1.K – Brèves d’octobre – décembre 2021

* 22 décembre – Le grand cabaret stratégique. La Russie fait-elle encore peur à l’Occident ? La question se pose toujours, alors qu’elle marque, en pleine mortification, le trentième anniversaire de l’effondrement de feue-sa mère  l’URSS. Hier, Poutine a promis une ’’réponse militaire et technique’’ (sic) face aux positions stratégiques occidentales, par lui perçues ‘’menaçantes’’ aux confins de son présumé ‘’glacis’’ oriental. Il pensait surtout à l’Ukraine, échappée à son emprise depuis 2014 et exposée à un dispositif militaire russe considérable et très pressant. Mais, dans ce fond d’obsession révisionniste commun à toute cette nation, avide de retrouver sa stature d’empire parmi les pays de son étranger proche’’ (et même au-delà), d’autres frustrations tenaces percent sous sa mise en garde.

La Biélorussie est assurément un terrain d’affrontement. La complète insertion dans l’OTAN des ex-démocraties populaires devenues des pays-membres de l’UE revient au même chiffon rouge. Moscou gronde à la moindre manœuvre de l’Alliance dans ce glacis stratégique qu’elle a perdu. La Pologne, en particulier, fait l’objet d’une détestation extrême du Kremlin. Les sanctions consécutives à l’annexion de la Crimée puis au dépècement de l’Ukraine orientale (Donbass) alimentent une volonté de vengeance. La guerre hybride tramée contre l’Occident, les manœuvres sur les livraisons de gaz, les coups de butoir assénés à la périphérie (Syrie, Libye, Afrique sub-saharienne), enfin, la collusion stratégique russe avec Pékin sont autant de signes vengeurs que nous avons du mal à interpréter comme un message cohérent. Il faut dire qu’il n’est pas aisé de se mettre dans la tête de Vladimir Poutine. Sa psychè ne coïncide plus avec notre temps mental, tant ce personnage semble appartenir à un sinistre passé.

Rustre ne signifie pourtant pas irrationnel. Un peu à l’image du processus de Helsinki, lancé en 1973, Poutine vient de proposer à l’Adversaire une négociation sur ‘’l’architecture de sécurité’’. C’est Moscou, cette fois, qui en prend l’initiative. Deux traités sont proposés à l’Ouest, dont le contenu n‘est nullement novateur : un accord de délimitation de la sphère d’influence de l’OTAN, garantissant à Moscou, au moins, le maintien d’une ‘’zone tampon’’ entre l’Alliance et la Russie. Cette frange ‘’finlandisée’’ (que la  Finlande aimée me pardonne ce terme par elle détesté !) serait bien entendu découpée dans la partie orientale de l’Union européenne. S’y ajouterait le Caucase (Géorgie, Arménie) et les autres anciens membres du pacte de Varsovie.

L’autre proposition de Poutine est complémentaire : en gros, sous couvert de dialogue stratégique, restaurer un condominium russo-américain sur l’Europe, pour gérer les problèmes : un nouveau Yalta, dans l’esprit de 1944 ! Ces deux demandes russes sont mortelles mais, venant d’un joueur d’échec – qui sait bien à quel point elles sont inacceptables en l’état – elles restent intéressantes. Une négociation géostratégique marque d’abord des temps de pause comme des pics de pression dans une rivalité globale. Les joueurs se font concurrents plus qu’ennemis. Le fond compte peu au début : il sera façonné par sa forme évolutive, les tactiques employées, le rapport de forces. Poutine a bien compris qu’être à l’initiative, c’est se donner un avantage sur la conduite du processus. George Bush senior avait bien su user de cette logique, en 1990-91, face à Gorbatchev.

On peut regretter que Joe Biden et l’Alliance atlantique aient purement rejeté la gesticulation poutinienne comme une fièvre débile, une grossière ficelle de propagande. Contre-proposer, prendre l’initiative et rappeler à Moscou les lois et réalités du système mondial actuel (notamment, celles de l’Europe) eût été plus avisé. A la table de négociation, la Russie est faible (comme son économie) et ne peut se montrer aussi agressive que sa soldatesque l’est à la frontière ukrainienne. L’Ouest n’aurait-il plus assez confiance en lui ?  Ce serait au nouveau duo Macron – Scholz de prendre le relai pour- si possible – dégager de toute cette poudre aux yeux quelques vraies opportunités.

*21 décembre – La dinde de Noël et le putschiste malien. La première rencontre entre Emmanuel Macron et Assimi Goïta, le colonel-président de la transition du Mali, n’a eu lieu, le chef de l’État français ayant annulé sa visite, prévue le 17 décembre. Le motif en a été délibérément ‘’diplomatique’’ (un beau faux prétexte) : la pandémie de Covid-19 retenait le Français à Paris. L’explication des gravures n’aura donc pas lieu non plus et chacun restera sur son fort ressentiment. Sur fond d’aigreurs exprimées, au cours des dernières semaines, autour de ‘’l’abandon français du Mali’’ ou, en sens inverse, de  »la vente du Mali, à vil prix, aux intérêts russes portés par les mercenaires du groupe Wagner », les chances de rabibochage paraissaient nulles et les risques de manifestations anti-françaises trop élevées pour en valoir la chandelle.


A qui imputer la perspective d’impasse face aux offensives djihadistes au Sahel ? Accueillie en libératrice en janvier 2013, l’opération Serval a rempli son objectif immédiat : repousser la déferlante des katibas depuis le Nord pour saisir la capitale malienne. Depuis, les diverses opérations d’endiguement, française (Barkhane), onusienne et africaine au Sahel ont toutes échoué à ramener l’ordre et la paix, notamment dans le centre-Mali. Ce secteur est frappé par l’anarchie et de raids terroristes, les populations s’estimant plus ou moins abandonnées par les autorités maliennes. Les groupes armés liés à Al-Qaïda, ainsi qu’à Daech, y gagnent sans cesse du terrain.


L’insécurité croissante nourrit le sentiment ‘’antimilitaire’’ et particulièrement la rancœur antifrançaise à travers le Mali : ‘’puisque vous ne pouvez pas régler le problème, alors, dégagez !’’ Cette colère permet au gouvernement ‘’deux fois putschiste’’ de Bamako de détourner de lui la responsabilité de l’inexorable défaite sécuritaire et d’en reporter la faute sur un bouc-émissaire sacrificiel tout trouvé, qui plus est étranger et post-colonial. Les mauvais garçons au pouvoir dans la capitale seraient bien à mal, autrement, de justifier leur cuisant échec face à leurs adversaires … et face à leur propre population. Celle-ci n’a pas encore de préjugé particulier sur l’option de remettre aux Russes les richesses et la charge militaire du Pays. Les Maliens s’apercevront trop tard qu’ils auront perdu au change. Voyez les méfaits commis par les voyous de Wagner contre les Centrafricains et les Libyens.

Du côté français, le syndrome de ‘’défaite à l’afghane’’ est à l’œuvre. Les autorités maliennes, que l’on tentait d’aider, jouent désormais sur le registre du chantage, de la fureur et de la trahison. Pourquoi leur offrir une visite ‘’légitimatrice’’ … et se faire fustiger en retour ? On réalise bien ne pas pouvoir compter sur elles, que ce soit pour redresser la situation ou pour sortir Barkhane de la nasse, en limitant la casse. Censées exploiter les avancées militaires des autres armées pour faire progresser leur gouvernance et l’intégrité de leur pays, elles, profitent surtout d’un pouvoir arraché illégalement, sans tenter de remplir leur rôle dirigeant. ‘’Se reconcentrer sur la stricte lutte contre les groupes terroristes’’, comme le prône le locataire de l’Elysée, constitue une alternative toute militaire mais théorique, rendue illusoire par l’absence de soutien civil, de base politique. L’armée française, comme ses épigones européen (Tacuba) et africain (Minusma) n’étant plus gratifiée d’une légitimité populaire, elle ne peut plus être utile au Mali.


Cette ‘’tolérance’’ à l’égard des djihadiste en arrive au point où les colonels de Bamako estiment ‘’de leur devoir’’ d’ouvrir le dialogue avec eux. « C’est une demande forte depuis plusieurs années du peuple malien qui dit que ceux qui sont avec les jihadistes sont des jeunes souvent désœuvrés, souvent endoctrinés (…). Discutons pour récupérer ceux qui sont récupérables ». Candide naïveté ou impuissance déguisée en habilité suprême, le gouvernement malien caracole tout droit vers le gouffre. La feuille de route pour la Paix de 2015, conclue à Alger et validée par l’ONU, est jetée par lui aux orties, au profit d’un ‘’arrangement’’ à l’amiable entre quelques chats grassouillets et des hordes de hyènes. Partir, d’urgence, vous dis-je ! Sera-ce une consolation quand les brutes de Wagner répugneront à se frotter à toute cette cette pagaille ?

La Conclusion est que les militaires de Barkhane vont pouvoir mastiquer tranquillement leur festin de Noël, sans être perturbés par un show présidentiel autour d’eux. Ils penseront in peto : ‘’l’an prochain, à la maison’’. Bonnes fêtes, les gars !

* 20 décembre – Le fantôme de Hong Kong. Les élections pour renouveler le ‘’Legco’’, le parlement de la région ‘’autonome’’ de Hongkong, ont généré, le 19 décembre, un taux de participation, de 30 %. C’est le plus bas depuis la rétrocession de Hong Kong à la Chine par le Royaume-Uni, en 1997. La raison en tient au principe de réserver, aux seuls ‘’patriotes’’ patentés, la compétition pour les sièges éligibles. La définition de  ‘’patriotes’’ en fait le synonyme de ‘’notables assujettis au Parti Communiste Chinois’’. Ces personnages sont le plus souvent achetés par la nomenclature pékinoise, avec la promesse de faire prospérer leurs affaires.

Ces gens n’ont pas attiré les foules. Les citoyens – très majoritaires- n’acceptant pas ce carcan extérieur s’étaient vus supprimer tout choix. La quasi-totalité des candidats d’opposition, qui auraient dû de se présenter, sont morts, en prison, en exile ou cachés chez eux. On ne sera pas trop étonné que, dans de telles conditions, les Hongkongais, éduqués dans les principes de liberté démocratique, aient boudé les urnes. Après la brutale mise au pas de 2020, se poursuit le nouveau cours imposé par les gérontes dogmatiques de Pékin : un mélange de cadre institutionnel, en partie censitaire, hérité de l’ère britannique, et de dictature des collabos du Parti, agissant sur ordre du Parti.  Les sièges sont largement attribués aux ‘’représentants des corporations professionnelles ». Quelques uns, moins nombreux qu’auparavant, ont été pourvus au suffrage universel pour les seuls « patriotes », les plus loyaux envers Oncle Xi.

L’avenir s’annonce morose, voire désespérant, pour les Hongkongais qui veulent rester eux-mêmes, garder quelques libertés, se préserver un avenir. Avec la disparition de toute forme de démocratie, s’éteint aussi l’Etat de droit, les libertés de pensée, d’expression et d’association. L’arbitraire et la cupidité s’y substituent. Imaginez cela dans un pays d’Europe occidentale ! Hongkong avait acquis un niveau d’éducation, de revenu et de conscience politique supérieur à la moyenne de ceux des Européens de l’UE. Qu’osons-nous dire face à cette soumission au servage de 8,5 millions de citadins sophistiqués ? Nous n’avions déjà pas protesté très fort, quand a été foulée au pied, par Xi Jinping, la Chartre de Hongkong (sa mini-constitution), bâtie sur un accord international passé entre Londres et Pékin et entré en vigueur avec la dévolution de 1997. Bref, nous allons nous accommoder de l’inacceptable, parce que tous ces gens brimés et qui nous ressemblent, ne sont pas présents devant nos yeux (comme le sont nos présents de Noël made in China).

Au lendemain de la grande ‘’conférence des démocraties’’ tenue par Joe Biden, qu’a-t-il été dit ou fait pour les gens de Hongkong ? Rien, sans doute. L’Occident a ponctué sa belle rhétorique démocratique de propos indignés sur le sort (de fait, terrible) réservé aux Ouïgours. Un seul exemple de violation des droits en RPC, cela suffit : on ne veut pas trop se farcir la tête, mais simplement susciter un peu de mauvaise conscience à Pékin et s’en faire un levier. Les Hongkongais sont des victimes moins ‘’tendance’’, notamment aux yeux des ONG. On les laissera à leur sort, comme beaucoup d’autres catégories opprimées de Chine.

* 16 décembre – Réflexion SALAce. On a enfin compris, l’Ours et moi ! Les propos militants sur les  »robots tueurs » (ceux qui choisissent leurs cibles en pensant tout seuls, sans contrôle humain), c’est de l’approximation, et même de l’errance ! Ces systèmes d’armes automatisés ne sont pas des  »robots » mais des SALA (Systèmes d’Armes Létaux Autonomes). Ca fait quand même plus sérieux pour des joujoux d’intelligence artificielle (IA) individualistes et insoumis dont la pensée et la foudroyante précision laissent le Sapiens armé loin derrière, sur le bord de la route.

L’Ours a lu un savant article rédigé par un général de corps d’armée pour une revue très stratégique, sous l’intitulé  »Dissuader aujourd’hui ou comment prouver sa détermination – sous-titre : dissuader demain de l’emploi d’armes nouvelles : l’exemple des SALA ». Vraiment très instructif et arrivant à point nommé, alors qu’à l’ONU, les experts planchent sur l’inclusion ou non de ces destructeurs non-humains dans un Accord ancien sur la prohibition d’armes conventionnelles particulièrement inhumaines, le CCW. Le droit international humanitaire dispose à cet égard que le choix des outils, moyens et méthodes de guerre n’est pas illimité. Toute arme provoquant une rupture d’équilibre – et c’est la cas des SALAs – doit faire l’objet d’un examen juridique rigoureux. Pour autant qu’on arrive à tout comprendre sur le fond, on tire de ce remarquable article des conclusions un peu contradictoires :

Le président français s’oppose catégoriquement aux SALA (Ouf ! ). L’Homme doit reste l’instrument du combat. La France propose ainsi l’adoption d’une déclaration onusienne  »maintenant la contrôle humain sur l’usage de la force armée ».

* Il semble très moral de participer à l’élaboration d’un traité actant ce principe, mais ce serait aussi très naïf de croire qu’en matière de contrôle des armes, le droit soit respecté par les Etats (et par les mafias) : depuis l’interdiction de l’arbalète, voyez les leçons qu’apporte l’Histoire ! Donc, se mettre du bon côté de la loi internationale, tout en se préparant à entrer dans un jeu où personne ne la respectera : c’est la touche de réalisme, la technologie incriminée doit être prestement développée. Le coupable sera le premier à s’en servir, pas le second. La France s’inscrit pour être seconde. D’ailleurs Poutine et Erdogan se déclarent forts de bientôt voir désintégrer = en premiers = leurs adversaires, sans même avoir à en prendre décision ni responsabilité : ce sera la faute de l’IA !

* Puisqu’on va développer et produire des SALAs, autant rechercher une avance technologique sur l’ennemi potentiel et dissuader celui-ci de faire plier notre nation en la hachant menue. Le SALA made in France aura toute les caractéristiques souhaitables d’efficacité offensive … pour faire peur aux méchants. Mais, et c’est là que résidera toute la différence avec les armes illégales, il sera doté de verrous qui pourront bloquer sa capacité à créer ses propres lois (une IA sondable à distance) et qui pourront même rendre à l’Humain un contrôle assumé lors de ses passages devant les radars du droit international. Un peu comme les Tesla débranchables de leur conduite autonome au contrôle technique !

