanes nettement plus puissantes que les forces armées, dites FACA, se sont regroupées au sein de la Seleka, laquelle est contrée par des milices supposées chrétiennes, les anti-Balaka. La prise de pouvoir – surtout à Bangui et dans les autres villes – par la Seleka en mars 2013 a été une expérience totalement traumatisante, en dépit d’une brève tentative vaine de formation d’un gouvernement d’union nationale. La vengeance des Sudistes s’exerce à l’encontre de l’ensemble de la communauté musulmane, majoritairement neutre. Dès septembre le pays retourne à l’anarchie et l’envoi d’un contingent militaire français calme la violence sans régler de problème au fond. Néanmoins, l’adoption d’une nouvelle Constitution en 2016 et l’élection à la présidence de Faustin-Archange Touadéra fournit à l’opération française l’opportunité d’un retrait,… vite comblé par l’arrivée de mercenaires russes. En échange de son engagement, Moscou s’installe en maître sur la scène centrafricaine – stratégique pour qui veut rayonner en Afrique – et se fait accorder des droits d’exploitation des richesses du sous-sol. Un accord de coopération militaire est signé avec les autorités de Bangui, les ‘’militaires privés’’ russes veillant sur l’accord de règlement des conflits conclu en février 2019 entre 14 groupes armés locaux et le gouvernement de Bangui. Inévitable coiffe sur l’édifice branlant, des élections doivent se tenir le 27 décembre. Déjà, six groupes armés de l’ex-Seleka et des anti-balaka ont publié le 15 décembre une proclamation dans laquelle ils entérinent  »l’échec patent » de l’accord de paix », puis annoncent leur fusion au sein d’une ‘’Coalition des patriotes pour le changement’’. Cette CPC armée se met en marche sur Bangui, sur fond de nouvelle vague de violence. Des troupes russes et rwandaises sont dépêchées pour lui faire barrage. La suite, pour la trêve de Noël. Après le ridicule aveu de la tentative d’assassinat de Navalny, le Kremlin va devoir faire mieux.

* 17 décembre – Le Bachar biélorusse se porte bien. A la mi-août, le despote de Minsk a du faire face à son peuple, soulevé pacifiquement contre sa gouvernance abjecte et tortionnaire. Le Comité de coordination créé face à la répression sans pitié conduite par Alexandre Loukachenko a suscité une vague de sympathie exceptionnelle à travers l’Occident. Puis, le temps a passé, le despote a persévéré, le drame s’est prolongé dans un halo d’indifférence. Hier, la cheffe de file de l’opposition, Svetlana Tikhanovskaïa, a reçu le prix Sakharov des droits de l’Homme, lors d’une cérémonie au Parlement européen, au moment où l’UE décidait d’élargir ses sanctions contre Minsk. Celles-ci visent notamment des sociétés publiques qui ont été le relais des brimades sociales et physiques contre les manifestants. L’ancienne candidate à la présidentielle, réfugiée en Lituanie, a salué la récompense que lui remettait Bruxelles comme « une motivation, un nouveau départ pour la Biélorussie… Nous sommes destinés à gagner et nous allons gagne ». Stoïque courtoisie, incroyable optimisme !
Son souhait que « tous les Biélorusses qui sont en prison ou forcés à vivre en exil rentrent à la maison », dépend pour beaucoup de ce que l’Union et ses peuples pourront faire pour imposer l’état de droit à Minsk. Il est entièrement à créer, pas à rétablir, et depuis les opérations de reconstruction de la Bosnie et du Kossovo, une expérience a été développée en la matière. Nul doute que cette capacité des Européens est perçue par Moscou comme une menace absolue et que V. Poutine fera tout pour barrer la route à une Biélorussie démocratique et libre. C’est d’ailleurs pour cela qu’il conserve pieusement en place Loukachenko, pour lequel il ne conçoit, personnellement, que du mépris. Tel est le jeu sans âme de la géopolitique. Le peuple biélorusse ne pourra pas éternellement se faire matraquer, arrêter, décimé, chaque dimanche et vivre sans ses dirigeants dispersés par l’exile. Le principe d’une reconnaissance occidentale d’un gouvernement biélorusse démocratique en exile s’impose comme voie ultime de justice et finalement, de stabilité, quoi qu’en dise le Kremlin. Ceci est d’autant plus jouable que les résistants du Bélarus sont prêts à tenir compte des contraintes, fortes, de leur théâtre géopolitique. La Finlande a su, en son temps, être libre, démocratique et prospère, sans irriter l’Ours soviétique voisin. La Biélorussie mérite bien au moins cela aujourd’hui.

* 16 décembre – Branle-bas et mille sabords ! Personne ne pensait qu’un dîner à Bruxelles avec Ursula van der Leyen allait infléchir Boris Johnson dans le sens du dialogue. Au terme d’une entrevue ‘’pour rien’’, le constat reste le même : pas question pour lui de renoncer aux aides d’État pour fortifier l’industrie britannique contre les entreprises du Continent; encore moins d’accepter une concurrence à armes égales juridiques sur le marché interne (dont l’objectif paraît être de le dénaturer en simple zone de libre-échange) et à aucun prix, en cas de litige, de s’en remettre à la Cour de justice de l’Union européenne . Electoralement, partager, au moyen de quotas, l’accès aux eaux poisonneuse du Nord de l’Archipel lui est une trahison de la souveraineté retrouvée du Royaume (l’UE étant une nouvelle URSS qui a asservi sa patrie).
Rentré à Londres, le clone autoproclamé de Churchill prépare les esprits à un ‘’hard deal’’, mais proximité du type Commonwealth en moins (l’Australie est l’exemple de référence) … mais surtout évocateur de relations régies par les règles de l’OMC, avec des tarifs douaniers et des quotas. Triste ‘’libération’’ pour le Royaume Uni, pauvre rupture d’avec de proches voisins tenus pour intrusifs sinon pour hostiles. Au-delà de ces flops magistraux, Michel Barnier et à son homologue David Frost sont censés poursuivre le dialogue d’humeurs. Plus qu’à cette simagrée, les opinions publics, de part et d’autre de la Manche, s’intéressent aux mesures d’urgence pour limiter le chaos général aux douanes frontalières. La nature humaine est telle qu’on se prend d’impatience d’être au 1er janvier. Masochisme absolu !

* 15 décembre – Stiletto à double lame. Mohammed ben Zayed (MBZ), prince héritier des Emirats Arabes Unis, fort bien mis de sa personne et au langage châtié, est photographié embrassant comme bon pain le très patibulaire Ramzan Kadyrov, sinistre satrape tchétchène de son état, mis en place par Vladimir Poutine (qui ne le contrôle plus). Le sanglant dictateur est venu à Abu Dhabi lui prêter hommage, toucher quelques prébendes et flatter ses convictions wahabites. A Grosny, Kadyrov vient d’appeler la rue à brûler en effigie Emmanuel Macron et à ‘’s’attaquer aux Français’’. Poutine laisse faire, non-concerné par le défoulement des Tchétchènes, pourtant russes. MBZ n’appelle pas au meurtre mais ne pardonne pas non plus l’impiété des propos sur les ‘’caricatures auxquelles nous (les Français) ne renoncerons pas. Dans le quart d’heure qui suit, Paris l’en remercie et lui présente de nouveaux chars, de nouveaux canons toujours plus excitants. La DGA excelle à lui proposer des séries courtes et dépareillées, de sorte que s’impose un renouvellement, rétrofit ou une mise aux normes du dernier système d’arme sorti. Ainsi, oblige-t-elle l’Emir à remette sans cesse la main à la poche.


Un officiel français lui a-t-il jamais dit quelques vérités évidentes : Que la France viole pour lui le droit international, européen et humanitaire, en fournissant complaisamment les chars Leclerc, les canons Caesar et la panoplie de missiles avec lesquels son armée occupe et s’emploie même à coloniser le sud du Yémen ; Qu’elle se rend complice des crimes contre l’humanité perpétués à l’égard d’une population civile locale, martyrisée par les bombes (saoudiennes) et par les chars (émiriens), massivement privée de son habitat, déplacée, confrontée à la famine et à l’absence de soin… écrasée par le plus grande catastrophe humanitaire que l’ONU recense actuellement. Le gouvernement français n’en a cure, son avidité à ‘’vendre’’ rappelant beaucoup l’entêtement des dirigeants de la IVème République à se figer dans l’amnésie et le déni face au mouvement de décolonisation d’après-guerre.

Mais le Prince est un élégant gentleman, aux poches bien remplies. Et cela compte. Qu’en Libye (où il roule pour Haftar) comme au Yémen, il entretienne des milices de tortionnaires salafistes – qu’en système sécuritaire français, on qualifierait de groupes armés terroristes – ne compte pas. Qu’il ait choisi – pour la conférence islamique mondiale sur l’orthodoxie sunnite – la capitale tchétchène, Grozny, un lieu où l’on tue, sans procès, tout ‘’déviant’’ à la forme guerrière de la Chariah, qu’importe, Paris appartenant au camp des Sunnites du Golfe !; Que ses fondations, Tabah ou Conseil des sages, financent certains des imams les plus virulents qui s’emploient à radicaliser les quartiers sensibles des banlieues françaises… Pas grave, c’est un bon client, pondéré et il faut bien que jeunesse se passe ! On lui fait totalement confiance car aimer la DGA autant qu’on aime Kadyrov, c’est un beau gage de loyauté à son mercenaire préféré ! La France lui a d’ailleurs prêté gracieusement (quelque temps) un navire de sa Royale pour participer à un blocus qui affamait les Yéménites. L’avenir avec lui sera bien évidemment semé de pétales de roses.

* 14 décembre – Galère de cent ans. Nous sommes le 379 décembre 2020. On a arrêté les horloges, hier, à Bruxelles, en prétendant barguigner  »jusqu’au bout » la relation du Royaume Uni avec l’Europe des 27, dite  »post-post-post-Brexit ». Les équipes de négociateurs des deux côtés de la Manche ont été remplacées par des roquets diplômés et menteurs, les précédentes ayant du intégrer des maisons de repos pour surmenage et schizophrénie galopante. Boris Johnson, déguisé en hippie, et Ursula van der Leyen, coiffée d’un casque et bardée de boules quiès, sont à la barre, même si les sujets et les citoyens n’y attachent plus guère d’importance. Le 157 décembre 2020, Vladimir a remis la main sur les Etats Baltes. Le 204 décembre, Bachar al Hassad a tenté un coup d’Etat contre Biden, à Washington. Du coup l’OTAN a du être dissoute. Le Covid 20 sévit ça et là, ce qui incite les démocratures, anciennes comme nouvelles (très nombreuses !), à opérer en sous-sol hermétique. La VI ème République Française a disparu au tournant d’une émeute de rentiers faméliques et furieux. Un gouvernement numérique a été mis en place sous l’autorité de # Google 75, basé à Paris. Il réprime férocement les bonnets noirs opposés au marketing et les populations off-grid. Par ailleurs, le monde  »émergent » paraît avoir été submergé. En tout cas, plus aucune nouvelle, plus le moindre petit exilé tremblant de peur à nos frontières…

J’en reviens au post-Brexit. Les deux camps ont décidé hier de prolonger les discussions, un siècle s’il le faut, jusqu’à un accord bidon. Car leur seul souci est de montrer que  »ceux d’en face » sont les grands coupables. En principe, ce devrait êtret les médias qui sonneront le gong et décideront qui est le plus des deux de mauvaise foi. Un problèmes annexe tient à la guerre de l’information à laquelle se livrent violemment feuilles de choux, mega-portiques, radios ethniques, réseaux associaux et autres bourreurs de mou. Ils ne savent que verser des océans d’huile et de haine sur le feu de la polémique, laquelle maintient, il est vrai, artificiellement quelques vieux populistes gâteux au pouvoir. La galère de cent ans, de part et d’autre de la Manche, pourrait bien ne jamais finir, à la grande satisfaction des milieux bancaires (ils prospèrent sur les lambeaux du Marché unique). Jeanne d’Arc et Bertrand du Guesclin ont été embauchés du côté de Xi Jinping, l’Empereur des Quatre Horizons. D’autres grands héros sont passés à la permaculture néo-paysannne. Mais Boris veut des excuses et la Royal Navy est sur la brèche. Que va-t-il arriver quand on passera directement à l’année 2022… ou 2023 ?

* 12 décembre – L’histoire à l’envers. S’attarder sur la normalisation des relations entre Israël et le Maroc, reviendrait à accréditer que, toute à son aigreur, l’administration Trump soit encore à même de modeler les relations internationales. Peut-être, mais dans une sombre ambigüité et pronbablement sans lendemain. Rabat, qui n’entretient aucune hostilité particulière à l’égard de l’Etat hébreux (du moins, le Palais) et, depuis des décennies multiplie contacts et échanges avec Jérusalem – dont un va et vient touristique de ses nombreux ex-nationaux juifs, partis dans les années 1960 – empoche le gros lot. Ou plutôt pense l’empocher. Que vaut exactement cette reconnaissance américaine de la ‘’marocanité’’ du Sahara occidental ? Mitonnée par des acteurs extérieurs qui ne laisseront qu’une marque discutée dans l’Histoire, c’est dans l’instant, un hommage rendu à la monarchie chérifienne. Celle-ci a fait de l’ancienne colonie espagnole (désertée par Madrid, en 1975), une cause sacrée et le ciment de son unité nationale. Toujours bon à prendre pour le roi Mohammed VI, très conscient que le coup de pouce de D. Trump conforte la stabilité de son trône.

Depuis longtemps, l’Amérique s’intéresse à cette crise et ses émissaires ont longtemps œuvré, avec les Nations Unies, à rendre possible l’autodétermination des Sahraouis. C’est dire qu’à son habitude, Trump défait la pelote laborieusement constituée par ses prédécesseurs, bien qu’en vain. C’est dire aussi que Joe Biden n‘aura pas trop de difficulté à renverser la vapeur, sans remettre en cause le rapprochement de Rabat et de Jérusalem, d’effet secondaire entre deux Etats déjà en paix, mais positif en soi. Depuis 45 ans, le conflit du Sahara occidental reste insoluble. Tous les acteurs ont une part de culpabilité : la France, qui a indirectement déclenché une guerre être Maroc et Algérie, en 1965 (‘’la guerre des sables’’), en omettant une dévolution à Rabat d’une partie du Sahara (et des richesses de son sous-sol), alors qu’elle venait d’en léguer à Alger l’immense partie centrale (le tenue de ses essais nucléaires conduisant à un non-partage inéquitable) ; l’Algérie qui, disputant au Maroc son Grand Sud, a fait tout pour peupler ces terres vides d’une population pauvre de plus d’un million et demi d’âmes et l’a équipée contre le Maroc pour enliser le Royaume dans la crise; l’Espagne qui s’est lavée les mains d’une décolonisation ratée; le Maroc enfin, qui depuis sa Marche verte, met en scène une souveraineté mal assumée sur cette région : gigantesques murs de sable bloquant l’accès, répression féroce des populations refusant sa tutelle, contrôle policier et judiciaire sans pitié des marocains eux-mêmes sur un sujet ‘’sacré’’, truffé de tabous. Personne n‘a, de fait, favorisé, ce droit à l’autodétermination qui est un mantra sacré du multilatéralisme. Le mal de crâne ne risque pas de se dissiper comme par miracle !

*** 11 décembre – L’Union européenne tient la route. Le dernier Sommet européen en fournit l’illustration, alors que les Etats Unis n‘en sont pas encore à sortir la tête de l’eau ou plutôt du champ de mines que sème l’administration sortante, la Russie, s’empêtre dans ses aventures extérieures en s’efforçant de cacher les ravages du Covid 19, la Chine se préoccupe seulement de récolter les dividendes stratégiques de son retour en forme industriel. A Bruxelles, les dirigeants de l’Union ont validé le plan de relance fondé sur l’emprunt mutualisé. Le compromis ‘’allemand’’ permet de rallier Pologne et Hongrie aux outils financiers de l’Union, en accordant la possibilité à ces deux pays de faire recours devant la Cour de Justice de Luxembourg. Le répit acquis en raison des délais judiciaires leur ouvre une fenêtre pour crier victoire et se sauver la face, tout en renvoyant à l’échéance de 2022 la question de fond du respect de l’Etat de droit. Le mécanisme, bien que préservé, semble être limité à des motifs autres que les questions de société (droit à l’avortement, droits LGBT) et les politiques migratoires. Dans ces conditions, on ne pourra pas clamer que l’avenir est désormais dégagé de tout obstacle. L’objectif d’une politique européenne de l’asile et des migrations s’en trouve manifestement écorné.


Par ailleurs, les 27 ont forgé une position commune – des sanctions individuelles, pas trop méchantes – pour répondre aux incursions turques dans certaines de leurs eaux territoriales en Méditerranée orientale. Le résultat qui marquera les esprits tient à l’adoption, in extremis, du plan Climat, élaboré par la Commission. Il incorpore l’objectif d’une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre à l’échéance de 2030 (par rapport à 1990). L’Europe reste donc chef de file international sur l’objectif prioritaire de la protection du climat et de la biodiversité, entrainant États-Unis, Japon et Chine vers la neutralité carbone aux alentours du milieu du Siècle. Ce n’est pas encore le Pérou, mais c’est une contribution de long terme pour les générations à venir. Bonne route, vieille Europe !

* 10 décembre – Le législateur français, réincarnation de Pinochet ? Ce serait très exagéré de prétendre cela, mais il est quand même frappant que, depuis Genève, l’ex-présidente chilienne, incarnation vivante de la résistance au dictateur militaire, actuellement Haut-commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, en appelle aux autorités françaises pour qu’elles se conforment à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. René Cassin, principal rédacteur du texte libérateur dont on fête aujourd’hui le 72 ème anniversaire, doit en pleurer dans sa tombe. En substance, l’ONU réclame le retrait de l’article 24 de la proposition de loi sur la « sécurité globale » ou du texte équivalent ‘’confortant les valeurs de la République’’, perçu comme liberticide et discriminatoire. C’est un soutien spectaculaire apporté aux ONG françaises et aux journalistes, dans leur défense des libertés citoyennes et du droit d’informer. Mme Michelle Bachelet prend, certes, quelques gants : « nous voyons les forces de l’ordre, dans de nombreux pays à travers le monde, faire montre de violence, de racisme et pratiquer des contrôles aux faciès. Depuis longtemps, ceci nous inquiète et nous demandons que ces problèmes soient être traités urgemment »… ‘’L’article 24 nous préoccupe particulièrement. Et c’est pourquoi nous disons qu’il devrait être révisé et, j’imagine même, retiré’’.

Le projet de loi, on le sait, a été adopté le mois dernier en première lecture à l’Assemblée nationale française. Face à l’émotion qu’il a soulevée, la majorité présidentielle a annoncé, après coup, que l’article 24 interdisant la diffusion d’images des membres des forces de l’ordre dans l’intention de nuire à leur intégrité « physique ou psychique », serait réécrit. Dans les faits, l’atteinte à l’intégrité psychique d’un policier commence là où son humeur s’aigrit, voire dans les bouillonnements fascisants de certains syndicats de la corporation, lesquels détectent le plus souvent un ennemi en tout citoyen. C’est l’image de  »guerre contre la population » qu’inculque trop souvent la hiérarchie (dont on parle trop peu, préférant faire porter le casque aux exécutants) et que forge l’école de formation, un problème éminemment systémique.

Plus généralement, l’ONU s’inquiète de « la possible stigmatisation des Musulmans français », par le bais des propositions pour asseoir les principes républicains. « Nous savons que la stigmatisation peut conduire à de la discrimination, de l’aliénation et à de la défiance envers les institutions gouvernementales ». La France est appelée à ne pas « violer les droits de l’Homme de tout un groupe », même si certains ont commis des actes répréhensibles’’. On peut en effet se demander si l’illégalité du principe (totalitaire) de responsabilité collective est bien prise en compte dans l’ex ’’Pays des droits de l’Homme’’. La seule façon de savoir où l’on en est n’est-elle pas d’écouter ce que disent de nous des institutions et des partenaires extérieurs respectables. A moins de cela, on se priverait du droit de commenter ce qui se passe chez Autrui.

* 9 décembre – Piqure de rappel. Le fait de commencer à administrer de nouveaux vaccins est-il un tour de force géopolitique ? Vous voyez bien la question nous mène. La pandémie de Covid 19 a largement boosté l’autorité des chercheurs et du corps médical, pour le plus grand dépitement des classes dirigeantes. Dès lors, les dictateurs se doivent de prétendre avoir crée  »leur » vaccin et s’empresser de piquer la population moujik ou coolie, sans attendre que le produit ait été testé selon les normes scientifiques et éthiques élémentaires. Des centaines de citoyens-objets se voient donc injecter Spoutnik V ou sino-Vac, espérons le, pour leur bien sanitaire. Le populisme fait à peine mieux. Avec tout le vacarme créé autour de  »son » vaccin, D. Trump a laissé passer l’occasion de constituer des stocks suffisants pour la population américaine.  »Ses » fabricants rencontrent en plus des problèmes de fourniture de réactifs, lesquels sont farouchement en compétition sur les marchés mondiaux. Pfizer vaccine depuis peu au Royaume Uni mais pas encore dans son pays d’origine, où le président sortant voulait  »tout garder pour l’Amérique ». Raté ! Boris Johnson, dont la perspicacité et la franchise politiques ne sont pas les qualités majeures, a pris, sans l’avouer, le train thérapeutique de l’Union européenne, mais en shuntant certains délais de précaution : le voici premier sur la ligne et pardonné de toutes ses bévues … sauf qu’une course se gagne à l’arrivée, pas au départ, quand toute une population est immunisée. Et là, on verra bien qui méritera le trophée.

Le vaccin est donc d’abord à la gloire des dirigeants qui ne l’ont pas créé, une vengeance sournoise sur le mode de la science. Mais le virus étant géopolitique (il redistribue la puissance à travers la Planète), son utilisation politique peut l’être aussi. Ainsi, la Chine va vacciner le long des nouvelles routes de la Soie, une façon de marquer ses zones d’influence et, pourquoi pas, de consolider ses réseaux humains d’influence et de commerce. Moscou vend Spoutnik V à tour de bras, à des prix imbattables, dans une quarantaine de pays. L’Europe et l’OMS (mais aussi la Chine) ont pris des engagements vis-àvis de l’Afrique, perdante désignée du jeu, mais les tiendront-elles pour 1,4 milliard d’Africains, en temps et en heure ? La  »communauté internationale » ne semble guère en passe de se reconstituer, tel le Sphynx, autour d’un enjeu dont chacun admet qu’il est absolument planétaire. Rendez vous sur la ligne d’arrivée, dans un ou deux ans… ou plus.

* 8 décembre – Une énorme erreur ‘’à l’Africaine’’. Juan Guaido, chef de l’opposition vénézuélienne, figure de proue du Congrès de Caracas autoproclamée président par intérimne sera plus le contrepoids effectif qu’il a été pendat cinq ans à la dictature populiste de N. Maduro. Il a eu le tort de prôner le boycott des élections législatives, tenues dans des conditions moins qu’équitables, mais qui restent une boussole nécessaire, dans un pays déchiré, schizophrène et submergé par la misère. Toujours la même tactique simpliste consistant à sortir du jeu politique pour dramatiser un réflexe de colère et de fuite face à un pouvoir inepte. Le régime vénézuélien, taxé d’illégitimité, ne sait rien partager ecore moins écouter la société dans sa diversité. Courant sur le Continent Noir, ce syndrome a fait dérailler les élections et la vie politique de plusieurs Etats d’Afrique au cours des dernières semaines. Mais, par contraste, le Venezuela fut un des pays hyper-riches de la planète et il recèle encore des réserves d’hydrocarbures comparables à celles de l’Arabie. La chute n’en a été que plus vertigineuse.

Le Grand Pôle Patriotique de Nicolas Maduro dispose pourtant d’une vraie base électorale populaire, andine et métis, généralement pauvre et peu éduquée. C’est le legs politique de l’ex-président Hugo Chavez, qui a eu le mérite de la démarginaliser du jeu politique et de lui rendre une fierté bafouée par les gouvernements blancs ‘’pétrolo-américains’’ d’antan. Ce parti autocentré reprend donc le contrôle du Parlement, fort de quelque 67,7 % des 5,2 millions de suffrages exprimés. En fait, avec un ‘’score’’ de 69 % des suffrages (contre 29 %, en 2015), l’abstention a moralement et algébriquement prévalu et elle a institutionnellement perdu, Demain, seule la déroute de l’opposition restera dans les mémoires. La cinquantaine d’Etats de par le monde qui soutenaient Guaido devra bien prendre acte de sa défaite comme de la victoire de l’histrion médiocre et incompétent qui affame son pays à la tête de l’Etat. « Les résultats annoncés par le régime illégitime de Nicolas Maduro ne reflèteront pas la volonté du peuple vénézuélien », a clamé Mike Pompeo, dans une curieuse tournure de phrase au futur. Heureusement, le secrétaire d’Etat américain sera bientôt rendu à sa condition de base citoyenne. Le défi pour l’avenir n’est pas d’accroitre la masse des exilés ni d’humilier les peuples autochtones mais bien de réconcilier les deux Venezuela qui souffrent l’un de l’autre.

* 7 décembre – Les balles de Sissi. Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, est à Paris pour une visite d’État de trois jours. ’’Tapis rouge’’ pour le dictateur égyptien dont la venue est officiellement destinée à ‘’renforcer la coopération franco-égyptienne face aux crises du Moyen-Orient’’. Par ailleurs, l’Égypte compte plus de 60 000 détenus d’opinion, pratique systématiquement la torture et a exécuté une cinquantaine de condamnés à mort rien qu’en octobre. La répression a commencé avec les Frères musulmans, puis elle s’est étendue aux éléments pro-occidentaux du printemps arabe pour être généralisée à tous ceux perçus comme des gêneurs. Al Sissi est copieusement détesté dans la population civile éduquée, celle qui aurait justement vocation à travailler en partenariat avec la France. Mais il nous a acheté les bâtiments de commandement amphibie que l’industrie navale française ne pouvait plus livrer à la Russie – pour cause de sanctions consécutives à l’invasion de la Crimée et de l’Ukraine orientale – et il se montre un consommateur gourmand de Rafale et autres équipements de défense. Qui plus est, il déteste Erdogan et sa Turquie pro-Frères musulmans et se place donc dans notre camp, face à Ankara, tant en Libye qu’en Méditerranée orientale.
Pour les défenseurs des droits humains en France, cette visite a un goût amer. Pas tant du fait du score intérieur horrible du dictateur militaire. Il est à Paris, on peut donc le huer sur son passage et lui faire percevoir en direct et à voix haute la réprobation. Tel est le rôle de la société civile et l’occasion est belle de faire le procès d’un meurtrier dans nos médias et de montrer à toutes ses victimes et tous ses opposants En egypte que les Français sont avec eux. Normalement, ce mur .d’opprobre devrait rendre Al Sissi sobre et modeste devant Emmanuel Macron, au moment de négocier les deals qui nous rapprochent (une affaire d’Etat, qui, elle aussi a sa place au bénéfice de notre économie, en principe). Or justement, cela ne se passe pas ainsi. Ayant tout d’abord affirmé ‘’ne pas avoir de leçon à donner à l’Egypte’’ (donc, même par rapport aux Traités qu’elle a souscrits et qu’elle viole allégrement), l’année suivante, le N° 1 français s’est pris de démocratie et de justice (la situation de droits sous Al Siddi étant qualifiée par lui de ‘’pire que sous Moubarak’’). L’Egyptien, qui le voit sans doute comme un mouton, l’a châtié de sa témérité, très probablement sous la forme de marchés passant sous le nez des industriels du Pays des droits de l’Homme. Alors l’Elysée revient au discours précédent : » pas d’ingérence, chacun gère sa sécurité et sa stabilité’à son idée’’.

Le court-termisme de ces flottements ‘’en même temps’’, selon les circonstances et les intérêts, n’évoque pas l’existence d’une moralité ou de valeurs françaises ni une capacité à arbitrer au sommet des intérêts contradictoires . C’est également indiquer au régime militaire égyptien que le président français désavoue les idéaux de son pays et de son peuple… pour quelques poignées de dollars captées par la DGA. Ce blog n‘a jamais prétendu que les droits humains représentaient la substance unique et exclusive de la politique extérieure. Il y a assurément des actions communes à mener sur d’autres thèmes avec l’Egypte et un intérêt évident à ne pas perdre le lien. Ce qui ne veut pas dire que les exportations d’armement à ce type de régime sulfureux soient, pour le coup, l’Alpha et l’Omega de notre action hyper-flottante dans le monde. Encore moins qu’il faille toujours et encore embrouiller l’esprit des Français sur la complexité d’un tel ‘’partenariat stratégique’’. L’expression couvre la plupart du temps toute vente d’arme anodine à des non-occidentaux. Mais en Méditerranée, elle revêt, pour les intérêts géopolitiques du pays gaulois, une signification plus lourde. Soupeser le bon et le séparer du toxique, si on a l’esprit clair, pourquoi pas ? Mais il faudrait commencer par soigner le crédit international du pays et ne pas abuser ses concitoyens, dès qu’on s’imagine aux abois entre l’argent, la morale et la raison d’Etat.

* 5 décembre – L’Empire du Milieu, une nation polaire ? Russes et Américains renouent avec la Guerre froide (glaçante) en Arctique. Moscou revendique de plus en plus ouvertement un droit d’exploitation – voire de propriété – sur les ressources de cet immense mer gelée, bordée par huit Etats riverains. Pendant ce temps, des brise-glace chinois, tel le Xuelong 2, croisent benoîtement, à l’été, dans les eaux en débâcle du passage du Nord-Est. Elles sont plus aisées à parcourir que le passage Nord-Ouest, revendiqué par le Canada et motif, à ce titre, d’une bisbille entre Occidentaux. Moyennant un droit de péage et le recours à quelques services de la logistique russe, le commerce chinois s’est trouvé une voie express, qui raccourcit d’un bon tiers l’acheminement des marchandises des ports de Mer de Chine jusqu’en Europe occidentale. Acquéreur d’un tel usufruit, Pékin s’estime un peu propriétaire et, paradoxe géographique, s’arroge même un strapontin d’observateur au Conseil de l’Arctique. Regardez la carte : ce passe-droit n’est que pure logique financière !