* Enfin, la France se propose d’articuler le phénomène SALA – qui se généralisera dans quelques années – avec sa doctrine stratégique de la dissuasion. Si l’Ours a bien compris, trop de SALAs frappant l’Hexagone trop durement réhausserait la donne jusqu’au niveau nucléaire. Toujours le même ultime recours, un avertissement unique et Pschhhhit, A ou H, la bombe !

Une belle croyance française, en vertu de laquelle l’on fera comme les autres, … mais en bien plus légitime et civilisé. L’usage en second joueur de Systèmes d’Armes Léthaux Autonomes c’est l’avenir. Autant ne pas en faire toute une SALA-deux !

*** 16 décembre – Réflexion SALAce. On a enfin compris, l’Ours et moi ! Les propos militants sur les  »robots tueurs » (ceux qui choisissent leurs cibles en pensant tout seuls, sans contrôle humain), c’est de l’approximation, et même de l’errance ! Ces systèmes d’armes automatisés ne sont pas des  »robots » mais des SALA (Systèmes d’Armes Létaux Autonomes). Ca fait quand même plus sérieux pour des joujoux d’intelligence artificielle (IA) individualistes et insoumis dont la pensée et la foudroyante précision laissent le Sapiens armé loin derrière, sur le bord de la route.

pourrait bien s’intituler SALA-deux.

* 15 décembre – L’Europe et la Lune. Oyez ! La France a décroché la Lune ! La présidence de l’UE qui lui revient – DE DROIT – à compter du Jour de l’An, pas besoin de la saisir de force : ça pose son homme ! Oui, ‘’son homme’’ car la présidence de la Belle Forteresse revient, tous les treize ans, au président de l’Hexagonie, qui aura su attendre son tour. Tous ne sont pas appelés à siéger sur le trône de Charlemagne ! La charge peut être déléguée aux chambellans ou aux missi dominici, mais les vilains, eux, se contenteront d’observer, saisis d’une immense fierté patriotique.

La couronne européenne tourne tous les six mois, pour ne pas pérenniser l’autocratie continentale d’un seul prince sur 450 millions de sujets subjugués.  En fait, il existe des institutions plus stables dans l’UE : le Conseil, le Parlement européen, la Commission. Le bref règne d’un suzerain national ne shunte pas leurs compétences, comme on aimerait nous en conter. D’ailleurs, le premier des Français va devoir aller présenter aux princes lecteurs de Bruxelles ses plans, sa feuille de route, le 19 janvier. S’il les irrite par trop ou les ignore, le Maître de l’Agenda va devoir ramer dans le vide. Maître de l’Agenda est le terme adéquat en ce sens que son pouvoir s’exercera précisément sur l’ordre du jour des travaux. Il pourra tenter de faire avancer des items préexistant à son règne dans la grande machinerie européenne et, s’il est habile, les faire avancer un peu plus vite que d’autres… Toutefois, il lui faudra arriver à convaincre. Les autres princes dont le roi du Conseil, M. Charles Michel, et la reine Ursula de la Commission, aiment bien la France mais se méfient un peu de la fougue (désordonnée) de son aristocratie chevalière… parfois cavalière.

– Donc, la charte de l’UE acculera le souverain hexagon au dialogue, aux cotes mai-taillées (résignons-nous !), aux compromis qui ne le glorifieront quand il réintégrera son château de l’Elysée ? Cela peut être embêtant, quand = ‘’en même temps’’ = on mène forte campagne pour être réélu sur le trône de Saint Louis ! Regardez sa marche contrainte : entre janvier et mars ou début d’avril, il pourra faire le forcing pour séduire ou intimider ses pairs. Mais, il faut quand même lui laisser avril, mai et un peu de juin pour bétonner son fief, n’en déplaise à Bruxelles et au monde. Au lendemain du scrutin d’avril, la question se posera : le président de l’Europe sera-ce toujours lui ou le duc qui l’aura défait ? Ça, personne ne le sait, pas même l’intéressé mais les cours d’Europe spéculent fort sur le sujet. C’est quand même un peu gênant. Et si le sceptre passait à un autre (honni de lui), ce mauvais plaisant aurait-il le temps de défaire tout l’écheveau européen, pour tourner casaque en sens inverse ?

Tout successeur se devra d’avoir la santé et des neurones rapides, car une diversion en marche butera sur un vrai champ de mines, préparé pour le contraindre. L’actuel futur président conviera, en mars, un grandiose sommet du Drap d’or en République de France (Amiens ? Versailles ? Neuilly ?). Selon les normes établies, ce serait plutôt à Bruxelles, mais le pays de Louis XIV préfère briller en ses beaux châteaux plutôt qu’à la station métro Schuman… et puis la France n’est quand même d’essence à se plier sans broncher aux mœurs de la meute des 26. Maître absolu de la belle parole, Rex Emmanuel saura envouter le gratin du gratin européen à la galerie des glaces. Ils le suivront sous hypnose et aucun n’avalera l’antidote avant d’être rentré en son fief. Puis viendra avril… puis juin.

Et si la France se plantait et qu’elle sorte déconfite du jeu dichotomique de ses arcanes de pouvoir ? (L’Ours 🙂 ‘’Arrêtez donc de faire de la politique politicienne !’’.

* 13 décembre – Sommet du jugement dernier. Joe Biden l’avait promis durant sa campagne. Il a organisé, les 9 et 10 décembre, par vidéoconférence, un ‘’sommet de la démocratie’’. Après quatre ans de présidence Trump, c’était une façon pour le président démocrate de confirmer par les actes que (citation) : ‘’l’Amérique est de retour ‘’. En fait, qu’elle est revenue de loin. On garde dans les yeux les images effarantes de l’assaut des ‘’petits blancs’’ révoltés (et manipulés) contre le Capitole, le 6 janvier. Biden gouverne face à une société profondément divisée. Peu ou prou, un tiers des citoyens dénoncent une élection supposément ‘’pipée’’, appellent au retour de ‘’l’Homme fort’’ en espérant que ce léviathan piétinera les institutions et bannira les classe politique washingtonienne. Ils attendent de lui qu’il torde le cou aux lois et rétablisse un ordre suprémaciste. Ne nous pensons pas immunes : ces tristes personnages ont grosso-mode leur équivalent, dans la quasi-totalité de nos fragiles démocraties occidentales.


‘’Etre de retour’’ est synonyme, aux Etats Unis, d’exercer un leadership existentiel sur le ‘’monde libre’’ et, postulat corollaire, de s’ériger en fer de lance face à l’’’Empire du Mal’’. Les donneurs de leçons ont un besoin absolu d’ennemis, qu’on appellera ‘’challengers’’ ou prétendants à l‘hégémonie, ce qui restreint leur nombre mais sacralise le combat des démocraties. Poussé par un mal-être de politique intérieure, Biden n’a pas fait dans la finesse et s’est délibérément éloigné d’un format consensuel, tel celui adopté par la France à l’occasion du sommet du centenaire de 1918. Il lui fallait rassembler autour de lui les ‘’bons’’, alliés, partenaires et clients, etc. L’essentiel du message a donc tenu à la liste des invités ou plutôt des ‘’non-invités’’.

C’est une grosse erreur de désigner de cette façon blessante et publique ceux que l’on range parmi les ‘’mauvais’’, les adversaires bien détestés. Il l’a commise, certes pour rassurer ses concitoyens, mais en prenant le risque de rendre plus irréconciliable que jamais une ‘’communauté internationale’’ déjà vérolée par ses confrontations et ses méfiances recuites.

Le ‘’sommet du Jugement dernier’’ a donc réuni 111 pays, acceptés ou protégés par la diplomatie de Washington. A peu près la moitié de la communauté des Etats. Il aurait pu réfléchir à la réparation ou à la remise à flot des vieilles démocraties usées, mais il a préféré faire sienne la rhétorique du combat contre les régimes autocratiques. La liste des invités rend perplexe quant au mérite démocratique des dirigeants retenus : la Chine et la Russie, incarnations de l’ennemi absolu, ont bien entendu été exclues du sommet. Le Pakistan salafiste, les Philippines et le Brésil des bataillons de la mort y figurent malgré l’état inquiétant de leurs libertés publiques. En revanche, la Hongrie, membre de l’Union européenne, a été boudée. De même la Turquie de Recep Taayip Erdogan, dont les bases militaires sont pourtant essentielles aux interventions de l’Otan dans le Grand Moyen Orient. En Afrique, la République démocratique du Congo a été invitée que beaucoup considèrent comme un Etat failli. Epine planté dans le pied de la République populaire de Chine, le gouvernement de Taïwan a aussi été convié. Pour le coup, il a bien mérité de la démocratie mais n’a-t-il été choisi que pour cela ?

Il vaut mieux ne pas rechercher de critère cohérent : la morale, les droits humains et les intérêts stratégiques ont été secoués dans un shaker puis passés au mixer. Conclusion : un exercice bâclé et rien de nouveau au bout ? Si, dans le sens où l’on voit une Amérique polarisée et blessée durcir le ton à l’extérieur et finalement traiter la scène internationale en termes dichotomiques : le bloc des bons face à celui des méchants. Si l’on avait d’abord posé la question d’un renouveau démocratique nécessaire ‘’pour tous’’, cette dureté un rien populiste de l’analyse américaine aurait été acceptable. Après tout, les ennemis de la paix et des libertés pèsent actuellement plus lourd que leurs amis. Mais, quand on veut diriger le monde, un peu de lucidité sur soi et de bienveillance pour autrui ne nuit pas.

* 11 décembre – Jeux de vilains. Les JO d’hiver sont prévus dans la capitale chinoise en février prochain. Au sein de l’Occident, des voix influentes appellent au boycott au nom des droits de l’Homme. Ainsi, aux États-Unis, les Républicains ont demandé au Sénat d’enquêter sur les irrégularités présumées dans l’attribution à Pékin de cet évènement mondial prestigieux ce qui implique potentiellement d’en exiger l’annulation par le Comité international olympique. Bref, du fait du ‘’génocide’’ perpétré contre les musulmans ouïghours du Xinjiang, aucun représentant du gouvernement américain n’assistera aux Jeux, l’an prochain. 180 associations de Défense des droits de l’Homme campent sur la même ligne.

La Chine juge bien sûr cet appel au boycott « irresponsable » et purement « politique ». D’ailleurs tout est politique dans ce pays, une raison majeure de son rejet de l’Etat de droit. Une politisation des Jeux par Washington n’en est pas moins en cours. Elle renverrait à la mémoire des jeux de Berlin en 1936. Quarante plus tard, 22 pays africains avaient boudé les JO de Montréal, pour punir la Nouvelle Zélande côtoyer les rugbymen d’Afrique du Sud. Puis il y a eu la désertion de ceux de Moscou, en 1980, vengée par des représailles russes contre Los Angeles, quatre ans plus tard. En 2008, le chemin de Pékin (déjà) butait sur la répression au Tibet. En 2012, à Sotchi, l’infamie de l’Hôte russe faisait suite à l’annexion de la Crimée.

La politisation des jeux n’a jamais apporté de résultat positif. Personne n’a gardé le souvenir que ces gesticulations, bien contraires à l’esprit de Pierre de Coubertin, aient pu contribuer à la justice, au droit ou à la paix. L’olympisme était, à l’origine une parenthèse de trêve des affrontements. Les droits humains sont une cause 7/7 J, 24/24 H, un processus continu et patient. Choisir entre ces droits, la moralité, la dignité des êtres et l’aspiration universelle des sportifs ne se fait pas en un tweet ou en un slogan bien ciblé. Mais l’arme du boycott est très tentante sous l’angle de la propagande-minute, parce qu’elle fait mal au moral de l’adversaire et qu’elle écorne – provisoirement – son image internationale. Qui plus est, en choisissant une incrimination unique, le slogan occulte la grande diversité des violations et des victimes. On fait alors dans la caricature.

Mais cette flétrissure (justifiée) des mauvais gouvernants cherche, par simplification abusive, à stigmatiser les peuples eux-mêmes, avec, pour effet connexe d’outrer le public et les athlètes du pays critiqué. Il est à prévoir qu’en Chine, 99 % de la population han y verra un complot, un mauvais procès intenté par mépris d’un peuple et une preuve de haine contre la Patrie communiste (le Parti). Le regain de xénophobie suivra la montée des ressentiments. En janvier, Xi Jinping avait affirmé qu’il incombait à son pays de réussir cette « grande fête » et de rendre ses JO « spéciaux, exceptionnels et uniques’’. Jalousie occidentale et manigances pour gâcher la fête ?

Vous l’avez compris, l’Ours accepterait d’aller à Pékin mais ne se gênerait nullement pour exprimer sa réprobation d’une façon raisonnée. Il préciserait surtout l’identité des fautifs. Mais il aurait des mots amicaux pour les gens (et pour les plantigrades) du lieu. Il n’oublierait pas tout, si tôt rentré au blog. Il serait plus tenace. En fait, il ne paraît pas qu’il soit invité.

* 9 décembre – Migrations : une âme française à l’œuvre. Le 25 novembre, un naufrage a coûté la vie à 27 personnes qui tentaient de rejoindre le Royaume-Uni par la Manche. Ces décès s’ajoutent à longue liste des personnes mortes, portées disparues et gravement blessées à la frontière franco-britannique, mais aussi à celles franco-italienne et franco-espagnole. Le malheur des habitants les plus mal lotis du globe, ceux qui ont le ‘’tort’’ de chercher un avenir viable ailleurs ne sera jamais assez cruel, jamais assez douloureux, pour ceux d’entre nous qui gardent les yeux fermés à la fois à l’état calamiteux du monde et aux sentiments d’humanité, inhérents au genre humain (?). Les citoyens du Nord sont incontestablement privilégiés par rapport aux acteurs de cet exode – très petitement absorbé par le France. Certains ‘’Français de souche’’ (en fait, ça n’existe pas), eux-mêmes douloureux dans leur ressenti d’injustices et d’inégalités sont un peu perdus. Il leur faut alors chercher une consolation un peu morbide dans la déchéance de l’Autre… voire y rajouter une dose.
Dans le traitement des personnes, la pratique administrative s’est dissociée du droit et elle vise à dissuader les arrivants de faire valoir leurs droits, puis à les rendre invisibles. Pour cela, on les chasse du moindre campement, on leur refuse les protections élémentaires, on renonce à pourvoir à leurs besoins essentiels comme ceux d’un accès aux soins, d’un hébergement, de l’hygiène. On les renvoie illégalement à travers les frontières, en les enfermant, en détruisant leurs affaires. Ces pratiques n’ont jamais apporté autre chose que des souffrances, la fracturation de nos sociétés, et l’affaiblissement de nos valeurs communes. Pourtant, le franchissement des frontières est un droit par la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, le refoulement à ces mêmes frontières est prohibé par la Convention de Genève de 1951, l’accès extrêmement lent et truffé d’obstacles aux guichets de la demande d’asile ou de séjour constitue une discrimination contraire aux lois de la République. La mobilité forcée des sans-abri et leur renvoi en masse à la clandestinité, tout comme les violences policières, la double peine en cas d’incartade ou encore la protection négligente des mineurs sont constitutives de mauvais traitements et répréhensibles par la Loi. On pourrait allonger à l’infini la liste des enfreintes au droit qui laissent hélas indifférent.
C’est le fait des très irresponsables réseaux sociaux, du déni frileux des réalités, par ceux qui – ils le jurent – ‘’ ne font pas de politique’’ mais qui alimentent quand même les préjugés et la rage ainsi que, il faut bien le dire, de la parole populiste d’une grande partie du monde politique. Tous alimentent l’effritement de nos valeurs humaines vers les bas-fonds de la haine et de la violence. Haïr, c’est aussi une façon de se dire qu’on est encore vivant, peut-être supérieur à certains autres, tombés dans le bas du panier. C’est encore être victime d’un conditionnement général, en se persuadant que l’on vit à fond son identité en pulsant de tous ses instincts. Ca rassure !
En France, les institutions fonctionnent encore et, à l’occasion, certaines sont à même de réfléchir et d’élaborer une politique migratoire plus respectueuse des droits fondamentaux. Le Parlement a ainsi institué une Commission d’enquête – un niveau d’autorité élevé et peu usé, pour interpeler l’Exécutif – sur les migrations et l’asile. Ses propositions au Gouvernement, publiées fin-octobre, parlent d’elles-mêmes, exprimant une volonté de renouer avec l’esprit de justice et les valeurs des lumières. Voici les principales prescriptions consignées dans son rapport :

  • Prévoir des financements dédiés à la réinstallation des populations chassées par la guerre contre Daech
  • Ne pas pénaliser les populations qui voyagent par une réduction drastique de la délivrance des visas, ce qui renforce les filières clandestines
  • Cesser de focaliser sur la politique migratoire nos relations avec les pays de transit, ce qui leur confère un levier de pression sur nous
  • Revenir pleinement au droit commun pour la gestion de la frontière franco-italienne – accords de Schengen – et redéployer les forces de sécurité
  • Pour éviter de nouveaux drames, appliquer l’accord de La Valette sur la répartition : le sauvetage en mer ne vaut pas automatiquement responsabilité de l’Etat côtier au sens de Dublin
  • Accorder au Parlement un droit d’examen à l’occasion d’un débat annuel, notamment sur la capacité d’accueil de la France, les pays ‘’sûrs’’, la liste des métiers en tension… et un vote de loi de programmation par législature
  • ouvrir la possibilité de travailler aux demandeurs d’asile, dès le dépôt de leur demande
  • Poursuivre l’augmentation des places d’hébergement et les efforts pour une meilleure répartition géographique des demandeurs d’asile, afin de faciliter leur accueil
  • A Calais, mettre fin à la politique ‘’zéro point de fixation’’ et mettre en place de petites unités de vie le long du littoral ; Mettre en place une ‘’commission de suivi’’ intégrant migrants et intervenants locaux
  • Pour les familles avec enfants, prévoir systématiquement une alternative à la rétention, par des lieux d’accueil dédiés
    Merci à nos députés de ces propositions dignes et matûres. Il faut faire le vœu qu’en 2022, leur parole de bon sens soit entendue.

*** 8 décembre – Soigner l’Ours névrotique. Un dispositif militaire russe estimé de 100.000 à 174.000 soldats s’est massé au fil des semaines sur la frontière ukrainienne. Il est organisé en trois lignes de front successives et dispose d’un armement lourd offensif. Rien à voir avec la force requise pour un accrochage frontalier. Au large des côtes d’Odessa, 65 navires militaires et 6 sous-marins croisent en Mer Noire, sanctuarisée à son profit par la Russie. Le port militaire de l‘Ukraine est cerné et le Donbass, pris dans la pince. Le spectre d’une nouvelle guerre est dans les esprits. Cette fois, elle pourrait happer l’Europe dans une tragédie. Faut-il s’inquiéter ? Biden et Poutine se sont téléphoné, ils ont opté pour une démarche de pressions et de marchandage et sont tous deux rationnels… à leur façon.

Cette fois-ci, l’armée russe n’effectue pas des manœuvres, comme c’était le cas au printemps dernier. La concentration de forces monte en régime, pour une projection … ou pour le bluff. Moscou joue, au minimum, l’intimidation, le test de la volonté des gouvernements de l’Ouest de ‘’mourir pour Kiev’’ … ou non. Tout dépendra, dans cette partie de bras de fer, de la volonté féroce du Kremlin de faire plier l’Occident mais aussi du crédit que ce dernier accorde à la psychose russe de l’enfermement. L’enjeu, vu du Kremlin, est de reprendre le contrôle – pas nécessairement la possession – du glacis stratégique oriental de la Russie, perdu en 1991. L’Ukraine est censé en être le pilier principal et les quelques attentions que lui portent l’Europe et l’OTAN – pour peu significatives qu’elles soient – sont intolérables à Vladimir Poutine. Comme les rois d’antan, il prétend disperser l’ennemi ou investir le fief de son vassal, faire donner l’Ost, prendre des gages territoriaux. A l’heure de la mondialisation, un féodalisme à la Machiavel campe à nos portes. La géopolitique c’est aussi ça.

Le côté ukrainien brandit haut son étendard de victime. Il gère la crise, un peu dans la même tradition populiste, face à un adversaire qui prétend, avec toupet, être menacé par plus petit et moins fort que lui. Qui verrait le régime de Kiev parti pour occuper Moscou ? Son  tort est plutôt d’être ostensiblement soutenu en équipement, par l’OTAN et de prétendre haut et fort en être l’allié. Il bénéficie, de la part de Washington, de divers engagements oraux de protection, qui ont enclenché une propension à l’escalade militaire. La multiplication des mises en garde américaines laisse percevoir la possibilité d’une contre-offensive de l’OTAN, le cas échéant. Ceci n’empêche pas M. Blinken d’en appeler, pour le principe et pour la moralité du langage, à une solution diplomatique, à laquelle Moscou objecte ne plus croire. Les européens n’ont pas été consultés, alors que la logique de guerre s’incruste dans les esprits. L’enchainement des tensions suscite une forme d‘hystérisation chez les deux principaux protagonistes.

Les déclarations américaines et celles de l’imprudent secrétaire général de l’Alliance postulent que l’OTAN ne refusera jamais une candidature émanant d’autres Etats de l’ancien bloc soviétique. Aucun interdit ne pèserait, en particulier, sur l’Ukraine ni sur la Géorgie, ces voisins honnis de la Russie dans son ‘’étranger proche’’ et que l’Ours russe s’acharne à démembrer, bloc après bloc. L’extension à l’Est du pacte militaire occidental constitue pourtant le pire des chiffons rouges, peut-être même un casus belli, aux yeux du Kremlin. L’Ouest avait, sans vergogne, franchi cette ligne rouge, lors de l’effondrement de l’URSS. L’Ours s’était senti menacé. Puis on avait tenté d’adoucir la potion amère en lui promettant ‘’plus jamais !’’ et en tentant de l’intégrer, cahin-caha, dans une architecture européenne de dialogue et de coopération, remède à sa solitude. Il fallait bien calmer sa paranoïa revancharde.

Les agressions récurrentes de l’Ours ont ramené le camp américain à sa perception dure. On a assisté à un changement radical de position, de 2008 (annexion de deux provinces géorgiennes) à 2014 (révolution orange en Ukraine et dépècement territorial de l’Ukraine), jusqu’à 2020, qui a vu Poutine prendre la main sur une Biélorussie en révolte contre Loukachenko. On pouvait prédire facilement que l’Ours paranoïaque verrait, dans les sanctions et coups d’arrêt occidentaux, la manifestation d’un plan d’agression à son encontre. L’Ukraine lui est un tremplin de guerre lancé contre lui, par l’Amérique. La chasse à l’Ours serait ouverte.

Moscou avait dit ne rien attendre de l’entretien téléphonique Biden – Poutine. C’est assez réaliste. Dans cette affaire, les Américains mettent surtout en musique leur leadership retrouvé sur l’Occident. Les Français cherchent à faire exister l’Europe et, comme les Allemands voudraient revenir aux paramètres de règlement définis par les accords politiques de Minsk (sans les Américains) puis par le  format dit ‘’Normandie’’. Il n’y a plus personne pour s’assoir à la table avec eux et, pour l’heure, Moscou travaille sur le rapport de forces. Bluff ? Maladie de la persécution ?

Irions-nous vers un avatar ukrainien de l’‘’annexion des Sudètes’’ ? Serait-t-il honteusement suivi d’une ‘’paix sauvée’’ du style de celle Munich’’ ? On pense à un remake illusoire de la piteuse négociation de 1938, rapidement ruinée par la survenance d’un conflit de continental. La question russe est là pour rester longtemps. Elle n’a pas fini de déstabiliser l’Europe, qui, malheureusement, n’a plus grand chose à dire sur le plan stratégique. Faudrait-il pardonner un peu, tourner la page et recoudre les morceaux de la grande Europe en un système stable et hybride d’est en Ouest ? Faut il refuser le chantage, la finlandisation des confins russes et la menace d’un acteur puissant mais névrotique, qui ne reconnait que la force ?  C’est le choix entre les années 1990 ou les années Poutine… L’Ours du blog me rappelle que son cousin russe ne se laisserait jamais mener avec un fouet et une longe dans le nez. Donc, on cherche des idées neuves.

* 7 décembre – La lointaine planète France. La campagne électorale française a une drôle de tonalité eurosceptique et un horizon de vue replié sur l’Hexagone. Alors qu’en Allemagne, par exemple, l’Europe ne pose plus question et qu’elle porte même les principales recettes aux grands problèmes transversaux, en France, elle reste une cible existentielle et un brumeux terrain d’affrontement. Son importance primordiale dans les politiques et les cadres de vie des citoyens est tout simplement ignorée.

C’est une bonne façon de faire croire à l’électeur que le politique, héros purement ‘’national’’, est tout puissant et que sa parole vaut re-création de la Patrie. Cela revient à prétendre que la monnaie, le commerce, la santé, le politiques budgétaires ou celles de l’environnement sortent ‘’toutes cuites et prêtes à l’emploi’’ du puissant cerveau de nos Super-Dupont organisateurs du genre humain (du genre franchouillard, s’entend). Dupont-Electeur ne doit pas en douter. Le syndrome équivaut au Brexit. L’UE est brandie sous ses yeux comme une offense à  SA souveraineté (ou un exutoire à ses frustrations), pauvre M. Dupont-Citoyen !

 Il faudra bien rendre à la Patrie des porteurs de béret – à eux seuls – des prérogatives absolues sur les problèmes qui la dépasse, pour lesquels elle ne dispose pas des ressources ni de la puissance pour agir utilement et que, dans tous les cas, elle maitrise mal. Ce mantra s’accompagne d’une répudiation inconséquente des traités signés et qui valent constitution. Foin des normes, exit les garde-fous contre un retour de la guerre et de la sauvagerie ! Ca fait quand même beaucoup à encaisser pour un spectacle saisonnier !

L’Ours n’aime pas la pensée binaire. Il n’a plus trop envie de plonger son museau dans ce monde orwellien, qui, de toute façon, s’évaporera en avril ou en mai. Il n’est pas sorti de sa taïga pleine de dangers pour partir en guerre contre d’autres, qui n’auraient pas exactement la même fourrure que lui ou qui grogneraient avec un accent. Ni envie de se voir attribuer un territoire en fonction de sa complexion et de sa connaissance des valeurs ursidées.  Cette campagne nombriliste et sans horizon, sans nourriture pour penser (food for thought), sans discernement aucun quant aux profonds effets du monde sur le fonctionnement de la France est plus désolante encore qu’ennuyeuse. Personne ne voit donc qu’autour de nous tout change très vite et que ce n’est plus un jeu d’autorité, bien ou mal exercée, qui nous adaptera à la nouvelle époque ?

Est-ce que quelqu’un voudrait bien penser à partir des réalités mouvantes et nous dire que les vieilles ficelles du chauvinisme sont passées de mode ? L’Ours, lui, se tait (du moins, jusqu’à demain)…

* 6 décembre – Une visite canon dans le Golfe. 17 milliards € pour 80 Rafale vendus plus quelques hélico Caracal, ça fait un beau magot ! Pas vraiment pour vous et moi, pas forcément pour l’Etat mais Dassault, Safran et Thales peuvent sabrer le champagne et leurs ouvriers et sous-traitants avec. Mettons-nous à leur place : le souci n’est pas de savoir ce que les Emirati (ou Emiriens) vont faire avec cet arsenal, et dans le cadre de quelle stratégie concoctée par l’Arabie saoudite. Quand l’argent et l’emploi rentrent à flots, les médias et le consortium de l’armement ne vont pas bouder leur plaisir. Logique. Soyons fiers des armes françaises (de fait, le Rafale est un bel avion, mais ses missiles ne font pas dans l’esthétique). Qui donc se soucie alors du degré de vertu et de civilisation du client ? Qui aura à l’esprit que les ventes françaises sont soumises au droit international ? On pense, entre autres, au Traité sur le Commerce des Armes ainsi qu’aux directives européennes strictes et contraignantes : en gros, ne pas vendre à des pays qui sont en guerre de leur propre fait ou alors s’engager à leur côté ce, en particulier, quand lesdites armes sont surtout susceptibles de frapper des populations civiles.

En France, le Président de la République est le Grand Maître des canons. Une savante commission interministérielle planche sur chaque projet d’exportation, mais croyez-moi d’expérience, le Premier ministre, qui en a la tutelle, et surtout le Chef de l’Etat ont toute latitude de ne tenir aucun compte de l’avis des fonctionnaires. De plus, ceux-ci savent trop bien qu’aller contre les intérêts des grandes entreprises du secteur irriterait fort en haut lieu. Ils ne sont donc pas les meilleurs détenteurs qui soient de la conscience.

Un gros contrat passé (préalablement négocié sur des années) c’est le cœur et le succès d’une visite obligatoire chez un gros client exotique. Car on ne parle pas ici de pays alliés. L’Emir ou le Roi exige, pareillement, cette visite bien ostentatoire, pour sa propre gloire. Entre un beau moment d’apothéose et une petite trahison des principes et du droit humanitaire, le fournisseur d’armes – labellisé démocratique – n’aucun mal à trancher … ce, dans le même sens que certaines dictatures sans âme également productrices de matériel de guerre (on est tous concurrents).  

On a quand même des manières, en France :  notre Grand Commis export va emballer d’intentions pures et d’amour des peuples – donc de leurs dirigeants brutaux et corrompus – sa belle visite au client. Il faut la rendre plutôt présentable : parlons de notre grandeur ! Biffons le droit et la morale (les médias suivront) ! Oublions un peu la guerre atroce conduite au Yémen, ses centaines de milliers de morts civils (parfois sous des armes françaises), les condamnations de l’ONU à l’égard des exactions saoudiennes et émiriennes ! Gardons-nous de penser à une quelconque complicité de crime contre l’humanité de la part de la France, de l’incitation qu’ont nos satanés clients à engager de front l’Iran militairement (et réciproquement : un conflit potentiellement mondial s’ensuivrait). Ignorons qu’aux yeux des Etats-Unis et des Européens, plus regardants que nous, les jeunes émirs sont de dangereux boutefeux et Mohammed Ben Salmane, singulièrement, un tyran sanguinaire. M. Macron l’a rencontré, flatté, réhabilité … il fallait bien ça pour prospérer en affaires.