Etrangère au climat polaire, la Chine fait pourtant du pôle Nord un objectif stratégique : le contrôle de ses nouvelles ‘’ routes polaires de la soie’’. Ce concept extravagant traduit une ambition d’hégémonie globale sur le commerce. Elle a appris la technologie du brise-glace, adapté ses satellites à l’observation de l’environnement polaire, entrepris d’y faire évoluer ses sous-marins et d’aéroporter ses personnels. Elle sera capable de concurrencer la Russie sur son propre terrain, dès les prochaines décennies. Moscou lui a ouvert une porte, par recherche de gains immédiats, mais le regrette un peu désormais, pouvant se retrouver mis au défi dans sa souveraineté territoriale. D’où, peut-être, l’affirmation, ‘’en compensation’’ de ses prétentions sur l’ensemble de la calotte glaciaire, aux dépens des sept autres puissances (un drapeau russe a d’ailleurs été installé sous les glaces du Pôle Nord).
La RPC guigne surtout l’accès aux ressources naturelles, hydrocarbures, pêcheries, nodules sous-marins et terres rares, etc. Elle aborde cet eldorado avec un potentiel opérationnel considérable. Comme la dialectique est inépuisable, ses juristes ont même élaboré un concept de ‘’ troisième pôle’’, assimilant les hauteurs himalayennes à la plate banquise du Grand Nord, par ‘’cousinage de température’’ dirait-on. Pékin, et dans la foulée, New Delhi, obtiendrait à ce titre, un droit de regard plein et entier sur le pôle. Très fort ! Mais cette somme de précédents dangereux, risque surtout d’aviver la concurrence inter-étatique et de faire ressurgir des conflits. La cause écologique est fermement foulée au pied par les puissances riveraines, qui accordent tous la primeur à l’économie. Mais elle progresse  »planétairement », à travers les sociétés civiles. Ceci augure d’une mondialisation de la discorde sur les pôles. Gorbatchev disait en 1987 : ‘’ L’Arctique est l’endroit où l’Eurasie, l’Amérique du Nord et l’Asie-Pacifique se rencontrent, où les frontières se rapprochent… un pôle de paix’’. Oublions tout cela et enfilons nos moufles : l’échange d’arguments va être cinglant !

* 4 décembre – De l’air pur ! L’avenir de la taxe sur les transactions financières (TTF) est au cœur du plan climat européen. Un Green deal doté des moyens de son ambition, plutôt que recourant à l’emprunt, devrait pouvoir s’appuyerr sur les 57 milliards d’euros annuels attendus de la TTF. C’est pour cela que le député européen Pierre Larrouturou a jeûné pendant 18 jours, dans un hall de son hémicycle (en fait, à Bruxelles). A ce propos, où en sont les négociations entre les institutions de l’Union, notre avenir climatique et respiratoire étant géré dans la capitale belge ?
Le débat sur le budget pluriannuel (2021-2027) de l’UE a été bouclé mi-novembre, par le Conseil européen, sur une promesse des chefs d’État de  »prendre en compte » la demande pour cette ressource nouvelle. Mais, à Bruxelles comme à Paris, une promesse passe discrètement aux oubliettes.
Une deuxième négociation s’ouvrira néanmoins, les 10 et 11 décembre, sur les objectifs climatiques de l’U.E. Par peur de ne pas pouvoir financer la transition, certains pays bloquent l’adoption d’une réduction accrue des émissions de CO2. L’avatar européen de la taxe Tobin les aiderait à franchir le pas. S’ils savent disposer chaque année de ces 57 milliards, ils pourront s’engager à isoler leurs bâtiments, développer leurs énergies renouvelables, leurs transports en commun etc. La transition en sera facilitée. Les accords de Paris ne sont pas actuellement mis en vigueur à hauteur des engagement pris. Ils pourraient bénéficier d’une meilleure dynamique, tout en créant des emplois, ce qui est fondamental en termes d’acceptabilité.

L’Allemagne, le Danemark, la Pologne, le Portugal, l’Italie… semblent prêts à accepter de lancer la taxe. Si, au titre des coopérations renforcées, un accord intervenait entre plusieurs pays-membres d’ici 2022, la Commission accepterait de faire de la TTF une nouvelle ressource européenne. Sans un tel accord d’ici 2022, elle convoquera, en 2024, une nouvelle négociation à 27, en vue d’une éventuelle adoption en 2026… trop loin, trop tard ! Il faudrait répondre vite et positivement à Ursula.

* 3 décembre – Le pouvoir est au bout de la fusée. La compétition technologique entre la Chine et l’Occident ne se limite pas au numérique, à la 5 G, aux biosciences. Pékin accomplit un travail de titan pour porter à la pointe son outil spatial comme son arsenal nucléaire stratégique. Historiquement, la Chine était meilleure dans le balistique et le satellitaire que dans l’aéronautique. Peut-être parce que l’AVIC, société d’Etat dont le potentiel de production est centré sur Xi An, tire derrière elle les vestiges de l’ancienne industrie d’armement modelée à l’école soviétique. Beaucoup de copies d’appareils russes y ont été produites, dont le bombardier stratégique H 6 directement dérivé du Tupolev 16, toujours en dotation et particulièrement ‘’vintage’’. Tout change et vite ! Le H 10, qui lui succède promet d’être un rival high-tech du B 2 américain, furtif et toujours top secret. Pour que cet appareil révolutionnaire, doté d’une autonomie de vol intercontinental (10.000 km + la portée de son missile) devienne un joker, il faudrait, selon les spécialistes, qu’un missile de croisière et des ogives miniaturisées ‘’à la hauteur’’ lui soient adjoints. Ca ne saurait beaucoup tarder.

La triade nucléaire chinoise n’est pas le point d’aboutissement, mais plutôt un tremplin. Les missions lunaires des lanceurs Longue Marche sont en voie de construire, discrètement, sur le satellite de la Terre, une redoutable forteresse. Chang E, la sonde envoyée sur la face inexplorée de la Lune, a effectué un prélèvement de deux kilos de roches lunaires. Ce n‘est qu’une étape après la mise au point du vaisseau Shenzhou et avant l’installation d’une base lunaire de ‘’kongjian-nautes’’ de l’Armée populaire de libération. Le retour sur terre des échantillons n‘est pas un but en soi, sinon pour le prestige de la chose. Lorsque le puzzle sera assemblé autour de la station chinoise, il rendra la vie difficile aux satellites civils ou militaires des pays-adversaires. Des copieurs, voleurs ou tueurs de satellites pourraient même opérer depuis la Lune, sans que leur décollage puisse être observé et des armes à faisceau lumineux déployées, ce qui pourrait aussi rendre vulnérables les expéditions américaines et russes vers Mars. Il y a peu de doute que le bombardier nucléaire H 10 trouvera dans cette militarisation de la Lune (prohibée aux termes d’un traité déjà ancien), l’opportunité d’opérer dans un environnement propice. C’est à dire où les systèmes d’alerte de ses cibles auront été neutralisés.

* 2 décembre – Echo vide du monde émergent. Alors qu’en Occident, le buzz est à l’arrivée des vaccins, dans le monde dit ‘’émergeant’’, le Covid 19 plonge des centaines de millions de personnes dans la misère la plus noire. La pandémie affecte chaque recoin de la planète, mais elle est bien plus dure pour ceux qui vivaient déjà sur le fil du rasoir et ont été touchés de faço disproportionnée, par l’augmentation des prix de la nourriture, la chute des revenus, l’interruption des programmes de vaccination et la fermeture des écoles, etc.. On voit désormais la faim regagner du terrain, après quatre décenies qu’elle a régressé (l’insécurité alimentaire aiguë devrait progresser de 82 %). On voit parallèlement une trentaine de conflits ouverts décimer et plonger dans la misère les populations des pays les plus pauvres ; les effets du changement climatique provoquer les déplacements de millions de malheureux. La misère explose et, avec elle, l’espérance de vie chute dramatiquement. Le bilan de la mortalité liée au VIH, à la tuberculose et au paludisme pourrait même doubler l’a prochain. De ce fait, quelque 235 millions d’habitants de 56 pays ne vont survivre, en 2021, aux conséquences de la pandémie que grâce à l’assistance que leur apportera – ou pas – le monde extérieur. Les 20 millions de déplacés du Yémen, ceux de Syrie restés dans leur pays, ceux du Soudan du Sud, les villageois du Burkina Faso et du nord-est du Nigeria entrent actuellement dans un épisode de famine, tandis qu’en Afghanistan et au Sahel, toutes les alarmes passent au rouge.

Si toutes ces personnes affectées vivaient dans le même pays, ce serait le cinquième plus peuplé au monde, disposant peut-être d’un droit de veto au Conseil de sécurité, qui sait ?. Au total, le nombre des personnes en danger progressera en 2021 de 40 % par rapport à cette année, déjà très mauvaise. L’ONU, ses agences spécialisées et les ONG humanitaires associées trouveront-elles les 30 milliards d’€uros qu’il leur faudrait d’urgence collecter pour protéger cette humanité en détresse ? La réponse est très probablement que la mobilisation de fonds ne sera que partielle et insuffisante, car les esprits, au ‘’Nord’’ sont ailleurs, dans l’entre-soi inquiet et autocentré. Les donateurs internationaux n’ont fourni, cette année, qu’un peu plus de la moitié des financements requis (13 Mds € sur 25). Pour le responsable des Affaires humanitaires des Nations Unies, ‘’2021 est la prévision humanitaire la plus sombre que l’Organisation ait jamais établie, de toute son histoire’’. Manifestement, on est encore loin de se poser la question des capacités disponibles pour acheminer le vaccin et l’administrer à toutes ces populations en danger.

*01 décembre – Silence, on coule ! Dans un mois, le Royaume Uni appartiendra juridiquement au grand large et ne sera plus relié à l’Europe que par sa situation géographique outre-Manche. Le début de novembre, puis le milieu, puis la fin devaient marquer le dernier carat pour qu’il conclut, avec les 27, un code de coexistence pratique post-Brexit. Les échéances passent, rien n‘avance. L’apathie s’installe. Hier, le gouvernement de Londres s’est adressé aux entreprises du Royaume, sans inspiration ni stamina. En substance : ‘’préparez-vous à des changements majeurs – non-spécifiés – qui vont vous tomber dessus !’’ Ainsi, on passe la patate chaude… Le 31 décembre à minuit sera très probablement marqué par un réveil en panique, un peu comme si le gouvernement ayant disparu, Napoléon instaurait à son tour un blocus des îles leur interdisant l’accès au Marché unique. Un gâchis annoncé, dont il serait lamentable de se réjouir !
Après des mois de négociations de façade, le projet d’accord de libre-échange sans quota ni droit de douane n’a pas assez avancé pour tenir la corde. L’option d’un accord superficiel (par exemple, sur la seule pêche), renvoyant la solution des autres problèmes vers des temps lointains, reste sur la table. Mais elle ne sert pas à grand-chose. Seule, la victoire électorale de Joe Biden aux Etats-Unis a un peu réveillé les négociateurs de Boris Johnson, en dissipant le mirage d’un ‘’plan B’’ bâti avec les Etats Unis et le Commonwealth. Même si un compromis émergeait avec l’U.E, dans les prochains jours, ce serait sans doute peu convaincant et trop tardif pour qu’un texte conclu au finish puisse être ratifié par les Parlements des 28 capitales.

Alok Sharma, le ministre responsable des entreprises, a donc adressé une belle lettre à près de cinq millions de firmes britanniques, dégageant la responsabilité du Gouvernement. En gros : ‘’silence, on coule : sortez les canots de sauvetage !’’.Paroles grandiose et flegmatiques ! L’Ours du blog ajouterait ‘‘surtout, portez un casque !’’. En conséquence du ‘’No deal ‘’ (ou hard Brexit), les échanges avec l’UE vont être régis par les règles de l’Organisation mondiale du commerce, impliquant de coûteux droits de douane, des tracasseries administratives et des délais de temps, soit encore, des embouteillages monstres aux frontières causant des pénuries et des perturbations de la production. Ceci, sans parler du contrôle des passeports, voire de l’instauration de visas qui restreindront les contacts humains.

En Ecosse, la dirigeante indépendantiste, Nicola Sturgeon, dont le territoire a voté massivement pour rester dans l’Union rejoint l’optique des Continentaux : « Les dégâts à court terme seront graves, mais à long terme, ils seront pires’’…. « Nous devons nous poser la question : en qui avons-nous confiance pour reconstruire notre économie, un gouvernement écossais que nous avons élu ou la bande de Brexiters de Boris Johnson ? ». Nicola ‘a pas tort. Bonjour les lendemains qui déchantent !

* 30 novembre – Dura Lex sed Lex, Donald ! D. Trump laissera derrière lui, le 20 janvier, son passif, sa marque égative sur le monde. Elle est faite de malfaisance, de discriminations et de courte vue. Mais les Etats Unis vont-ils passer l’éponge, alors que, dans la sphère intérieure régalienne ou privée, il a multiplié les transgressions et les entorses au droit ? On peut augurer qu’avec la perte de l’immunité présidentielle, il peinera à se faire exonérer de la totalité des faits et gestes scandaleux que nombre de ses concitoyens et de juges lui reprochent. Certes, on ne pourra pas le poursuivre pour sa mobilisation de la Garde Nationale à des fins de répression, pour l’enfermement sans leurs parents d’enfants de migrants, pour le Muslim Ban et peut-être même pas pour son déni arrogant de l’urgence face au virus du Covid 19. En fait, il ne quittera pas la Maison blanche sans se gracier lui-même (du jamais vu dans l’Histoire américaine !) ou, à peine plus subtilement, sans céder la place à son vice-président afin d’être pardonné de tout par ce successeur éphémère (solution imaginée avec succès par Richard Nixon avec Gerald Ford ).


Sans bouclier judiciaire, il est sûr de devoir faire face à un tsunami de procès en justice dont il s’efforce de se prémunir.. Il a déjà gracié son ancien conseiller à la Sécurité nationale, Michael Flynn, pourtant coupable reconnu pour avoir menti au FBI, à propos de la collusion de l’équipe du candidat républicain avec un ‘’influenceur’’ proche de V. Poutine. Peut-on, aux Etats Unis, dessaisir les tribunaux à quelques jours de redevenir un ‘’citoyen comme les autres’’. Ce n’est pas certain au plan fédéral et cela paraît impossible au niveau de chaque Etat fédéré. A Washington, il pourra compter sur la mansuétude de la Cour suprême, dont il a nommé trois membres sur six de la majorité conservatrice. Pourtant,il ne sera pas facile, pour les neuf sages, de valider une auto-amnistie discrétionnaire, de Trump-partisan et coupable par Trump, juge et fuyard. Les procédures judiciaires menées au niveau de chaque État ne peuvent faire l’objet d’aucune annulation fédérale. Fortement soupçonné de fraude fiscale et à l’assurance, par le parquet de New York pénale, éventuellement associé à la mafia de cette mégapole, Trump et son entreprise pourraient donc ne pas échapper à des sanctions. Leurs avocats s’empressent d’escamoter huit années de bilans comptables, pour que le milliardaire échappe à une peine de prison, faute de preuve. La fin la plus conforme à la morale serait qu’il tombe du fait de ses mauvaises actions, particulièrement nombreuses et choquantes à l’égard des femmes et des minorités. Que place soit faite à la Justice !

* 28 novembre – Apprentis sorciers. Mohsen Fakhrizadeh, le chef du département recherche et innovation du ministère de la Défense iranien, responsable du programme nucléaire Amad, a été exécuté dans son véhicule, près de Téhéran. Il y a peu de doute sur le fait que le motif de l’attentat ait un rapport avec son rôle de premier plan dans le développement de l’atome militaire, un secteur particulièrement ‘’ciblé’’ par les Etats Unis et par Israël. Au moins deux attaques précédentes de ce type valident cette hypothèse. C’est donc sans doute, à raison, que le président Hassan Rohani accuse Jérusalem d’avoir exécuté l’attaque en commandite de l’administration Trump. Ses chefs militaires crient vengeance.

La loi internationale confie à l’’’Agence de Vienne’’ (l’AIEA) la mission de contrôler les activités nucléaires des Etats proliférateurs potentiels, présumés ou avérés, comme l’Iran (le plan Amad) et une vingtaine d’autres. L’Iran, comme les Etats Unis, est partie au Traité de Non-prolifération nucléaire, et se soumet au contrôle de ses installations déclarées. Même si ses centrifugeuses ont dépassé environ douze fois le seuil d’isotopes auquel les Nations Unies l’astreignent, le combustible iranien reste pour l’heure d’un niveau d’enrichissement non-compatible avec la fabrication de l’Arme. En fait, parvenu au un seuil supérieur de la capacité nucléaire, le Pays des mollahs se ménage la possibilité future de franchir le pas de la production et du déploiement dans plusieurs hypothèses : attaque d’envergure contre son potentiel technico-économique, fabrication de l’arme par un pays ennemi (Arabie saoudite et Etats du Golfe), chantage nucléaire des états Unis ou d’Israël, qui, eux, disposent d’arsenaux tactiques et stratégiques bien réels. S’il n‘y avait eu l’offensive tous azimuts de l’administration Trump et sa complicité bien évidente avec le gouvernement de Netanyahou, l’accord des six puissances de 2015 liant Téhéran et l’administration Obama aurait probablement suffi à contenir la menace. Reste que Israël n’est jamais entré dans l’accord (ni dans le TP, d’ailleurs, sans cacher l’existence de son arsenal clandestin) et que Washington a torpillé avec fracas ce Traité, en 2018.


Quand on sort du droit, c’est pour rentrer dans l’usage de la force. Dès lors qu’on accepte de recourir unilatéralement ou préventivement à celle-ci de la force comme unique mode opératoire, tout en évitant de s’engager dans une opération militaire classique, on mise exclusivement sur l’assassinat. La formule n’est certes ni rare ni nouvelle, mais l’on demande à voir où et quand, dans l’Histoire, elle aurait permis de résoudre un conflit. La première victime est alors le droit et les institutions et traités qui le servent. Ceux qui gouvernent à Washington et à Jérusalem, en très mauvaise posture personnelle par rapport aux lois et à la justice, d’évidence n’en ont cure. Il leur reste un mois et demi pour contrer tout retour à l’ordre multilatéral défendu par Joe Biden. Provoquer le maximum de dégâts pourrait leur épargner de se retrouver sur la sellette. Il en appellent donc au réflexe  »patriotique musclé » de leurs citoyens à courte vue. » Pourvu que le monde flambe suffisamment et qu’on ne me traine pas devant un procureur !

* 27 novembre – Purges sans fin au Sultanat. Un tribunal turc a condamné à la détention à vie ‘’aggravée’’ 337 personnes, dont des militaires de l’armée de l’air. Parmi eux figurent ceux responsables d’avoir bombardé le parlement d’Akara ou d’avoir dirigé le coup de force depuis la base militaire d’Akinc. C’est le plus gros procès consécutif au putsch raté du 15 juillet 2016 ayant visé le président Erdogan, dans des circonstances encore obscures. Les accusés, présumés obéir au prédicateur  »maudit’’, Fethullah Gülen, ont été reconnus coupables notamment de tentatives de  »renversement de l’ordre constitutionnel »et  »d’assassinat du président ».

Quelque 280 procès, avec un nombre encore plus important d’accusés, ont eu lieu ou sont encore en cours. Actuellement, 520 personnes passent devant les juges pour leurs activités au sein de la garde présidentielle. Depuis les faits incriminés, les tribunaux ont condamné plus de 4 100 personnes, sans leur reconnaître le statut d’opposant, et ce n’est pas fini. Dans l’enseignement et la fonction publique, on assiste aussi à un mouvement de révocation d’une ampleur sans précédent : plus de 140 000 limogeages, sans présentation de preuves ni droit à la défense. Faut-il évoquer la torture, la détention arbitraire, les exécutions extra-judiciaires ? Tout ceci fait vraiment beaucoup pour quelques heures troubles de folie nocturne.

Les circonstances sont bien sûr différentes, mais la rage d’éliminer tous les ‘’suspects’’ ne peut qu’évoquer les procès staliniens des années 1930. Selon la règle du mauvais comportement identique dans et hors des frontières, R.T .Erdogan trie la population turque comme il délimite son glacis en Syrie, Irak, Libye, Azerbaïdjan, etc. Partout, il chasse ou déplace les populations, installe ses pions à leur place et distribue la force armée à sa guise, avec la même posture du ‘’petit père des peuples’’ . Ce faisant, il est sûr d’être adulé par les pauvres d’esprit. A l’intérieur, la justice se met à sa botte, à l’extérieur, personne ne sait comment l’arrêter.

Sur tout sujet, il faut surtout se garder d’atteindre le point de Godwin (qui implique une référence argumentaire au nazisme), lequel décrédibilise immédiatement tout argument, même parfaitement fondé. C’est ainsi ! Mais, heureusement, le tyran géorgien moustachu, adoré de ses camarades et jouant cyniquement avec les peuples de son empire composite (soviétique), se compare bien mieux à la toxicité rétro évidente du Sultan d’Ankara.

* 26 novembre – Google play. Peu de citoyens européens doutent de l’emprise disproportionnée des GAFA sur notre vie publique, sur l’économie de l’Union. On dénonce leurs procédures d’influence peu éthiques, leur volonté d’échapper au fisc et aux lois nationales. Face à cela, la Commission de Bruxelles se montre autrement plus active que les Etats-membres, – sauf peut-être la France, en paroles – et se confinent dans le renoncement. Une régulationlégislative de l’industrie numérique est en chantier à Bruxelles . Ce ‘’Digital Services Act’’ (DSA) entrera en vigueur, au plus tard en 2023 et pour vingt ans, mettant en batterie diverses dispositions contraignantes pour les géants de l’Internet : rapide modération des incitations à la haine en ligne, obligation d’efficience pour contrer la désinformation , etc.

Surtout, n’allez pas croire que Google, par exemple, laisse les Etats ou l’UE faire leur travail, au service des populations. Sous la mention  »Privileged & Need-to-know » un document d’instruction interne de la firme de Los Altos Hill pose ainsi les moyens à engager pour saborder dans l’œuf le DSA et son corollaire, le Digital Markets Act, destiné, celui-ci, à réglementer la monopolisation de services via le moteur de recherche de Google (par exemple, des agences de voyage), ce, du fait de son installation systématique sur tout matériel neuf.
Pour contrer en sous-main la Commission, la stratégie de Google est de recourir aux torsions de bras de l’administration Trump (quand bien même leur relation est ambivalente), de mobiliser les bureaux de représentation du commerce US, les ambassades US, etc. Le projet européen serait une menace pour l’Alliance atlantique, une sorte de Huawei européen ! L’idée-maîtresse de la firme californienne est surtout de créer des divisions entre les directorats de Bruxelles, d’« encourager la DG Concurrence à semer la zizanie contre les services du M. Numérique de la Commission, le commissaire Thierry Breton. Sans reconnaître bien sûr aucun tort, Sundar Pichai, le boss de Google, s’est entretenu en visioconférence-Google avec sa cible humaine, corrigeant à la marge la formulation trop guerrière de sa stratégie. Le commissaire européen à l’Industrie, au Marché intérieur, au Numérique, à la Défense et à l’Espace a exhibé devant ses yeux une instruction Google prouvant sa persévérance dans la stratégie agressive, intitulée ‘’DSA 60-Day Plan Update’’ Le scénario offensif non-assumé est semblable aux fausses contritions multipliées par Zuckerberg, le patron honni de Facebook: face aux gouvernements du monde, feindre de s’excuser mais ne jamais renoncer à une prise de pouvoir globale, serait-ce par étapes silencieuses successives.

* 25 novembre – Thanksgiving. Un retour rassurant aux politiques de Barak Obama ? Telle apparaît l’équipe que vient de constituer Joe Biden. Le président élu des États-Unis a choisi les futurs hauts responsables de son administration dans le domaine de la diplomatie et de la sécurité nationale. Retour à une conception plus multilatérale des affaires du monde ; réintégration des fora internationaux désertés par la diplomatie US ; ouverture mentale des décideurs, notamment à l’égard des alliés ; attention plus grande portée  aux droits humains et au droit international. On reprend espoir en découvrant cette équipe homogène, composée par les lieutenants des titulaires de l’ex-administration démocrate Obama.  Des gens autrement plus présentables, en tout cas, que les sbires froids et robotisés du prédécesseur.

Certes, tout cela est bon,  mais quid d’ ‘’America ‘s back’’ ? Il faudra tout un mandat pour réévaluer l’emprise des Etats Unis sur le monde et pour voir si le handicap d’influence et d’efficacité, accumulé pendant quatre ans, aura pu être remonté. On n’a pas encore fait le compte des dégâts ni jaugé leur réversibilité. On le sait, l »Amérique d’abord » ne disparaîtra pas, comme par enchantement, de la culture politique, notamment celle du Congrès. D’ailleurs, la prudence dans les engagements extérieurs et la préférence nationale en matière de commerce ont constitué deux caractéristiques fortes de l’époque Obama. Surtout, depuis 2016, le monde extérieur s’est incroyablement durci et aussi déshumanisé, fragmenté. L’Occident (un petit 15 % de l’humanité) s’est rabougri ; les acteurs brutaux, totalitaires et transgressifs ont fait florès et règnent désormais en force sur leurs régions vassales. Il n’est même pas besoin d’en dresser la liste. Au-delà de sa bonne volonté réparatrice et de son noble souci unitaire, un mérite de ‘’grand-père Joe’’ et de son entourage est d’avoir reconnu d’emblée que l’Amérique ‘’n’y arrivera pas toute seule’’. Heureusement, la messe n’est jamais dite par avance .

*24 novembre – Coups fourrés qui nous trumpent. D’une pierre deux coups. Parmi les peaux de banane que D. Trump compte bien glisser sous les pas de son successeur, le rapprochement spectaculaire de l’Arabie saoudite avec Israël tient du coup de maître. C’est bien plus qu’un simple cadeau de départ fait au comparse Netanyahou ou qu’un simple embarras de façade imposé au vieux souverain Salmane, contraint qu’il est, par la sensibilité de ses sujets, à nier l’évidence de sa rencontre furtive avec le premier ministre israélien. L’un et l’autre aspects ne sont qu’anecdotes. La conduite de l’opération par la diplomatie américaine – Mike. Pompeo l’ayant orchestrée depuis Riyad – est plus significative. C’est un message au président élu démocrate qu’il n’aura pas prise sur un état de fait créé par les Républicains. En d’autres termes, l’Arabie saoudite, n’en déplaise à son souverain, est désormais engagée dans la voie de l’abandon de la cause palestinienne au bon vouloir de Jérusalem. Elle se mettra inexorablement dans le sillage des Emirats Arabes Unis, de Bahreïn, du Soudan, tous incités par Washington à accorder une priorité exclusive à la menace iranienne.

Pour le compte de D. Trump, le prince Mohammed ben Salmane, perpétuelle ‘’âme damnée du complot’’, joue un bien mauvais tour à Joe Biden. Le futur président aura beaucoup de mal, en effet, à renouer le fil d’une paix juste pour les Palestiniens dont quasiment aucun Etat du Moyen Orient ne veut plus s’encombrer. Il ne pourra pas plus empêcher l’Etat Hébreux de coloniser et d’annexer jusqu’au bout les terres palestiniennes, quitte à s’engager dans le sens d’une forme d’Etat juif-glacis organisant l’apartheid en son sein. L’objectif majeure de cette ’’l’offensive de paix’’ du président américain sortant est géostratégique : organiser une coalition contre l’Iran ; derrière la menace iranienne (réelle), faire sentir à Téhéran le poids d’une menace occidentalo-arabe ; étrangler par des sanctions ‘’éternelles’’ la population iranienne ; si possible, faire tomber le régime des ayatollahs par un soulèvement interne ; désarmer l’Iran. Un plan assurément inopérant pour sauvegarder la paix dans cette région. Un plan de guerre, un de plus, de la part d’un personnage haineux qui, faute d’avoir engagé les » boys » dans de nouvelles guerres, ainsi qu’il s’en vante, en essème ça et là, à charge de ses alliés et de son successeur.

* 23 novembre – Sécession. Le  »vide’’ de la communauté internationale laissé par le repli crispé des Etats Unis, la dispersion de la Russie dans son glacis et dans le monde arabe, la paralysie pandémique de l’Europe, le cynisme chinois, etc. laisse le secrétaire général de l’ONU, seul sur la passerelle, à déplorer le conflit déclenché par les dirigeants du Tigré, dans la corne de l’Afrique. Les séparatistes du Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF) cherchent une revanche sur leur marginalisation du pouvoir central et contre l’Erythrée, qu’ils exècrent et veulent impliquer dans les combats. Mauvais calcul, sans doute, puisqu’à la phase de bombardements tigréens – largement, sur les populations civiles amhara – succède un repli défensif, alors que les troupes fédérales ce rapprochent de la capitale tigréenne, Makalé, à portée des canons fédérés. L’affrontement provoque des massacres et peu de réactions. Aucune médiation n‘a été acceptée. Aucun cessez-le-feu n’est en vue. Bien solitaire, M. Guterres réclame une aide massive aux populations prises au piège ou déplacées au Soudan. Les secours d’urgence humanitaire ne seront pas à la hauteur du désastre. Prix Nobel de la paix en 2019, le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, n’en a pas moins lancé une contre-offensive implacable pour briser la rébellion, après que celle-ci a provoqué la destruction de deux bases militaires éthiopiennes. Il est impossible de mesurer précisément les bilans militaire et humanitaire, soumis à black-out depuis le début. C’est une Guerre de Sécession (1861-1865), mais avec des ramifications internationales plus explosives et sans Abraham Lincoln. Quel gâchis !