En contre-point, le premier des Français a plaidé pour une reprise de l’aide économique saoudienne au Liban. Ca ne coûte pas cher et c’est une intention louable. Souvenons-nous en ! Qui nous dira un jour si cette noble  prière a été exaucée ? On s’en fiche, de toute façon la visite est passée. Ainsi va la France d’aujourd’hui. Une grande majorité de ses citoyens approuve et espère au passage quelques retombées dans ses escarcelles complices. Parlons de ‘’roman national’’, de ‘’valeurs françaises’’, d’’’héritage des lumières’’, etc. En fait, hors-‘’nous’’ et ‘’l’argent’’, il n’y a pas grand-chose qui compte vraiment et qui nous réveille. Comme quoi, on peut décliner tout en s’enrichissant.

* 2 décembre – Saluons Olaf par nos cocoricos ! Ca y est, à l’heure dite et en bon ordre : Olaf Scholz a composé sa coalition de gouvernement, qu’il a souhaitée placer sous le signe du progrès. On peut faire dire beaucoup de choses au mot ‘’progrès’’, mais on ne peut contester une forme de virtuosité calme et bienséante au lent processus de formation d’un nouvel Exécutif allemand. Les libéraux obtiennent le portefeuille stratégique des Finances, les Verts un mega-ministère de l’Economie, de l’Energie et du Climat, ainsi que ceux de l’Environnement et de l’Agriculture, tandis que le SPD se réserve la Défense, l’Intérieur et la Santé.

La gestation fut longue, mais la naissance, rapide. Le matin, l’ex-vice-chancelier chargé des finances offrait un bouquet de fleurs et des mots doux à Angela Merkel. L’après-midi il expose son contrat de coalition intitulé ‘’Oser plus de progrès’’. Celui-ci diffère légèrement de celui de Merkel quant aux valeurs mises en avant, mais aussi truffé d’assurances de continuité. L’audace y est pondérée, car les temps sont durs. Le soir, il diffuse l’identité de ses ministres. Tout un processus démocratique, sans cri ni pathos. Outre Rhin, on conçoit des réformes mais on se méfie des ruptures. De là s’explique cette capacité à créer un consensus entre formations politiques dont les programmes sont assez divergents – voire-même antagonistes. Comment le Parti Libéral et les Verts vont-ils s’entendre sur la transition énergétique et écologique. Les sociaux-démocrates et les Verts, sur les premiers pas d’une Europe-puissance ?  Ils sont tous d’esprit pro-Européen, avec des nuances, mais sans doute même plus que les Français.

Face à la cinquième vague particulièrement  ‘’rugissante’’ de la COVID dans son pays, Olaf Scholz se retrouve, d’entrée de jeu, devant un défi brûlant. Il indique vouloir débloquer un milliard d’euros en faveur des personnels soignants et s’interroge ouvertement sur le recours à la vaccination obligatoire. Dans l’urgence, il y a dialogue et effort de cohésion.

Cela laisse les Français un peu songeurs, tant leur culture politique guerrière exige un gagnant absolu et des perdants saignés à mort. C’est maintenant les échéances électorales de l’Hexagone et ce fameux tempérament français qui vont donner quelques sueurs aux planificateurs allemands : quel Super-Dupont agité va émerger des urnes, pour s’attaquer à quels moulins à vent ?

La meilleure cohérence allemande sur la ‘’grande image’’ pour faire cheminer l’Union collectivement, entre les écueils qui l’entourent, pourrait servir de sésame à Berlin pour naviguer avec ses 26 partenaires de l’UE sur les eaux subtiles du compromis, ondes polychromes inconnues de leurs voisins français. A Paris, il faudra bien s’habituer à ce que, faute de mettre un peu d’eau dans l’autoritarisme français et un brin d’effort pour faire oublier l’arrogance chronique du coq gaulois, faute aussi d’emprunter quelques recettes au consensus allemand, la présidence française de l’Union risque de s’emballer dans le vide et de casser des pignons, sans enclencher le moteur de Berlin, ni faire tourner (vers l’avant) les roues du lourd char européen. ‘’Willkommen, Olaf ! Nous souhaitons apprendre de votre pays et nous savons que vous écouterez d’autant mieux nos cocoricos pondérés’’. Schüss !

* 1er décembre – L’Humanité dans sa tanière. L’Ours est dépité. L’avatar plantigrade de ce blog en deviendrait presque déconfit et brumeux. A chaque fois qu’il sort tout heureux de sa tanière, un nouveau variant du virus le contraint à s’y réfugier en panique. Il est las, il perd peu à peu le sens de sa bonne vie animale, en plein air et en compagnie.

Voudriez-vous vraiment qu’il jette un œil géopolitique sur ce monde tout détraqué ? Regardez Omicron. On ne sait rien de cet intrus sorti tout droit de la mondialisation. Il semblerait qu’il n’ait encore tué personne mais que sa propagation s’établit entre celle d’une trainée de poudre et celle des médias électroniques. Tout le monde y va de son cri d’alarme si ce n’est de sa version lugubre de l’apocalypse. Israël s’emmure hermétiquement du monde extérieur; le monde extérieur se retranche de l’Afrique australe, terre d’origine du variant. l’Europe commence à nouveau à se claquemurer, chacun y allant de ses quarantaines, ses refoulements, ses tests sériels. Pourtant ne forme-t-elle pas une zone d’habitation homogène, irriguée par un marché unique et capable de mutualiser les politiques de santé, comme on l’a vu pour les vaccins ?

Mais l’obsession de la  »frontière à garder » s’est insinuée dans les esprits et la peur de manquer au sacro-saint  »principe de précaution » (et d’avoir à le payer politiquement) paralyse les politiques. On cherche des parades dans le  »sauve qui peut ! » et le  »chacun pour soi » sans attendre de savoir de quoi – scientifiquement – nous sommes menacés. Certains experts prédisent pourtant que l’avenir du Covid 19 sera de rejoindre la catégorie des rhumes communs. Un tigre de papier. Allez savoir ! Fermez les écoutilles, cadenassez les barrières, posez des barbelés le long des voies de passage ! Sans rien comprendre à rien, va-t-on bientôt revêtir la misère et l’opprobre des exilés ballotés à nos frontières ? Au passage, en verrouillant tout, quelle masse instable de déboutés, touristes piégés, expatriés et non-vaccinés va s’agglutiner entre notre périphérie et les filières d’infiltration clandestine ?

L’OMS nous dit – en termes polis – que nous sommes de sacrés imbéciles à nous cloîtrer hors-le-monde. Cela n’arrêtera aucun variant, accentuera les déséquilibres entre zones pandémiques et créera artificiellement une multitude de victimes. Les économistes anglo-saxons ajoutent que l’option du repli sur soi est synonyme d’appauvrissement, de pénuries et de chômage. Même si l’on a le culte de la  »préférence nationale », on sait bien que l’autarcie tue les plus faibles, au final.

Alors, l’Ours (déconfit), quelque chose à dire ?

 »Avant de réintégrer tristement ma tanière (ou non), je constate qu’on a raté l’occasion de retourner les solutions de la mondialisation contre ses méfaits globaux. On va subir tous ces variants bizarres, parce qu’on n’a pas su vacciner et protéger les peuples pauvres et mal organisés du Sud. La nature est perverse. Elle nous force être tous égaux ou alors, à subir de sa part des tourments sans fin. Mais on n’est pas prêt de se ressaisir….c’est dans nos têtes  » (pensée brumeuse, puis sommeil de plomb …).

* 28 novembre – Barrages de la colère. Partout, des routes sont bloquées, des gens qui se révoltent… Ici, on ne parle pas des ‘’anti-vaccins’’ ni du cloisonnement des Etats face à un nouveau variant, mais d’honnêtes villageois qui souffrent du djihadisme et de toutes les violences qui le suivent en cortège.

Les moments de folie qui ont jalonné la progression d’une soixantaine de véhicules militaires français, parti de Côte d’Ivoire pour assurer la logistique de la base malienne de Gao marquent un délitement complet dans l’image de la France ‘’salvatrice’’ auprès des populations urbaines ou villageoises du Sahel. La peur d’un présent au niveau de violence insupportable, le ressentiment accumulé à l’égard d’autorités locales réputées abandonner les population, l’exaspération à l’égard de militaires français suréquipés et dominateurs, mais bien incapables de rétablir la paix civile : tout s’en mêle. Ces colères ne sont pas des fantasmes, même si certains perçoivent l’intérêt de jouer sur le registre anticolonial. Les peuples du Sahel souffrent et ne voient pas d’issue. La France n’a pas comme objectif premier de les protéger mais de passer pour cette tâche le relais aux armées locales. Elle se retrouve en ligne de mire, exutoire à la détresse générale et n’a pas vraiment de réponse à cela.


Au Centre-nord du Burkina Faso, le 20 novembre, à Kaya, le barrage villageois a généré un haut fait de résistance, après qu’un petit ‘’David’’ burkinabé ait abattu un petit drone (supposé français).  »Armée française dégage »,  »Libérez le Sahel »,  »Plus de convoi militaire d’invasion et de recolonisation français »,  »France Etat terroriste » : les pancartes des manifestants ne laissaient aucun doute sur leur hostilité. Des attroupements avaient eu lieu précédemment, lors de la traversée d’autres villes. La riposte des forces de l’ordre a fait, malheureusement, deux blessés et la fureur populaire s’est retournée contre le président Roch Marc Christian Kaboré, qui tentait de disculper les Français.


A Téra, dans l’ouest du Niger, le trajet du convoi a été, à nouveau, perturbé par des manifestants, le 27 novembre. Certains protestataires accusaient les soldats français de transporter des armes pour les groupes jihadistes, Au cours d’une tentative pour dégager les véhicules, des heurts ont fait deux morts et 18 blessés. La gendarmerie nigérienne en porte la responsabilité avec les militaires français. Des tirs de sommation ont déclenché l’affrontement et il devient alors très délicat de maitriser ce type d’incident. L’image des hommes de Barkhane s’en trouve quelque peu ternie.
Selon l’état-major de l’armée française, « aucun soldat français n’a été blessé », mais « deux conducteurs civils du convoi ont été blessés par des pierres et des camions endommagés’’. Voilà qui marque bien symboliquement la montée du dégagisme à travers le Sahel face à l’impasse militaire où se trouve la France… l’impasse dans laquelle ces populations se sentent aussi aculées. Les théâtres d’opération se sont éloignés des zones habitées que Paris voudrait voir transférées à ses alliés africains. Ceux-ci sont à la peine et ne savent pas se concilier leurs citoyens civils. Barkhane puis Tacuba sont dépassés par l’immensité des théâtres de guerre.


La contagion djihadiste gagne inexorablement l’Afrique de l’Ouest et tend vers les côtes atlantiques. Elle refluera sans doute un jour, car elle ne peut apporter aucune réponse au développement, encore moins à l’émancipation du Continent. Mais, militairement, on ne gagne jamais face à des guérillas, seraient-elles matinées de terrorisme. Dans cette situation, en tout cas, où les guerriers trouvent un ancrage dans la culture des gens. Cela tient aussi aux rumeurs malignes colportées par les réseaux sociaux (comme en France, d’ailleurs). Les annonces du ministère des Armées sur l’élimination de chefs djihadistes ne suffisent pas. Les Africains du Sahel ont d’abord surestimé la capacité des Français à rétablir la paix et l’ordre civil. Une part croissante de la base perçoit désormais l’intervention de Barkhane comme inefficace, inutile. Pour certains, il s’agirait désormais d’une armée d’occupation au service d’intérêts stratégiques post-coloniaux, qui ne sont pas les leurs.

Il ne sera pas facile de rétablir des liens de confiance et de partenariat en de telles circonstances. Si l’on aime l’Afrique pour elle-même, il va falloir mieux l’écouter… et trouver plus d’alliés.

* 25 Novembre – Croisières clandestines. Où en est-on de la petite ‘’guerre des pêches’’ entre la rive continentale de la Manche et les îles anglo-saxonnes ? Le fait qu’on n’en entende plus parler témoigne de ce qu’on négocie âprement, sans tonner dans les médias. Un retour à la norme des choses, le sourire en moins. En fait, la crispation des lendemains de Brexit a changé de front. La Manche, en tant que couloir passage clandestin entre le rivage du Calaisis ou du Cotentin et celui du Sud de l’Angleterre devient un point chaud de contentieux en même temps qu’un mystère … voire un drame.


Au moins 27 victimes, hommes, femmes et enfants ont péri hier dans le heurt de leur canot pneumatique avec un des multiples cargos parcourant le ‘’rail’’ d’Est en Ouest. Les tentatives pour les mettre à l’abri ont été tardives et vaines. Par contre, quatre passeurs d’un réseau bien établi sur la rive française ont été appréhendés. Ils importaient de Chine, par dizaines, les rafiots gonflables. Cela ne paraît pas avoir été repéré et pourtant, une telle industrie, destinée à tant de passagers semble difficilement ‘’camouflable’’. A quoi servent les milliers de détecteurs installés sur les plages ? Tous ces malheureux tenaient absolument à traverser la Manche et étaient prêts à risquer leur vie pour ne pas rester ‘’bloqués’’ en France. L’émotion se dissipera – jusqu’au prochain naufrage dans ce nouveau cimetière maritime, aussi inhumain que la Méditerranée : c’est ainsi. Mais, en fermant hermétiquement aux exilés tout accès légal au Royaume Uni, n’invite-t-on pas le crime organisé à ouvrir en grand l’industrie périlleuse du passage clandestin ?

Comment interpréter qu’en une seule journée, dix mille – et jusqu’à 14.000 exilés à une récente occasion -aient pu prendre la mer depuis les côtes françaises – ni vus, ni connus – et croiser vers la très convoitée Albion. On est prié de croire que l’impressionnant dispositif policier déployé pour ‘’garder la frontière britannique’’ (par sous-traitance française) n’y voit goutte. Car même par mauvais temps et brume matinale, cela fait du monde sur les plages, du trafic sur les routes, du bruit sur les ondes. Convainquons-nous que les jumelles des gendarmes, ni les satellites au-dessus des têtes n’en repèrent qu’une fraction infime. Bôf ! Il y a comme une petite chance d’y arriver pour ceux qui doivent recommencer plusieurs fois leur traversée. La plupart y arrivent au bout du compte. Ceux, moins nombreux, qui sont interceptés avant la laisse de haute mer n’arriveront ni à se faire héberger sur un site d’urgence – tout a été fermé, démantelé – ni à postuler pour une aide matérielle de survie. S’ils parviennent à rejoindre des parents ou amis au Royaume Uni, curieusement, ils sont plutôt mieux reçus, nourris, hébergés, juste en face que dans l’Hexagone. Leur droit à demander l’asile y est encore à peu près respecté, même si Boris Johnson souhaite le remettre en cause. Alors, pourquoi cette muraille – passoire, du côté français, qui énerve tant le gouvernement de Londres ?


Il semblerait que du côté britannique, si vous entrez en clandestin, vous serez assez facilement pardonné. Et le marché de l’emploi est très accessible, ce qui n’est pas le cas en France. En fait, comme chez le voisin gaulois, il faut distinguer la posture intraitable ‘’zéro accueil’’ destinée au public et la réalité plus discrète des pratiques. Celles-ci doivent un peu au le droit et beaucoup au besoin d’importer une main d’œuvre bon marché. Qui plus est le ‘’laxisme’’, vrai ou faux, des autorités françaises offre un providentiel exutoire aux lecteurs de tabloïds britanniques. De la même façon, la férocité de la police française à Grande-Synthe près de Dunkerque ou autour de Calais rassure le riverain – électeur troublé dans sa quiétude par tout ce dérangement. Mais dans les deux pays, la Justice administrative ne laisse pas globalement violer le droit et le statu quo boiteux sert, finalement, des intérêts partisans.