* 21 novembre – Come back du multilatéralisme ? Il s’est fait attendre depuis que la communauté des Etats est affectée par la double crise épidémique et économique. Tels les carabiniers, le G 20 se réunit finalement dans un cadre plutôt singulier : sous forme de visio-conférence et sous présidence du roi Salmane d’Arabie saoudite. On pourrait trouver mieux pour rassurer la planète occidentale. Il est également peu probable que les prisonniers politiques du royaume wahhabite profiteront de mesures de clémence du fait de la publicité qu’apporte ce type d’évènement, même virtuel. Mais c’est le bon format. Au menu des discussions, le plan d’urgence pour mettre le vaccin à disposition des pays pauvres qui ne peuvent se le procurer sur les marchés et le soutien à leurs économies dépourvues de filet social et financier leur permettant d’absorber le choc.


Le G20 – soit 85 % du PIB mondial – a adopté en avril un moratoire de six mois sur le paiement du service de la dette, prolongé jusqu’en juin 2021. Après la multiplication d’annonces mirobolantes sur une commercialisation imminentes des vaccins tant attendus, un encadrement de la loi des marchés, par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), est requis de toute part, pour qu’une grande partie de l’humanité ne soit pas laissée pour compte. Rien n’est acquis, dans la période actuelle marquée par l’incertitude géopolitique. En sus, la transition conflictuelle des pouvoirs à la Maison blanche et la conduite désordonnée de D. Trump – qui participe au visio-sommet – compliquent la construction d’un consensus. Boris Johnson est là aussi, comme si, pour ces ennemis du multilatéralisme, le plus important étant de se montrer quelle que soit la scène.


La pandémie de Covid-19 a infecté plus de 55 millions de personnes et en a tué 1,3 million à travers le monde. Plusieurs appels sont lancés au G20 –notamment par les Européens -pour rehausser l’autorité de l’OMS, face aux états nationaux et à l’industrie multinationale du médicament. Dans une lettre conjointe, la Première ministre norvégienne, Erna Solberg, le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ont sollicité, pour l’Organisation, une rallonge de 4,5 milliards de dollars. Ceci permettrait de distribuer les vaccins – considérés comme un bien public – là où le marché s’avère inefficace. Pour le secrétaire général des Nations Unies : ‘’il manque encore 28 milliards, dont 4,2 avant la fin de l’année … mais les pays du G20 ont les moyens de les financer… et c’est le seul façon de stopper la pandémie ». Juste. Ce n’est pas énorme, en effet, en comparaison des 21 milliards de dollars (17,7 milliards d’euros) déjà mobilisés pour l’industrie pharmaceutique et des 11.000 milliards de dollars destinés à renflouer l’économie mondiale.

Par définition globale, la pandémie va-t-elle redorer un peu le blason du multilatéralisme ? Cet échelon de l’action coordonnée reste indispensable pour éradiquer le problème. Mais il a été imprudemment déserté par les Etats, car concurrent de leur pré-carré et vilipendé par tous les populismes électoraux.

*20 novembre – Thaïlandais canardés. Comme un peu partout, à travers le Moyen-Orient, l’Afrique, l’Est de l’Europe, Hongkong et jusqu’au Pérou, etc., la pandémie n’inhibe plus, en Thaïlande, la revendication démocratique d’une jeunesse refusant qu’on lui vole son avenir. De violents affrontements ont ainsi éclaté, le 17 novembre, dans les rues de Bangkok, entre manifestants prodémocratie, partisans royalistes et forces de l’ordre, avec un bilan humain d’au moins cinquante-cinq blessés. Les manifestants réclament la démission du Premier ministre, Prayuth Chan-ocha, un général qui qui s’est hissé au pouvoir par un coup d’État féroce, en 2014, avant de se proclamer réélu, en 2019, au terme d’un scrutin contesté. Ils exigent un encadrement juridique, par l’état de droit, des privilèges féodaux de la monarchie et une révision de la Constitution rétablissant les droits politiques des citoyens. Les deux ’’points durs’’ mis en exergue de leur agenda – la substitution de représentants élus aux sénateurs nommés par l’Armée et une redéfinition constitutionnelle de la monarchie thaïlandaise actuellement ‘’divinisée’’ – ont été retoquées, dès le 18 novembre, par le Parlement.

Les jeunes brandissent des canards en plastique géants du meilleur effet pour se protéger d’une police particulièrement brutale. Après cet échec initial, il ne leur reste que le ressentiment et, heureusement ces grands canards jaunes. En même temps que des boucliers contre les projectiles – grenades et caillasse – dont on les gratifie copieusement, ces volailles XXL en plastique, initialement destinées à faire flotter leur message sur le fleuve jusqu’au seuil du Parlement (barricadé par un cordon de police), sont naturellement devenues le symbole de leur cause…. Ce, un peu à l’image des parapluies jaunes à Hongkong et Taïwan. Robert Lamoureux aurait dit : ‘’Pan !, pan ! pan ! (coups de fusil) … et, le surlendemain, les canards étaient toujours vivants’’.

* 19 novembre – Si vis bellum, para bellum, sed… Quelle est la spécificité de la politique française d’exportation d’armement ? Hors de nos liens d’Alliance bien connus et approuvés des Français, elle tient lieu de politique étrangère et de politique industrielle bis. Composante disproportionnée de nos exportations, contrairement à nos principaux partenaires, elle est régie par le secret absolu, précaution compréhensible jusqu’à un certain point, mais qui est systématiquement mise en œuvre jusque dans les accords impliquant la présence de personnels militaires sur des terrains d’opération inattendus. Totale pour l’opinion citoyenne – d’ailleurs trop peu curieuse – l’opacité à la française s’étend à nombre d’acteurs de l’Executif et, plus encore, du Législatif, contrairement, par exemple, à la politique du renseignement du Pays, qui est, elle, exposée à une minorité capable d’en comprendre les enjeux et de réagir. Chez nous, le contrôle se fait en amont des livraisons et rien ne vient assuré que, lorsque les circonstances nouvelles exposent des populations civiles étrangères à nos armes, une révision s’ensuive pour conformation au droit international (le traité onusien sur le Commerce des Armements, directive européenne, droit international humanitaire).

L’acteur étatique du contrôle, la DGA (Délégation générale à l’Armement du ministère de la Défense), se comporte en chef de file du lobby export bien plus qu’en régulateur, raison pour laquelle les industriels privés acceptent volontiers sa tutelle invasive et s’imaginent à l’abri de toute poursuite pénale dès qu’une licence export leur est accordée. Argument suprême pour ignorer toute responsabilité sur le plan humanitaire : vendre, quoi qu’il en soit, ou mettre au chômage des centaines de milliers d’ouvriers français !


Deux courageux députés ont élaboré un rapport parlementaire intitulé :  »Renforcer le contrôle parlementaire des exportations d’armement, une contribution à l’Europe de la défense’’. Ils ont le grand mérite de faire l’état des lieux de ces faiblesses bien françaises, tant pour ce qui est du commerce des armes (par dérogation à la prohibition générale) que s’agissant des technologies à double usage, en principe civiles mais détournables vers la production d’armes de destruction massive bio-chimiques, nucléaires, spatiales, numériques, etc.. Ils relèvent que, du fait de sa propre négligence pragmatique, la France se voit accusée au Proche Orient (guerre du Yémen) ou en Afrique du Nord (Libye) de complicité de crimes de guerre, que la société civile commence à s’inquiéter d’une dérive qu’elle préférait ignorer par le passé, qu’au vu de la masse de ‘’partenariats stratégiques’’ exotiques conclus à basse voix, autour de fournitures dangereuses, avec des régimes peu recommandables, la France contribue négativement à l’ordre et à la paix mondiale. Même nos bons alliés occidentaux acquièrent une perception brouillée de notre crédibilité. La juridicisation des transactions à problème (proportionnellement importantes, dans le cas français) est de toute façon en route, tant sur le plan international qu’à l’initiative de la société civile. A leur tour, les fabricants intentent des procès, pour défendre leurs prospects et leurs contrats. Il faudrait donc insuffler une conscience de leurs responsabilités à tous les acteurs. Vaste perspective, dictée pas seulement par l’éthique mais surtout par la sauvegarde de l’image de marque du secteur ! Les rapporteurs prônent la création d’une délégation parlementaire au contrôle des exportations d’armement. dotée d’un droit d’information, d’un droit à exprimer des recommandations publiques ou, confidentielles. Celle-ci émettrait ponctuellement des avis sur des demandes d’exportation en cours d’examen… et veillerait à l’animation d’un débat public !. Assemblée Nationale, par avance, merci ! Demain, on en rêve, une France devenue un Etat démocratique en matière de politique extérieure ?!.

* 18 novembre – Vengeance de loser. Pas facile d’être le fidèle lieutenant d’un mauvais perdant, qui plus est assis sur un siège éjectable. Voilà la situation de Mike Pompeo en visite à Paris, où les autorités auront clamé bien fort qu’il était reçu par E. Macron et J-Y Le Drian ‘’à sa demande et en toute transparence avec l’équipe du président élu Joe Biden’’. On pourrait ajouter : ‘’et dans ses fonctions seulement pour quelque temps encore’’. Deux semaines après la victoire de Joe Biden, la fiction qu’entretient le secrétaire d’Etat de D. Trump d’une victoire volée à son président crée d’emblée le malaise. Paris a soigneusement veillé à la haute discrétion de ces adieux à cette Europe si mal-aimée. Peuit-il y avoir des échanges ‘’confiants’’ entre alliés, en de telles circonstances ? Sans doute, non, mais l’exercice de ses pouvoirs de nuisance par l’administration américaine sortante, sa volonté apparente de rendre la plus difficile possible la passation de pouvoir à ses successeurs démocrates, le grain de folie furieuse de D. Trump, retranché dans le déni, tout cela porte à se tenir au fait des plans de l’Exécutif américain. Il n’y a que des motifs à souci, d’ailleurs :

Les sujets de friction ne manquent pas en effet, à commencer par l’accélération du retrait des troupes américaines d’Afghanistan et d’Irak. Mais l’Iran est, de loin, celui qui suscité la plus grande appréhension, le seul dont l’enjeu pourrait être d’amorcer ou d’éviter une conflagration nucléaire à l’échelle du Moyen-Orient tout entier, voire globale. La rupture avec Washington est complète depuis que D. Trump a claqué la porte en 2018 de l’accord international signé trois ans plus tôt avec Téhéran pour maintenir dans des limites  »civiles » un programme nucléaire  totalement surdimensionné (sauf à développer l’arme atomique). Tandis que les Européens tentent de sauver cet accord jusqu’à ce que J. Biden soit en mesure de le réintégrer, l’administration sortante a rétabli unilatéralement puis durci et imposé à ses alliés un « mur de sanctions » si haut qu’il sera difficile à ses successeurs démocrate de revenir en arrière. D. Trump veut étouffer l’économie et la société iraniennes et joue, sur le plan militaire une partie au bord du gouffre. Un dérapage intentionnel ou une initiative mal calculée, avant le 20 janvier, pourrait franchir le point de non-retour.

Ainsi, tout récemment, D. Trump aurait sollicité un plan de bataille de son Etat major interarmées, sur la base d’un scénario de bombardement des installations nucléaires iraniennes. Une perspective effrayante. Mais, comme lorsqu’elles ont été requises contre les manifestations ‘’black lives matter’’, les armées américaines ont tout fait pour l’en dissuader et refusent poliment. Belle résilience des institutions américaines face à la paranoïa agressive d’un fou vengeur !

* 17 novembre – Leur poutre, notre paille. Le véto mis par Budapest et Varsovie au plan de relance européen tient à la condition d’un respect effectif de l’état de droit posée par les institutions européennes. Le mécanisme de ‘’non-financement’’ des Etats coupables avait pourtant été adopté, non sans difficultés, à la majorité qualifiée, par le Parlement et le Conseil européens. L’accord, avait ouvert la voie à un compromis sur l’ensemble du budget pluriannuel (2021-2027), auquel le plan de relance est adossé. Ce rappel aux valeurs fondatrices de l’Union visait la Hongrie et le Pologne, dont les autorités actuelles, d’inspiration populiste, ne cessent de s’écarter des droits et libertés civiles. Plus qu’une sanction, il se veut une incitation au rétablissement de l’équilibre des pouvoirs, rompu par ces régimes au profit de conceptions ‘’illibérales’’ ou traditionnalistes d’un Exécutif fort monopolisant les pouvoirs.

L’apparition d’une gouvernance du style ‘’années 1930’’, discriminant certaines catégories de leurs citoyens, fait peur à l’Europe. Les ‘’pères-fondateurs’’ n’auraient jamais pu imaginer que des situations aussi contraires à leurs idéaux prévaudraient un jour. Encore moins, qu’un tel pronunciamiento totalitaire prendrait en otage l’économie et la vie quotidienne de 450 millions d’Européens. Et bien si, et c’est assumé ! Le gouvernement hongrois se montre intraitable dans les négociations à Bruxelles, mais il cantonne sa parole publique sur twitter, comme pour montrer ses affinités avec le perdant des élections américaines… ou son fond de mauvaise conscience.

La présidence allemande se montre contrariée de ce mauvais tour : ‘’Nous avons déjà perdu beaucoup de temps, face à la deuxième vague de la pandémie et aux graves dégâts économiques engendrés ». C’est en fait la troisième crise que l’Europe doit traverser  simultanément : pandémie longue et ingérable, offensive terroriste, montée de haine face aux démocraties et aux institutions qu’elles ont établies. Et le problème climatique n’est pas loin. Dans ce triple état d’urgence, les esprits perdent la boussole et les emballements destructeurs finissent par paraître ‘’dans l’ordre des choses’’. Il est vrai que les démocraties ‘’moralisantes’’ prennent, elles-mêmes, de grandes libertés avec nos droits en s’appuyant sur ‘’l’apathie démocratique et citoyenne’’. Alors, elles pointent du doigt leurs voisins orientaux, façon de faire oublier que, chez nous aussi, mais de façon plus  »soft », les libertés fondamentales fondent comme neige au soleil.

* 16 novembre – L’Asie qui gagne. Dans le sillage du sommet de l’Asean à Bangkok et au terme de huit ans de négociations, les dix pays de l’ASEAN, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle Zélande ont conclu, le 15 novembre, un grand accord commercial majeur, promu par Pékin. Ce ‘’Regional Comprehensive Ecoomic Partnership’’ – RCEP (Partenariat régional économique global) à 15 participants, couvrira 30 % du PIB mondial et deviendra l’accord de libre-échange le plus extensif du monde, en termes de produit intérieur brut. Il concernera plus de 2 milliards d’habitants de la Planète. A ce stade, l’Inde se tient à l’écart, pour protéger son industrie face au  »déferlement des produits chinois ».
D’inspiration néo-libérale, l’accord ne couvrira pas les droits sociaux ni l’environnement. En revanche, il favorisera l’investissement, régulera les droits de propriété et les normes techniques, ce qui créera une régulation concurrente face à celle de l’OCDE.

.
L’’Asean jouit d’une position privilégiée pour tirer parti de la tension sino-américaine. Dans l’orbite géo-économique de la Chine mais entretenant aussi d’étroites relations commerciales ou d’alliance stratégique avec les Etats-Unis, ses membres peuvent jouer sur deux tableaux. Affectés par la pandémie de Covid, ils comptent que le RCEP les aidera à en compenser les dommages sur leurs économies. ‘’Un rayon de lumière et d’espoir au milieu des nuages’’, leur promet le premier ministre chinois. La région de l’Asie- pacifique occidental est attirante en raison même de sa proximité avec la Chine, de ses coûts de production et de sa forte croissance économique. L’Asean devrait donc rapidement accéder à un statut de puissance intermédiaire, à la faveur de la montée en gamme de ses productions. Certains de ces pays-membres suivent d’ailleurs des stratégies ambitieuses de relocalisation chez eux des entreprises occidentales, à grand renfort de dumping fiscal.


Le pacte signé est largement perçu comme un complément aux nouvelles routes de la Soie, lancées par la Chine pour étendre son influence dans la région (et dans le monde) et en déterminer les règles. Ce gain stratégique énorme aura été rendu possible par la passivité à courte vue des Etats Unis de D. Trump. En janvier 2017, ce dernier avait retiré son pays du grand projet concurrent de Traité de libre-échange transpacifique (TPP), essentiellement parce que celui-ci avait été promu par son prédécesseur, Barack Obama. Grave revers pour l’Amérique.

14 novembre – Afhhanistan Touareg. La ‘’neutralisation’’ de Bah Ag Moussa, leader des rébellions touareg, tenu pour responsable de plusieurs attaques contre les forces maliennes et internationales, constitue-t-elle un coup décisif porté aux capacités offensives du GSIM ? Elle intervient après le retour en son sein des 200 jihadistes relâchés en échange de quatre otages, dont la française Sophie Pétronin. Au gouvernement, on salue « un succès majeur (de Barkhane) dans la lutte contre le terrorisme ». ce qui remonte le moral de Barkhane, mais, dans les faits, on ignore tout des capacités de la filiale sahélienne à recomposer son commandement militaire, éventuellement par des renforts extérieurs.

L’opération des forces spéciales françaises parait surtout contenir un message de mise en garde politique à la jungle au pouvoir à Bamako, après le camouflet qu’elle a infligé à la France en rétribuant et en libérant les rebelles preneurs d’otages. Le Premier ministre malien de transition, Moctar Ouane, continue à défendre « la nécessité d’une offre de dialogue avec les groupes armés », qu’il ne qualifie d’ailleurs jamais de’’ jihadistes’’, le terme n’ayant pas en Islam les mêmes connotations qu’en Europe. Déjà, en 2017, une conférence de l’entente nationale avait été organisée, puis, en 2019 un’’ dialogue national inclusif’’. À chaque fois, les Maliens se sont montrés favorables à un dialogue avec les rebelles. A chaque fois, Paris a considéré comme un coup de poignard dans son dos tout exercice de fraternisation avec les groupes armés que Barkhane combat. Dans ces conditions, la réponse militaire de la France, sous la forme d’ opérations d’exécution de chefs rebelles, enclenche un bras de fer avec les Maliens.

A plus long terme, les troupes françaises vont devoir faire face à un ennemi à l’identité insaisissable. L’adversaire désigné au sommet de Pau du G5 Sahel était l’Organisation état islamique dans le Grand Sahara (EIGS) et il n’est pas établi que cette filiale-là soit celle qui menace l’Europe d’attentats. Comme en Afghanistan, la subversion initialement importée du Moyen Orient a désormais pris racine dans les populations maliennes désœuvrées, pauvres, discriminées, aliénées par l’Etat central ‘’sudiste’’. Celles-ci prennent offense de la présence impériale de soldats étrangers, présumés méprisants ou anti-musulmans. Comment identifier alors, de façon acceptable, l’ennemi des Français ? La révolte est passée à la base, pour bien d’autres motifs que la religion. Lucide sur lui-même ou trop complaisant, le gouvernement malien est, de toute façon, maître chez lui et il s’agit de ses populations, dont nous ne pouvons pas dicter l’avenir. A force de ne pas vouloir parler aux Français de politique extérieure, on en vient à faire des choix stratégiques, ‘’à l’américaine’’, dénués de sens politique. C’est une forme de confinement dans l’action pour l’action que nos militaires redoutent d’ailleurs au plus haut point.

* 13 novembre – Biden policies. Que peut-on prévoir de la politique extérieure des Etats Unis sous Joe Biden ? Si le président élu arrive à coopérer avec le Sénat (où la majorité tiendra à un fil) et s’il contrôle les courants divergents de son parti, elle pourrait gagner en prévisibilité et en cohérence, par rapport au désastre légué par D. Trump. Dans les fondamentaux qui l’animent, l’ancien président de la commission des affaires étrangères du Sénat en 2002 accorde une place primordiale au multilatéralisme et à la solidarité entre alliés:  »Pendant 70 ans, les États-Unis, ont joué un rôle de premier plan pour instaurer des règles, signer des accords et animer des institutions qui ont guidé les relations entre les nations et fait progresser la sécurité et la prospérité collectives – jusqu’à Trump », relevait-il en avril, dans une contribution à ‘’Foreign Affairs’’. Méritoire volonté de retour parmi nous tous, en présidence de table (‘’back to table head’’), sachant que les invités au festin se sont considérablement durcis entretemps. Comme il le précise : ‘’l’Amérique était de retour … mais ce n’est plus l’Amérique seule ».

Le partenariat transatlantique retrouvera très probablement des couleurs et un ton plus courtois. Il se penchera plus fermement sur les incartades de Vladimir Poutine, « la plus grande menace pour l’Amérique en ce moment, en ce qui concerne notre sécurité et nos alliances ». Bien sûr, le maître du Kremlin ne restera pas inactif. Ses incursions dans la vie démocratique européenne (via les réseaux sociaux, les connections avec l’extrême droite, la guerre psychologique, etc.) justifient amplement de ne pas renoncer à l’Europe (UE) de la sécurité et de la défense. Peut-être, une OTAN sous plus forte emprise géostratégique des Européens (s’ils y sont prêts) et où Washington assumerait un partenariat sans leadership inégal amorcerait la nécessaire transition politique au sein de l’Alliance. Pour ce qui est de la Chine, le ton devrait changer mais la nature-même ‘’systémique’’ des contentieux est désormais gravée dans les esprits.

Les démocraties d’Europe occidentale sont en tout cas aussi ravies et soulagées que les dirigeants ‘’illibéraux’’ des démocratures d’Europe de l’Est sont pris à contre-pied. Ils l’ont, certes, bien mérité. Sans tomber dans cette catégorie, Boris Johnson et ses rêves de grand large transatlantique subissent un magistral ‘’flop’’ post-Brexit, face à un leader américain ami de l’Europe et sourcilleux qu’on ne déstabilise pas la paix dans ‘’son’’ Irlande d’origine.

Même si ‘’l’Histoire ne repasse pas les plats’’, beaucoup de bonnes choses du passé pourraient revenir : un retour à l’Accord de Paris sur le climat (c’est annoncé) et à l’accord iranien sur le nucléaire (ce sera négocié); de même au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies; une vision moins fermée sur la fiscalité du numérique; une réintégration de l’OMS (annoncée), de l’UNWRA avec moins de dureté envers les Palestiniens… Au cours de ses 100 premiers jours au pouvoir », Biden conviera les dirigeants des  »nations les plus polluantes » pour un sommet sur le climat, avec au menu, le réajustement à la hausse de leurs engagements. En émulation avec le Forum de Paris sur la paix, il s’engage à tenir un sommet mondial pour la démocratie ‘’visant à renouveler l’esprit et le but commun des nations du monde libre ». Il en attend des engagements dans les luttes contre la corruption, l’insécurité électorale, et pour les droits humains.. Dans tout cela, le seul hic, c’est qu’il va falloir encore attendre plus de deux mois pour voir le lancement du. nouveau départ. Plus qu’il n’en faut à D Trump pour répandre de l’huile sur tous les foyers du monde.

12 novembre – Dans le brassage, un passage vers le sauvetage. La 2ème édition du Forum de la Paix de Paris a été consacrée à la réponse collective qu’appelle la pandémie de Covid-19. Le forum créé en 2018, pour le centenaire de 1918, est un lieu de concertation entre les chefs d’État, la société civile, les organisations internationales et le secteur privé. Les débats parmi les quelque 10.000 participants de 164 nationalités, ont porté sur les modes de sortie de la pandémie et de relance de l’activité, l’amélioration de la gouvernance mondiale de la santé, l’adaptation des modèles économiques dans le sens de la transition écologique, la non-toxicité des collectes de données et des réseaux sociaux (un accord sur ce dernier point a été passé entre 12 Etats).

Pour augmenter la résilience collective, le Forum a mis en exergue les plus pertinentes des 850 propositions qui lui ont été soumises, des quatre coins du globe. Elles constitueront une grande ‘’boîte à outils’’ à l’usage des États, banques publiques de développement, organisations internationales, ONG, entreprises, fondations, communautés religieuses, syndicats, et universités, participants. En marge, un sommet’’ Finance en Commun’’ devait souligner le rôle des banques publiques de développement pour combiner les réponses à court terme et les politiques durables de reprise impactant la planète et les sociétés.
Ces initiatives ne sont pas exclusivement centrées sur le Coronavirus. Beaucoup couvrent le financement du développement, les efforts pour stabiliser le climat, le sort des exilés et des minorités, la protection des océans et de la biodiversité, l’accès à l’eau potable, la régulation et la sécurisation de l’espace extra-atmosphérique, la régulation des données et de l’intelligence artificielle, la cybersécurité, la gouvernance de l’éducation et l’égalité entre les femmes et les hommes. Le secrétaire général des Nations-Unies a souligné les principales lignes de faille qui traversent ce qui n’est plus à proprement parler la  »communauté internationale » d’antan. Citons celle relative à la solidarité, ‘’ marquée par un repli sur soi et dont les premières victimes sont les minorités ou les réfugiés ‘’. Avec la pandémie, les indicateurs concernant ces populations pauvres ou vulnérables sont passés au rouge comme jamais.
‘’Le monde se fissure. Quel État peut aujourd’hui réparer ces fissures, isolé du reste du monde ?’’ nous rappelle António Guterres. Si, effectivement, le contexte international actuel paraît glauque, l’arrivée prochaine de Joe Biden à la Maison-Blanche apportera une petite chance d’efficacité à ce type de forum, l’amélioration de la qualité du dialogue entre puissances – moins agressive, moins unilatérale -invitant à quelque espoir.

elligence artificielle, la cybersécurité, la gouvernance de l’éducation et l’égalité entre les femmes et les hommes. Le secrétaire général des Nations-Unies a souligné les principales lignes de faille qui traversent ce qui n’est plus à proprement parler la  »communauté internationale » d’antan. Citons celle relative à la solidarité, ‘’ marquée par un repli sur soi et dont les premières victimes sont les minorités ou les réfugiés ‘’. Avec la pandémie, les indicateurs concernant ces populations pauvres ou vulnérables sont passés au rouge comme jamais.
‘’Le monde se fissure. Quel État peut aujourd’hui réparer ces fissures, isolé du reste du monde ?’’ nous rappelle António Guterres. Si, effectivement, le contexte international actuel paraît glauque, l’arrivée prochaine de Joe Biden à la Maison-Blanche apportera une petite chance d’efficacité à ce type de forum, l’amélioration de la qualité du dialogue entre puissances – moins agressive, moins unilatérale -invitant à quelque espoir.

* 11 novembre – Peuples en guerre. Alors que les regards sont tournés vers l’Amérique et le conflit du Caucase, des affrontements éclatent sans grand retentissement extérieur entre l’armée éthiopienne et la corne de l’Afrique entre dans un processus de déstabilisation. Les milices du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) sont accusées par Addis Abeba, d’avoir mené des attaques contre deux camps militaires fédéraux, ce qui a déclenché contre elles une série de bombardements. Cette province, travaillée de longue date par une volonté d’accaparement du pouvoir, reproche au premier ministre Abiy Ahmed, d’avoir réduit so influence, en écartant ses représentants du gouvernement fédéral et en pactisant avec l’Érythrée voisine (Abiy Ahmed a d’ailleurs reçu le Nobel 2019 pour cet accord de paix). Les Tigréens (6 % de la population) sont un peu les Tutsi de l’Ethiopie. Aujourd’hui, repliés dans leur fief, ils ont constitué la classe dirigeante (et arrogante) éthiopienne, de 1991 à 2018, en assumant une posture guerrière à l’égard du voisin et ex-frère séparatiste érythréen, dont les séparent des rivalités territoriales historiques. Leurs troupes, commandées par Tsadkan Gebre Kidan, un ancien chef de la guérilla, ont combattu les Russes et sont bien armées et aguerries. De plus, leurs dirigeants ont défié le pouvoir central en organisant des élections locales, sans le feu vert fédéral, en pleine pandémie de Covid. En fait, ils mènent une confrontation sur la conception-même de la Nation et, sur la répartition des pouvoirs. Face à eux, le groupe éthique Amhara, aux frontières du Tigré, est également réputé puissant et hostile à son voisin. Il maintient l’ordre fédéral avec brutalité, en poursuivant les hostilités aériennes par des combats au sol, appuyés par des moyens d’artillerie lourde. C’est ainsi qu’émergent les prémices d’une guerre civile. En attendant, des milliers d’Éthiopiens, dont des soldats fuyant les combats, passent au Soudan. Le HCR est sur la brèche et se hâte à ouvrir des camps de réfugiés de part et d’autre de la frontière. L’afflux dépasse les moyens mobilisables et le Soudan pourrait s’en trouver déstabilisé à son tour. Ce scénario ressemble malheureusement aux conflits de la région des grands lacs des années 1990-2000, dans une autre région de l’Afrique et, de même, aux malheurs récents du Soudan. L’époque est telle que le monde, incapable de pondérer les débordements de violence, ne sait plus où regarder, quoi dire ou que faire. Le HCR, dernier vestige d’une civilisation humaine ?

* 10 novembre – Pendant ce temps là. Pendant que J. Biden s’attèle à rabibocher les Américains et D. Trump à lui savonner la planche, le monde court sans la première puissance. L’absence de l’Occident saute aux yeux dans cet armistice bricolé par Moscou au Haut Kahraba, au plus près du rapport de forces militaire. Le Groupe de Minsk, créé en 1994 pour résoudre ce conflit et qui inclut aussi la France, est resté sagement au vestiaire. V. Poutine a suffisamment de situations tordues à régler dans l’ex-glacis soviétique pour aller au plus simple dans ce conflit opposant un partenaire pétrolier puissant (l’Azerbaïdjan) – qui dérive vers la Turquie – et un protégé plutôt pathétique (l’Arménie) – sous cotutelle de l’Occident. Un accord de cessez-le-feu a été conclu, par les deux belligérants et le président russe, pour stopper les combats sanglants au Haut-Karabakh. Mais ce n’est pas une paix. Les lignes de cessez-le-feu, qui seront contrôlées par 1500 soldats russes, reflètent les gains militaires de la partir turco-azéri. Elles révulsent donc les patriotes arméniens. Aussitôt leur annonce, Bakou s’est réjoui d’une ‘’capitulation’’ d’Erevan, tandis que, dans la capitale arménienne, une foule en colère envahissait le siège du gouvernement arménien en réclamant la démission du premier ministre, Nikol Pachinian.
Il était impérieux d’arrêter le massacre et, sans doute, de prévenir l’effondrement complet de la défense arménienne. Les grands acteurs occidentaux, un peu honteux et sentimentalement affectés, ne pourront en tout cas pas reprocher à Poutine d’avoir ‘’fait le boulot’’ à leur place. En stratège sans état d’âme, le Maître du Kremlin ne fera rien pour empêcher l’Azerbaïdjan de récupérer une bonne partie du glacis défensif qu’Erevan s’était approprié sur son territoire pour assurer une continuité entre ses frontières et celles de son satellite culturel. C’était d’ailleurs le point faible de la stratégie arménienne (occuper une sorte de ‘’couloir de Dantzig’’). La construction d’une route dans l’esprit de celle qui, jadis, reliait Berlin et la RFA à travers un territoire hostile, est proposée par Moscou, sans qu’on connaisse la position de Bakou sur la question.