Alors faut-il encore garder ces accords insensés, signés au Touquet, et qui financent les autorités françaises pour que leur pays se fasse agonir du public britannique ? Ceci n’a plus aucun sens depuis que cette frontière est devenue celle, extérieure, de l’Union. Paris soutient l’action de Frontex, qui scelle des frontières plutôt que de sauver des vies. Cette mission est souvent critiquée comme insensible à l’humanitaire voire purement policière. Si la tâche de gardiennage reste nécessaire, que ne mobilise-t-on pas, au moins, des moyens permanents de secours en mer ? La première urgence serait de renoncer au ‘’bakchich’’ empoisonné de la sous-traitance pour Londres. En suscitant une négociation, face à face, entre Londres et Bruxelles, on reviendrait aux fondamentaux du droit et des gens. Car l’humanité et les Traités nécessitent de ménager, en travers de la Manche, une petite passerelle sécurisée, destinée à l’asile, aux réunifications familiales et aux candidats postulant aux emplois en tension. Un rêve naïf, tout cela ?

* 24 novembre – Les caniches et les loups. Il y a dans notre Union européenne des petits David qui ne craignent aucun géant Goliath. C’est le cas du gouvernement de la Lituanie, république balte d’à peine trois millions d’habitants, qui pourrait être déclarée championne de la résistance aux grands méchants loups. Si, bien sûr, une telle compétition existait. Typiquement, voilà une petite nation qui n’a peur de rien parce qu’elle est toujours parvenue à survivre aux pires menaces existentielles de ses très voraces voisins. Reconnue diplomatiquement, il y a cent ans, par la France et par les puissances occidentales, elle a été oblitérée de la carte de l’Europe, dépecée et phagocytée, en 1939, par l’impérialisme de Staline. Elle a tenté de se relever quelques années plus tard, mais l’alliance allemande lui a été une impasse et elle n’a pu émerger de son carcan totalitaire que par une révolution populaire, en 1991. Ultime vengeance de l’Ours post-soviétique, elle s’est trouvée flanquée d’une enclave russe en forme de forteresse surarmée d’armements stratégiques et de bâtiments de guerre : Kaliningrad, plantée comme une épine dans le flanc oriental de l’Union européenne est une menace directe sur la petite république de Vilnius, qui peut en devenir en quelques heures la cible ou l’otage.


La Lituanie se retrouve aussi aux premières loges de la crise déclenchée par A. Loukachenko, le dictateur orwellien de Biélorussie. Elle a généreusement accueilli les démocrates de ce pays pourchassés par les milices de Minsk et s’est prise en pleine face, en boomerang, la vague d’exilés du Moyen-Orient poussée vers sa frontière. Consciente de garder les confins Est de l’Union, elle a fait appel à Frontex et gère la pression avec un beau sang-froid (mieux que la Pologne, en tout cas). Membre de l’OTAN et fidèle à l’UE, elle tient son rôle dans les structures collectives et ne se laisse pas impressionner. Pourrait-on alors lui reprocher d’être  »trop » courtisée par les Etats Unis ? Non. Dans l’esprit d’indépendance et la situation géostratégique où elle se trouve, l’appui de Washington comme la sympathie française lui sont légitimement acquis. Car elle aime aussi la France, apprécie sa culture et son rôle d’équilibre. Ainsi, elle invite volontiers des éléments des forces armées hexagonales à stationner et manœuvrer quelque temps sur son territoire et, en retour, comme sa voisine l’Estonie, elle contribue sans mégoter au dispositif militaire franco-européen au Sahel, notamment à l’opération des forces spéciales Takuba. Paris reçoit aujourd’hui le président lituanien, M Gitanas Nausėda, pour le centenaire des relations bilatérales. Sans s’arrêter à la petite taille de ce partenaire européen, il faut l’honorer comme un allié de grande confiance, un ami très apprécié. Il arrive que les petites nations portent la conscience du monde… et la nôtre.

Une occasion se présente de donner quelques gages. Vilnius vient d’établir un bureau de liaison à Taiwan, en tous points identique, dans ses attributions, au bureau français de Taipei. Taipeh,… à la rigueur / Taiwan, jamais ! Voilà une belle hypocrisie imposée au reste du monde, par un diktat des gérontes qui règnent à Pékin sur une immense république populaire sans légitimité populaire. L’intitulé de la ville-capitale de l’ex-Formose leur est à peine supportable, mais l’emploi du nom de cette île – laquelle est chinoise, mais n’a jamais appartenu à la RPC et à peine 15 ans à la Chine des seigneurs de la guerre, auparavant -… ce nom donc, purement géographique, équivaut pour eux à un casus belli. Leur vengeance, dont un abaissement des liens diplomatiques et un boycott économique, n’en est encore qu’à sa phase initiale. Une campagne de diffamation frappe aussi la Lituanie, moquée comme ‘’petit caniche de Washington’’. Avec Vilnius, nous devrions tous, absolument tous, appeler Taiwan ‘’Taiwan’’ et renommer selon l’évidence géographique nos représentations dans cette île, qui est une autre championne de la résistance au chantage des Goliaths. Un peu comme tous les Danois avaient porté l’étoile jaune pour rendre inopérante, chez eux, les rafles de juifs par les Nazis. Bienvenue, M. le Président !

* 22 novembre – Repentir de brute. Un sanglant dictateur qui rétablit ses rivaux civils dans leurs fonctions et ouvre la porte de ses prisons aux démocrates qu’il a enfermés ! Il faut aller au Soudan pour voir ça. On peut douter qu’il ait été touché par la grâce divine ou torturé par les remords humanitaires. un peu moins, qu’il ait été tiraillé par un doute sur la force des armes.

Pourtant, un accord politique a bien été conclu entre, d’une part, le général Al-Bourhane, qui dirigeait seul le pays depuis son coup d’Etat et, d’autre part, le premier ministre de transition, qu’il avait destitué fin-octobre. Abdallah Hamdok, l’ex-premier et de nouveau chef du gouvernement, avait été ‘’coffré’’ en garde à vue, en conséquence du putsch ayant interrompu la transition démocratique au Soudan. Le revoilà aux affaires du gouvernement, à la suite de la médiation de mystérieux corps intermédiaires de la société civile et de bonnes grosses pressions du monde extérieur. C’est donc un retour à la transition politique et aux dispositions provisoires qui réglaient celle-ci, depuis l’éviction en 2019 du général-dictateur Omar Al-Bachir.

Al-Bourhane, le plus récent avatar de celui-ci, aura-t-il craint de finir comme lui ? Le désir d’une gouvernance civile, profondément ancré dans le corps social n’est pas loin de surmonter tous les obstacles. L’accord a été formalisé. Il est probable que, derrière le jeu de chaises musicales, se cachent quelques clauses confidentielles assurant l’impunité du dictateur et peut-être les garanties du maintien d’une certaine influence de l’état-major sur l’avenir des institutions et du jeu politique. Quand bien même, tirons notre chapeau aux citoyens Soudanais qui sont parvenus à contourner la naufrage de la guerre civile ! Quand on pense à la brutalité sans limite, par exemple des militaires birmans, aujourd’hui totalement dans l’impasse de la répression, on voudrait des médiateurs de leur trempe partout en Afrique… et au-delà.

Rendre le pouvoir, c’est souvent se reconnaitre dans l’incapacité de l’exercer. Les militaires ont bien trop tardés à nommer le nouveau gouvernement qu’ils promettaient au Pays. Ils ne savaient pas s’y prendre. Pas si évident de gouverner un grand pays en effervescence, par la force des fusils, quand on ne comprend rien à ses concitoyens. Gardons un œil sur ce pays peu commun.

* 20 novembre – Nos concurrents n’ont ni tabous ni limites. Notre ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait été ministre de la Défense – c’est-à-dire principalement de l’industrie de défense – dans le gouvernement de François Hollande. Il a une vision du monde, certes politique, mais exprimée dans le lexique du business : au milieu du globe et au vu de tous, la maison France évolue dans les clous du droit et du libéralisme (avec quelques chasses gardées traditionnelles, toutefois). Autour d’elle, une horde de ‘’concurrents’’ sans moralité pratique une compétition déloyale, prédatrice et brutale. Le principal terrain d’affrontement est l’Afrique, dont les liens s’avèrent de moins en moins exclusifs avec ‘’Maman la France’’. La trahison du Mali, et auparavant celle de la République centrafricaine, passée aux mercenaires russes de Wagner (pauvre grand musicien allemand !), n’est pas facile à digérer. La baisse inexorable du commerce avec le Continent noir, non plus. Et que dire du manque d’appétence des nouvelles classes moyennes et intellectuelles pour la ‘’patrie des droits de l’Homme,’’ celle qui professe des belles leçons sur l’Etat de droit mais se rallie systématiquement aux pouvoirs en place pourvu qu’ils veuillent bien d’elle. Cette mère coloniale n’émancipe plus personne, dès lors que la ‘’FrançAfique’’ survit dans les palais présidentiels. En termes géostratégiques, l’Afrique constitue désormais un bouclier au Sud de l’Europe pour boucler l’accès à la Méditerranée mais ses habitants ne sont pas protégés pour eux-mêmes. Faute de pouvoir se désengager de son passé, Paris multiplie, par la voix indignée de M . Le Drian, les fortes allusions aux méfaits chinois et russes sur SA ‘’terre promise’’ africaine : ‘’ils nous cassent la boutique !’’ Certes.

Bien sûr, en faisant abstraction des choix des Africains, tout n’est pas faux dans cette saga de dumping et d’appropriation néocoloniale. La posture militariste agressive des Russes, l’endettement et la dépendance économique recherchés par les Chinois, tout cela perturbe un traitement efficace des problèmes de long terme entretenant l’instabilité africaine. Le délitement de la gouvernance affecte l’assise et la durabilité des exécutifs, déstabilise les composantes ethniques et les institutions de ces nations inachevées. La natalité débridée et les effets pervers des guerres comme du climat signent l’échec du développement humain, lui-même générateur d’exil et d’errance. Le chaos extérieur s’y rajoute, sous la forme de la déferlante djihadiste et du banditisme associé. Ainsi tournent en boucle les cercles vicieux qui nous inquiètent, mais que nous ne maitrisons pas. La France ne serait qu’une puissance moyenne, dit-on.

Pour le ministre breton : ‘’ c’est le monde d’avant en pire. Nous constatons non seulement la brutalisation des rapports, mais aussi une véritable course à la puissance, aggravées par une compétition des modèles. Nos concurrents n’ont ni tabous ni limites : ils projettent des milices privées partout, détournent des avions, font exploser des satellites, ils subordonnent des peuples, siphonnent des ressources sur certains continents, je pense à l’Afrique, en obligeant les pays concernés à crouler sous l’endettement’’

Certes, mais détenons-nous, brillants politologues que nous sommes, les parades, surtout à notre seul titre national ou même européen ? Il faudrait agir maintenant, sinon l’histoire ne nous attendra pas. A ce point, on s’attendrait à voir enfin exposé un ‘’grand plan Marshall » (ou Le Drian) pourvu d’une ressource au moins comparable au plan de relance européen (750 + 500 milliards €). A marche forcée, on s’attellerait à créer une grande industrie, un artisanat moderne, une agriculture vivrière saine et autosuffisante, ainsi que des infrastructures de service public irriguant jusqu’aux campagnes les plus reculées. On vous l’accorde, ni la France ni l’EU n’ont la taille financière ou même la détermination pour mettre en œuvre ce qui existe déjà, comme horizon utopique, aux Nations Unies. Il n’y a rien de neuf à inventer, il faudrait se mettre ensemble, notamment avec les Russes et les Chinois. Ou essayer, tout au moins. Il faudrait aussi, plutôt que de jouer opportunément les faveurs des uns contre celles des autres, les nations africaines exigent l’unité d’action de la communauté internationale (unité à réinventer).  

De fait, leurs dirigeants ont leur part de responsabilité dans l’anarchie continentale. Et nous avons aussi notre part d’hypocrisie en fulminant contre la brutalité et l’égoïsme des ‘’concurrents’’. Nos investisseurs en Afrique jouent-ils sagement le jeu du développement et de l’émancipation ? Les exilés africains, qui atterrissent dans l’Hexagone, ne sont-ils pas maltraités par la police et privés de leurs maigres biens, ignorés des préfectures – où ils n’ont plus même droit à un contact humain – privés de ressource et de soins par la ‘’machine à produire des clandestins’’ laquelle, dans son ambiguïté chronique, ne sait ni les intégrer, ni les expulser. Enfin, ne réalisent-ils pas être stigmatisés comme des ‘’envahisseurs’’ par une bonne part de la population. Alors, la France ‘’solidaire des Africains et attentive à leur sort’’ ?

Le patron de la diplomatie n’entre pas dans ces considérations larges et lointaines. Sa conclusion est plus court-termiste : le président français assumera la présidence de l’Europe dès janvier. Face aux malheurs de l’Afrique, sa contribution ne pourra qu’être exceptionnelle, voire décisive. Comptez sur Paris pour accélérer la capacité de l’UE à compter en ’’puissance affirmée dans les affaires du monde’’, à défendre son modèle et à  promouvoir un multilatéralisme efficace. On ne peut pas s’affirmer contre tout ça. Mais qu’en pensent les Baltes, le Polonais et le malheureux peuple biélorusse, si ils étaient jamais au courant ? Qu’en attendent vraiment les Africains ? Qu’en restera-t-il une fois passées les élections françaises ?

* 18 novembre – Les Tiananmen ne gravent plus nos méninges. Soudan : une nouvelle nuit de massacres de civils a eu lieu hier, à Karthoum et dans les villes du pays. Très peu d’images pour en témoigner, mais on les devine horribles : au moins seize corps ont été ramassés dans la capitale où on a vu les militaires poursuivre les manifestants jusque dans les couloirs des hôpitaux et, littéralement, tirer sur les ambulances.

C’est terrible de s’habituer à ces scènes au point de ne plus même s’en souvenir une semaine plus tard, tant elles se sont intégrées à la routine du monde. En 2019, la révolution démocratique a été l’œuvre des jeunes Soudanais et des milieux professionnels, surtout dans les villes. Elle était entièrement pacifique. L’armée s’est contentée de mettre de côté le dictateur Al Bechir, trop vieux et trop stable pour permettre l’ascension des jeunes colonels, ses cadets. Son entrée – en tant qu’acteur principal – dans le gouvernement de transition ne rendait pas justice à ceux qui avaient ouvert le nouveau chapitre politique et fait tout le travail. On s’attendait à ce qu’à la première occasion, les militaires ramassent la mise – le pouvoir politique – et confirment leur main sur l’économie. C’est fait, sans surprise, et les séquences de la contre-révolution se sont succédé plus rapidement encore que dans le précédent (et modèle) égyptien, huit ans plus tôt. Au point qu’il reste à voir la place que l’islamisme devrait regagner dans ce grand rétropédalage. Le monde extérieur n’y peut plus grand chose … il sature !