Il en va différemment de l’intégrité du Haut Kahraba arménien (au sens ethnique), tant il est évident que ce petit peuple n’acceptera jamais de repasser sous la coupe de son ancien maître et ennemi. On pense à la Crimée (repasser sous la férule ukrainienne ?), au Kosovo (se faire réabsorber par la Serbie ?) à l’Ossétie du Nord (réintégrer la Géorgie ?), à l’enclave de Kaliningrad (se fondre dans la Lituanie et dans la Pologne ?), aux territoires palestiniens (se faire coloniser jusqu’à disparaître ?), à la Transnistrie (revenir dans le giron moldave ?), etc. Jusqu’à présent, l’état de fait tient lieu, dans tous ces cas, d’état de droit, ce dernier ne parvenant pas à trancher entre la souveraineté d’un peuple et son autodétermination, d’un côté, et l’intégrité territoriale des Etats, de l’autre.

* 9 novembre -Conformisme de l’actualité : la victoire de Biden, un sujet imposé. Samedi, New York, Washington, Philadelphie et bien d’autres capitales d’état se sont réveillées comme libérées d’un fléau. Merveilleux moment de liesse et de légèreté de la conscience, c’était la sortie d’un stress dont chacun sait néanmoins qu’elle sera brève. L’autre Amérique est sonnée, parfois revancharde, mais elle restera aux manettes jusqu’au 20 janvier. Dans sa paranoïa, son chef va s’évertuer à  truffer de mines et de pièges les pas de son vainqueur, pourtant perçu pour son bon sens comme l’aimable Papy de tous les Américains. Tout président américain ayant essentiellement un pouvoir de charisme et de conviction sur les institutions de son pays, on lui souhaite un Sénat malléable (un second tour dans certains états, en janvier, dira s’il est perdu pour les Démocrates ou non), une administration contrôlable, la possibilité de nommer des responsables fédéraux qui lui soient loyaux.

Pour ce qui est des partenaires et alliés, à part les ‘’grands rivaux’’ russe, chinois, iranien et les ‘’dépités grimaçants’’  (Orban, Duda, Erdogan, Bolsonaro, Netanyahou, Loukachenko, Sissi, Ben Salmane, Ben Zayed, Bachar Al Assad et divers autres potentats), aucun n’osera plus manifester sa complicité avec le cataclysmique Donald Trump.

Reste le cas de Boris Johnson, qui a tant maltraité les intérêts de l’Irlande et  l’accord de paix du Vendredi Saint, dans sa gestion butée et agressive du partenariat post-Brexit avec l’UE. Or, justement Joe Biden tient à ses origines irlandaises et il sympathise avec la cause de l’Europe. Sur les deux mois qui viennent, le Premier ministre britannique pourra-t-il encore compter sur la complicité de Donald Trump, avec qui il affichait ses affinités, pour parvenir à un accord de libre-échange avantageux pour le Royaume Uni, compensant ses déconvenues avec Bruxelles ? Probablement, non, et quand on entend  le président élu le qualifier de ‘’clone physique et mental de Trump’’, cela paraît mal engagé pour la suite. Johnson est, par nature un opportuniste. On ne s’étonnera pas que le partisan inflexible du No Deal retrouve soudain une envie de négocier sérieusement avec les 27. Sacré Joe !

* 7 novembre – Du terrorisme (et des élections). Trois attentats particulièrement horribles commis en France au cours du mois écoulé, par des loups (plus ou moins) solitaires, de même en Angleterre et en Autriche : la question hyper-sensible du terrorisme surgit à nouveau dans un espace médiatique déjà fortement traumatisé par la pandémie et par la mise en veilleuse de l’économie. Ce cancer s’adapte à nos circonstances, tandis que nos réactions, de plus en plus rigides, de plus en plus politiciennes, marquent comme un renoncement à traiter le problème – mondial, il est vrai – à ses sources.

En mesurant le sens des mots, ‘’le terrorisme’’ , ce mode opératoire asymétrique et particulièrement infecte, n’est ni une idéologie, ni une métaphysique. Le phénomène est, à chaque nouvel épisode sanglant, traité un degré de plus par amalgame. D’abord pour ses ressors profonds : confrontation de la laïcité occidentale et française avec les/des musulmans; séparatisme d’une partie de la France avec la république ( ?); infiltration de fauteurs d’attentats étrangers par les canaux migratoires, asile compris; surenchère et vengeance entre les deux grandes centrales du jihadisme, Daech paraissant tenir la tête en Europe, tandis qu’Al Qaïda affronte les soldats pro-occidentaux au Sahel. Ce dernier facteur est d’ailleurs factuel et n‘appelle pas de correctif.

La question de l’Islam et de l’islamisme est simplement explosive. L’Islam de France est infiniment plus paisible et respectable que l’échauffement des esprits qui agite le Moyen-Orient. Cette dérive tient à l’échec du modèle politique et social, au populisme des autocrates arabes ou turcs, à leurs manipulations (cf. Erdogan). C’est cette crise de civilisation qui entre en Europe via internet, via certains imams et influenceurs étrangers, opérant au sein d’Etats ou de réseaux sulfureux. C’est donc de l’extérieur qu’est captée la frustration et l’absence d’avenir de jeunes Français pauvres, souvent en rupture avec leur famille et avec l’école. Cette strate humaine en perdition embrasse le modèle de révolte qu’on lui propose. Il y en a-t-il d’autres ? Leurs prédécesseurs, sous la III ème République, s’affirmaient anarchistes  nihilistes, puis dans les années 30, ligueurs ou nationaux-socialistes de base. Dans tous les cas, il y a danger de passage à l’acte, ce qui justifie le travail de renseignement – de dépistage – et une forme administrative de prévention. Mais il convient de garder la profondeur analytique que permettent l’histoire et la sociologie. Stigmatiser les musulmans occidentaux, qui, en France, adhèrent à la loi de 1905 et aux principes de la laïcité, serait une injustice et une erreur stratégique majeures. En comptant sur notre fraternité citoyenne, seuls, eux, peuvent épurer l’islam de ses ambiguïtés guerrières et totalitaires, à l’exemple de ce qu’ont fait les Chrétiens d’Europe avec le catholicisme. Parler de séparatisme, comme s’il s’agissait de rétablir l’intégrité du pays par la force, constitue, pour le coup, une hérésie de la citoyenneté, un déni de ce qu’il s’agit d’enfants perdus de la République.

Le président français va encore plus loin quand il impute à la circulation des étrangers le ‘’terrorisme exogène’’ : renforcer les effectifs gardant les frontières; remettre à plat Schengen ; refouler, sans vergogne, sans examen ni respect du droit international, les exilés qui parviennent jusqu’à nous, c’est adopter une posture fermée, inhumaine donc irréaliste. Avancer l’idée ou la sous-entendre que le besoin de protection serait un camouflage pour des projets d’attentats ne ralentira pas le flux des malheureux, mais avivera les ressentiments et le populisme de part et d’autre. A fouler au pied nos propres valeurs, nous créons une grande confusion autour du sens des lumières et de notre laïcité de moins en moins conforme à la séparation Eglise-Etat et à la devise de Fraternité. Veut-on être perçu en hypocrite sans foi i loi ? N’attirerons-nous plus vers nous que des sujets étrangers vengeurs, intégristes ou asociaux (dont nous aurons toujours besoin pour notre économie) ? Avec des propos présidentiels, bien compris en France mais outrageants au-delà des frontières, on a réussi à embarrasser sérieusement tous les amis que nous comptions au Maghreb. Nos voisins européens e ous suivent pas. Tout cela brouille notre image internationale, qui n’est pas si bonne auprès des Musulmans du monde. Ainsi se dessine un tournant politique funeste, dans un pays qui se projette volontiers comme un modèle de démocratie face aux obscurantismes mais titube en réalité. 
La campagne pour les présidentielles de 2022 s’annonce crispante, sous le signe du ‘’tout sécuritaire’’ : l’axiome qui s’impose, sans nuance, sans dialogue ni vision longue, juste pour plaire aux gens médiocres. Ce blog ne niera pas qu’il faudra bien reconduire chez eux les étrangers qui viennent avec des plans cachés ou qui ne pourront jamais trouver leur place dans une société qu’ils ne veulent pas comprendre. Mais il rappelle que ceci, néanmoins, ne doit pas se faire sous l’étendard de la xénophobie, dans la doxa sécuritaire et au prix de l’effritement des libertés démocratiques, autant de mauvaises recettes malheureusement si utiles à la cause électorale. Populisme !

*6 novembre – L’Amérique schizophrène. Le réel et le perçu, le déclassement social et la protection sanitaire. A l’heure où la victoire dans les urnes parait promise à Joe Biden, c’est le spectacle de la société américaine et, singulièrement, de son état troublé incarné par D. Trump qui frappe les esprits. Le national-populisme est une réalité sociale qui s’est affirmée et restera longtemps une puissante composante du paysage politique. Le Parti républicain est devenu un réceptacle pour la colère des blancs (et de quelques autres) déclassés et son attachement à la démocratie pose désormais question. L’impression étrange domine que les urnes vont favoriser l’Amérique – hétérogène – du bon sens, mais que les contestataires du système sortent plus forts et plus actifs de ces élections. Accepteront ils alors une issue juridiquement validée (et un président démocrate) qui les révulsent ? Trump lancera-t-il ses troupes, après ces avocats, à l’assaut des institutions dans l’idée folle de s’accrocher au pouvoir ?

Tout est dans ce décalage abyssal entre un bloc social chauffé à blanc (sans jeu de mots) et un public démocrate plus classique : classes moyennes éduquées et minorités. Les premiers se sont retranchés dans une vision fantasmée, voire délirante, du Pays – ‘’même des morts et des chiens ont voté Biden » ;  »les institutions nous volent notre victoire’’- qui met toute sa fierté à défier l’épidémie et veut gagner de l’argent sans avoir à rien partager. Les seconds aspirent à sortir au plus vite du cauchemar que leur a fait vivre Trump pendant les quatre années de sa présidence et se soucient d’être protégés de l’épidémie. C’est cette Amérique schizophrène que Biden aura très probablement la tâche titanesque d’essayer de réconcilier et de conduire vers un peu de normalité, de sérénité. Une tâche éreintante, quand le très puissant Sénat, les gouverneurs et les cours suprêmes des états, aux mains de ses adversaires républicains, feront tout pour lui savonner la planche. Avant de trop lui demander en politique étrangère et en matière de commerce – qui ne vont pas changer en un claquement de doigt – espérons que le futur président élu œuvrera à la réconciliation de ses concitoyens.

* 5 novembre – Stress test pour l’Amérique. Tout ce qui sera dit aujourd’hui pourra être démenti demain, concernant la présidentielle américaine. Sous cette réserve importante, le paysage politique a évolué, depuis hier, en faveur de Joe Biden. Ce matin, le candidat démocrate n‘est plus qu’à six grands électeurs du score décisif de 270. Mais il est encore loin d’une issue certaine et incontestable. La guerre d’usure juridique et partisane qui s’amorce s’écarte un peu de l’imbroglio électoral à l’ivoirienne ou à la guinéenne. Mais pas tant. On pressent surtout que le blocage des Etats-Unis, la dégradation de leurs institutions, la focalisation sur leurs déchirements internes, leur absence au monde risquent de perdurer. Le trumpisme en est largement responsable et il va sans doute rester fort au Sénat – institution-clé, notamment pour la politique extérieure – dans les états, plus nombreux à élire un congrès et un gouverneur républicains et, bien sûr, à la Cour Suprême. Sur cette toile de fond, les nominations au sein d’une éventuelle administration démocrate devront être négociées de façon fastidieuse, avec une multitude de concessions au camp adverse. La sociologie des Etats Unis va maintenir une constante et forte pression sur Washington des segments populistes de la population. Elle continuera à dicter une préférence pour le protectionnisme et une grande défiance envers toute forme d’engagement extérieur.

Sans doute, J. Biden en a-t-il conscience qui s’engage à faire réintégrer son pays, dès son premier jour à la maison Blanche, à l’accord de Paris sur le climat. Toujours avec des ‘’si’’, si tel était le cas, le créneau d’opportunité pour prendre de vitesse les lobbies et le Sénat serait bref, en effet. Pour les Européens, parler en confiance et dans l’amitié avec le nouveau président serait un énorme mieux, duquel il conviendrait de se féliciter, mais cela ne signifierait pas pour autant que l’Alliance et le Partenariat reviendraient au format des temps heureux jadis. Il faudra comprendre et soutenir une administration plutôt pro-européenne mais engoncée, ce qui ne sera possible que sur la base d’une posture européenne plus forte, plus en initiative. Le douillet parapluie nucléaire et le grand frère qui dispense au petit la profusion de ses moyens… n’y comptons plus trop !

* 4 novembre – Forcer le destin, contraindre les institutions. Est-on parti pour le pire des scénarios et même pour le scénario du pire, au lendemain de l’élection américaine ? Donal Trump avait clairement annoncé que si les premiers résultats étaient serrés, il lancerait des barrages de contentieux juridiques au niveau de tous les Etats. Les sondages prédisant une vague de fond démocrate semblent, une fois de plus, aveugles aux faits. Ceci, même s’il apparait que, porté par une participation citoyenne sans précédent, Joe Biden remportera le suffrage populaire et de façon plus nette qu’Hillary Clinton, fin-2016. La Chambre des représentants restera Démocrate et le Sénat, sans doute, Républicain. Ceci ne laisse pas présager d’une prochaine mandature de cohésion. Pourtant, le suffrage indirect au niveau de chaque état constituant la règle (236 grands électeurs pour Biden et 213 pourTrump, au matin du 4 novembre), la même confusion quant aux résultats suscite la même sidération : après quatre années de cauchemar et de division, Trump pourrait être réélu !

Fidèle à sa posture de trucage des institutions, il clame déjà victoire et prétend arrêter le décompte des votes (en fait, des votes par correspondance généralement plus favorables au camp démocrate). Faire l’impasse sur des voix non-encore comptées, voilà un procédé de dictateur africain ou oriental ! Le satrape de Washington ne contrôle pas toutes les cours suprêmes des états, auprès desquelles ses avocats vont multiplier les contestations. Néanmoins, les recours aboutissant, en dernière instance, à sa Cour suprême fédérale, armée de juristes nommés par lui, il est manifestement prêt à faire dérailler, à son profit, la mécanique électorale. La crise post-électorale promet de durer et la confusion de s’installer, avec le risque que les tensions s’expriment jusque dans la rue. La réconciliation entre Américains n’en sera que plus difficile.

Au fil de sa campagne délétère, Trump a radicalisé sa base électorale avec une efficacité redoutable. La colère contre les institutions démocratiques du Pays, contre la classe politique de Washington (hormis Trump) est à la hauteur des peurs entretenues dans cette population blanche déclassée, contre la mondialisation des emplois, la montée des minorités, le ’’système’’, de façon générale. Son besoin d’un chef atypique et provocateur reste fort.  Les milices ne sont pas encore de sortie, mais qui sait… Seule la démographie réduira à terme l’impact électoral de ces cousins américains de nos gilets jaunes et cela leur donne un sens aigu de l’urgence. Avec ces deux populations antagonistes, l’Amérique nous  présente un triste miroir du déclin occidental.

* 3 novembre – L’homme qui ébranle la planète. Il ne voit pas, il toise et ne regarde que pour la forme. Ses yeux sont des clones. Où qu’ils se fixent, ils sont à table, parcourent la carte, commandent et jettent ce qui n’est pas à leur goût. Ses cheveux courge et avoine coiffent son crâne d’une soucoupe volante, figée en couronne. Sa carrure à la nuque engoncée l’oblige à hausser le menton pour s’inventer un cou. Il porte son poids comme un privilège. Pour peu que la réalité lui résiste, ses épaules montent et descendent comme pour se débarrasser d’une bestiole. Il a toujours sur le visage ce petit fond de dégoût vaguement surmonté par le plaisir d’être sur scène. Derrière sa moue, perce une grimace amusée d’être pris au sérieux et une autre, excédée, d’offrir son génie à un public inférieur. Son intelligence est de pur instinct. Elle abat au lieu de ratisser.

Il est un phénomène de recyclage. Tout ce qu’il n’a ni vu, ni appris, ni connu – la masse d’ignorance qui l’habite – est recyclé en une formidable provision d’énergie. Quand son impatience l’aveugle, la Bourse et son gendre lui tiennent lieu de boussole. Son ambivalence se lit à la débandade de son sourire : très content de lui, jamais content tout court. Pour peu que la colère monte en lui, le souffle devient raz-de-marée et il harangue le monde, fort de n’avoir consulté que lui-même. Pulsion robotisée, mi-chair, mi métal, son désir est irrépressible mais sans objet précis. Il s’écoute, toujours prêt à gagner, à posséder, à tout rafler…avec le charisme d’un tank en temps de guerre… Cela sécurise ceux qui ne savent pas quoi faire de la Paix. Cet homme est un virus qui révèle parfaitement le piteux état de notre planète : tout le monde l’a identifié, personne n’arrive à le mettre hors d’état de nuire. (remerciements à Dominique Eddé pour son portrait, dont cette version brève s’inspire fortement).

* 2 novembre – Lutter pour le climat. Pierre Larrouturou, rapporteur général du budget de l’Union au Parlement européen a entamé une grève de la faim depuis une bonne semaine. Le député européen affilié au groupe des Socialistes et Démocrates veut, par ce geste, attirer l’attention des institutions européennes sur les opportunités manquées affectant le projet de budget qui sera voté dans les prochaines semaines et qui définira la perspective financière européenne pour la période 2021-2027.
Il réclame une rallonge substantielle (50 milliards €) de la part consacrée à la lutte contre le dérèglement du climat. L’effort de court terme accompli sur le plan de relance a, en effet, conduit à réduire ce chapitre sur le plus long terme, dans le cadre du budget septennal. Le rapporteur demande qu’y soit associé un plan d’adaptation sociale ambitieux. Pour se faire, plutôt que de ‘’tirer’’ à l’infini sur les ressources des marchés financiers, il revendique l’instauration, à partir de 2024, de la taxe sur les transactions financières (TTF), souhaitée au-delà même de la gauche, depuis des décennies (la fameuse taxe ‘’Tobin’’, des années 1970-80). La majorité des eurodéputés se sont ralliés à cet outil financier ,qui devrait rapporter quelque 50 milliards d’euros chaque année.

Pour Larrouturou, » ce n’est qu’une fois tous les sept ans qu’on va déterminer s’il y a de l’argent pour le climat, pour la santé, pour la recherche, ou encore pour les réfugiés, le budget européen n‘étant plus discuté par la suite ». D’où l’urgence à agir et le choix d’une certaine dramatisation des enjeux. ‘’Si, pendant sept ans, il n’y a pas d’argent pour isoler les maisons ou développer les transports en commun, c’est foutu’’. ‘’Pour simplement acheter de quoi manger, il faut acquitter 5,5% de TVA, mais si on va acheter des actions et des obligations sur les marchés financiers, la taxe, alors, c’est 0%.’’. En supposant qu’on paie 0,1%, et 0,01% de taxe sur les obligations ou le trading à haute fréquence, ça ferait rentrer 50 milliards de recettes en plus, chaque année, sans demander un centime au citoyen’’. Mais, note-t-il, avec le projet proposé par la France, ce sont 99% des transactions qui ne seraient pas taxées ! Autant dire que l’adoption d’une ressource et donc d’un plan d’action efficaces est bloquée par Paris. Le rapporteur propose une coopération renforcée entre pays-membres adoptant la taxe sur les transactions financières. Ceux qui taxeraient la spéculation apporteraient cette ressource à l’UE qui, en échange, les dispenserait de rembourser le plan d’urgence de 390 milliards € voté en juillet. D’autres gisements fiscaux sont aussi à exploitables parallèlement, telle, la taxe sur les plastiques non-recyclés (7 mds de rendement par an).
Au lendemain de la Convention citoyenne sur le climat, ce débat essentiel pour notre avenir est pourtant très peu couvert par les médias et la classe politique. Dommage !

* 31 octobre –  Wait and see if we sink ! Le Royaume Uni fait silence. Toutes sortes de tuiles lui tombent sur la tête mais aucun message n’en émane pour caractériser la crise, à fortiori pour s’en extraire. L’échéance du 15 octobre, fixée par B. Johnson comme butoir de la négociation du partenariat post-Brexit avec l’UE, est passée sans commentaire aucun. A elle seule, elle constituait pourtant la totalité du programme du nouveau premier ministre britannique. Plus pragmatiques, ses interlocuteurs de Bruxelles ont fixé le couperet en fonction des délais de ratification d’un futur traité par les Etats-membres. Il semble que ceci permettrait d’étirer en l’échéancier sur une semaine ou deux de novembre. Londres ne pipe pas, ne voulant pas décréter elle-même la fin de partie  (il conviendra d’en accuser la partie européenne, le moment venu).

Mais elles souhaite surtout  garder deux fers au feu. Si D. Trump est réélu, les Conservateurs rêvent qu’il leur lancera alors une bouée de sauvetage leur ouvrant tout grand la voie d’un libre-échange renforcé et privilégié avec les Etats-Unis. Un pari teinté d’illusions, à en croire les conditions très impopulaires imposées par Washington en matières d’échanges agro-alimentaires et de services médicaux. Si c’est J Biden qui remporte le scrutin, il se montrera assez sévère à leur égard. Peut-être faudra-t-il alors se ménager un accord substantiel avec les 27, en accordant aussi une importance particulière à la question de la frontière intra-irlandaise. Bref, l’heure n‘est pas à dévoiler des intentions mais à gagner du temps pour décrypter celles des autres joueurs.

In peto, Johnson privilégiera toujours la bonne vieille ‘’relation spéciale avec Washington’’. Sa détestation de l’UE et son soutien indéfectible à l’Alliance atlantique en attestent. L’an dernier, D. Trump s’était ouvertement réjoui de l’arrivée au n° 10 d’un dirigeant anglais populiste, avec lequel il entretient des atomes crochus (ce qui n’était pas le cas avec Theresa May). Grand partisan du Brexit, il a un peu rapidement promis, dès la sortie de l’UE, la conclusion de l’accord commercial bilatéral dont la concrétisation ne paraît plus du tout évidente. J. Biden, lui, se montre foncièrement hostile au divorce britannique de l’UE. Lorsque Westminster a adopté la loi permettant de renier les engagements internationaux britanniques concernant l’Irlande, il a prévenu Johnson que le partenariat avec les Etats Unis s’en trouvait compromis. On redoute, outre-Manche, que lui-même et Kamala Harris (née en Martinique) soient plus proches de Paris que de Londres. Frightening !

* 30 octobre – Break it up ! Unis, les Etats fédérés héritiers de Jefferson ? Selon un article du Journal of Politics de 2018, les Républicains pensent que 32 % des Démocrates sont LGBT (6 % en réalité), que la moitié sont noirs (24 % en fait), que 44 % sont syndiqués (11 %). Les Démocrates pensent que 44 % des républicains ont 65 ans ou plus – le chiffre réel est de 21 %. Les batailles autour de la mémoire nationale ou même locale se multiplient (Jefferson lui-même et ses esclaves domestiques, le général Lee, chef confédéré vaincu, idolâtré par les Trumpistes, la Constitution de Philadelphie, sacralisée et en même temps interprétée aux antipodes idéologiques par les deux camps politiques, etc.). Chaque camp se met à purger le paysage historique des souvenirs de l’autre.

Depuis l’arrivée aux affaires de D. Trump, les haines se recuisent et l’idée d’un ‘’vivre ensemble’’ devient insupportable à la majorité. D’ailleurs, l’unité nationale n’est pas tant un impératif aux Etats Unis que la ‘’question fédérale’’, cet axiome-antidote à tout ‘’populisme’’ unitaire, qui bride l’Etat central et exacerbe les particularismes locaux. Là où la fougue française concevrait une révolution idéologique et sociale, la frustration américaine et l’invocation des valeurs fondatrices suscitent des tentations récurrentes de sécession. C’est à travers ce type de rupture géopolitique que se sont cristallisées la Guerre d’Indépendance, celle de Sécession, le New Deal Rooseveltien, les révoltes contre la ségrégation raciale, etc. Qu’elle soit Démocrate ou Républicaine, Washington est le lieu honni du jacobinisme à l’américaine. La capitale aura toujours mauvaise presse dans le pays profond.

Aujourd’hui, la Grande Nation compte en son sein des ‘’revivalistes’’ de la Confédération sudiste, avec leur lot de suprémacistes blancs, armés jusqu’aux dents, des Evangéliques républicains aspirant à un gouvernement par l’Eglise, des ‘’anti-fa’’, guérilleros ennemis des précédents, des ‘’bio-démocrates’’ libertaires, tels les Californiens, et même des républiques de retraités de l’entre-soi, comme la Floride ou le petit Vermont, etc. De façon préoccupante, l’identité partisane des électeurs agit désormais comme un révélateur de la communauté d’appartenance ethnique, de l’âge, du milieu social et même de la perception du monde extérieur : le bleu (Démocrates) colore les territoires proches des frontières ou face à la mer. Le rouge (Républicains), les vastes plaines monotones du centre et les friches industrielles et minières à l’abandon.

La (les ?) population n’a plus de ciment commun, plus d’empathie ou de tolérance pour autrui, plus d’envie de ‘’faire nation’’. La ‘’guerre des cultures’’ ne s’éteindra donc pas au lendemain en janvier, avec l’avènement du prochain président. Les contentieux électoraux, les clashes communautaires, l’injustice dans la répartition sociale de la crise économique et sanitaire, tout cela continuera à miner de l’intérieur un pays au nerfs enflammés par ses conflits humains. Bonne chance au prochain ‘’incumbent’’ !

* 29 octobre – reconfinons-nous ! Face à la dureté des temps, le repli sur l’humain s’impose. Certes, l’analyse politique fait appel aux données sanitaires, telles la pandémie de Covid. Mais la seconde vague, dont nos autorités prédisent qu’elle sera ‘’dure et plus meurtrière que la première’’, nous ramène à nos fragilités et incertitudes familiales et personnelles.

Les Européens sont au seuil d’une épreuve sans précédent pour les générations actuelles, peut-être comparable à la grippe espagnole de 1918-19, avec au-dessus de leurs têtes, le spectre de plusieurs centaines de milliers de morts supplémentaires. Heureusement, les ressources bien plus considérables dont on dispose pour l’affronter permettront d’éviter l’hécatombe humaine. Mais pas la détresse, l’appauvrissement, le ‘’chacun pour soi’’. Ursula van der Leyen prône courageusement une mutualisation, par les 27, des régimes de circulation et de gestion des frontières, de dépistage, de production des tests et des futurs vaccins. Même si la Commission ne s’est pas vu confier de compétences en la matière, le Parlement et le Conseil européens seraient bien inspirés de la soutenir.

Au-delà de l’urgence sanitaire, le politique s’efface. Le désastre que va constituer la rupture ‘’sèche’’ du Royaume Uni d’avec son voisinage européen se diluera dans le Covid. B. Johnson, le capitaine ivre, pourra imputer à la tempête océane- et non à son irresponsabilité politique – la cause du naufrage de son navire. Son comparse, D. Trump, ne pourra sans doute pas le sauver si, par malheur, il était réélu. Gestionnaire des Etats Unis en commerçant mafieux, il continuera à ‘’rouler pour lui-même’’ et n’aura d’empathie pour personne. La crise sociale finira de toute façon par l’abattre. J. Biden, d’origine irlandaise, digère mal l’abandon par Johnson du dispositif de paix et de libre échange liant l’île de ces ancêtres à l’Ulster britannique… et sans doute aussi la complicité Boris-Donald contre lui. Le 3 novembre sera un épisode Covid parmi d’autres et moins un moment fort de la démocratie. D’ailleurs, tout est préparé pour que celle-ci tombe malade de contentieux en cascade.

Au-delà de l’Occident, les autocrates du monde continueront à être jugés sur leur inaptitude à gérer la pandémie et les peuples revendiquant leurs droits – ils sont nombreux de la Biélorussie au monde arabo-musulman – à être étouffés, réprimés, abandonnés. La première vague en avait déjà apporté de tristes illustrations. N‘y pensons plus et reconfinons-nous !

* 28 octobre – Faux frères. D. Trump met en scène une sorte d’auto-triomphe, se projetant en ‘’faiseur de paix’’ au Moyen-Orient. « Nous agrandissons le cercle de la paix si rapidement, grâce à votre leadership ! ». Ainsi le salue son principal allié, le Premier ministre israélien B. Netanyahu, au lendemain de l’annonce, le 23 octobre, de la normalisation, des relations diplomatiques de son pays avec le Soudan. Incidemment, ce retournement soudanais, arrangé par Washington, figure parmi les concessions imposées à Khartoum pour s’extraire de la liste américaine des Etats terroristes et clore les poursuites judiciaires qui sanctionnaient son économie. On est bien là dans l’art du deal. Au téléphone, Trump cherche à faire dire à Netanyahu que ‘’Sleepy Joe’’ (J. Biden) aurait été bien incapable d’un si merveilleux résultat. Netanyahu, le fidèle parmi les fidèles, se tait alors, puis avance que ‘’toute contribution des Etats-Unis est bonne pour Israël’’ ! C’est dire que même les Trumpistes du monde extérieur les plus claironnants – à l’exception peut être de V. Orban, en Hongrie – se font plus prudents, à l’approche du 3 novembre. A Varsovie, le Polonais se tait et, à Londres, B. Johnson se terre dans un silence de mort. Même Poutine ou le Rassemblement national français prennent quelques distances. En bref, on a les amis qu’on mérite.

* 27 octobre – Inch’Allah, Donald ! Continuons notre petit tour d’horizon des coins du monde où l’on souhaite la réélection du président Trump. Le Golfe en est un, en dépit des mesures d’interdiction de territoire adoptée par l’administration républicaine contre des pays musulmans.

C’est en Arabie que Donald Trump a choisi d’aller pour son premier voyage officiel à l’étranger, en mai 2017. A Riyad, le nouveau président s’est livré à une attaque virulente contre l’Iran, ‘’suppôt du terrorisme ‘’, pour le plus grand bonheur du roi Salmane et de son trouble héritier, le prince Mohammed ben Salmane (MBS). Le royaume d’al-Saoud a passé illico 380 milliards de dollars de contrats avec Washington, dont 110 milliards pour l’armement. A partir de là, on ignore, à Washington, ce qu’il peut y avoir d’injuste ou de cruel dans la conduite du Royaume, de sorte que les dirigeants saoudiens se sentent intouchables et bénéficiaires d’impunité. Quand bien même,, si, trois ans plus tard, les contrats mirobolants annoncées par le milliardaire misanthrope se sont évaporés, beaucoup se résumant à de vagues lettres d’intention sans suite.

Quand Riyad, à la tête d’une coalition militaire sunnite a envahi le Yémen pour y traquer les miliciens chiites (supposés proches de l’Iran), D. Trump a fait veto, à trois reprises, aux résolutions du Congrès visant à suspendre les livraisons d’armes à l’Arabie saoudite. De même, lors du meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, le 2 octobre 2018 au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, le prince MBS a bénéficié de la protection entière du président américain, qui n‘a pas hésité à récuser les preuves à charge avancées par sa CIA.
Alors, quand, lorsqu’en novembre 2019 (débat de la primaire démocrate), ils entendent, Joe Biden semoncer Riyad, et parler, s’il est élu, de ‘’mettre fin à la vente de matériel militaire utilisé pour tuer des enfants’’, et même de  »faire payer le prix’’ … à ‘’ l’État paria’’ des Saoud, comme un seul homme, l’Arabie et les Emirats Unis votent Trump.

Voilà ce qu’on appelle partager les mêmes valeurs et s’y tenir !

* 26 octobre. Conflit cultuel.  L’hommage national rendu à l’enseignant assassiné à Conflans rassemble, derrière la voix de leur président, une immense majorité des Français qui adhèrent aux valeurs de la République. Dans le monde musulman, qui compte la même proportion de braves gens qu’ailleurs, certains leaders d’opinion ont cédé à la tentation d’en faire une offense à l’égard des musulmans. E. Macron se voit stigmatisé par eux comme ‘’raciste’’ (quel rapport ?) et ses propos distinguant, comme il se doit, l’‘’islamisme politique’’ de l’Islam en général sont perçus comme une attaque déguisée contre l’Oumma. Le quiproquo n‘est pas nouveau. Il remonte au malaise social et existentiel des sociétés arabo-musulmanes de ces dernières décennies autant qu’à  »l’incompréhensible » laïcité française. Sans être un fin linguiste, on imagine que la traduction arabe de  »musulman » et  »islamiste » aboutit à une synonymie. Les politiques anti-musulmanes de l’administration Trump (le ‘’muslim ban’’ : l’anglo-américain ne faisant pas dans la nuance sémantique) et la montée du ressentiment des Européens, au fil des agressions jihadistes, créent un contexte délétère. Les médias du Moyen-Orient, intellectuellement éloignés et obsédés par ‘’l’islamophobie’’ (définition ?), ajoutent leur touche de désinformation et de haine vendeuse. Il sont donc peu à avoir respecté le deuil moral des Français. Qu’importe ! Selon qu’on remonte à l’expansion mahométane du 7ème siècle, aux croisades médiévales  – deux épisodes d’une violence comparable – à la seconde guerre d’Iraq ou aux attentats de 2015, les perspectives se confrontent. L’origine des contradictions est polémique et la machine à slogans primaires, inhérente aux totalitarismes, envahit et brouille les esprits.

Dans le Golfe, par ailleurs très friand d’armes françaises, les petits cousins des émirs défilent en brandissant l’image d’un président français transpercé de balles. Wahabites ou Frères musulmans, ils ont décrété le boycott des produits français, au nom d’on ne sait quel rapport entre ‘la vache qui rit’’ et les caricatures du Prophète (ladite vache dessinée par Benjamin Rabié affichant, elle-même, une caricature de bovidé, il est vrai). Renchérissant sur l’analyse étrange d’Al Azhar, l’Organisation de la Conférence islamique – qui incarne la synthèse de toutes ces dérives des autocrates populistes – met en garde la France : risque de graves conséquences dans la relation franco-islamique ! Quid du sens de ce curieux attelage entre un pays juridique et une pratique religieuse insaisissable, qui se montre aux Français profondément divisée et très diversement interprété jusqu’au sein-même des familles ? Comment l’OCI caractérise t’elle les musulmans de France – français ou islamiques ? – lorsqu’elle cherche à rendre les deux termes antinomiques. Cette antinomie proclamée – formellement en vertu du respect dû à chaque religion – n’est-elle pas, en réalité, de l’huile intentionnellement versée sur les braises ? Sous cet angle, le jihad anti-français cacherait en fait une course à l’assujetissement communautaire des citoyens français musulmans à des pouvoirs autocratiques étrangers… la création de toutes pièces d’une Cinquième colonne…

Cette stratégie de communautarisation des Européens musulmans est téléguidée par des Etats maghrébins voisins conservateurs, plutôt en bons termes avec Paris, mais aussi par des démocratures orientales qui baignent dans la haine de l’Occident. Les propos outrageants tenus par le sultan Erdogan à l’encontre du Chef d’Etat français, à la suite, toujours, de l’hommage à Samuel Paty, constituent une forme très crue et politiquement signée de cette offensive de sape depuis l’intérieur. Le tyran, ami des frères musulmans et de Daech, déjà engagé dans cinq guerres pour rétablir  »la grandeur ottomane », veut beaucoup de mal à la France, depuis qu’il a raté l’option d’une intégration à l’Europe. Un clash armé pourrait même survenir de son goût pour le harcèlement militaire tous-azimuts. Il n’est pas exclu que ses tentatives d’allumer chez nous des foyers de guerre civile, comme il en suscite chez lui, soit l’expression – consciente ou non – de sa volonté de vengeance.

* 24 octobre – Haschich stratégique. Ankara et Athènes ont accepté d’annuler des exercices militaires prévus en Méditerranée la semaine prochaine, qui risquaient de tourner à la confrontation. Un petit espoir se fait jour, pour l’Otan, d’apaiser les tensions en Méditerranée orientale, tensions dont ce blog a rendu compte. Au sein de l’Alliance, l’Allemagne a joué un rôle particulier pour résoudre les contentieux territoriaux entre les deux pays. On semble être passé très près d’une armée : la veille encore, l’Otan avait condamné la veille l’escalade des provocations (turques) et demandé aux deux pays membres de se conformer au droit international pour régler leurs différends. La Grèce accuse la Turquie de violer le droit maritime international en menant des explorations gazières dans une zone disputée par les deux pays, mais la Turquie, qui n’a pas adhéré à la Convention sur le droit de la Mer, estime pouvoir agir à sa guise et revendiquer des droits ‘’géographiques’’, une façon de se soustraire à l’ensemble de ses obligations juridiques. Dans l’immédiat, cesser les déclarations incendiaires, est le prérequis exigé par l’OTAN avant de traiter l’affaire sur le fond. Le fond, c’est aussi une propension du président Erdogan à jouer un jeu trouble par rapport aux puissances européennes et à l’Alliance elle-même. Comme pour manifester sa capacité de nuisance à leur égard, la Turquie a procédé ces jours derniers à un test du système de défense aérienne S-400 acquis auprès de la Russie et conçu pour abattre les avions de l’Alliance. Commentaire de celle-ci : ‘’cela risque d’avoir des conséquences graves pour nos relations de défense’’.
On retrouve cette ’’agitation stratégique’’ dans l’implication du dictateur turc – par miliciens syriens interposés – dans l’opération azerbaïdjanaise de reconquête du Haut Karabakh. Elle s’accompagne d’une fourniture massive de drones tactiques qui met en difficulté les combattants pro-arméniens. Erdogan renoncer a-t-il à des gains militaires sur ce front lointain, à l’heure où ses médiocres performances sur la scène intérieure le poussent à flatter le nationalisme des Turcs par des hauts faits militaires ? Partout où elle s’engage militairement, la Turquie sème le trouble et la guerre. Acteur régional puissant mais toxique, elle paraît n’accepter un retour de la paix qu’à son seul avantage.

* 23 octobre – Le biais chinois pro-Trump. On l’a vu dans la brève d’hier, la Russie de Poutine s’accommoderait parfaitement d’une réélection de D. Trump et, en sous-main, elle la favorise. Dans un contexte bien différent, on pourrait penser que Xi Jinping, pour la Chine, est sur la même ligne pragmatique  : celle de la préférence pour un ‘’ennemi’’ sanguin, sans vision cohérente, mais facilement manipulable. L’ennemi profond serait plutôt le Congrès, accroché à ses prérogatives en matière de commerce et fondamentalement antichinois. Qui aura séjourné outre-Atlantique au tournant du siècle, aura pu déjà sentir ce fort ressentiment de la classe politique américaine à l’égard du challenger asiatique au sacro-saint leadership yankee.

L’entrée tumultueuse de la RPC à l’OMC, en 2004, loin de lisser les comportements chinois aux normes libérales du multilatéral, a surtout exacerbé les égoïsmes et les contentieux.  L’arrivée au pouvoir de Xi Jinping a marqué une forte rupture d’avec le pragmatisme plutôt accommodant prôné par Deng Xiaoping vis-à-vis de l’Occident, dans l’ordre économique et même politique international. Mégalomane, cassant, despotique et profondément ancré dans les archaïsmes idéologiques  de l’époque maoïste, le nouveau secrétaire général a fait entrer le commerce dans la sphère, ultra-nationaliste et de plus en plus agressive, de la propagande et de l’idéologie. En gros, tout gain arraché sur l’Occident (Europe comprise) serait une juste revanche sur l’humiliation passée de l’épopée des canonnières.

Si l’auteur de ‘’l’art du deal’’ a multiplié les torsions de bras et les menaces de sanction pour arracher des compensations sectorielles à l’abyssal déficit de son pays – et il n‘est guère critiqué pour cela par le Congrès, au diapason – il n’a jamais compris, encore moins dénoncé le ‘’grand plan’’ de la direction chinoise. Celui-ci vient de loin. Il a été initié par un mouvement de sortie des institutions de Washington (FMI, BIRD) et la mise en place de substituts régionaux comme la Banque asiatique d’investissement. Les  »nouvelles routes de la soie » en ont été la phase suivante, qui subordonneront une part conséquente du développement mondial à la domination financière et politique de la Chine et déconstruit l’architecture multilatérale actuelle.  Le plan quinquennal qui sera publié par Pékin l’an prochain visera à dégager l’économie chinoise de sa dépendance aux marchés occidentaux et, réciproquement, à consolider l’hégémonie chinoise sur le bloc asiatique. Certes, Trump est rude avec Pékin, il multiplie les négociations économiques au bord du gouffre, cherche parfois à monnayer les droits de l’Homme au Turkestan chinois ou ailleurs contre tel ou tel marché juteux dans l’un de ses fiefs électoraux, il se montre sans pitié dans la concurrence technologique (Huawei) mais ne propose strictement rien en réponse à ce que le PC appelle ‘’le renouveau de la Nation chinoise… face aux forces hostiles de l’Occident’’. Il est donc le candidat le moins dangereux et le plus manipulable pour la Chine, un histrion qu’il suffit d’alimenter en ‘’deals’’.

* 22 octobre – La démocratie menacée. On dit parfois que l’élection présidentielle aux Etats Unis porte des effets si puissants sur les affaires du monde que beaucoup de citoyens ou d’institutions étrangers seraient tentés d’y participer. Le scrutin de novembre 2016 a, de fait, été marqué par des manipulations, depuis l’extérieur, contre Hillary Clinton. Apparemment, la machine russe de guerre psychologique est de nouveau à l’œuvre pour perturber le vote du 3 novembre. Il s’agirait de troubler, voire de menacer, des électeurs démocrates, pour favoriser la grande pagaille dont Trump pense avoir besoin pour faire chavirer l’échéance citoyenne dans la contestation générale. Un moyen de rester au pouvoir contre le choix démocratique de la population.

Ainsi, le patron de l’agence nationale de renseignement (NIA ) américaine, John Ratcliffe, et son collègue du FBI, Chris Wray, accusent Moscou d’avoir siphonné, dans ce but, des registres de données personnelles sur des listes électorales américaines .
L’annonce est à mettre au conditionnel mais elle est cohérente avec la pratique des hackers et des trolls russes. Elle amplifie encore l’inquiétude, palpable aux Etats Unis, quant aux attaques portées à l’intégrité de la démocratie et aux campagnes de désinformation qui faussent la liberté d’opinion. Des électeurs démocrates s’inquiètent d’avoir reçu des e-mails menaçants de la part du groupe d’extrême droite ‘’Proud boys’’ (en fait, les services russes), les ciblant comme enregistrés en tant que démocrates. ‘’Nous avons accès à l’infrastructure électorale tout entière’’… ‘’Vous allez voter Trump ou vous aurez affaire à nous. » Encore une fois – et c’est important – l’objectif est de faire dérailler l’exercice-même de la démocratie et non pas de faire triompher Trump par les urnes. Ceci correspond d’ailleurs au plan du président en exercice. D’une pierre, deux coups.
Les récentes révélations sur les ‘’Macron leaks’’ de 2017, comme, l’année précédente, les interférences russes dans la campagne sur le Brexit montrent que la stratégie de destruction de la démocratie conduite par les services de renseignement russes ne se limite pas aux seuls Etats-Unis. Six agents du renseignement militaire russe (GRU) ont été inculpés in absentia devant une cour américaine. L’offensive de Poutine cible les grandes nations encore libres. Beaucoup de démocratures ou de dictatures de moindre taille s’en réjouissent discrètement. Une calamité populiste veut, qu’à l’abri de nos confortables institutions, certains irresponsables au sein de notre société approuvent ce travail de destruction, qui apporte comme une résonnance à leur inépuisable colère.

* 21 octobreDrôles de guerres. A moins de deux semaines du scrutin américain du 3 novembre, la géopolitique aborde-t-elle une zone de turbulences accrues ?  Le moment va se prêter à des démonstrations de force et des écarts de conduite que favorisera le repli des Etats Unis sur leurs propres déchirements internes. Autant dire que pour les ‘’joueurs’’ de mauvais coups, les Erdogan, Poutine, Kim Jong-un, Xi Jinping etc., pour les groupes mercenaires ou les jihadistes de tous poils, une fenêtre d’opportunité et d’impunité va s’ouvrir. Sans exagérer la capacité stratégique de Washington à faire obstacle ou contrepoids aux faiseurs de crise, ni taire le désastre auquel se résume la politique extérieure de Donald Trump, la sensation de vide, donc d’impunité, créera de l’instabilité.

Ainsi, la Chine populaire célèbre avec faste l’unique confrontation militaire qui l’ait opposée aux Etats Unis. L’épisode remonte au lancement, le 19 octobre 1950, de l’immense vague des ‘’volontaires chinois’’ (déjà ce biais de ne pas assumer un état de guerre déclarée) contre les troupes du général MacArthur, alors à l’apogée de leur offensive contre les troupes communistes nord-coréennes. Défensive ou non, l’intervention chinoise a défait l’armée onusienne (essentiellement, américaine), avant que le débarquement de nouvelles troupes, à Inchon dans le nord-Ouest de la Péninsule, ne rétablisse le statu quo initial de la ligne de front. Cet affrontement très dur n’était plus évoqué publiquement. Qu’il le soit à nouveau aujourd’hui est assez significatif de la ‘’drôle de guerre’’ qui se joue entre les deux géants. Pékin lance clairement une forme de mise en garde aux Etats Unis comme pour inhiber par avance leur réaction.

Dans ce contexte, on pense forcément à l’enjeu national majeur et à la proie que constitue Taiwan. Xi Jinping fait monter le niveau d’agressivité, depuis des mois, à l’égard de l’ïle nationaliste (dans les faits, unne nation démocratique) et ses armées multiplient à son encontre les frictions militaires, comme pour étayer la thèse d’un conflit de basse intensité qui serait déjà en cours. La diplomatie de Xi, réorganisée autour de cadres dogmatiques, s’en mêle aussi et on l’a vue, par exemple, à Suva (îles Fidji) faire irruption dans la célébration du double 10 (naissance de la république chinoise en 1911) pour agresser les participants. Le motif en était que ‘’la décoration du gâteau d’anniversaire n’était pas celle du drapeau communiste’’. Les scénarii de montée de la tension pourraient être multiples, mais, parmi eux, une opération de conquête des îlots taiwanais de Mazu, des Pescadores, des petites Liuqiu constituerait un sérieux handicap pour le dispositif défensif de Taiwan. A partir de là, les 25 millions d’habitants de l’Ile pourraient se voir soumis à blocus, une catastrophe économique voire un risque de famine pour cette économie totalement intégrée au commerce mondial. Les investissements industriels  taiwanais sur le Continent, en position dominante dans certains régions côtières développées, pourraient être confisqués dans la foulée. Sans aller jusqu’à envisager une invasion militaire de toute l’ancienne Formose, promise à une résistance acharnée, une agression de ce type lancerait un énorme défi à l’ONU (où Taiwan ne siège plus depuis 1971), aux Etats Unis et aux nations attachées à la Paix et au Droit.

* 20 octobre – Guerre mondiale des mots. Au lieu de poursuivre les entreprises propriétaires des réseaux sociaux pour complicité de crime dans l’affaire de l’enseignant sauvagement décapité (cf. brève d’hier) – leur négligence protégeant leur chiffre d’affaires rondelet –, les têtes pensantes de la France comme de l’Islam ménagent leur public et flattent leur électorat.

En France, des mosquées et des associations musulmanes sont fermées, comme pour bien marquer la nécessité de leur repentance publique. De même, dans le cas des collégiens dont certains, contaminés par les réseaux, ont ‘’vendu’’ leur enseignant au tueur, ce sont les bas instincts et la naïveté que les autorités cherchent sanctionner. Un travail de police, simple et carré, donc. Va-t-on recenser l’ignorance et la médiocrité du monde, en scannant la planète entière ? N’y aurait-il pas surtout une forme de sectarisme à vouloir traquer les imbéciles qui, par définition, se manifestent partout, de façon universelle et dans bien d’autres sphères que celle de l’islam politique ? N’y a-t-il pas, surtout, une grave incohérence à faire des enfants perdus de la République, paumés parmi les paumés, stagnant dans des quartiers à l’abandon, de fiers ‘’séparatistes’’, disposant de leur propre territoire ‘’libéré’’, de leur drapeau,  de leur gouvernement ? Le projet de loi bizarre contre les séparatismes sera présenté au Parlement le 9 décembre prochain.

En tout cas, la légèreté de propos, bien française, produit déjà de fâcheux résultats. Malgré les propos rassénérants et très responsables de leurs dirigeants français, le ‘’croyant de base’’ comme le ‘’républicain laïc de base’’ sont plus que jamais persuadés de vivre dans la confrontation : deux peuples, deux lois, pour un seul territoire. C’est comme si les élections ne se remportaient qu’en détruisant systématiquement la cohésion du Pays (notre Fraternité nationale, tant galvaudée !).

L’absurdité d’un tel message de polarisation déchaine, en retour, dans le monde musulman, des réactions plus absurdes et plus dangereuses encore. Ainsi, le recteur de l’université islamique Al-Azhar du Caire qui, faute de connaître la France et d’avoir réfléchi à un meilleur usage de sa vaste influence, qualifie le discours du président de ‘’fausses accusations visant l’islam’’ et, carrément, de «racisme». Le projet présidentiel serait, selon lui, de nature à enflammer les sentiments de deux milliards de musulmans dans le monde. Vrai ou faux, le propos résonne comme un appel à peine déguisé à la vengeance. C’est la solution du pire face à l’inflammation dénoncée. A chacun son électorat, certes, donc à chacun son petit succès dans la guerre civile mondiale ! Celle-ci, qui est à venir, justifiera, un nouveau renfort des pouvoirs (étendus) de la police et des coupes claires dans les budgets sociaux et éducatifs, ce qui découlera d’une vulgate technocratique bien de chez nous.

*19 octobre – Réseaux criminels. La tragédie du collège Bois d’Aulne, à Conflans Ste Honorine, résulte, pour une grande part, des ramifications mondiales de la haine imbécile. Il est établi que, sans les multiples relais qui ont fait une cible d’un enseignant simplement appliqué à son métier (et à la société à laquelle il consacre sa mission pédagogique), l’assassinat horrible n’aurait pas eu lieu. L’incident de la carricature aurait été réglé au niveau du collège et d’ailleurs, c’était le cas. C’est quand des faiseurs de trouble internationalisent – consciemment ou non – ce type d’affaires que la terreur s’en empare. Voilà bien une fonction caractéristique des réseaux prétendument ‘’sociaux’’, qui répandent dans les recoins de la planète la haine sociale et culturelle, dans le plus parfait anonymat.

Dès l’origine, l’attentat contre Charlie hebdo, a résulté de l’abyssal décalage mental et de temporalité qui pousse à l’incompréhension et à l’affrontement des personnes de sociétés, qui s’ignorent au fond et se détestent à titre de réflexe défensif. Ceci n‘est pas pour dire que ce phénomène d’éclatement et de durcissement des comportements, alors que l’information (déformée) inonde le globe, provoquant des  »passages à l’acte,’’ vaut  circonstance atténuante aux apprentis terroristes de tous poils. Bien au contraire, une société de (relative) liberté et de démocratie a aussi dans son essence de placer chacun devant ses responsabilités pénales. Si elle ne le fait pas, elle disparait et, à cet égard, on ne peut que déplorer qu’il y ait si peu de procès en justice pour tant de tueurs illuminés. Mais la même société doit aussi anticiper et se prémunir contre les retours de flamme qu’un incident jugé chez nous anodin, va susciter dans des communautés très éloignées de nous, par la distance ou par le formatage mental.

Dans le drame de Conflans, la montée locale de la tension a été gérée. Pas l’énorme caisse d’amplification que créent les réseaux sociaux. On ne peut pas contrôler l’illuminé, voyou psychotique qui vous veut du mal sous d’autres latitudes. La diplomatie peut, au mieux, tenter de corriger, avec des effets limités, l’image que donne d’elle-même la société française dans cette vaste nébuleuse. Mais on doit défendre le système d’éducation de la République destiné à tous, sans exception. Il faudrait aussi réguler les réseaux transmetteurs de la haine criminelle et le faire plus sérieusement qu’actuellement. YouTube (Google) a tué dans cette affaire. Facebook, Instagram, etc., dans d’autres. Il va falloir confiner les populations à distance des effets toxiques de ces outils infernaux et vénaux.

* 17 octobre – Bonne nouvelle au Liban. Ce blog n’a pas vraiment commenté les récentes reconnaissances diplomatiques d’Israël par les Emirats Arabes Unis et par le sultanat de Bahreïn. On note aussi une mansuétude remarquable de l’Arabie Saoudite, qui ouvre désormais son espace aérien aux vols d’El Al. Tout ce qui va dans le sens d’un apaisement dans le Moyen-Orient incandescent est bon à prendre. Mais, justement, ce mieux intervient dans d’une stratégie électoraliste américaine qui le rend réversible et fragile. Cela se fait, surtout, aux dépens des intérêts légitimes des Palestiniens et, qui plus est, dans une optique de confrontation avec l’Iran. Un mieux ponctuel suffirait-il à compenser une menace sur un peuple et sur la Région ?

Depuis lors, le pays du cèdre et l’Etat hébreu, techniquement en état de guerre, ont entamé des pourparlers sur le tracé de leur frontière maritime et des deux zones économiques exclusives (ZEE). Ces négociations bilatérales se dérouleront à Naqoura, au quartier général de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL). Elles bénéficient ainsi d’une médiation apportée par les Nations Unies à l’étape initiale d’une normalisation négociée directement entre les deux pays voisins. C’est une première depuis 1983. L’Enjeu de la frontière terrestre, qu’il restera à sécuriser, devrait suivre assez logiquement et concerner plus directement encore la FINUL. En 2011, la diplomatie américaine avait proposé une ligne de partage attribuant 60 % de la zone disputée au Liban et 40 % à Israël. Sous l’influence du Hezbollah, elle avait été rejetée par Beyrouth, qui revendiquait une souveraineté sur les 860 km2 concernés. Il était alors exclu de traiter avec ‘’l’Ennemi juré’’. La guerre menée en 2006 contre l’armée israélienne, avait encore exacerbé ce refus.

Un accord bilatéral désormais possible pourrait débloquer l’exploitation de ces eaux, considérées par Total et par les autres pétroliers comme plus riches en gisements gaziers (et en ressources halieutiques) que la rive Nord de la Méditerranée. L’impatience est d’autant plus forte que les voisins du Liban – Israël, Chypre, l’Egypte, la Turquie et la Grèce – ont déjà pris leurs marques dans la course à l’exploitation du gaz. Pour la classe politique libanaise, conspuée par ses concitoyens, c’est un défi de légitimité à relever, si elle veut redorer un peu son blason.
Contrairement aux arrangements précités avec les pétromonarchies, un succès serait potentiellement profitable aux populations, en termes d’activité économique et de sécurité intérieure. L’aboutissement ultime pourrait prendre la forme d’un Traité de paix en bonne et due forme, qui mette le Liban à l’abri des incursions (dans les deux sens) et des hostilités récurrentes. Le Hezbollah verrait alors ses activités militaires restreintes par le droit. Sauf à se mettre totalement hors-la-loi, sa coopération pourrait desserrer le carcan infamant de ‘’terrorisme’’ dans lequel les Etats Unis l’enferment. Ceci favoriserait d’autan la cohésion politique du Pays et la sortie de crise.

Il faut donc souhaiter bonne chance au Liban et à Israël.

*16 octobre – Boris breaks it. Le 15 octobre est passé, comme la marque d’un déni. C’était l’échéance ultime fixée par Boris Johnson pour conclure avec l’UE un accord post-Brexit à dominante économique et commerciale, mais pas que. Une façon aussi de narguer les 27 dont l’objectif reste de conclure à temps, pour que le nouveau partenariat puisse être adopté par les parlements et rentrer en vigueur avant la fin de l’année. Comme la phase de  ratification nécessite deux mois, le décalage des deux calendriers est en fait minime : deux semaines environ, mais l’état d’esprit est très différent.

C’est sur un constat d’impasse que le Conseil européen se réunit ce week-end. L’échec se rapproche et Londres paraît l’anticiper avec une sorte de jubilation masochiste. Le Royaume Uni est plus que jamais vent debout contre l’adoption d’un code de concurrence loyale et d’arbitrage des différends organisant son maintien dans la libre circulation des biens au sein du marché unique. Londres tente, sans plus, de sauver l’activité internationale de la City, sans faire de concession substantielle sur l’accès à sa zone de pêche, au nom d’intérêts électoraux minuscules. Par fierté nationale et inclination vers un modèle ultra-libéral ‘’à la singapourienne’’, il n’est plus question d’accepter quel mécanisme de régulation bruxellois que ce soit. Le grand large, encore le grand large ! Mais on chercherait en vain ces partenaires lointains, à même de compenser les déficits qu’enregistreront ses comptes avec le continent européen voisin. Attendre, en particulier, que le salut vienne des Etats-Unis, dans la situation pitoyable où se trouve la première puissance mondiale, tient de la pure folie. De plus, l’économie britannique apparaît bien malade du Covid pour pouvoir encore naviguer en solitaire.

Dans ces circonstances, le grand large verra probablement se lever la tempête. Le tempérament à frasques de Boris Johnson, de plus en plus impopulaire dans son pays, n’explique pas tout. Westminster a adopté  une loi sur la frontière commerciale en Irlande du Nord qui attente à l’accord de paix de 1998 et viole l’accord politique général conclu avec l’Europe en 2019. La crédit accordé à la parole de Londres en prend un coup. Les Gallois et les Ecossais ont, de même, compris, à l’occasion des mesures géographiquement déséquilibrées adoptées contre la circulation du Covid, que le gouvernement britannique ‘’roulait’’ pour sa base électorale anglaise (la partie populiste de celle-ci) et n’hésitait pas à piétiner leurs intérêts. Le Royaume reste un, mais assez désuni. Surtout, l’esprit de 2016, quand des millions de sujets de la Reine défilaient dans les rues en exigeant un second referendum sur le Brexit, s’est complètement évaporé. La capacité de résilience de l’opposition s’est usée avec le temps et avec des élections générales qui lui ont été très défavorables. Le sentiment – réaliste – qu’un ‘’hard Brexit’’ ne sera pas évité s’est propagé dans les esprits. Seul prévaut un brouillard de fatalisme et de désillusion, face à l’inexorable. Une vraie stratégie pour une défaite.