* 17 novembre – Duopole solitaire. Dans sa nostalgie des années 1990, ce blog songe aux grandes années des sommets spectaculaires entre ce qu’on désignait alors comme ‘’les super-grands du monde’’. A Helsinki, Vienne, Reykjavik ou New-York, ils négociaient dans des décors solennels, du haut de leur suprématie globale, un plan de paix pour un conflit périphérique, le contrôle ou la réductionde leurs arsenaux stratégiques, la création d’un processus pour préserver le dialogue et servir de garde-fou à leur rivalité folle. Les médias du monde suivaient ces rencontres comme si le sort du monde tenait à une parole de leur part. Les conclusions étaient théâtralement présentées pour que nous nous pensions sauvés … ou presque.

Les 15 et 16 novembre, c’est en distanciel, sur leurs écrans, que les deux géants de notre époque se sont confrontés l’un à l’autre. Quasiment pas d’image, en tout cas qui soit parlante, et une communication médiatique anémique. On vit un chapitre d’histoire plus tendu que dans la décennie précitée mais dont n‘émane, à distance, que de la fadeur, du flou, des lieux communs. Les présidents américain et chinois, Joe Biden et Xi Jinping, se sont pourtant parlé pendant près de quatre heures. Sans doute ont-ils fait le tour de leurs innombrables différends. Pourtant, rien n’est réglé, rien. Plus exactement, ils ont calibré leurs échanges en vue de contenir à l’avenir les conséquences de leur concurrence pour le leadership du monde, en-deçà du risque de guerre directe entre eux. Tout d’abord, c’est le minimum que doivent s’imposer des super-puissances rationnelles, conformément à la logique ‘’MAD’’ (Destruction Mutuelle Assurée), la seule façon de ne pas se retrouver fracassé au pied de leur haut piédestal. Et puis, ça rassure un peu les ‘’petits’’ et les camarades  »supplétifs » de leurs camps respectifs. Mais, dans les faits, les meilleures intentions modératrices ne prémunissent pas contre les dérives et les accrocs qui affectent, sur le terrain, le déploiement de la force.   

La question de Taïwan, en particulier, est devenue leur premier motif de crispation. La RPC parle d’une province rebelle échappant à l’intégrité de la Chine et elle ignore tout droit à une existence sûre et libre de 23 millions d’habitants, censés être des ‘’concitoyens’’ mais perçus comme une chair à canon soumise à sa volonté de conquête militaire. XI reproche aux Taiwanais de  »s’appuyer sur les Etats-Unis pour leur indépendance », de même qu’à Washington de ‘’tenter d’utiliser Taïwan pour contrôler la Chine’’. De son côté, Joe Biden a averti Oncle Xi que les Etats-Unis  »s’opposeraient fermement à toute tentative unilatérale de changer le statu quo ou de porter atteinte à la paix et à la stabilité dans le détroit de Taïwan ». Les deux dirigeants n’auront donc pas dévié d’un pouce de leurs doxa de confrontation. Cela participe d’ailleurs de l’effet bluff (‘’essaie un peu, pour voir !’’) et, parant, de la dissuasion. Ils ont parlé, avec la même convivialité de Hongkong, du Tibet, des Ouighours, etc.

Avec un peu de recul, ce blog en vient à un peu moins aduler les années 1990. Comment croire encore que le condominium protège et respecte l’Humanité ? Le spectacle d’ombres chinoises à deux voix-deux ombres ne nous mène pas vers la lumière. Si l’intelligence doit être collective ou ne pas être, autant ressortir le système des Nations Unies des limbes où les puissants de ce monde veulent l’enterrer. Autant remettre en selle une vraie communauté internationale. Ecoutons plutôt A Guterres nous parler de coordination des bonnes volontés et de diplomatie préventive (cette brève est définitivement rétro).

* 16 novembre – La baudruche et l’étau. Il ne voudrait pas que le problème devienne une ‘’confrontation ardente’’… La baudruche Loukachenko a perdu de sa superbe. Pourtant, la crise ne cesse de se durcir entre l’Union européenne et la Biélorussie et elle fait ses victimes humaines. Des centaines de migrants continuent, chaque jour, à assaillir la frontière polonaise, d’où les militaires les repoussent aussitôt, tel un cruel jeu de ping-pong. Le dictateur de Minsk brouille les cartes en prétendant aussi en rapatrier quelque uns (ce qu’il ne fait pas), tout en brandissant un florilège de représailles absurdes à la face de l’Europe. Face à l’afflux, Varsovie a intensifié la militarisation de sa frontière et s’enferre dans le ‘’tout-géopolitique’’. Pour échapper aux deux bords, les migrants se terrent dans les sombres forêts de la région. Avec les semaines qui passent, la situation de ces marcheurs – peu nombreux – tourne au drame humanitaire, pris en étau qu’ils sont dans le double piège tendu par Loukachenko et par la forteresse ‘’Europe’’, plus emmurée que jamais.

La Pologne, ce n’est pas une surprise, les voit comme des armes pointées contre elle. Elle  est loin de se soucier de leurs droits humains ou de leur survie, en fait, totalement insensible à leur sort. Varsovie a légalisé les refoulements de migrants et instauré une zone d’exclusion de cinq kms dans la laquelle ni les ONG ni  médias ne sont autorisés à pénétrer. Alentour, quelques associations solidaires tentent avec grande difficulté d’apporter un peu d’aide alimentaire. Le climat est mordant, les nuits glacées et tous ces Moyen-orientaux frigorifiés, épuisés et affamés sont abandonnés à leur sort, certains sont déjà morts. On ne voit guère de valeurs chrétiennes sur ces confins d’Europe. En durcissant sa politique hostile aux migrants, Varsovie impose à l’Europe ses vues régressives sur la question migratoire.

Les autorités de l’Union européenne ont décidé, lundi 15 novembre, de nouvelles sanctions contre la Biélorussie. En frappant d’interdiction d’opérer en Europe les agences, intermédiaires et compagnies aériennes  qui s’engraissaient sur la misère de ces exilés  kurdes, turcs, érythréens, pakistanais ou afghans, Bruxelles est en voie de tarir ces mouvements de population à la source mais ne dit rien de leur destination. On sait pertinemment que toutes ces mesures entretiendront l’humeur provocatrice  du dirigeant biélorusse. Qu’importe, ce serait trop fort de craindre l’histrion ! Le flux baisse, il n’est plus vraiment ‘’menaçant’’ et il peut être facilement absorbé, à l’échelle de l’Europe. Le dictateur agité se débat dans un isolement pathétique et personne ne cherche à justifier ses actes. L’Irak a mobilisé des moyens pour rapatrier ses nationaux présents dans la capitale biélorusse. Même le turc Erdogan a mis fin aux charters d’Ankara sur Minsk pour ne pas ajouter d’huile sur le feu. Avec le ton cassant qu’on lui connait, V. Poutine lance qu’ ‘’il n’a rien à voir avec cette affaire’’. Mais dans le même temps, il masse des troupes à la frontière russo-ukrainienne. Comme toujours, il en profite pour capitaliser sur la tension et sur les craintes occidentales. On n’en a pas fini de la guerre hybride !

Alors au moins, retrouvons un soupçon de notre  humanité, faisons ouvrir, à travers la frontière polonaise, un petit sas de transit discret pour les victimes piégées dans la forêt depuis des semaines. Transférons-les dans d’autres régions de l’Union, ne les laissons pas mourir coincées entre deux armées, au nom du primat géopolitique !   

* 15 novembre – Eaux tièdes et eaux glacées. Maussade actualité. Comme prévu, le Pacte de Glasgow n’a produit qu’une eau tiède, de saveur fade. On ne se renie pas mais on reste dans les poncifs de la conversation. De son côté, la société civile, partout, accumule les frustrations. Les engagements pris ne se traduiront qu’à la marge en ouverture de nouveaux chantiers, les législations continuent à diverger au moins autant que les calendriers nationaux. Les incantations de plus en plus pressantes pour cesser rapidement la prospection et l’exploitation des énergies fossiles n’atteignent pas les entreprises qui y ont établi leur fortune ni les gouvernements qui les protègent. L’Union européenne, depuis l’origine un acteur central, s’est divisée sur les questions du nucléaire et du gaz. Paris et Berlin ont affiché leurs divergences et au total, l’UE s’est escamotée elle-même des débats. Triste signe annonciateur.

Au chapitre des pertes et préjudices, les pays du Nord ont repoussé à 2023 leurs engagements envers les pays du Sud, non-responsables de la prolifération historique des GES et beaucoup plus vulnérables à leurs effets. Les plaidoyers des petites îles menacées de disparition par la montée des eaux ont ému jusqu’aux larmes, mais c’est tout. Si la COP 26 en Ecosse se voulait un moment de ressaisissement un tournant historique face au dérèglement du climat, c’est un peu raté. Rendez-vous l’an prochain en Egypte pour un cru du même tonneau !

Sans rapport avec les questions de fond, Pékin et Washington se sont unis dans une même déclaration vague de bonne volonté. La COP serait donc LE seul forum où ces deux-là ne se s’affrontent pas par obligation et ne posent pas en ennemis ? Belle opération de propagande sans grand coût pour eux. L’Histoire a du mal à trouver sa niche dans tout ce falbala médiatique. Joe Biden a été plus convainquant que Macron, mais, écologiquement parlant son pays revient de très loin. Xi Jinping n’était pas là et pour cause : il avait rendez-vous avec l’Histoire.


Pendant que 30.000 participants s’affairaient à Glasgow à moins nous faire redouter l’effondrement de la Planète, le 6ème plénum du PC chinois écrivait l’avenir radieux du Parti et du peuple chinois, appelant ‘’ tout le Parti, toute l’Armée et tout le Peuple chinois multiethnique à s’unir plus étroitement au Comité central du Parti, rassemblé autour du camarade Xi Jinping’’. Quatorze pages pour rabâcher le même message dans une résolution unanime sur l’histoire du PCC, un document stratégique en théorie destinée à fonder une nouvelle ère pour celui-ci. De nouvelles réformes, une garantie de paix éternelle, un accès mesuré du peuple aux décisions ? Rien de tout cela, seulement une congélation du présent à tout jamais, dans une atmosphère de cimetière, autour d’un autocrate assez inquiétant, sans empathie pour sa population ni pour le reste du monde.


Le ‘’ présent’’ a commencé en 2012 par des purges et la répression de ‘’tout ce qui bouge’’. En 2018, le tapis a été déroulé pour des mandats successifs sans limite, le ‘’pouvoir à vie’’ de l’Homme fort. Pourtant, la Chine n’est pas l’Afrique subsaharienne sans structures d’encadrement. C’est un empire multimillénaire, le plus administré qui soit au monde. Désormais, donc, au profit d’une seule personne. Les intellectuels, les artistes, les communicants ne sont plus en mesure d’en parler. Les minorités nationales ont été rangées tout au fond d’un grand casier, on connait leur sort. Hongkong a été lobotomisée, les riverains de la Mer de Chine – à commencer par Taiwan – s’attendent à une guerre dans la prochaine décennie ; L’ONU a été bien verrouillée, bloquée sur tous les conflits du Globe.

Si on voulait écrire un roman historique, un rien Shakespearien, sur Glasgow COP 26 ou sur Pékin 2021, lequel des deux sujets, pensez-vous, recevrait le meilleur accueil du public ? ‘’Dix mille ans de vie sur son trône à l’immense Oncle XI !’’

* 12 novembre – Algérie-Maroc : un Maghreb qui se désagrège. Le Maghreb constitue le principal partenariat de voisinage de l’Europe. Premier bénéficiaire de son aide publique, gros destinataire de ses investissements, on sait qu’il lui est arrimé par d’intenses réseaux familiaux, éducatifs, économiques et culturels. Malheureusement, le développement des échanges au sein de l’Union du Maghreb arabe (UMA) est bridé. Seule une petite contrebande transfrontalière traverse cette frontière close en 1994. Sur le plan sécuritaire, la France fait son possible pour coordonner – sans publicité – les actions ponctuelles des deux pays contre le djihadisme. D’aucuns considèrent, en Europe, la région d’Afrique du Nord comme un bouclier contre l’expansion des nébuleuses guerrières déstabilisant le Sahel. Il est vrai que ces pays constituent une arrière-base logistique pour les opérations extérieures de type Barkhane, Minusma, etc. Mais on pourrait souligner aussi bien que le péril de l’islamisme armé réside surtout sur internet et dans les quartiers européens socialement défavorisés.

Quoi qu’il en soit, les enjeux sont élevés et la rive Nord de la Méditerranée connaîtrait de grands avantages à voir le Maghreb uni, ouvert et pacifique. Il n’en est rien, hélas. Le partage des Sahara – l’ex-Sahara français, rétrocédé à l’Algérie dans les années 1960 puis l’ex-Sahara espagnol, investi par le Maroc – a dressé les deux pays riverains du désert l’un contre l’autre. Une courte ‘’guerre des sables’’ a même éclaté en 1963, provoquant une éphémère avancée vers l’Est des chars marocains. Leur convoitise pour les ressources (halieutiques, minérales, pétrolières…) empêche depuis 45 ans l’ONU d’élaborer un plan de compromis qui respecterait le principe de l’autodétermination des populations sahraouies sans affaiblir dangereusement le Maroc, face à son concurrent stratégique.

En fait, depuis la marche verte de 1975 qui lui a ouvert la porte du Sahara occidental, la dynastie alaouite identifie son prestige et sa légitimité à sa souveraineté sur le Sahara occidental. La mettre en cause relève du tabou et du sacrilège. Rabat a opté pour une assimilation musclée des populations du désert sous son contrôle (soit 80%  de la région disputée). Alger a fortement contribué à peupler ce qui n’était qu’un vaste espace nomade sans personnalité politique et a suscité la création d’un Etat qui lui est inféodé (la République Arabe Saharaouie Démocratique et son incarnation militaro-politique, le front Polisario). L’horizon à long terme reste une stratégie d’expansion vers l’Atlantique. Laisser le statu quo territorial perdurer au profit du Maroc reviendrait, pour le régime algérien, à s’infliger une irréparable défaite. Un blocage et un vrai casse-tête, au total.

La tension autour du Sahara occidental s’est emballée, le 1er novembre, après que,dans la zone tampon du poste-frontière de Guerguerat (extrême-sud), trois chauffeurs algériens ont été tués par un tir marocain sur un convoi saharaoui. L’opération était destinée à rétablir le trafic routier vers la Mauritanie, coupé par les indépendantistes.Cet accroc au cessez-le-feu entre les deux camps, établi en 1991 a dégénéré. En réaction, le Front Polisario a décrété l’état de guerre contre le Maroc. Les deux puissances régionales se suréquipent en armement ce qui les pousse à aller plus loin que leur confrontation par ‘’proxy’’ (les Saharaouis). L’affrontement des deux armées pourrait devenir direct. Alger s’acharne à agonir le royaume voisin de sa furie extrême :‘’bombardement barbare, terrorisme d’État, crime appelant châtiment’’, etc. Le ton est guerrier. 