* 14 octobre – Stop Covid. Les ministres des Affaires européennes se sont accordés pour mettre en place une carte de l’ensemble des pays de l’UE, avec un code couleurs en fonction des niveaux de risques COVID : vert, orange, rouge et gris. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) publiera chaque semaine une carte de la situation pour l’ensemble des territoires de l’Union. Cela apportera-t-il un peu d’ordre et de coordination, alors que la pandémie connaît une forte reprise que l’on qualifie désormais de ‘’deuxième vague’’ ? La réponse est oui. Plus de 6,5 millions de cas de Covid-19 et quelque 240 000 morts sont recensés en Europe, selon le décompte de l’AFP. Dix mois après l’arrivée du virus, cette cartographie commune est enfin disponible, mais elle suscite déjà les réticences de plusieurs États membres.
Le classement des zones sera défini en fonction du nombre de nouveaux cas notifiés pour 100 000 habitants au cours des deux dernières semaines et du taux de positivité des tests. Une quatrième couleur (gris) marquera les zones dans lesquelles les données restent insuffisantes, notamment lorsque la pratique des tests de dépistage sera jugée trop faible. Les résultats des tests seront mutuellement reconnus et des exemptions de quarantaine seront appliquées pour un certain nombre de fonctions ou professions essentielles. De même, seront instaurés des procédures d’information mutuelle à court délai et un formulaire européen unique à remplir aux frontières. Les personnes provenant des zones de couleur orange, rouge ou grise pourront être soumises à quarantaine ou à des tests. S’agissant des zones vertes, aucune mesure ne sera imposée. Dans tous les cas, les voyageurs intra-européens ne devront pas être refoulés aux frontières, comme le fait la Hongrie, même si quelques exceptions ont été concédées à ce pays, à la République Tchèque, à la Pologne et à la Slovaquie.
Il tombe sous le sens que l’Europe soit le champ désigné du combat commun contre le virus, d’autant plus que ce cadre tient compte de la variété des situations dans les territoires. La France aurait particulièrement pesé pour la mise en place de cette politique commune. Le parallèle s’impose avec l’action contre le dérèglement du climat, celles en faveur de la paix, de la justice, du développement, etc. Il est triste que les freins à l’action protectrice de l’Union – qui n’est pas parfaite – viennent toujours, en sous-main, de l’égoïsme de tel ou tel Etat et renforcent de façon paradoxale les tendances europhobes dans l’air du temps.

* 13 octobre – To end a war. Territoire contesté ou occupé par la force, population minoritaire dans un Etat qui la discrimine s’arrimant à un voisin qui lui est culturellement homogène ; principe d’intégrité territoriale brandi contre celui d’autodétermination des peuples (encore faut-il reconnaître chez soi l’existence de peuples autochtones), le droit international est à court de solutions évidentes aux conflits de nationalités. Or, ceux-ci  sont nombreux et durent des décennies, entrecoupés de périodes de combat et de répits fragiles. Le Cachemire (depuis 1947 !), la Palestine, l’Irlande du Nord, la Bosnie, le Kosovo, la cause kurde en fournissent quelques illustrations.

L’affrontement actuel entre séparatistes du Haut Karabakh soutenus – et même dirigés – par l’Arménie et l’armée d’Azerbaïdjan, plus puissante et sans doute à l’initiative, n’est pas seulement dramatique et militairement sans issue, il est en effet insoluble par le seul recours au droit. Confronter la volonté d’une population à la souveraineté territoriale d’un Etat (on parle bien d’un territoire occupé, appartenant à Bakou) conduit en effet à l’impasse. De plus la géographie de cette partie du Caucase montre des territoires sans continuité, parsemés d’enclaves. C’est l’héritage monstrueux de Staline qui dicte la géographie de la région.

Resterait en théorie l’échange de concessions et une résignation, de part et d’autre, à un compromis mal taillé, en tout cas frustrant. Ceci exigerait un niveau d’accommodement élevé, très déstabilisant pour les pouvoirs belligérants en place.  Otages de la flambée nationaliste qu’ils ont insufflée à leurs bases, ils risqueraient de ruiner, à ce jeu, leur soutien populaire. Ceci vaut pour l’Arménie démocratique comme pour l’Azerbaïdjan autocratique, qu’une ‘’paix des braves’’ exposerait à des retours de flammes. Un autre écueil tient à la fragilité, dans le temps, de tout compromis focalisé sur le seul arrêt des hostilités, perspective qui ne traite pas le problème de fond.

Fatalité supplémentaire, les puissances régionales se mêlent des affrontements, les amplifiant et nourrissant par le truchement de leurs armes, de leurs mercenaires et d’autres apports en renseignement, en propagande, etc. Elles y surajoutent  leurs propres objectifs ‘’impériaux’’. La Turquie s’est mise dans ce rôle inflammatoire. Israël apparaît dans le même camp, en ‘’fournisseur’’. La Russie, en légataire assumé de l’ancien glacis soviétique, fournit, elle, une caisse de résonnance régionale et mondiale qui rigidifie la posture arménienne (son grand ‘’allié’’ rendant inutile une vraie coexistence de voisinage avec l’Azerbaïdjan). Moscou impose une gestion féodale des tensions – de suzerain à vassaux – qui marginalise le droit et sert ses intérêts de Maître du jeu. Poutine n’a d’ailleurs pas vraiment brillé pas ses talents de stratège et de ‘’faiseur de paix’’. Le cessez-le-feu arraché par la diplomatie russe aux belligérants ne s’est pas concrétisé.

Les structures créées sous la détente pour régler les conflits dans la grande Europe – OSCE, Groupe de Minsk s’agissant spécifiquement du Karabakh) – font de la figuration, sans opérer vraiment. Il faudrait faire appel, à nouveau, Richard Holbrooke et aux autres négociateurs de la paix en Bosnie durant la décennie 1990. Certes, ils n’ont que partiellement converti les esprits, mais, 25 ans après, cette paix tient encore !

* 12 octobre – Tous frères. Qu’est-ce qui pourrait faire renaître un désir universel d’humanité ? Voici une forte réflexion sur le populisme, les marchés et le désordre international. Elle sort des sentiers battus de la géopolitique. Le populisme pose problème, à commencer par sa définition, car il s’oppose à toute fraternité universelle. Agir en communion avec le peuple, en respectant ses caractéristiques et ses aspirations parait, à première vue, légitime. Mais, cet affichage devient malsain dès qu’il est dévoyé par l’habilité de certains dirigeants à instrumentaliser politiquement la culture (au sens large) des peuples au service de leurs projets personnels, d’un nationalisme étriqué ou de leur maintien au pouvoir. Le sens de l’intérêt commun dépérit. Quant au libéralisme économique, il entretient une culture individualiste et naïve soumise à des intérêts économiques effrénés. Il soumet l’organisation des sociétés au service de ceux qui ont déjà trop de pouvoir… et abuse les classes modestes avec des chimères telles que la théorie magique du ruissellement, qui ne résorbe aucunement les inégalités. La politique ne doit pas se soumettre à l’économie et l’économie, aux diktats d’efficacité de la technocratie. Il faudrait rechercher, à l’inverse, une participation sociale, fondée sur un amour préférentiel pour les plus faibles.

Sur cet arrière-plan, on voit la volonté de coopération entre les Etats faiblir et, avec, leur investissement dans le règlement des conflits et dans les coopérations régionales. S’ouvrir au monde est devenu une expression monopolisée par l’économie et les finances. Construire ensemble la Paix et la Justice, l’utopie d’un autre temps. Constatons combien la paix régresse partout et comme la guerre se répand aujourd’hui. Nous sommes en fait plongés dans une troisième guerre mondiale par séquences fragmentées. Dans ce contexte, le principe, longtemps mis en exergue, de la légitime défense par la force militaire devient caduc. Nous ne devons plus penser à la guerre comme une solution. L’utilité hypothétique qu’on lui a attribuée est toujours bien moindre que les risques encourus par l’humanité. N’invoquons donc plus les critères mûris en d’autres temps pour parler d’une possible ‘’guerre juste’’. Plus jamais la guerre ! (Encyclique à la Fraternité et à l’amitié sociale – Fratelli tutti – Pape François, automne 2020).

*11 octobre – Combattant de la Paix. Le Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM), créé en 1961 pour lutter contre la faim dans le monde, reçu le prix Nobel de la paix 2020 pour sa contribution à l’amélioration des conditions de paix dans les zones touchées par les conflits. L’agence onusienne est également distinguée pour avoir joué un rôle moteur dans les efforts visant à empêcher l’utilisation de la faim comme arme de guerre. Cette mention, issue du droit de la guerre (conventions de la Haye et de Genève) vise à susciter une prise de conscience de la sauvagerie montante des belligérants actuels à l’égard des populations civiles .

Pour le directeur exécutif du PAM, l’Américain David Beasley, ce Nobel constitue ‘’la reconnaissance de l’engagement chaque jour, sur le terrain, des 17 000 employés de l’Agence pour éradiquer la faim dans 88 pays du monde (plus de quatre pays sur dix)’’… ‘’Ils opèrent dans les zones les plus difficiles, les plus complexes de la planète, que ce soit à cause de la guerre, des conditions climatiques extrêmes, peu importe…’’ ‘’ Le seul moyen d’en terminer avec la faim, c’est de mettre fin aux conflits ». Ils sont de fait la cause reconnue des famines systémique, celles qui persistent envers et contre tout. Les autres – dont le dérèglement climatique – peuvent être compensées, sinon réglées à la source.

La pandémie de Covid, qui libère les comportements belliqueux, désorganise les économies et rarifie les ressources disponibles ajoute encore à la détresse des victimes désarmées. La plus grande organisation humanitaire, basée à Rome, faisait déjà face à une sous-alimentation chronique, qui, en 2019, a touché, 700 millions de victimes. La récession mondiale risque de pousser vers la faim entre 83 millions et 132 millions de personnes supplémentaires’’, s’inquiète un rapport publié par l’ONU à la mi-juillet. 

La présidente du comité Nobel norvégien, B. Reiss-Andersen, fait valoir que le besoin de solutions multilatérales est ‘’plus visible que jamais’’. Cette année, le choix du Nobel est incontestable et directement corrélé aux efforts pour réhumaniser le monde, protéger l’humanité victimisée, mutualiser la recherche de solutions aux grands défis planétaires. Hommage, donc, au PAM et réinvestissement moral dans le système des Nations Unies.

*10 octobre – Même si l’issue en est heureuse, il est délicat de commenter une affaire d’otage. Sophie Pétronin, la dernière otage française dans le monde, a recouvré la liberté au Mali, au terme de quatre années de détention aux mains de groupes jihadistes plus ou moins affiliés à Al Qaïda. Elle a été accueillie sur le tarmac de Villacoublay par sa famille et par le président Macron, une scène riche en émotions et qui suscite empathie et admiration pour son incroyable résilience physique et mentale. Âgée de 75 ans, Mme Pétronin, dirigeait une petite ONG franco-suisse d’aide aux enfants souffrant de malnutrition. C’est bien pour son activisme humanitaire et ses liens d’amitié avec la population qu’elle a été enlevée le 24 décembre 2016 à Gao, dans le nord du Mali.
Le Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans, sous la bannière duquel différents ‘’revendeurs d’otages’’ ont opéré, est précisément l’un des principaux à affronter les militaires de l’opération Barkhane, dans la même région. Deux cents combattants jihadistes – dont l’identité n’a pas été divulguée – ont été libérés en échange, par la junte malienne. Celle-ci aurait de plus concédé une rançon conséquente (10 mns € ?). Ils vont donc reprendre les armes et en acquérir de nouvelles pour amplifier leur ‘’chasse aux Français’’, ce qui a de quoi donner le blues à la cellule diplomatique de l’Elysée et à l’Etat-major. Nouveaux combats, nouveaux otages en perspective, possible nouveau lâchage par les autorités maliennes de ce qui devrait être un partenariat solide avec la France pour la défense et l’unité du Pays. Mais ce n’est pas le cas. Bamako obtient le retour de M. Cissé, ancien candidat d’opposition à la présidentielle et l’un des ténors de la vie politique malienne. Rome, dont les services semblent avoir eu un meilleur accès aux négociations que la DGSE française, rend à la liberté un prêtre et un ‘’jeune homme’’ ( ?) italiens, petite vexation au passage pour la caserne Mortier.
Vu sous cet angle, on comprend mieux le peu de jubilation du gouvernement français et peut-être – ce n’est qu’une hypothèse -sa réticence à trop s’impliquer au cours de ces dernières années dans un casse-tête où l’objectif à court terme (la libération de l’otage) pouvait ruiner l’objectif de plus long terme (sortir par le haut du guêpier sahélien). La schizophrénie s’insère souvent dans le travail de conduite de crise. Entre deux écueils, on hésite à l’infini entre le ‘’moins pire’’ et le ‘’plus proche’’. C’est un peu la conscience qui parle, un peu le sort qui dirige, beaucoup, la politique qui tranche. Mais qui pourrait prétendre honnêtement détenir LA formule absolue ?

* 9 octobre – Empire dissolu. On plaindrait presque Poutine de ‘’régner’’ sur un glacis stratégique aussi remuant. Après l’Ukraine, la Biélorussie, le Caucase (Arménie et Azerbaïdjan), c’est au tour du Kirghizistan. Cette, petite république montagneuse d’Asie centrale, de 6,5 millions d’âmes et de faible notoriété, voit sa population ruer dans les brancards. Les événements s’y précipitent depuis des élections législatives truquées, que le gouvernement a dû annuler sous la pression de manifestations massives. La violence de la répression a conduit à la démission impromptue du Premier ministre. La rue lui a choisi un successeur, Sadyr Japarov, incarcéré pour corruption, qu’elle a été tirer de prison. Des pillages ont ponctué les manifestations et même des mines d’or et de charbon auraient été attaquées par des bandes armées. A son tour le président, Sooronbaï Jeenbekov, se déclare « prêt à démissionner », dès que les bases d’une transition politique auront été posée et que la date d’une nouvelle élection aura été fixée.
Par contraste avec le dictateur biélorusse Loukachenko, la classe politique de Bichkek – tricherie à part – passerait presque pour une référence de démocratie. Mais le pays est aussi coutumier d’épisodes anarchiques. Des mouvements populaires ont déjà eu lieu en 2005 et 2010, aboutissant au renversement des autorités, à une époque où Bichkek offrait des facilités aériennes pour les forces de l’OTAN e Afghanistan. La coexistence être la majorité Kirghize et les fortes minorités, Ouzbek et Russes ne va pas de soi, non plus.
Boris Eltsine n’avait sans doute pas réalisé que son pays devrait se précipiter au chevet des uns et des autres en pourvoyeur des premiers soins, lorsqu’a été lancée la Communauté des Etats Indépendants (CEI). Ce cadre non-structurel a été, par la suite, relayé par l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) et par l’Union économique eurasiatique, afin de reprendre le processus d’intégration économique et politico-militaire de l’espace post-soviétique. On voit bien où on est parvenu dans le délitement. Pour V. Poutine, qui campe dans une posture revancharde face à l‘Occident, la fracturation de ce bloc hétérogène constitue un handicap et une limite frustrants, en même temps que le vestige d’un glorieux passé. Souhaitons-lui de parvenir à calmer le jeu chez ses dix vassaux !

*8 octobre – Rancœurs passéistes. Un consensus en Europe sur l’Etat de droit ? Non pas, et la fracture qui s’élargit à ce propos entre les ‘’vieux’’ Etats de l’Union européenne et les ‘’nouveaux venus’’ de l’Est est porteuse d’incompréhensions et de crises : ‘’ Je suis un peu perplexe de constater qu’il y a des députés qui osent comparer l’Union européenne à une dictature communiste’’. Telle est l’expérience étonnante, au Parlement européen, du ministre des affaires européennes allemand, introduisant le difficile débat sur les conditionnalités à attacher au versement des fonds du futur budget européen de long terme (2021-2027).

La Pologne et la Hongrie font déjà l’objet d’une procédure de sanction au titre de l’article 7 du traité européen et, en principe, elles sont exposées à des réduction de leurs fonds structurels pour des entorses aux prérogatives de la justice et aux droits humains des minorités. Mais les décisions du Conseil restent en suspens et, en attendant, Michael Roth est la cible d’attaques assimilant la très respectable République fédérale au III ème Reich et à ses horreurs. Pour certains députés polonais, hongrois ou slovaques, le monde d’aujourd’hui reste celui des années 1940. Ceci interdirait, selon eux, à Berlin, de parler au nom des valeurs et des droits humains. Poursuivant plus loin encore ce parallèle populiste très réducteur, ces élus dénoncent dans les institutions de Bruxelles une ‘’nouvelle Moscou’’ et chez leur voisins occidentaux un comportement sans foi ni loi, qui a conduit à les ‘’laisser tomber’’ lors des offensives allemandes de 1938-39.  L’argent n’est pas absent de ces griefs ressassés. Ainsi, quatre-vingts ans après la guerre, le gouvernement de Varsovie réclame, pour prix de ses 6 millions de victimes, toujours près de 850 milliards d’euros à Berlin, soit 100 milliards de plus que le montant du plan de relance européen (750 milliards d’euros) ! La question des compensations avait été en principe réglée, en 1953, entre la RDA et la Pologne, il est vrai. La Hongrie et la Pologne menacent aujourd’hui de bloquer la ratification du plan de relance si la clause budgétaire n’est pas strictement limitée au bon usage des fonds, à l’exception de toute question d’éthique démocratique.

On est très loin de l’origine et du sens profond de la construction européenne, laquelle constitue sûrement le plus gros investissement sur la Paix effectué au bénéfice des anciens protagonistes. La RFA y a participé largement pour sa part et la mobilisation exceptionnelle des fonds européens de relance, qu’elle alimente et garantie, devrait être mieux accueillie par nos frères, un peu archaïques, de l’Est.

*7 octobre – Un peuple se bat pour la Liberté. Svetlana Tikhanovskaya s’adresse aujourd’hui, en visio-conférence, au Parlement français. Vainqueur du scrutin du 9 août, brutalement privée de sa victoire par la répression déclenchée par A. Loukachenko, elle ne manquera pas d’encourager les élus à intensifier la pression – dont les sanctions – sur le régime barbare régnant à Minsk, qui entend vendre chèrement sa peau. C’est surtout à l’opinion citoyenne que la tête de file du triumvirat féminin s’adresse. Dans le contexte de pandémie, qui favorise peu l’esprit géopolitique et militant, les Françaises et les Français tardent à entendre l’appel de la Liberté en Biélorussie. Le soulèvement du peuple biélorusse entre pourtant dans son troisième mois.

Chaque dimanche, l’opposition, très majoritaire, tient pacifiquement la rue, s’organisant contre les aspects policiers mais aussi professionnels et financiers de la répression. Le Conseil de coordination de l’opposition s’est installé à Varsovie, préfigurant un noyau de gouvernement en exil. Depuis ce point d’appui, ses membres multiplient les contacts avec la classe politique et les associations citoyennes de l’Union européenne. E. Macron a bien voulu avoir quelques mots aimables pour leur cause, en passant par Vilnius. Il s’est même engagé à ‘’faire quelque chose’’ pour les très nombreux prisonniers politiques arrêtés, escamotés et parfois torturés par les spadassins du Régime. Rappelons que Loukachenko s’est longtemps singularisé comme un adepte et admirateur d’Adolph Hitler. Cela devrait suffire à le faire juger mais, par crainte de froisser son protecteur, Poutine, maître du jeu dans cette partie de l’Europe, il n’est même pas visé par des sanctions. Dans ce genre de situation, il appartient aux élus et aux sociétés civiles libres de maintenir la pression. Il doit y avoir un partage des tâches entre les institutions d’Etat qui gèrent la complexité géopolitique et les peuples qui réclament solidarité et justice. On voudrait les entendre plus fort qu’actuellement, malgré la dispersion de notre attention entre la campagne américaine, la Haut Karabakh, le rebond du Covid, etc.

*5 octobre – Sam, grand malade. « J’ai beaucoup appris sur le Covid, je l’ai appris en faisant l’expérience moi-même, c’est l’école de la vie ». « Ce n’est pas ce qu’on lit dans les livres, et je comprends ça, et c’est quelque chose de très intéressant ». Le président américain peut-il vraiment apprendre de la vie ? Hospitalisé avec les symptômes du virus, on le projette dans les médias, tandis qu’il multiplie les tweets et les apparitions-surprises à bord de sa limousine. Pour l’humanité commune, la maladie relève de la vie intime. Mais, lui, figure au nombre des puissants perpétuellement mis en scène et dont on cache les déboires derrière un épais brouillard d’infox. Les Français se souviennent des fins de règne des présidents Pompidou et Mitterrand.

Avec D. Trump, sous traitements à l’hôpital (même s’il claironne sa sortie imminente), c’est la géopolitique du monde en suspens. Elle se perd en rumeurs et en interrogations. Pour certains régimes s’est ouverte une fenêtre d’opportunité pour agir dans le vide de présence au monde des Etats-Unis. Avant même les malheurs du bouillant septuagénaire, la Turquie, Israël et la Russie ont déjà bien profité du repli sur soi des Etats-Unis et de leur moindre capacité à réagir. On pourrait aussi spéculer sur le moment choisi par l’Azerbaïdjan pour se lancer à la reconquête du haut Karabakh. L’énorme incertitude qui affecte les élections américaines – et singulièrement, le scrutin présidentiel – conjointement à l’anticipation générale d’une période de désordre durable au niveau de la première puissance occidentale, déstabilisera-t-elle plus encore l’état du monde ? On pourrait, au contraire, la voir comme une opportunité pour promouvoir un cours des choses plus conforme au droit, à la justice et aux défis urgents de notre époque, réalités que les Etats-Unis ne savent plus prendre en compte.

*3 octobre – Mercenaire à vendre ! Syrie, Libye, zone kurde irakienne, eaux territoriales cypriotes et maintenant Haut Karabah ! Se dirige-t-on vers une nouvelle escalade par proxy, du fait de l’hubris de tel ou tel dictateur ‘’à l’ancienne’’?  Il est confirmé de source française que des miliciens syriens pro-Ankara ont été déployés ces dernières semaines dans les montagnes de cette dernière région, pour épauler l’Azerbaïdjan face aux séparatistes arméniens. Selon l’observatoire syrien des droits de l’Homme (à Londres), vingt-huit d’entre eux auraient déjà péri sur le terrain. Emmanuel Macron a dénoncé leur présence comme mercenaires dans les rangs azeri. Ils auraient été recrutés au sein de milices opérant dans la région d’Alep. Plutôt que le jihad, c’est l’argent turc et la logistique turque en Libye qui les a acheminés vers Bakou.

On ne peut s’empêcher de penser à la façon dont ce type de mercenaires – sans insignes – se sont emparés de la Crimée en 2014 et ont organisé le soulèvement du Donbass. La projection de guerriers stipendiés fait partie de la panoplie des régimes autocratiques. Russie comme Turquie y recourent, de la même façon, avec une grande compréhension l’une pour l’autre », même quand leurs intérêts nationaux entrent en conflit. Il s’agit dans les deux cas de conduire des stratégies revanchardes voire irrédentistes : reconstituer, pan après pan, leur glacis historique, sans en revendiquer l’intention ni la responsabilité directe. Celle-ci revient à des vassaux plus ou moins manipulés ou demandeurs. Il reste que de la Géorgie (2008) ou la Moldavie asservie, la Syrie – jusqu’aux territoires kurdes nettoyés ethniquement à la frontière turque – les populations ‘’invasives’’ ne s’y trompent pas et affichent leur loyauté politique à l’ ‘’homme fort’’ qu’elles savent derrière la manœuvre. Avec la prolifération des populismes, celle des mercenariats…

Aux Etats-Unis, D. Trump célèbre l’anniversaire de la piteuse et scélérate expédition de la Baie des Cochons à Cuba (1960), l’archétype de l’agression déguisée. L’Amérique du Sud a connu de nombreux épisodes de guerre par proxy. Le plus célèbre aura été la création des ‘’Contras’’ face au régime guévariste du Nicaragua. Lors du second conflit irakien, la formule a mué en un déploiement ouvert et assumé d’armées privées (Blackwater, Halliburton, etc). Leur ’’avantage’’ de n’être soumises à aucun code éthique ni juridique, ni même médiatique, les désignait pour le ‘’sale boulot’’. Leurs méfaits ont contribué au rejet par les Irakiens de leur ‘’libérateur’’ occidental. La liste des conflits mercenarisés n’en finit pas. Sans accabler la France ni remonter aux temps lointains de  Bob Denard,  il faut bien reconnaitre que les ‘’contrats de service’’ de la DCI (Société de services de la Défense), qui accompagnent les marchés d’armements hors-OTAN, tombent juridiquement, pour certains, dans cette catégorie prohibée par le droit international. C’est le cas, par exemple, lorsqu’ils prévoient que, dans certaines circonstances, les conseillers techniques, experts divers ou techniciens détachés provisoirement des Armées sont appelés à servir les systèmes d’armes qu’ils installent. Mais comme ces clauses sont cachées au public et au Parlement et que l’on n’envahit pas nos voisins, il n’y a heureusement aucun écho populiste à en redouter.

*2 octobre – Géopolitique par la barbichette. Chypre a finalement accordé son feu vert à une prise de décision du Conseil européen sur la Biélorussie et cessé de bloquer l’adoption de sanctions contre le régime de Loukachenko. Ainsi vont les marchandages au sein d’une structure collective comme celle des  »27 », où les egos nationaux conditionnent l’issue des débats. Nicosie exigeait que soit préalablement actée une condamnation de la prospection gazière ‘’musclée’’ que mène la marine turque dans sa zone économique exclusive et ses eux territoriales. Ce qui a été fait. Par conséquent, les avoirs financiers en Europe d’une quarantaine de dirigeants biélorusses – hormis Loukachenko lui-même – impliqués dans le trucage de l’élection présidentielle et la répression des manifestations populaires (pacifiques) seront gelés.

Cela ne va pas vraiment très loin mais, symboliquement, cela marque une attention et un jugement européen sur le drame qui se déroule à Minsk. Angela Merkel a pu parler d’un « signal important » – en fait, ‘’minimum’’’ – vers ceux qui se mettent en travers de la démocratie. Le recours massif à la torture aurait dû être plus fortement dénoncé. La Grande-Bretagne et le Canada avaient, eux, franchi le pas bien avant. Le message reste un peu brouillé par l’imbrication des mesures sans rapport visant respectivement Minsk et Ankara.

De son côté, le président turc, Erdogan, a été invité à « saisir l’offre » (de négociations ?) des dirigeants européens’’, lesquels sont convenus de juger « avant la fin de l’année si des développements positifs ont été enregistrés », dixit Charles Michel. « Si Ankara poursuit ses actions illégales, nous utiliserons tous les instruments à notre disposition », prévient Ursula von der Leyen, Il semble en fait que la relation avec la Turquie se discutera de façon plus conséquente au sein de l’Alliance atlantique, où rien n’est gagné par avance, vu l’inconséquence des Etats-Unis. Quant aux Biélorusses, dont la dirigeante morale a reçu, de façon opportune, la visite du président français, ils doivent se dire que l’UE ne déploie pas ‘’le grand arsenal’’ pour eux. Elle tourne plutôt son regard vers Moscou, un regard excessivement géopolitique. Pour la cause de la liberté d’un peuple d’Europe, on aimerait entendre les autres peuples d’Europe s’exprimer fortement.

* 1er octobre – Sanction de génocide ou maintien de la Paix, au choix ! Il y a dix ans, le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme publiait un rapport Mapping (du nom de la méthodologie appliquée) sur les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et faits constitutifs de génocide commis dans le Nord-Kivu (République démocratique du Congo) entre 1993 et 2003. Au cours d’une période couvrant les deux guerres du Congo – dans laquelle se jouait la revanche du conflit génocidaire au Rwanda – 617 incidents ont été répertoriés et documentés dans le détail, par une vingtaine d’enquêteurs indépendants. Jusqu’à neuf armées étrangères et presque la totalité de la classe politique congolaise actuelle y ont été impliquées . Dix-sept ans plus tard, aucun de ces crimes documentés n’a été jugé, impunité oblige. Ceci choque beaucoup de Congolais, mais ainsi va la politique dans ce pays…

Après le génocide des Tutsis de 1994, deux millions de Hutus ont trouvé refuge au Congo, parmi lesquels figuraient des membres des anciennes Forces Armées Rwandaises et des milices Interahamwe, convaincus d’avoir participé au génocide des Tutsis. Une erreur majeure a été commise, consistant à laisser ‘’sécuriser’’ leurs camps jouxtant la frontière rwandaise par des militaires armés. On s’est rapidement aperçu que les réfugiés-hommes y disparaissaient, laissant derrière eux blessés, vieillards, femmes et enfants et, finalement, qu’ils avaient tous été massacrés. C’était au tour des Hutus, restés fidèles à leur communauté pendant le génocide précédent, de subir un contre-génocide de la part des Tutsis. En septembre 2005, les anciens rebelles armés ont été éliminés par des nouveaux, pro-rwandais (Tutsis) et qui sont devenus les ‘’Forces armées congolaises’’ par la vertu des armes. Des fosses communes ont été alors découvertes près de Rutshuru. Militaires rwandais et anciens rebelles de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila ont été mis en cause. Entre autres épisodes sanglants, le 24 août 1998, ils avaient massacré, selon l’ONU, plus d’un millier de villageois congolais, dont de nombreuses femmes et enfants, dans plusieurs villages du Sud-Kivu, vraisemblablement en représailles d’une embuscade. Des Oradour sur Glane !

Joseph Kabila, triste ‘’héritier du trône’’, tenait à se faire adouber par les Nations unies et, pour cela, à faire oublier cette décennie d’atrocités. Dans un premier temps, il a donc accepté – à la légère – le principe du rapport que l’ancienne procureur Louise Arbour est venue lui présenter. L’enquête a progressé, la société civile se mettant à parler, mais bientôt des menaces se sont mises à peser sur la mission onusienne avec laquelle Kabila a cessé toute coopération. Un pré-rapport est enfin sorti dans les médias, en août 2010, causant une virulente contre-attaque du Rwanda et d’autres gouvernements. ‘’Si l’ONU publie son rapport outrancier et préjudiciable’’, menaçait Kigali, ‘’nous retirerons nos 3 500 Casques bleus envoyés en maintien de la Paix au Soudan’’. Toujours habile à jouer de la mauvaise conscience internationale à propos du génocide des Tutsis, le président rwandais Paul Kagame, a mobilisé ses soutiens à New York, où beaucoup d’Etats s’étaient déjà ligués contre un précédent rapport Mapping pour des faits identiques exhumés du conflit afghan (impliquant notamment, les Etats-Unis). En fin de compte, le rapport sur la RDC sortira discrètement sur un des sites web de l’ONU. Il n’aura connu aucune suite en 17 ans, donc. Tristement, l’ONU à Genève s’est heurtée aux humeurs de l’ONU à New York : Droits humains au Congo contre service de la Paix a Soudan. De quoi méditer l’inconsistance du monde.

*30 septembre -L’Etat de droit, encore la norme en Europe occidentale ? Au dernier carat des tractations commerciales entre Londres et les 27, la Chambre des communes a adopté, par 340 voix contre 256, le  »projet de loi sur le marché intérieur », malgré les critiques de cinq anciens Premiers ministres et d’une partie des Conservateurs au pouvoir. Invoquant l’intégrité territoriale du Royaume-Uni et la continuité des échanges entre la Grande Bretagne et sa province d’Irlande du Nord, le texte revient sur l’abolition de la frontière commerciale entre l’Irlande et l’Ulster britannique, garde-fou de l’accord de paix de 1998 sur l’île.
Ainsi est ouverte la possibilité de contrevenir à l’accord sur le ‘’divorce’’ avec l’UE, négocié en 2019 et ratifié par les deux parties. Très déstabilisante, cette entorse juridique provoque la colère et plus encore le doute à Bruxelles. Comment, sans l’indispensable confiance et après huit cycles de négociation improductifs, penser encore parvenir à un accord de libre-échange, courant octobre, et éviter un « no deal » économiquement désastreux au 1er janvier ? L’Union brandit l’hypothèse d’une action en justice, faute de retrait du texte illégal. Mais cela n’y changerait pas grand-chose.

Le plus déroutant est que le gouvernement Johnson soit totalement passif sur le fond et préfère dévier l’attention sur de fumeuses polémiques : l’UE se voit ainsi accusée de préparer le blocus alimentaire de Irlande du Nord, un acte de guerre ! Pourquoi une telle outrance, qui dépasse le mélodrame habituel de fin de négociation ? La question de fond est, en fait, celle des disciplines à respecter pour bénéficier d’un accès total au marché intérieur des ‘’27’’, question que Londres ne veut pas négocier. D’où cette affirmation fantasque que l’Ulster serait confrontée à un soi-disant problème alimentaire (que les intéressés se gardent d’évoquer). Est-ce bien utile au rapport de forces prôné par les Conservateurs, de défigurer ainsi l’Europe en ennemie ? On semble convaincu à Londres, que les Européens reculeront devant la perspective d’un ‘’No deal’’, à cause de leurs intérêts économiques au Royaume-Uni. Erreur. De son côté, Bruxelles garde le silence pour ne pas rajouter de l’huile sur le feu. De fait, le vent de fureur populiste – certains disent ‘’trumpiste’’ – que le gouvernement Johnson souffle sur l’Europe a jusqu’ici contribué à son échec quasiment en toutes choses.

*29 septembre – Bombe à retardement, dans le Caucase. Voilà que les spasmes d’agonie de l’Union soviétique se rappellent à nous, comme si le Moyen Orient, la Biélorussie, la fantasia turque et les tourments de l’Afrique … sans oublier la pandémie Covid… ne suffisaient pas ! Depuis deux jours les bombardements se déchainent dans le Caucase entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, faisant des victimes et laissant craindre, au-delà-même des protagonistes directs, l’embrasement complet de la guerre pour l’enclave montagneuse du Haut Karabakh. La France, la Russie et l’OTAN ont appelé à la cessation immédiate des hostilités dans ce territoire contrôlé par l’Armée arménienne.

Les manipulations territoriales staliniennes pour semer la division entre les républiques fédérées ont des effets durables. On a un peu oublié que depuis les années 1990, le conflit, qui a fait 30.000 morts, ne s’était jamais éteint entre l’Arménie – qui soutient la sécession de ses coreligionnaires et frères ethniques du Haut Karabakh – et l’Azerbaïdjan, au sein duquel l’enclave arménienne a été intégrée. Erevan a changé de leader, à la suite de sa ‘’révolution de velours’’ du printemps 2018. Nikol Pachinian, comme son homologue azerbaïdjanais, Ilham Aliyev, peinent à s’extraire du post-soviétisme et restent tentés par l’aventure militaire. Ceci, sous l’œil tolérant de leurs parrains respectifs : Moscou, pour les catholiques apostoliques (fortement ancrés dans leur alignement géopolitique) et Ankara, pour l’Etat turcophone, privé d’une partie de son territoire. R.T. Erdogan proclame déjà son pays prêt à soutenir ‘’par tous les moyens, le pays frère’’. Erevan, de son côté fait état de l’envoi par Ankara d’armements et de mercenaires sur le théâtre des combats. La surenchère n’est pas loin.

Le groupe de Minsk créé par l’OSCE et créé par la France, la Russie et les États-Unis en 1992 pour solder le conflit avait produit une sorte de cessez-le-feu bancal en 1994. Il est désormais oublié et a été totalement rompu en 2016. Sera-t-il réactivable ? Pour l’UE, Josep Borrell multiplie les contacts en ce sens avec les protagonistes, sans grand espoir de les raisonner. De plus, le Conseil de sécurité des Nations Unies se réunit d’urgence à huis clos. Du fait de’’ l’absence’’ américaine dans ce forum, les belligérants, qui ont aussi reçu des appels de E. Macron, se sentent les mains libres. Pour l’OSCE, c’est une ultime occasion de montrer qu’elle existe et qu’elle pourrait servir la paix. Mais sa médiation, récusée récemment dans la crise biélorusse, ressort d’une culture de la détente qui n’est hélas plus dans l’air du temps.

*28 septembre – Théâtre. En règle générale, les vérités sont plutôt bonnes à dire. Encore, en fonction de sa propre situation de partie, de juge ou d’observateur, celui qui les exprime peut avir à y mettre les formes ou simplement à s’en distancier un peu. Ce n’est pas le choix qu’a pris le président français vis-à-vis de la classe politique libanaise. Celle-ci se voit dénoncée comme coupable d’une ’’trahison collective’’ de ses engagements envers les Libanais et envers E. Macron. Elle fait ‘’honte’’ à ce dernier. Un ultimatum de quatre à six semaines lui est imposé pour former un gouvernement de techniciens… et disparaitre. Car c’est bien de son effacement général qu’il s’agit, avec un accent particulier mis sur le Hezbollah, dont il est exigé qu’il renonce à son emprise militaire sur l’Etat et à son affiliation iranienne. Rien que ça, même si, sur le fond, on se doit d’approuver l’intention ! Cet effet théâtral cache-t-il l’échec de l’implication extrême et très personnelle du premier des Français, après deux visites spectaculaires à Beyrouth destinées à mettre chacun devant ses responsabilités ? En tout cas, sa tentative de la dernière chance pour empêcher l’effondrement total du Pays du Cèdre étonne par sa brutalité et par le peu de cas fait de la souveraineté d’un Etat, certes empêtré, mais en principe toujours souverain. On chercherait en vain dans l’Histoire un précédent de classe politique clanique et corrompue qui se serait suicidée pour satisfaire à l’intérêt général et à l’attente d’un observateur extérieur. Et comment se comporteraient les techniciens appelés à s’y substituer, sinon en nouvelle caste dirigeante, elle aussi accrochée à ses privilèges ? Car c’est bien les rentres qui font vivre et le népotisme qui assure la stabilité des élus, anciens ou nouveaux. De plus, l’engagement militaire du Hezbollah contre Israël (et contre ses propres adversaires politiques) légitime durablement celui-ci aux yeux d’une majorité des Chiites du Liban. Faire table rase de ces réalités profondément ancrées, suggère qu’on ait recours à la violence et l’imprédictibilité d’une révolution populaire, à laquelle E. Macron n‘adhère sans doute pas et qui dégénèrerait forcément en guerre civile, dans le grand conflit régional actuel. De façon étrange, le président français ne paraît pas avoir mesuré les énormes dangers jalonnant sa croisade libanaise. Il se contente d’essayer de se protéger sous le bouclier des Nations-Unies, paré duquel il reviendra à Beyrouth fin-octobre.

A l’opposé de l’affaire libanaise, il part aujourd’hui en terre balte après avoir hésité un mois durant à demander – poliment – le départ du dictateur Loukachenko. Il ne pouvait pas dire moins pour recueillir quelques applaudissements à Riga et à Vilnius pour un bien plus modeste théâtre.

* 26 septembre – Pacte avec le diable ? A quelques semaines de la présidentielle américaine, Vladimir Poutine propose à Washington un échange de  »garanties mutuelles » dans le domaine numérique : ‘’l’un des défis majeurs du monde contemporain est le risque d’une confrontation d’ampleur dans le domaine numérique ‘’. Le grand praticien de la ‘’guerre hybride’’ ( infox sur les réseaux sociaux, déstabilisation des dirigeants, intrusion dans le jeu démocratique des Etats ciblés, brouillage des esprits pour créer ’’ l’indifférence civique’’) en sait quelque chose. Alors qu’il est régulièrement accusé de s’immiscer dans les élections des pays occidentaux, avec un évident succès en 2016 (campagnes pour le Brexit et pour l’élection de D. Trump), cette proposition de non-ingérence dans les media électroniques, formulée sur le site internet du Kremlin, ressemble un peu à l’offre que ferait un pyromane de partager avec ses victimes les services de sa brigade de pompiers. On a beaucoup de mal à y voir de la sincérité et on pourrait même soupçonner un petit service rendu à la réélection de Trump. Au-delà du partenaire et souffre-douleur américain, qui n’a besoin de personne pour se déstabiliser tout seul, le pacte de Poutine serait destiné au reste du monde. Il viserait ainsi à placer la Russie au cœur du système mondial de l’information, ouvrant la perspective qu’elle en assure – avec maestria – la manipulation globale. Ce serait aussi un mauvais coup porté à l’UNESCO et au système des Nations-Unies, imparfait mais tellement plus démocratique et pluraliste que le FSB russe pour traiter du droit à l’information et de la liberté professionnelle des journalistes !
Ce projet d’accord mondial, par lequel les Etats s’engageraient à ne pas lancer la première frappe numérique, sert accessoirement de diversion aux menées guerrières de la Russie à l’Est de l’Europe, en Afrique et au Proche-Orient. De même, à la pesanteur de sa mainmise stratégique sur la Biélorussie en pleine ébullition démocratique. Eclipserait-elle un peu son évidente responsabilité dans la tentative de meurtre du principal opposant du Kremlin, Alexei Navalny ? Qui voudrait d’un tel hochet empoisonné ?

* 25 septembre – Le tribalisme américain. Donald Trump honore les vétérans de la Baie des cochons, une opération de la CIA destinée à envahir Cuba et à renverser le régime de Fidel Castro. Il saisit l’occasion pour exprimer une énorme réticence à remettre les clés de la Maison Blanche en cas de défaite à la présidentielle de novembre. ‘’Nous allons devoir voir ce qui se passe’’, commente-t-il , en réitérant que  »les bulletins de vote seront un désastre, allusion claire au contentieux politico-juridique qu’il compte bien exploiter autour du vote par correspondance. Ainsi, Joe Biden, ne pourrait, selon lui, l’emporter que  »dans le cadre d’une élection truquée’’, donc ‘’ il n’y aura pas de transfert, franchement, il y aura une continuité’’ (celle de sa présidence, éventuellement hors-la loi).

Pour ajouter de l’eau à ce moulin complotiste, le Président et son camp s’empressent de tirer profit de la disparition de la juge Ruth Bader Ginsburg, qui était une personnalité-pivot progressiste au sein de la Cour Suprême. Dès que ce tour – légal mais hautement opportuniste – sera joué, les Républicains aborderont la phase post-électorale bien mieux armés pour gagner leurs recours devant les tribunaux. Au-delà d’un coup de force du chef de file populiste, une situation de contestation et de confrontation s’installerait alors entre les citoyens américains. Ce serait aussi une perversion de la neutralité des institutions ‘’suprêmes’’ des Etats Unis. A partir de là, tout peut advenir dans l’ordre démocratique incarné par l’histoire de ce grand pays.

A l’aube de son premier mandat, D. Trump avait déjà surpris en refusant d’accepter par avance les résultats du scrutin. ‘’C’est horrible, s’était exclamé HillaryClinton, ‘’il dénigre notre démocratie’’. On se souvient des manœuvres multipliées – y compris avec la complicité d’une puissance extérieure – pour disqualifier la candidate démocrate de l’époque, pourtant forte d’une avance de trois millions de voix au niveau fédéral. Car la ‘’question fédérale’’ constitue un autre facteur d’injustice mais, il est vrai, qu’aucun des deux camps ne prône le suffrage universel direct. Très attaché à la tradition, le corps électoral a longtemps vécu sous un régime de type Louis Philippe. Le voilà plongeant dans une situation à la malienne ou à la guinéenne… avec un président à vie, qui change, à sa guise, les institutions du Pays et discrimine toute opposition. Fort heureusement, les armées US se tiennent encore à l’écart du pouvoir politique. Mais les milices citoyennes sont en embuscade, prêtes à ‘’faire le boulot’’.

* 24 septembre – Tri express des exilés. La Commission européenne a présenté son nouveau «pacte» migratoire attendu depuis des mois et reporté pour cause de pandémie. A première vue c’est une trame très incomplète, essentiellement centrée sur des compromis passés entre états-membres pour concilier ceux ouverts à l’accueil et ceux qui y sont fermés. S’agissant des premiers, on est médusé à sa lecture et, en tout cas, très interrogatifs.
La Commission avance l’argument d’une sortie du règlement inepte de Dublin :  »l’ancien système laissait les pays aux frontières extérieures assumer seuls la prise en charge des demandeurs d’asile. Ca ne fonctionnait pas ». Certes, il y a un problème d’iniquité entre les ‘’27’’. On ne perçoit pas encore comment le système d’incitations-sanctions entre Etats va fonctionner. La mécanique actuelle -ubuesque – de transfert en boucle des demandeurs d’asile s’est mue en machine à créer de la clandestinité, seule opportunité pour échapper à la brutalité policière et aux convocations en rafales dans les préfectures. Le ministère de l’Intérieur en a profité pour faire passer cette population ‘’maudite’’ sous les radars de l’immigration recensée, déclarant ‘’en fuite’’ la majorité des demandeurs avant de les remettre à la rue. Est-ce pour autant fini ?

Ces pratiques contraire aux dispositions de la Convention de Genève de 1951, pourrait être remplacée – si l’on parvient à contrôler hermétiquement les frontières (gros doute…) – par un système de détention et de refoulement à ces mêmes frontières. Ce type de détention de masse dans des locaux policiers contrevient lui aussi à la Convention et génèrera de mauvais traitements carcéraux et un éloignement d’avec la justice administrative. Il instaurera un ‘’tri’’ grossier entre les étrangers qui ‘’sembleront’’ pouvoir demander l’asile et ceux que les fonctionnaires du Ministère de l’Intérieur jugeront inaptes, en vertu de critères ad hoc, qui suscitent l’inquiétude. Devrait s’enclencher alors, sous l’autorité d’un coordinateur européen, des procédures de ‘’reconduite’’ (expulsion) rapide, coûteuses et complexes à organiser (les pays de destination pouvant refuser l’atterrissage des charters de la honte’’). Elles sont assimilables à un ‘’refoulement aux frontières’’, également contraire au droit international.

Souhaitons que la Grèce, l’Italie et l’Espagne puissent enfin compter sur la solidarité des Vingt-Sept. Mais doutons aussi que la Hongrie et la Pologne se montreront coopératives. Le respect du droit et des principes d’humanité sont en voie d’être sacrifiés à la cohésion européenne. Une Europe très technocratique, loin du terrain et des gens qui souffrent, qui se ferme aux réalités du monde émergent, à la source des vagues migratoires.

* 23 septembre – La grande image multilatérale. Le discours du président français pour l’Assemblée générale des Nations Unies fait honneur à la France, dans l’absolu. Il est particulièrement charpenté et riche en informations sur l’image – très positive – que souhaite projeter la diplomatie française en termes de projets et de valeurs. Une brève ne suffira pas à le ‘’décortiquer’’ ni à mesurer l’écart qui demeure entre une réalité souvent alarmante et une grande image bien plus flatteuse.

Que le monde actuel ne puisse se résumer à la rivalité entre le Chine et les États-Unis et que c’est dans une dimension collective (G 7, G 8, Europe…) qu’il convient de rebâtir un nouvel ordre mondial, voilà une évidence qu’il convient de répéter en toutes occasions. Le président français a raison d’affirmer qu’il ne faut pas se contenter d’un superficiel ‘’multilatéralisme des mots’’ symptomatique du double langage des puissances. Refonder un ordre international sur le droit, la solidarité et la justice parait hélas aux antipodes des préoccupations de puissances, plutôt portées à instrumentaliser ces notions à leur profit égoïste. Mais, sur ce point encore et même s’il a peu d’impact, ce discours doit être exprimé et la référence aux valeurs des ‘’pères fondateurs’’ de l’ONU et singulièrement au droit international humanitaire (un peu bousculé jusqu’en France-même, par la crise migratoire virus, mais qu’importe !) est hautement opportune.

Durant la crise du Covid, l’Union européenne a fait ‘’un pas historique de souveraineté’’. Vrai ou seulement potentiel, c’est bien le cap à prendre. La fièvre destructrice de D. Trump, les coups bas de V. Poutine et le néo-impérialisme chinois en ont été les catalyseurs bien plus que le virus. La lutte contre le terrorisme reste une priorité. Après la’’ première victoire’’ que constitue que la fin du califat de Daech » a-t-il souligné, l’opération Barkhane au Sahel a infligé ‘’des revers sans précédents’’ aux multinationales jihadistes. Une vision très simplifiée et optimisée de l’enlisement français.

*22 septembre – Les Nations Unies : 75 ans et pas en bonne santé. L’Assemblée générale ouvre sa session annuelle à New York, presqu’en catimini. La maison de verre est forcée au silence par le Covid 19 et les chefs d’Etat et de gouvernement interviennent en ‘’distanciel’’, sans auditoire ni écho à leurs propos. Les recommandations resteront lettre morte et le secrétaire général, M Gutteres, restera sympathique mais totalement désarmé. Le plus triste dans ce 75 ème anniversaire est qu’il évoque plutôt l’enterrement des idéaux de paix, de solidarité, de justice et de développement qui ont animé ses fondateurs lors de la conférence de San Francisco et plusieurs décennies au-delà, malgré la montée rapide de la Guerre froide. En confondant la cause et ses effets, l’ONU est souvent blâmée pour sa prise déclinante sur les affaires du monde. Sont cités à preuve, l’incapacité de son Conseil de sécurité à s’entendre sur un dispositif minimal face au Corona virus, sa faillite à obtenir au moins la suspension des hostilités, ça et là, pendant la pandémie, l’emploi en rafale du droit de veto par trois des grandes puissances pour bloquer la résolution de conflits (la France et le royaume uni restant exemplaires par leur non-recours à cet artifice) et, last but not least, le retrait des grands acteurs d’éléments clés de l’architecture du monde, tels l’accord de Paris sur le climat de 2015 et celui sur l’Iran, l’OMS, l’UNESCO, les accords de contrôles de l’armement, la Cour pénale internationale, le TNP, etc. Tout pointe vers les puissances les plus égoïstes ou prédatrices, qui sapent le fonctionnement de l’Institution, remettent en cause l’ordre multilatéral issu de 1945, confisquent égoïstement les affaires du monde pour les traiter brutalement, à leur profit.
Tout n’est pas perdu néanmoins. En se gardant d’exagérer la réalité d’une prise de conscience européenne, on sent bien, dans le discours de la nouvelle Commission européenne et singulièrement dans celui de sa présidente, poindre une réaffirmation des valeurs portées par l’ONU. La modération mais le ferme rappel du droit prévallent dans sa réaction aux tensions ‘’gazières’’ en Méditerranée orientale, sur la question des exilés maltraités ou abandonnés aux flots, du partenariat de l’UE avec la Chine, des sanctions américaines illégales contre l’Iran, sur Hongkong et Taiwan et, de plus en plus sur la Libye. Ce n’est qu’une tendance mais si l’Union se donne les moyens de peser, à son tour, sur les affaires du monde, ce sera un important service rendu aux Nations Unies (Bon anniversaire !) et aux générations futures.

* 21 septembre – Bolivar s’affole. On savait le régime du successeur de Chavez marqué par l’incurie, le sectarisme et l’arbitraire. La mission d’enquête sur le Venezuela, désignée par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, a rendu un rapport accablant. Il appelle à durcir notre jugement. Les enquêteurs indépendants ont recueilli les témoignages de près de 280 victimes de tortures et de mauvais traitements. Ils remontent la chaîne de commandement des services sécuritaires et du renseignement jusqu’à la direction politique de l’Etat, qui a donné des ordres et fourni des moyens. En conséquence, ils dénoncent des crimes contre l’humanité en incriminant, au plus haut niveau, Nicolas Maduro, de même que le président de l’Assemblée constituante, Diosdado Cabello, le ministre de l’intérieur, Nestor Reverol, et son collègue de la défense, Vladimir Padrino. Leur responsabilité pénale est engagée. S’agissant de N. Maduro, il était déjà visé par une procédure judiciaire américaine pour ‘’narcoterrorisme’’. Le rapport sera bientôt validé par le Conseil des droits de l’homme de Genève. La saisine de la cour Pénale internationale devient probable.

Avec une maladresse insigne, le chef de la diplomatie vénézuélienne. M. Arreaza, dénonce une ‘’ intention tendancieuse de porter atteinte à l’indépendance, la souveraineté et l’autodétermination du peuple vénézuélien et de tous les peuples du monde’’. Ce régime, qui, succédant à une ploutocratie pétrolière cynique, avait su donner une voix sur la scène publique aux Indiens et aux pauvres (souvent, les mêmes), s’est vite enlisé dans les sables du populisme et de l’idéologie sectairei. Le harcèlement américain a accéléré sa pente psychotique et son effondrement parait désormais programmé. Entre deux extrêmes injustes et brutales, les fondements politiques du bon sens et de l’honnêteté sont entièrement à créer.

* 20 septembre – Méthode Coué, version blitz. Si le monde ne vous suit pas, prenez le lead et dictez votre loi. A constater la décision de D. Trump de restaurer les sanctions de l’ONU qui frappaient l’Iran pour son programme nucléaire, ce, contre la volonté de l’ONU et du reste du monde, on est porté à croire que l’auteur de l’’Art du Deal’’ veut ‘’sa’’ victoire sur le monde extérieur avant le scrutin du 3 novembre. Pas question pour lui de laisser le monde vivre en paix – la pandémie pouvant suffire comme souci global – il est prêt à sacrifier les autres à sa volonté de paraître en ‘’Homme fort’’ devant ses électeurs.
Revenant au scénario dont on pensait être sorti depuis 2015, Washington menace à nouveau de punir quiconque violerait son diktat et poursuivrait des échanges avec Téhéran. Les Nations Unies, elles-mêmes, se voient placées sous surveillance. En août, le Conseil de sécurité avait fermement rejeté une résolution américaine de retour à la méthode forte. L’administration Trump a alors tenté de passer en force, en utilisant le mécanisme ‘’snapback ‘’ permettant, jugeait-elle, de forcer l’ONU à rétablir l’ensemble des sanctions imposées à l’Iran avant l’accord de 2015. Or, les États-Unis ayant quitté cet accord, à l’arrivée de Donald Trump, le consensus juridique est qu’ils ne sont plus en capacité de recourir à ce mécanisme. Aujourd’hui, l’Iran, à nouveau étranglé, appelle le monde à ‘’rester uni’’. Surtout, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont par avance, fait savoir que des sanctions unilatérales appliquées au cadre multilatéral n’auraient aucun effet juridique. Illégales, donc. Isolés politiquement, les États-Unis ont choisi la stratégie de la torsion de bras et de la sortie du droit. Cette stratégie fait de l’ONU une cible à abattre. Elle casse en deux la communauté internationale par rapport au problème de la prolifération et elle ouvre un boulevard à la loi de la jungle, au fait du plus fort. C’est un vrai désastre pour la paix et la stabilité du monde.

* 19 septembre – Pause minute dans un champs de mines. En Libye, le chef du gouvernement de Tripoli, Fayez al-Sarraj, se dit prêt à démissionner, d’ici fin octobre, pour céder la place à un gouvernement d’union nationale (véritable). Mais il dénonce le travail de sape de son adversaire, le maréchal Haftar. De son côté, celui-ci propose de lever l’embargo que ses troupes imposent sur la production pétrolière, mais, bien sûr, à ses conditions et en s’en réservant la part du lion. Sa posture militaire s’est fortement dégradée, ce qui explique la relance – incertaine – des tractations politiques. C’est un bon signe : un peu de mobilité dans le jeu des protagonistes ne nuira pas.
Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est, on le sait, plongée dans le chaos politique. Désigné en vertu d’un accord politique signé à Skhirat (Maroc) fin 2015 sous l’égide de l’ONU, Fayez al-Sarraj n’avait pu s’installer dans la capitale qu’en mars 2016, alors qu’une multitude de milices y faisaient leur loi. Par la suite, l’offensive sur Tripoli lancée, en avril 2019, par les troupes de Haftar a fait long feu au bout de 14 mois, malgré les soutiens de l’Égypte, des Émirats arabes unis et de la Russie. L’intervention turque, particulièrement musclée, en a été la cause principale. C’est ainsi qu’à été renoué bon gré mal gré le dialogue : à Montreux, du 7 au 9 septembre, et à Bouznika (Maroc), du 6 au 10 septembre. Les commissions chargées de former un nouvel exécutif libyen doivent « choisir un nouveau Conseil présidentiel et nommer un nouveau chef de gouvernement qui prenne ses fonctions de manière pacifique’’, souligne Fayez al-Sarraj. Pourtant, dégager une solution politique inter libyenne, sans l’appui et le consensus des puissances extérieures impliquées, parait peu réaliste. Miser sur leur bonne volonté et leur désir de paix, aussi. Enfin, la population exprime à nouveau son ras-le-bol à l’égard des privations et de l’insécurité. Les milices, sur fond de regain jihadiste, s’accrochent à leurs armes et à leurs rentes. Avec l’ONU, l’Union européenne est la seule puissance à pouvoir garantir la paix mais aussi à mettre fin au martyre des migrants en Libye. Encore faudrait-il qu’elle s’équipe d’un projet en ce sens et s’y engage de façon collective et déterminée .

* 17 septembre – Envie de croire en l’Europe. C’est la vertu de ce premier discours sur l’Etat de l’Union européenne prononcé par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission de Bruxelles. Il ne cache pas les faiblesses et les petites hypocrisies des politiques européennes mais appelle à leur dépassement et à une véritable affirmation de son rôle dans le monde (les Français parleraient de  »l’Europe – Puissance). De ce tour d’horizon stimulant on retiendra plusieurs idées de bons sens : constituer une réserve stratégique commune contre le Covid; affirmer sans transiger les valeurs de l’Europe, entre autres dans le domaine des droits humains où la timidité constitue une compromission; mettre fin au régime absurde de Dublin concernant le droit d’asile et au  »tourner en rond » des demandeurs expulsés d’un pays à l’autre; savoir affirmer la force du droit face à la Chine et à la Turquie, etc. Mme va der Leyen a accompli sa part. Souhaitons que le Parlement européen et – pourquoi pas ? – les Etats-membres au sein du Conseil sachent s’en inspirer.

* 16 septembre – Poignards dans le dos. D. Trump claironne crânement l’avènement d’un ‘’nouveau Moyen-Orient’’, à la suite des deux accords de normalisation signés – sous son égide – entre Israël, d’un côté, les Emirats Arabes Unis et Bahreïn, de l’autre. Le reste du monde ne jubile pas et constate pragmatiquement que la croisade américaine contre l’Iran marque des points, augmentant d’autant les tensions. Dans le même temps, la Palestine, lâchée par tous et déconsidérée, désespère et disparaît de l’horizon médiatique. Les deux nouveaux ‘’partenaires’’ de Jérusalem ne sont pas des démocraties, encore moins des ‘’enfants de cœur’’. Abu Dhabi procède à l’annexion méticuleuse du Sud du Yémen, par la force de ses chars (made in France) et Bahreïn impose une tyrannie sélective à sa population chiite. Etrange modèle de paix à forts relents électoraux, dans lequel s’inscrit la confrontation montante autour du Golfe, tandis que les roquettes pleuvent à nouveau sur les frontières israéliennes. Le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007, a multiplié ces derniers temps les lancers de ballons incendiaires. Israël avait répliqué avec des frappes. L’écume des jours, en quelque sorte…

Pourtant, les deux camps étaient parvenus, début septembre, à un accord, grâce à une médiation du Qatar. La trêve vole en éclats. Les factions palestiniennes appellent à des manifestations contre les émirs arabes qui trahissent leur cause, mais leur propre impuissance est patente et leur image, fortement dégradée par la corruption, la division et l’incompétence. La population palestinienne ne suit plus.