Le Maroc fait profil bas, mais ne lâchera rien : le Sahara occidental « n’est pas à négocier », a froidement rappelé le roi Mohammed VI, le 6 novembre. ‘’Si l’Algérie souhaite entraîner la région dans la guerre, à coups de provocations et de menaces, le Maroc ne suivra pas », indique-t-on dans son entourage. La montagne de ressentiment qui oppose les deux pays est faite de multiples contentieux et d’une détestation existentielle. L’un des griefs algériens – et non le moindre – résulte de l’initiative prise par l’exprésident américain, Donald Trump, de reconnaitre la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental (elle a été confirmée ensuite par Joe Biden) en contrepartie d’une reconnaissance diplomatique d’Israël  par Rabat. Pour Alger, ce marchandage était un double coup de poignard dans le dos. Les relations diplomatiques avec le Maroc ont été rompues, le 24 août, à titre de représailles. La colère algérienne ne connaît plus de limite depuis lors et elle incrimine le royaume voisin à tous propos : soutien à la ‘’subversion ‘’ en Kabylie, incendies géants de l’été 2021 (déclenchés par des ‘’agents marocains’’), violation de son espace aérien (fermé le 22 septembre). Plus baroque, le 31 octobre, Alger a aussi fermé le gazoduc reliant ses sites d’exploitation à l’Espagne et au Portugal. Les conduits qui passe par le territoire marocain et fournissent l’essentiel de son approvisionnement au voisin exécré.

La punition algérienne a ouvert une guerre de l’énergie, qui affecte directement l’Europe du Sud et appauvrit aussi le pays-fournisseur. Où s’arrêtera la folie vengeresse ? Il y a vraiment un point chaud au Sud de l’Europe et l’UE doit se préoccuper d’urgence à tasser ce conflit absurde où toutes les parties se retrouvent perdantes.

* 10 novembre – Despotisme hybride. Hier, la Pologne était mise à l’index pour sa façon de maltraiter sa justice, aujourd’hui elle se trouve assaillie par des vagues de migrants moyen-orientaux manœuvrés par le tyran biélorusse, Alexandre Loukachenko, sur le flanc Est de l’Europe. Les partenaires européens, également ciblés, doivent faire corps avec Varsovie.

Près de 4 000 personnes – Kurdes irakiens et Syriens pour la majorité, se voient bloquées dans un no man s’land frigorifié entre sa frontière et le territoire belarus de Podlachie. Quatre fois plus de malheureux y convergent, poussés brutalement par les garde-frontières de Minsk.  Equipés de béliers par ceux qui les forcent à marcher, ils n’ont d’autre choix que de défoncer les clôtures et les barrières polonaises… ou de mourir de froid sans retour possible sur leurs pas. Les gardes polonais les repoussent avec des gaz lacrymogènes. La petite Lituanie, soumise au même monstrueux procédé, fait appel à Frontex résister à ‘’l’invasion’’. Varsovie préfère se défendre sans l’Europe quand bien même elle accueille le siège de l’agence européenne des frontières. C’est depuis la guerre de Bosnie, la première occurrence en Europe d’un exil forcé de populations civiles sous la force des baïonnettes et un rare exemple d’exploitation de réfugiés trompés et désorientés à des fins de déstabilisation d’un pays tiers. Pas une guerre classique mais une escalade de tension délibérée. Car, des deux côtés la violence est retournée contre les marcheurs et les incidents prennent une tournure de conflit localisé. Le point de passage de Kuznica est hermétiquement barricadé et la Pologne s’apprête à ériger un mur de 183 km de long et 5,5 mètres de haut le long du territoire voisin (sans obtenir les finance de Bruxelles, toutefois).

Loukachenko se venge des sanctions qui ont frappé ses comparses, en mai. Depuis bientôt trois décennies au pouvoir par la force des armes et de sa police, il a transformé son pays  en camp disciplinaire et mis au fond de ses geôles les Bélarus qui s’obstinaient à penser. L’énorme tricherie que constituait sa sixième réélection a vu les épouses des candidats d’opposition emprisonnés relever le défi. La ‘’révolution des femmes’’ – en fait, de toute la population urbaine – a démontré l’illégitimité du tyran. Celui-ci s’est maintenu sur son trône en la faisant réprimer sauvagement. Puis il a fait intercepter un avion de ligne irlandais sur les routes aériennes administrées par Euro Control et l’a détourné sur sa capitale pour ‘’coffrer’’ un dissident de son pas. Tyran, tortionnaire et pirate, cela faisait un peu trop.  De là découlent les sanctions prises à Bruxelles et la fuite en avant du régime de Minsk vers la protection de Moscou. Celle-ci le phagocyte au passage.

 La tentative de déstabilisation de la Lituanie et de la Pologne est montée en régime depuis la mi-août. Elle constitue la vengeance du dictateur de Minsk avec l’assentiment et sans doute la contribution de Moscou. C’est l’appui du Kremlin qui rend l’affaire dangereuse. Loukachenko est parvenu à organiser un vaste corridor migratoire depuis le Moyen-Orient. Des vols quotidiens de compagnies syriennes inconnues en Europe font monter de Damas à Minsk et dans certains aéroports de province des masses d’exilés. Il leur a été délivré un visa pour la Biélorussie et une fausse promesse d’entrée dans l’UE. D’autres liaisons aériennes avec l’Orient suivant le même schéma seraient en négociation.

Acte hostile et anti-humanitaire ? Certainement. Volonté d’allumer une confrontation en s’appuyant sur la caution du ‘’grand frère russe’’. En tout cas, Minsk est sur l’offensive et celle-ci s’intègre à la stratégie de Poutine pour affaiblir et désorganiser l’Europe. Doit-on répondre à un coup bas par un coup ciblé ‘’proportionnel’’ ? S’agissant du dernier dictateur absolu que subit encore l’Europe, une opération commando se justifierait. Il faudrait le faire atterrir un beau matin à La Haye, opportunément devant la Cour Pénale Internationale et que son procès fasse recette. Ce blog recherche quelque équipe intrépide des services Action pour assurer ce transfert ‘’sanitaire’’. Présentez-vous au comptoir !

* 9 novembre – La COP nous embrouille. Les constats du 6 ème rapport du GIEC, les difficultés à mettre en  œuvre le green deal européen, les effets de la reprise économique sur le climat, tous ces signes pointaient une détérioration supplémentaire du climat, au moment où s’ouvrait la COP 26 à Glasgow. Les inquiétudes s’y dissipent avec des promesses, certes bien intentionnées mais un peu vaporeuses et souvent sans lendemain. Des foules énormes se sont réunies autour du site de la conférence pour faire sentir aux gouvernements les pressions des sociétés civiles. Greta Tynberg a, avec son talent habituel, brocardé le ‘’bla-bla-bla’’ des dirigeants du monde. Jamais l’accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère n’avait autant progressé d’une année à l’autre (+ 20 %) ni les objectifs de Paris 2015 été rendus aussi inatteignables, tant les retards s’empilent. 2,8 ° de réchauffement supplémentaire, dès 2050, imagine-t-on le prélèvement que ceci implique sur la vie des futures générations ?

Ce qui ne veut pas dire que Glasgow, comme Copenhague auparavant, restera dans les anales comme un coup pour rien. L’orchestration d’une profusion des promesses en jargon incompréhensible, la validation politique solennelle d’idées sans mode opératoire ne sont sans doute qu’une étape fragile vers le futur. Ce n’est pas le bon critère pour mesurer la lutte contre le dérèglement climatique : l’action, seule, permet un bilan. En sus des gouvernements, les collectivités, les citoyens-consommateurs et les entreprises y prennent leur part. On semble attendre des miracles de chaque COP, en prenant leur rôle de fil rouge pour des politiques opérationnelles, de terrain. Le marché du carbone ne décollera pas sans intervention autoritaire dans l’économie. Les retards d’organisation et de financement des exécutifs nationaux et locaux sont tels que l’optimisme a du mal à pointer. En fait, la trajectoire s’éloigne du but. Les émissions de nos ancêtres et celles, actuelles, des ateliers du monde nous plombent un peu plus à chaque COP.

Equilibre carbone (0 émission supplémentaire) en 2050 (UE), 2060 (Chine et Russie) voire 2070 (Inde), mais pourrait-on nous montrer l’adhésion des classes politiques et des populations aux sacrifices que cela implique concrètement ? Comment fera-ton progresser le Moyen Orient, l’Afrique et la quarantaine de pays en guerre ? Ceci dit, l’idée de soutenir le développement décarboné des pays du Sud – la promesse d’au moins cent milliards d’aide publique – reste sur la table, mais repoussée à 2023. On est aujourd’hui à 83 milliards même si l’on tend à inclure dans l’enveloppe une grosse proportion de prêts. De plus, l’aide climatique ne sera-t-elle pas dégrévée de celle destinée directement aux populations ? On se penche sur l’état des océans, de loin le plus grand puits de carbone de la planète mais on aurait dû depuis belle lurette mobiliser une part des armements de pêche pour extraire les continents de plastique qui empoisonnent leurs eaux. Les technologies sont là, mais la volonté manque. L’autre ‘’poumon’’, que constitue les forêts devrait connaître un début de régulation… vers 2030. Que restera-t-il alors des massifs primaires d’Amazonie ou de Kalimantan ou de la taïga sibérienne ?

La France n’a pas tellement brillé jusqu’à présent. Ses résultats en termes d’émissions ont été si mauvais depuis 2015, qu’elle s’est fait épingler par l’Europe et aussi par le tribunal administratif de Paris. Elle ne s’est pas jointe au principal engagement collectif de la COP 26 visant à cesser dès 2022 tout investissement à l’étranger dans les énergies fossiles. Va-t-elle financer quelque infrastructure charbonnière dans les pays encore accrochés aux énergies noires (Etats-Unis, Chine, Russie, Australie… ? )Elle s’est déjà distinguée en réclamant le classement du gaz et celui de l’atome (réintégré pour beaucoup dans la composition du ‘’mix’’ idéal) comme des énergies renouvelables. Le pactole européen du Green deal va bénéficier à la France, à hauteur de 40 milliards. Avec le numérique, il sera consacré aux réseaux d’énergie électrique (10.000 bornes d’alimentation seulement, là où le besoin est d’un million), alors que l’hydrogène vert n’est pas prêt, que les éoliennes à terre sont fortement contestées et, en mer, tardent à se concrétiser, que le solaire régresse et que l’avenir du nucléaire n’en est qu’au stade des débats d’experts. Quant aux économies d’énergie – le principal gisement en réserve – on cherche encore les institutions à même de former les dizaines voire centaines de milliers d’experts à même de réaliser les chantiers de rénovation énergétique des bâtiments. Idem s’agissant des relais de financement-expertise public-privé auprès des collectivités territoriales à même distribuer aux particuliers les subsides de Bruxelles sans engraisser les banques. Tandis que le coq français claudique, le climat reste un problème cumulatif et ne l’attend pas. Rassurez-vous : d’ici la COP 27, ce blog fera tout son possible pour limiter son empreinte carbone.

* 8 novembre – Coups de Trafalgar dans une coupelle d’eau. Il y a différents volets dans la brouille ‘’ franco-anglaise’’ actuelle… mais une humeur est partout sous-jacente : le regain de nationalisme. Que ce soient les licences de pêche ‘’post-Brexit’’ (une fraction infinitésimale des échanges), les campagnes de vaccination, l’indopacifique avec la question des sous-marins australiens, le protocole nord-irlandais censé fixer une frontière commerciale sans entamer la paix dans la grande île, tout fait boomerang, comme autant de réflexes chauvinistes. Chaque rive de la Manche prend un secret plaisir à prendre l’autre en faute et à le sermonner.


Depuis les accords post-Brexit, les petits accrocs de voisinage sont entourés d’une intense publicité médiatique. Les hics de ces textes bâclés à la hâte sont vécues comme des provocations insoutenables : les licences de pêche accordées par Jersey impliquent des procédures administratives trop complexes pour des pêcheurs français ‘’sans papiers’’ … mais le système avait été validé par l’Europe et par Paris. Fallait-il laisser les marins bretons et normands organiser un blocus de l’île anglo-normande ? La frontière en pleine Mer d’Irlande avait été consentie par Londres mais, en regardant une carte, il saute aux yeux que la ligne rouge passe au milieu d’un royaume et nuit à son unité. La concession de souveraineté est ressentie comme une flétrissure par un cabinet conservateur farouchement nationaliste. En revanche, la sous-traitance de la frontière britannique à Calais ne heurte personne. Pourtant, le ‘’malaise‘ ’irlandais de Londres est symétrique et non moindre que les inquiétudes exprimées par les deux Irlande. On n‘avait pas pu trouver de meilleure solution jusqu’ici. Il faudrait écouter les quatre parties prenantes (Royaume Uni, Ulster, Irlande et Union européenne) et faire preuve d’imagination. La question des traversées de migrants en Manche – dont le nombre en a triplé en un an – n’est pas dictée par des principes moraux ou humanitaires, mais sous l’angle d’une ‘’querelle de sous’’, une indigne subvention que la Grande Bretagne concède à la France pour bloquer toute migration par cette frontière et refouler des malheureux.


Reste la tumultueuse affaire des sous-marins. Le mutisme consciencieux de Londres sur cette rupture d’engagement – d’ailleurs imputable à Washington et Canberra – a suscité en retour de flèche une manifestation de mépris hautain de la part de Paris. Ce n’était pas mieux et on a manqué l’occasion de se promettre de remettre en selle le partenariat stratégique franco-britannique, particulièrement utile pour l’Europe. Jeux égaux mais surtout perdant-perdant. Pour rétablir la confiance, il faudrait arrêter de médiatiser les arrière-pensées ruminantes, s’abstenir de rameuter les abonnés à la colère. Les troupes populistes adorent croiser le fer et haïr le voisin d’en face, surtout quand le combat est en gros folklorique et sans danger. Ressassons encore l’Histoire !


Il faut dire qu’au sommet, on s’est d’abord écharpé avec une belle vigueur. L’exemple est venu d’en haut là, où naguère, on s’arrangeait pragmatiquement et courtoisement entre hauts fonctionnaires, sans en appeler aux en appeler au jugement des médias tabloïdes. En jouant au Cassandre face à Boris Johnson, son exact ‘’anti-modèle’’ politique, Emmanuel Macron pensait sans doute se hisser en fer de lance de la cause européenne. Le premier ministre britannique se sait dans le viseur et ne peut se permettre de laisser saper son autorité par de constantes railleries publiques sur l’inanité des lendemains du Brexit. Le public britannique, quoi qu’on en pense, en est irrité et entonne à l’unisson ‘’blame the French !’’


Après s’être focalisé sur une vision vengeresse du différend on a fini par réaliser le ridicule de la petite guerre des pêches. L’ultimatum du 1er novembre-minuit est passé sans déclencher de riposte française (l’interdiction des ports aux chalutiers britanniques). Cessez le feu ou sursis, une réunion ministérielle franco-britannique s’efforce de sortir la pêche de la nasse populiste où on l’a placée. Il est probable que le processus de négociation se poursuivra cahin-caha et sans tintamarre. La COP26 de Glasgow n’aura, en tout cas, pas eu à subir dans son voisinage immédiat une guerre du poisson. Le vent de tempête s’apaise finalement et le mot ‘’confiance’’ a même réapparu (on fait ainsi ‘’confiance aux Britanniques pour prendre au sérieux le détermination française’’). Du langage de négociation, donc, et même un soupçon d’ouverture : Londres se dit prêt « à poursuivre des discussions intensives sur la pêche, y compris en examinant toute nouvelle preuve pour soutenir les quelque 170 demandes de licence restantes.
Avons-nous besoin d’un ‘’voisin-meilleur ennemi’’ pour assouvir quelque déficit identitaire ? Ne serait-ce pas avouer maîtriser de plus en plus mal les ‘’vrais’’ défis que pose ce monde en leur préférant des chamailleries de cours de récréation. Le président français a pu avoir raison sur certains arguments (pas tous), mais sa posture cassante risquait d’irriter d’autres partenaires au-delà du seul voisin britannique. Les autres Européens n‘ont pas envie de subir une présidence ‘’jupitérienne’’ de l’Europe au premier semestre 2022.