Les intérêts d’Israël sont pour l’heure, bien servis. Mais l’Etat hébreu – politiciens mis à part – raisonne surtout en termes d’intérêts commerciaux, qui s’annoncent substantiels (jusqu’à 10 Mds de chiffre d’affaires). L’Europe, comme c’est le cas depuis l’assassinat de Yitzhak Rabin en novembre 1995 et la faillite consécutive des accords de paix d’Oslo, se calfeutre aux abonnés absents. Rien de neuf, on vous le disait…

* 15 septembre – Chine-UE : quelques vérités pour Xi Jinping. L’objectif est de signer un accord global de partenariat avant la fin de l’année. Mais l’Union Européenne a changé d’état d’esprit vis-à-vis de la Chine, elle se met à distance des frictions sino-américaines et voudrait imposer un style de négociation plus ‘’politique’’, c’est-à-dire mois complaisant. Un sommet ‘’virtuel’’ a mis face à face les dirigeants de la Commission et du Conseil, parlant d’une seule voix, et Xi Jinping . Le message des premiers était le suivant : ‘’il n’est pas possible d’avoir des relations économiques et commerciales sans débattre en contrepartie des questions politiques sensibles pour la Chine’’. A ce chapitre, les Européens comptaient aborder le défaut de réciprocité des échanges (régimes d’investissement, préférence nationale, marchés publics), et l’état de droit (réclusion en masse des Ouighours ; entraves à la libre expression, pressions sur Taiwan, suppression de l’autonomie de Hongkong et répression qui l’accompagne). Pour Charles Michel, le président du Conseil européen, ‘’ Ca a été un sommet avec de la substance et avec des arguments pour tenter de faire avancer les valeurs fondamentales dans lesquels nous croyons.’’ Le mot ‘’tenter’’ vaut admission en creux du peu d’adhésion de la partie chinoise à la méthode ‘’à cœur ouvert’’. Sans doute s’agissait-il, dans un premier temps, de faire passer le message européen, sans illusion quant à son acceptabilité aux yeux des dirigeants pékinois. Ceux-ci auront au moins noté la volonté d’union de l’UE et son application à suivre une voie qui ne soit ni la confrontation ni la vassalité. Un dialogue être égaux ? Il faudrait que Bruxelles maintienne cette fermeté et cette discipline collective sur le long terme pour que Pékin, pragmatique, renonce à enfoncer un coin dans l’unité des Européens. S’il est conclu, le prochain accord de partenariat pourra apporter des nuances, mais pas une révolution ; Celle-ci émergera au jour le jour – ou non – dans la pratique

*14 septembre – Partie de catch avec le Sultan. ‘’M. Macron, vous n’avez pas fini d’avoir des ennuis avec moi… Ne cherchez pas querelle au peuple turc, ne cherchez pas querelle à la Turquie’’. Lors d’un discours télévisé à Istanbul, Recep Tayyip Erdogan a virulemment réagi aux critiques émises à son égard. Il semblait évoquer le contentieux sur la prospection gazière off-shore entre la Turquie et la Grèce, en Méditerranée orientale où la tension monte. Mais il y avait aussi une pointe de détestation contre le président français, dont il cherche à faire une incarnation d’hypocrisie ‘’coloniale’’, donneuse de leçons. D’où l’évocation absurde de la guerre d’Algérie (E. Macron n’était pas né !) et du génocide rwandais, en des termes surtout destinés à braquer l’électeur turc contre la France. C’est triste et navrant qu’on en arrive là.  Va-t-on bientôt régler les comptes des croisades médiévales et des prises de Jérusalem et de Constantinople ?

– A Ajaccio, E. Macron et ses six homologues du sud de l’Union européenne ont exhorté Ankara à cesser sa politique de la démonstration de force militaire en Méditerranée orientale. Ils menacent de recourir à des sanctions, si les droits d’exploration gazière de la Grèce et de Chypre devaient être violés. Ce n’est pas tant sur cela que R.T. Erdogan fulminait – sa position juridique est faible, il le sait et, déjà, les navires spécialisés turcs vont s’occuper ailleurs – c’est sur des propos portant jugement de sa personne. Le président français avait estimé que ‘’le peuple turc mériterait un meilleur dirigeant’’ que l’actuel. Attaquer un populiste sur sa propre popularité est le plus sûr moyen de le voir répliquer par des attaques personnelles déchaînées. Quand bien même la remarque française était pertinente, la rendre publique ne l’était pas. Il eût été plus efficace de s’exprimer de la sorte dans un message strictement confidentiel, pour jauger la réaction du Sultan, publique ou non (sans doute, non). La dégradation du discours de politique étrangère pose problème. Se départir d’une sobriété de bon aloi dans les propos publics constitue  en soi une concession au populisme ambiant.

* 13 septembre – Pensées du dimanche. Bien malin qui sait ce que l’Histoire retiendra de l’actualité du jour ! Prioriser les phénomènes et les accidents de parcours qui présagent notre futur est en partie affaire de subjectivité. Car il y a des évolutions inédites dont on devine la nature systémique émergeante : tout ce qui tient à la mondialisation (un phénomène très ancien), par exemple : l’épidémie de SARS 2-Covid et la dizaine d’autres qui prolifèrent plus ou moins sur la planète ou le » jour du dépassement’’, qui nous rappelle notre surconsommation irresponsable des ressources de la planète. Quelle inertie nous force à l’adoration des marchés et de la finance (une vraie religion globale, sauf en Europe), qui, pourtant, jette dans le chômage, l’assistanat ou la misère des franges de plus en plus larges de l’humanité ?

Face aux perspectives sinistres du climat – sujet n° 1 – la désunion bloque toute action dans l’urgence, chacun y allant, au fond, de ses intérêts égoïstes. Elle nous confronte en ordre dispersé aux injustices du ‘’système’’ et nous confine dans de stériles querelles de dogmes entre groupes-lobbies. Ajoutons-y les guerres commerciales et technologiques, conduites entre blocs hostiles, qui étaient amis il y a peu encore, l’emprise sur nos esprits du marketing publicitaire et la confusion intellectuelle alimentée par les réseaux sociaux, le contrôle numérique et la fragmentation mentale du monde selon des critères pernicieux, ethniques, religieux, communautaristes, nationalistes chauvins, etc.

Voulues par des dirigeants médiocres, avides d’en tirer profit, les guerres se multiplient comme jamais depuis 1945, à la fois locales et de dimension régionales (par le jeu des interventions extérieures). La Paix n’est plus un impératif et le lien qu’elle entretient avec tous les autres grands défis d’avenir est perdu. L’esprit de belligérance et l’intolérance provoquent à leur tour l’abandon progressif du contrôle des armes de destruction massive, des canaux multilatéraux de la coopération et, plus grave encore, celui du droit – comme source de protection des gens et de leurs droits. Qui s’inquiète alors du délitement des institutions démocratiques sous couvert de l’urgence antiterroriste ou sanitaire, ou encore, de la fin des solidarités du développement qui assuraient une certaine cohésion sociale au monde ? La contagion populiste comble ce vide, avec son brouillon désir d’en finir avec la paix et la démocratie. Ah oui, j’oubliais : le fait du jour ? Un début de solidarité avec le peuple biélorusse qui veut sortir de la dictature et le regard ambigu de Moscou sur la question.

(rediffusion de la brève du 23/08)

* 12 septembre 2020. La quatrième économie du monde part-elle en fumée ?
Le dérèglement du climat et une accumulation de facteurs conjoncturels, qui dépasse les capacités de réponse des combattants du feu : voilà pourquoi la Californie se consume, année après année. Cet été, 12 000 km² de terrain sont partis en fumée et des dizaines de riverains sont morts. Six des feux actuels comptent parmi les plus puissants jamais subis par cet état et la superficie brûlée est sans précédent, ce, à mi-durée de la saison des incendies. Au-delà de l’Etat ‘’phare’’ des Etats unis, des incendies géants ravagent aussi l’Oregon, où 500 000 personnes – plus de 10 % de la population – ont dû être évacuées et l’État de Washington, où le phénomène s’étend désormais sur des forêts jusqu’alors épargnées. Leur virulence est amplifiée par de nombreux facteurs s’ajoutant à l’urgence climatique. Les sécheresses à répétition de ces dernières années ont fragilisé les forêts et les hivers, plus chauds, ont créé un fort stress hydrique. Des insectes en ont profité pour s’attaquer aux arbres. Pour son malheur, le massif forestier a été dévasté par des ‘’orages secs’’ (sans pluie), qui ont multiplié les départs de feu. Phénomène nouveau, la persistance de températures élevées pendant la nuit a privé la nature d’une ‘’fenêtre de récupération d’humidité’’ et les pompiers, d’un créneau d’intervention efficace. Ceux-ci ont concentré leur action sur les zones en lisière de forêt où l’habitat humain a progressé de façon irresponsable, la hausse des loyers chassant les populations des centres-villes. De ce fait, ils ont dû laisser les incendies se propager sans limite en milieu sauvage. Entre tendances de fond liées au réchauffement climatique et spécificités géographiques et humaines, la côte ouest des États-Unis semble en grand danger, alors que les vents d’Est – les plus dévastateurs – sont attendus pour novembre. Le ‘’modèle californien’’ devenu un anti-modèle écologique pour l’Europe ?

*11 septembre –  »Séparatisme ». Le gouvernement de Boris Johnson semble vouloir s’affranchir de toutes les règles : désintérêt pour la paix en Irlande, scellée par les accords du Vendredi Saint, envies de provocation et de tension avec ses voisins européens effarés par la perspective d’un  »no deal » sec, dédain pour le droit et parti-pris de ne pas honorer ses engagements. A ce compte, le divorce engagé en 2016 promet de finir en désastre, pour le Royaume Uni – dans sa chimère d’isolement superbe – mais aussi pour l’Union, exposée à une mutilation stupide de ses force vives, en plein contexte de récession économique et à un certain rétrécissement stratégique. Grand bluff ou tentation suicidaire, on ne peut pas se mettre dans la tête du premier ministre britannique, mais l’on perçoit que, jusque dans son propre camp politique, il affole.  »Comment dénoncer les violation graves du droit international par la Chine et par la Russie et soi-même s’asseoir sur ses obligations au titre des Traités » ? La question d’un parlementaire conservateur, sidéré, appelle un point sociologique. Dans nos quartiers sensibles, certaines populations rebelles, pauvres et ostracisées rejettent les règles de la République et même l’idée de coexistence avec leurs compatriotes mieux lotis. Ils n’ont ni drapeau, ni milice, ni capitale clandestine mais, plutôt que de tenter de les réintégrer dans la cohésion sociale et dans la Loi, on les taxe de  »séparatistes ». Comme si l’Armée devait intervenir pour rétablir l’intégrité du territoire. Boris se voit-il en banlieusard furieux de l’Europe, à la recherche d’une vengeance ?

* 10 septembre – Mare nostrum. E Macron accueille à Ajaccio le Sommet annuel (Euro) MED 7, à un moment de grandes tensions, marqué par l’agressivité de la politique turque en Méditerranée, la recrudescence des arrivées d’exilés en Grèce et la catastrophe du camp de Moria, à Lesbos, enfin celle du coronavirus et de ses contrecoups économiques. Créé en 2016, le Med 7 constitue une alliance géopolitique informelle entre sept pays méditerranéens membres de l’Union européenne : France, Italie, Espagne, Portugal, Grèce, Chypre et Malte. Son objectif est de faire entendre une voix spécifique aux intérêts des pays du sud de l’Europe sur les questions relatives à l’espace méditerranéen, politiques, économiques, culturels, etc.

A l’ordre du jour de cette session figure la défense de la Grèce et de Chypre vis-à-vis de la prospection  »gazière » musclée entreprise par la marine d’Ankara dans leurs eaux ‘’souveraines’’. La France détient une carte forte dans cette affaire. Elle affiche clairement son soutien à la Grèce, en déployant des navires et des avions militaires dans la région, initiative qui fait enrager RT Erdogan, déjà très remonté contre Paris. S’y ajouté la mission Irini, destinée à renforcer l’embargo sur les armes en Lybie, imposé par les Nations unies et qui est massivement violé par la Turquie (et par d’autres). Enfin, la répartition entre les 27, dans l’urgence, des 12.000 exilés de Lesbos victimes de l’incendie s’inscrit naturellement dans la discussion.

La Corse ‘’pointe avancée de la politique méditerranéenne de la France’’, selon E Macron (Bastia, février 2018) ne s’illustre guère dans les politiques de sauvetage en mer ni d’accueil. Cette réticence à agir tient d’ailleurs aux consignes de l’Etat plus qu’aux élus corses eux-mêmes. ‘’La France ne s’est jamais dérobée face à ses responsabilités’’…  »elle est comme toujours prête à prendre sa part dans la solidarité », affirme Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement. Voilà de bonnes paroles ! Pour l’anecdote, l’ïle de Beauté a accueilli, il y a trois siècles et demi en 1676, 600 Grecs fuyant les persécutions turques et des juifs qui, déjà, fuyaient la Syrie.

* 9 septembre – Feu d’enfer.  Le camp de Moria sur l’île grecque de Lesbos abritait quelque 12.700 exilés, dans des conditions sanitaires, ‘’pénitentiaires’’, sécuritaires et de promiscuité jugées unanimement scandaleuses. Il a été dévoré par les flammes au cours de la nuit. Il semble que l’origine du sinistre se trouve dans une révolte contre les restrictions supplémentaires aux libertés fondamentales imposées par les gardiens, en raison ou sous prétexte du rebond de l’épidémie de Covid. Les autorités grecques affirment que l’incendie n’a pas fait de mort mais néanmoins, des blessés. Il n’empêche que la fuite éperdue des ‘’retenus’’ devant les flammes a été bloquée par la police, ce qui a exacerbé la panique. On en est à une chasse à l’homme aux alentours du port de Mytilène et aux quatre coins de l’île, qui évoque désagréablement la poursuite des ‘’nègres marrons’’ sous l’esclavagisme colonial. Pour tous ces gens fuyant la guerre, la misère et l’absence d’avenir chez eux, c’est donc – littéralement – l’enfer, en Europe. Notre responsabilité est engagée, tant il est patent que le rebond simultané des arrivées d’exilés et du Covid – sans oublier la montée de la crise économique – dépasse de loin les capacités du gouvernement d’Athènes à faire face. Ursula von der Leyen, a annoncé que la Commission européenne  prendrait directement en charge 400 mineurs isolés et qu’elle ‘’se tiendrait prête = = avec les Etats membres = = à aider’’. Plus explicite, Heiko Maas, le ministre allemand des A.e a posé, une fois de plus, la question de la répartition des exilés entre les pays prêts à accueillir. On sent bien que les 27 ont d’autres préoccupations qu’ils jugent plus urgentes en ces temps de catastrophe éco-sanitaire. Mauvais départ pour le nouveau ‘’Pacte européen sur la migration et l’asile’’ que ladite Commission devrait présenter à la fin du mois, après plusieurs tentatives infructueuses ? Attendons de voir si cette conscience allemande réveille des partenaires crispés. Ce serait, vu les conditions, un acte politique exceptionnel.

* 8 septembreLe système Poutine, notre fatalité. Plusieurs dizaines de milliers de Biélorusses ont bravé la répression et manifesté en masse à Minsk, pour dénoncer dictature d’Alexandre Loukachenko. C’est le quatrième week-end consécutif où l’opposition pacifique réunit plus de 100 000 personnes. Fermé à tout dialogue, le Régime opte pour la violence, sa police et divers agents civils procédant à des interpellations massives. L’opposante Maria Kolesnikova, personnalité-symbole du mouvement démocratique et membre du Conseil de coordination restée jusqu’alors sur place, a été arrêtée à la frontière de l’Ukraine et semble avoir depuis disparu. Le Conseil est brutalement réprimé pour « menace à la sécurité nationale ». Une autre incarnation du Mouvement menacée par les services secrets, Olga Kovalkova, s’est réfugiée en Pologne.

Soutenir les partisans de la démocratie en Biélorussie suscite d’immenses états d’âme géopolitiques en Europe. Dénoncer les tortionnaires de Minsk reviendrait-il à pousser Poutine dans ses derniers  retranchements : la menace d’une ‘’nouvelle Ukraine’’ et d’un démantèlement de son glacis stratégique ? Surtout, évitons de bousculer l’Ours frustré ! Depuis cinq semaines, la diplomatie de l’Union européenne et son porte-drapeau, Josep Borrell, ne parviennent qu’à produire des phrases creuses espérant la  » libération immédiate » des opposants politiques. Elle émet de vagues hypothèses de sanctions contre des ‘’ personnes responsables » de la répression, sans même désigner Loukachenko. Serait-elle aussi timide s’il s’agissait d’une ancienne colonie africaine ? En tout cas l’UE ne fait pas mieux que l’Union Africaine ou la CEDEAO. Si la Russie avait bien voulu garder sa place dans l’architecture de sécurité européenne, si elle n’avait pas ‘’peur’’ de ses petits voisins baltes, polonais, ukrainiens, si elle acceptait sans arrière-pensée  le rôle que devrait jouer l’OSCE, si Poutine, enfin, ne considérait pas l’U.E comme une ennemie sur laquelle arracher une revanche, le mot ‘’Liberté’’ déclencherait moins d’hystérie géopolitique dans nos capitales. Mais le problème est d’abord l’essence-même du système Poutine.

* 7 septembre Grand n’importe quoi. Dans son pays, D. Trump se veut le grand perturbateur des principes établis. Mais il lui arrive aussi de jouer – à sa façon – au faiseur de paix. Le Kosovo, ni vraiment son ancien maître politique, la Serbie, n‘avaient pas vraiment besoin de s’en remettre à lui pour renouer, non pas une reconnaissance mutuelle, mais une simple reprise d’échanges commerciaux. Ils ont néanmoins fait le passage à Washington pour signer, sous l’œil gourmand du président américain, un accord peu substantiel en ce sens. La substance s’est révélée ailleurs, à la relecture – juste avant la signature – quand les deux dirigeants balkaniques ont découvert ‘’leur’’ décision de transférer ou d’ouvrir des missions diplomatiques à Jérusalem. Surprise ! Et, de plus, ‘’leur’’ choix désignant le Hezbollah libanais comme une ‘’organisation terroriste’’. Dernier ajout du pays-hôte : la clause de défiance (contre Huawei) s’agissant de la 5G. Ils ont quand même signé, pensant à l’image de leur mentor d’un jour, que ce genre de promesses n’engagerait que ceux qui y veulent y croire… et qui sait ce qui restera du legs politique de Trump passé le 3 novembre…Il n’empêche qu’Aleksandar Vuvic et Aydullah Hoti ont cédé à une manouvre faisant du droit international une triste farce. Telle est l’œuvre tant intérieure qu’extérieure de D. Trump : détruire le droit, casser les consensus, affaiblir les institutions. Avec la distinction qui fait du Kosovo le ‘’premier Etat à majorité musulmane validant la thèse de l’Etat des Juifs ayant pour capitale Jérusalem, Washington s’amuse à ridiculiser tant les Etats arabes que la direction générale de la diplomatie européenne. Les Républicains américains n‘en jugeront pas moins ‘’ingrat’’ ce monde extérieur qui – à l’exception de la Russie – ne soutient guère la réélection de leur ploutocrate misanthrope.

* 6 septembre (dimanche)La sacralité de la vie, mauvais argument électoral ? La peine de mort n’est pas un sujet vendeur. Dans le débat américain, la question morale est implicite dans le mouvement  »black lives matter », mais le lien entre assassinats racistes et exécutions judiciaires sélectives n’est pas formulé. Et pourtant, l’an dernier, lorsque le Président Trump et le Procureur Barr ont décidé de relancer les exécutions dans les pénitenciers fédéraux, ils ont suscité quelques débats concernant les drogues léthales utilisées. On a aussi cité le cas de Lezmond Mitchell, de la communauté indienne Navajo, opposée à la peine de mort. Depuis 2003, aucune exécution n’avait eu lieu à Terre Haute (Texas). Malgré divers recours depuis l’été 2019, Danny Lee a été exécuté le 14 juillet 2020, Wesley Purkey et Dustin Honken, les 16 et 17 juillet. Silence. C’est dans l’indifférence quasi-générale que finalement Navajo Lezmond Mitchell a été mis à mort le 26 août. Pourtant, l’évêque du Nouveau Mexique, l’un des états comptant une importante population Navajo et l’évêque de l’Indiana, où ont lieu les exécutions, s’étaient fortement exprimés contre la peine de mort, sans aucun écho médiatique. Le 28 août, Keith Nelson est mort, à son tour, sur la table d’injection.

Il ne s’agit pas de la justice dénaturée de quelque communauté  »red neck » attardée du Middle West, mais de l’injustice fédérale de la première puissance mondiale. Même autisme que pour le port des armes. Comment intéresser l’Amérique à ses propres fléaux ?

* 5 septembre Clair-obscur persan. D’après l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’Iran a accumulé 2 105 kg d’uranium enrichi, alors qu’il n’est autorisé à en stocker que 202 kg. Quantitativement, c’est donc dix fois la limite posée par l’accord de Vienne de juillet 2015. C’est dire si la politique de sanctions à outrance pratiquée par Washington aura été jusqu’à présent peu dissuasive. Mais que faire de tout ce combustible ‘’civil’’ alors qu’il est exclu qu’il soit affecté à de nouveaux projets énergétiques ? Par ailleurs, sous la pression des Européens l’AIEA a obtenu le feu vert pour visiter deux sites nucléaires anciens dont elle réclamait l’accès depuis des mois et elle a prélevé des échantillons. La République islamique accepte donc – à contre-cœur – d’ouvrir certaines de ses installations et poursuit un dialogue de basse intensité avec les Européens sur la question. Mais elle ne donne jamais aucun gage d’avoir renoncé à disposer de l’arme nucléaire. Elle garde en fait  plusieurs fers au feu et met un soin constant à brouiller les pistes et à déplacer les lignes rouges matérialisant une menace de prolifération active.

Les États-Unis, bien qu’ayant dénoncé l’accord de 2015, prétendent, en vertu du même accord, faire plier le gouvernement iranien par la pression, voire par la force. Il y a peu de doute qu’au-delà du Guide Khamenei, le programme iranien est être les mains des éléments les plus durs du régime, à commencer par les Pasdarans (gardiens de la révolution). Si on s’en réfère aux précédents indien et pakistanais, la main qui peut déclencher le feu nucléaire constitue un facteur plus sensible que le mécanisme lui-même enclenché par le ‘’bouton rouge’’. La tolérance manifestée par la communauté nucléaire à l’égard de New Delhi – qui avait pourtant mis en pièce le TNP – doit à une relative confiance envers les institutions démocratiques de ce pays. C’était moins clair, il y a deux décennies, concernant Pakistan. Encore moins, bien sûr, pour la Corée du Nord. Téhéran se contente pour l’heure de camper au ‘’seuil’’ du nucléaire militaire, le niveau de technologie et de ressources qui permet de produire des armes et de les adapter à des vecteurs dans des délais courts, si les circonstances, à ses yeux, l’exigeaient. La priorité des Européens devrait être de favoriser la pénétration des institutions par la société civile et la marginalisation des ‘’durs’’, qui forment un Etat dans l’Etat. Sauf à les cibler très finement, Les sanctions s’avèrent contreproductives pour ce qui est de favoriser la démocratie.

* 4 Septembre – Désordre et injustice. Saboter le processus électoral, à l’intérieur, ne suffit pas. Attaquer la justice internationale, à l’extérieur, complète le tableau. En s’en prenant personnellement à Mme Fatou Bensouda et à ses pairs de la Cour Pénale internationale (CPI), Donald Trump cherche à provoquer la paralysie de la plus récente des institutions multilatérales dévolues à la paix et à la justice, précédant le grand repli sur soi des années 2000. La CPI a eu le tort, non pas d’inculper tel acteur américain du conflit afghan, mais d’enquêter sur les crimes de guerre commis dans ce cadre. Personne ne niera que ces exactions ont été nombreuses, qu’elles ont causé un lourd préjudice aux populations civiles afghanes et qu’au final, elles pèsent lourd dans le rejet d’une solution au conflit ‘’made in Occident’’. La presse a documenté nombre de ces bévues, sans dédouaner les Talibans, lesquels, au moins, ne prétendent pas à la vertu humaniste ou démocratique. Pour Washington, la Cour de La Haye n’aurait pas même autorité à écrire un article factuel sur le sujet ! Autant pour elle fermer boutique, ce qui est sans doute l’objectif non-dit d’une administration américaine qui n’a jamais adhéré au Statut de Rome (créant la CPI). Le monde extérieur n’ayant aucun droit de garder un œil sur les actes immoraux des Etats-Unis à travers le monde, l’œil en question devrait être aveuglé ! La substance des sanctions – financières et migratoires – ne sera pas la contrariété la plus pénible pour les magistrats internationaux. Le pire est dans cette déclaration de guerre au droit, totalement assumée et menaçante. En arriver là revient à détruire la Démocratie comme la Justice… ou à vouloir s’intégrer confortablement au club mondial des dictateurs abjects du monde. On en est là.

* 3 septembreLe Tsar et ses filtres. Des tests toxicologiques pratiqués sur l’opposant russe Alexeï Navalny, par un laboratoire de l’armée allemande, apportent des preuves sans équivoque de l’utilisation d’une substance de la famille du Novitchok, a confirmé la ministre de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer. Ce poison avait déjà été utilisé, en Grande-Bretagne, contre l’ancien espion Sergueï Skripal, en 2018. Angela Merkel dénonce avec une franchise méritoire une « tentative de meurtre choquante et irresponsable’’, destinée à « réduire au silence » l’opposant russe. « De très graves questions se posent à présent, auxquelles seul le gouvernement russe peut et doit répondre.’’. A la suite de la RFA, le Royaume-Uni (Dominic Raab) enjoint la Russie à « dire la vérité » sur le sort de Navalny. « Il est absolument inacceptable que cette arme chimique interdite ait été utilisée une nouvelle fois’’. La France réprouve, mais en termes aseptisés. Sa diplomatie cherche en effet à se distinguer comme un canal de dialogue avec V. Poutine. Bruxelles réagit au diapason de Berlin : « Acte méprisable et lâche dont les auteurs devront être traduits en justice », dénonce, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Face à cette levée de boucliers, Moscou louvoie entre déni (plutôt discret) silence, évocation d’une absence de coopération allemande … Manifestement le système russe cherche une forme d’échappatoire et peine à trouver un bouc émissaire, Poutine se gardant d’ailleurs de toute communication publique sur le sujet. Faudra-t-il tolérer indéfiniment un mode de gouvernement par l’assassinat politique ? Peut-on obtenir une levée de l’immunité des exécutants, sinon du commanditaire (protégé par son statut de grande puissance et l’absence d’état de droit en Russie), à l’image de ce qui a été tenté lors de l’assassinat d’un journaliste par le régime saoudien. Pourra-t-on, pour commencer, engager une enquête internationale indépendante en Russie ? Probablement, non. Reste les sanctions légales ou officieuses, dont on connaît la faible efficacité et le regain de tension qu’elles suscitent.

* 2 septembreRassurer Babylone. E. Macron excelle à surfer sur les symboles, alors que s’ouvre à Paris le procès des attentats de janvier 2015. Du Liban, où il s’impose en maître d’œuvre des réformes, son détour express par Bagdad ne manque pas de panache. Il y passe, « en lien avec les Nations unies, pour accompagner une démarche de souveraineté » auprès du premier ministre Kazimi et du président Saleh. Paris souhaite maintenir l’Iraq à l’écart des tensions extrêmes entre ses deux mentors. La confrontation a ressurgi de la campagne de « sanctions maximales » lancée par Donald Trump contre l’Iran et évolue à la limite du conflit armé. En janvier, après la frappe américaine, contre le général Soleïmani, Téhéran avait répliqué contre les troupes américaines présentes sur le sol iraquien. Malgré la volonté affirmée de Washington de retirer ses 5000 militaires d’Iran – sans calendrier précis – le grand frère iranien mobilise en Iraq le Hachd al-Chaabi, une coalition de paramilitaires intégrée à l’État qui réclame spectaculairement l’expulsion des forces occidentales. De son côté, la Turquie intervient militairement au Kurdistan iraquien, en prétextant des complicités locales ave le PKK. Le pays est de plus miné par les attentats des extrémistes sunnites, un puissant mouvement de contestation populaire comparable à celui du Liban, une économie pétrolière en crise, la pandémie, comme ailleurs…
– Le terrorisme demeure la préoccupation française prioritaire. Paris rappelle que le combat contre Daech se poursuit, à Bagdad comme à Paris. Il ne faut rien céder à la fatalité de la domination ‘’par les puissances régionales et par le terrorisme islamiste’’. Le lien est fait. Les jihadistes français emprisonnés en Irak, suspectés d’actes terroristes, ont vocation à être judiciarisés par l’État » souverain’’ où les crimes ont été commis (11 d’entre eux ont été condamnés mort). La France a beaucoup moins de leviers en Iraq qu’au Liban. La douce musique d’une troisième voie, authentiquement neutre et iraquienne, mais ferme sur la sécurité, devrait plaire aux citoyens les plus avertis, sans porter d’effet sur les camps antagonistes.

* 01 septembre – Remodeler une nation. E. Macron revient au Liban, presque en messie, assurer la suite de sa ‘’mission’’ et de son ‘’engagement’’.  Comme la plupart des Libanais s’en félicitent, il convient de soutenir son action auprès d’eux et d’en dépasser les aspects paternels sinon paternalistes. Depuis l’automne 2019, les forces vives libanaises (hormis le Hezbollah) manifestent leur ras-le-bol face à une classe politique indigente et mafieuse, qui laisse un pays en lambeaux dériver dans la pauvreté. La gigantesque explosion sur le port de Beyrouth a joué un rôle de catalyseur mais – et c’est un paradoxe – c’est en suscitant un désir de s’en remettre à la ‘’communauté internationale’’ pour refonder l’Etat et réformer en profondeur les finances et l’économie. La France n’a pas inventé le clanisme communautaire qui régit ce pays multiconfessionnel, particulièrement exposé aux tensions moyen-orientales. Mais, depuis le protectorat, elle manœuvre à son aise dans ce microcosme figé, y trouvant les canaux de son influence. La fin de la guerre civile, en 1990 aurait dû marquer une recomposition totale du système. Ni les communautarismes, hostiles les uns aux autres, ni les voisins du Liban – bien au contraire -, ni la France n‘ont pu ou su franchir le pas. Alors que l’Etat libanais serait en passe de disparaître, rongé par la milice-Etat du Hezbollah, les attentats, la faiblesse de son armée, la corruption honteuse de son administration, le fonctionnement délinquant de sa banque centrale, on voit trop bien qui pourraient en être les ‘’repreneurs’’ : l’Iran des Pasdarans, les tueurs de Bachar, Israël de Netanyahou, les croisés évangéliques de Trump et de Steve Bannon ! Mieux vaut, de loin, le paternalisme français dont les ambitions et les moyens sont, d’ailleurs, probablement surestimés. Il semble que Paris ait pesé dans la nomination d’un nouveau premier ministre (Mustapha Adib) et on imagine que celui-ci sera soutenu auprès du FMI, dans sa volonté d’engager immédiatement ‘’les réformes jetant les bases d’un accord’’ avec cette institution. Mais Mme Kristalina Georgieva se situe mentalement assez loin des aspirations des citoyens libanais à un renouveau radical de leur vie politique. Et le président français reste nécessairement respectueux des satrapes qui règnent sur le pays, en tout cas impuissant à les faire dégager. Reste alors une cure d’austérité mal partagée, la perfusion d’argent, les ONG appelées à gérer mais qui y sont mal préparées, les efforts de reconstruction, engagés par la conférence des donateurs du 9 août… autant d’outils de survie utiles, mais rien qui soit politiquement assez fort pour assurer un nouveau départ au Liban.