* 1er novembre – G20 Des séquences d’humeur. Dans les grands évènements multilatéraux, tel le G 20 qui se tient à Rome, les avancées sur les questions de fond sont millimétrées. Que des marchandages s’opèrent, des ouvertures se fassent, cela se traduira peut-être, à plus long terme, par quelque résultat peu visible du grand public. En revanche, la moindre anicroche, le moindre grincement de dents va faire la une des médias. Les dossiers sont trop fastidieux à décortiquer, mais les photos parlent d’elles-mêmes. A cet égard, la rencontre préalable – soigneusement chorégraphiée – d’Emmanuel Macron avec le président Joe Biden a capté l’attention : les images en constituaient un intéressant pantomime .

L’oncle Joe, patelin et souriant pressait doucement la main de son homologue français comme pour prendre son pouls. Il lui parlait doucement, comme à un enfant qui pleure :  »mon pauvre petit, sans le vouloir, nous avons été maladroit avec toi … je sais que cette petite histoire de sous-marins australiens t’a fait de la peine… ne pleure plus, tu es notre petit neveu chéri » (grand sourire paternel). En face du tonton consolateur, l’enfant blessé, raide comme un piquet, tournait la tête à l’opposé de son interlocuteur. Il hésitait à prendre la main douce tendue vers lui puis l’agrippait avec force comme pour l’écraser… petit bras de fer signifiant  »d’accord pour se reparler et peut être te pardonner, mais tes déclarations mielleuses ne m’impressionnent pas … seul la preuve par les actes sera retenue ». On imagine les multiples réunions de hauts représentants qu’il a fallu pour mettre au point la saynète. C’était plutôt bien vu pour présenter le problème sur le fond mais ça ne faisait pas totalement sérieux. On attend la démonstration par la preuve : réintroduire la France dans le dispositif allié en indo-pacifique ? lui offrir un lot de consolation industriel dans le grand projet stratégique anglo-saxon ? On ne sait.

Premier constat : aucune mise en scène comparable dans la rencontre entre les deux dirigeants français et britannique : impasse sur les images, commentaires critiques de part et d’autre, plaintes auprès de la pauvre Ursula van der Leyen qui n’y peut mais. Embargo sur les perspectives de raccommodage. C’est un autre style de pantomime : un grognement silencieux. Second constat : le problème, avec ces films d’ambiance, est que le scénario finit la plupart du temps en queue de poisson.

* 29 octobre – Egalité des chances pour les futurs petits français. Selon les données de l’étude PISA [Programme international pour le suivi des acquis], en 2018, il y avait 14,3 % d’enfants dits « d’origine immigrée » en France. Parmi eux, 9,6 % ont des parents nés à l’étranger, et 4,7 % sont eux-mêmes nés à l’étranger et arrivés en France au cours de leur enfance.

En France, la répartition des élèves dans les écoles est basée sur un système de carte scolaire qui dépend du lieu de résidence. Comme certains quartiers sont fortement ségrégués, les élèves issus de l’immigration ont tendance à être regroupés dans les mêmes établissements. Sur le volet de la ségrégation scolaire, la France se situe dans la moyenne de l’OCDE, au même niveau que les Pays-Bas ou encore la Belgique, qui ont une histoire migratoire proche de la nôtre. En revanche, l’Allemagne, qui a aussi une histoire et un profil de population immigrée similaire à l’hexagone, fait bien mieux. l’insertion se fait principalement par l’école et, s’agissant des jeunes, c’est un plus pour la cohésion sociale et pour l’économie.

* 28  octobre – Avatars numériques. Face book change de nom. Ca ne va pas changer la vie des quelque  deux milliards de braves gens qui correspondent sur le réseau avec leurs familles et leurs amis. Ca ne va rien changer non plus à la philosophie de rassessement en boucle dans laquelle l’invention de Marc Zuckerberg tend à enfermer ceux qui ont le malheur de s’aventurer anonymement dans les groupes de discussion, les fora d’infox et autres espaces de haine calibrée que tolèrent hypocritement les algorithmes des ‘’modérateurs’’. Leur fait de croître à l’infini, comme une usine à gaz incontrôlable (des cadres du réseau en ont témoigné) illustre d’ailleurs l’importance des incidents enregistrés sur une très grande échelle. Le plus préoccupant t se voit dans les déviances induites chez les adolescents par les incitations malsaines du système : harcèlement scolaire, attaques sournoises contre les personnes, calomnie, compromissions par l’image. Des dizaines de milliers de jeunes Français en sont victimes chaque année, parmi lesquels plusieurs centaines  tentent de se suicider. Quant à leurs parents, ils se placent, sans le savoir, sous la coupe des extracteurs de données, des influenceurs et des trolls internationaux rétribués par des dictateurs à semer la confusion dans les esprits … et à faire dérailler les démocraties. Alors, le nouveau  nom du monstre, peu importe … ce sera toujours un système mondial qui dicte une bonne part de nos sentiments, notre avenir, nos relations et ça, déjà, ça fait peur.

Il y a pire : voilà que Facebook s’attaque à la finance et s’apprête à lancer sa crypto-monnaie. La monnaie est fondée sur la confiance, qui peut être de la crédulité. Celle-là, comme le bitcoin, va fonctionner sur la fidélité de spéculateurs immatures qui  font écran devant le crime organisé. Car c’est bien aux gangsters du dark web que ce mode de commerce profite le plus. Les laisser s’enrichir, sans limite à nos dépens, c’est finalement les pousser vers le pouvoir et leur donner les moyens d’un contrôle politique sur les sociétés humaines. Au contraire des monnaies locales, concrètes et utiles comme  lieu d’échange de marchandises et de services, ces devises sans maître ni raison sociale aboutiront à des crises. Ce n’est sûrement pas une voie menant vers le règlement des inégalités sociales, vers la prévention du dérèglement climatique, vers un peu d’honnêteté dans la vie publique. Voyez là une litote.

Tout cela compte peu finalement, si Facebook et ses réseaux associés réussissent à faire basculer l’humanité dans une folie confuse. Zuckerberg  se vante haut et fort de son fumeux  projet de les  faire basculer dans  un univers factice où chacun – quelle que soit sa distance réelle aux autres – côtoiera  tout le monde, un peu au hasard, dans les trois dimensions et l’illusion parfaite du réel. Ce ‘’métavers’’ va abolir toute frontière entre le vrai et l’imaginaire, ce qui pourrait convenir pour un jeu mais pas pour régler les relations sociales, voire même animer la vie publique. A bien considérer les pièges de la version simplette unidimensionnelles actuelle, on doit pouvoir  accroître d’un facteur puissance dix les dégâts sociaux et psychologiques à attendre de ce Métavers.

 Le père de famille conduisant ses enfants à l’école distinguera-t-il le volant réel de son véhicule des commandes factices Zuckerberg ? Le collégien qui se plaît à effrayer un camarade saura-t-il dans quelle dimension il l’aura ou non assassiné au bout du compte ? Le citoyen-électeur à qui l’on dit en boucle que les élections ont été truquées saura-t-il s’il se met  au service de chefs de guerre, par la pensée uniquement ou avec des armes réelles pour envahir le capitole. La police sera-t-elle contrainte à pénétrer’’ l’autre monde’’ pour démêler les affaires criminelles ?

Il y a toujours un brin d’emphase pédagogique dans ce type d’argumentation. Disons le tout de suite : l’anonymat et l’impunité ne sont pas des libertés individuelles mais un droit à tuer ! Pour la paix dans le monde et pour sauver une géopolitique d’état de droit (si encore possible), il faudrait vite museler ces hyper puissances numériques qui ne rendent compte à personne et veulent faire du cash sur notre santé mentale. Pour le coup, l’enjeu est bien de sauver l’esprit à l’Humanité, ce qui aidera à sauver la Planète.

* 26 octobre – Transition de dictature à dictature. Coup de projecteur désabusé sur le Soudan : c’était le dernier pays du monde arabe à avoir accompli une révolution populaire pour secouer le joug d’un pouvoir militaire corrompu et teinté d’islamisme radical. En 2019, le dictateur Omar Al Bechir avait été renversé, avec la connivence d’une partie de l’Armée, et la population soudanaise était massivement dans la rue à réclamer ses droits et libertés ainsi qu’un gouvernement civil élu. Depuis plus de trente ans, aucune élection n’a pu se tenir. On ne pouvait que sympathiser avec ces citoyens déterminés, bien organisés et mûrs sur le plan démocratique …

Comme dans tous les pays arabo-musulmans animés de cet idéal en 2011 et après, la boucle s’est soudain refermée : retour dramatique au point de départ. Un nouveau dictateur  militaire a confisqué les rennes du pouvoir. Le général Abdel Fattah al-Burhan, patron de l’Armée de Terre, s’assoit, hautain, sur le trône de Béchir, dissout le gouvernement, l’instance de la transition politique (Conseil de souveraineté), suspend la législation, arrête les ministres civils et fait tirer sans état d’âme sur les manifestants civils défendant les promesses de transition démocratique qui leur avaient été faites (à l’horizon 2023) . Ces promesse, au Soudan comme ailleurs, sont trahies.

La  »transition politique » n’est, au fond, qu’une façon d’habiller le rapport de forces, de la part des acteurs politiques qui détiennent les fusils  et une mainmise sur l’économie. On s’est demandé, dès la conclusion d’un compromis  de coexistence et de partage transitoire du pouvoir entre civils et militaires, si ces derniers ne succomberaient pas bientôt à la tentation de récupérer la mise, en totalité. C’est fait désormais et le risque a été pris de susciter une légitime résistance populaire, peut-être un conflit civil, et de faire retomber le pays dans l’ornière de l’arbitraire et des violations massives des droits humains. Les généraux soudanais ont tout à redouter d’un progrès de l’Etat de droit : ils ont suscité et soutenu des formations ‘’paramilitaires’’, tels les Janjawids, qui n’avaient d’autre mission que de piller et de massacrer les populations non-arabes du Darfour et d’autres régions. Eux-mêmes ont directement commis de nombreux méfaits en rapport avec ces génocides et ils n’auraient guère de chance de s’en tirer indemnes face à une cour de justice indépendante.

Quelle frustration que le système international doive s’en tenir à des condamnations verbales et à des réunions sans effet à New York ! La Ligue arabe, pas plus que l’Union africaine n’y feront rien. Ceux qui en Occident s’effarent de l’augmentation, dans le monde entier, des flux de populations menacées chez elles, devraient foncer sur Khartoum avec des filets pour embarquer les coupables vers la Cour pénale internationale de La Haye. Un conseil un peu fou, mais il y a urgence.

* 25 octobre – Kavala sous les projecteurs. Depuis le fond de sa prison turque, Osman Kavala méritait qu’on s’intéresse à lui. Grâce au président, Recep Tayyip Erdogan, ce riche entrepreneur en médiation culturelle, condamné et incarcéré sans motif clair en 2013, puis à nouveau en 2016, jamais jugé mais sans cesse agoni par l’homme fort du pays, a gagné en notoriété internationale. Sa cause interpelle et elle a été promue par un chemin détourné maladroit, qui vaut d’être cité : le ‘’Sultan’’ turc a ordonné le 23 octobre à son ministre des affaires étrangères de déclarer persona non grata dix ambassadeurs occidentaux (dont sept représentant des ‘’alliés’’ de l’OTAN). Il en a exigé l’expulsion, ‘’au plus vite’’. La date de prise d’effet reste cependant un mystère. Les conséquences risquent d’e être fâcheuses pour l’image de la Sublime Porte.

Le motif invoqué : au cour des jours précédents, ces dignitaires ‘’indécents’’ avaient osé appeler à la libération de Kavala dans un communiquée commun. En 2019, la Cour Européenne des Droits de l’Homme avait jugé l’incarcération de ce défenseur des droits des Kurdes et des Arméniens sans fondement aucun et exigé sa libération. La Turquie appartient au Conseil de l’Europe (à laquelle se rattache la CEDH), mais n’y remplit pas ses obligations légales. Et, on le sait trop bien, le pouvoir turc foule au pied les droits humains sans jamais tolérer la moindre remarque étrangère, au nom de sa sacro-sainte  »souveraineté ». Du coup il se place régulièrement dans un isolement coupable.

C’est de la même conception de ‘’Leur’’ souveraineté que se prévalent les généraux birmans, qui lancent actuellement l’assaut contre la jeunesse de leur pays, ces étudiants qui ont dû prendre le maquis aux quatre horizons du Pays traqués par la soldatesque. La junte militaire a cassé une élection législative défavorable à ses intérêts (Erdogan a fait la même chose lors du scrutin municipal à Istamboul) et elle exterminait les militants démocrates. Cette vision du ‘’maître chez soi’’ s’accompagne d’un sentiment de propriété des dirigeants sur leur population, d’un droit surtout à disposer d’elle, à fixer son sort par la persécution voire par la mort. Cette ‘’souveraineté’’ se pratique de préférence dans l’omerta et l’impunité.

N’allons quand même pas imaginer qu’elle reste un argument légal recevable en plein XXI ème siècle !

* 22 octobre – Navalny, quel bonhomme ! Un sentiment de reconnaissance envers le Parlement européen. Les députés de Strasbourg ont attribué leur prix Sakharov à l’incroyable Alexander Navalny, l’indestructible opposant à Vladimir Poutine et à sa nomenklatura brutale et corrompue. C’eût été une faute politique l’oublier de la distribution des trophées attribués aux défenseurs des libertés. Sans minorer les grands mérites des deux journalistes récompensés du Prix Nobel – dont un russe lourdement confronté à la censure – il faut bien reconnaître que leurs cas ne sont pas aussi emblématiques que la résistance, ou plutôt la survie du M. Propre russe à une invraisemblable suite de persécutions étatiques et de tentatives de meurtre sur sa personne. Il a parfaitement démonté les mécanismes mafieux d’un système de pouvoir qui ne ses contente plus d’être seulement totalitaire et policier. Soljenitsyne, Sakharov, Navalny…, le système russo-soviétique n’a cessé de s’enfoncer dans une cruauté absurde à l’égard de ceux qui pensent (alias dissidents). Absent des contrôles judiciaires auquel il était soumis, empêché pour cause d’assassinat sur sa personne, Navalny est, à nouveau incarcéré pour avoir échappé à une mort voulue par l’Etat. De retour en colonie pénitencière, il est comme toujours séparé des siens, brutalisé et humilié par ses geôliers et même soumis, huit heures par jour, à un lavage de cerveau à grande absorption de documentaires de propagande ridicules. S’il est certain qu’il ne se convertira jamais au poutinisme, une incertitude plane sur sa l’évolution de sa santé mentale comme physique. Qui sait le sort que le système lui réserve ? Certes, on connait mal ses convictions politiques, au-delà d’un nationalisme flamboyant de sa croisade contre la corruption du pouvoir. Peu importe d’ailleurs, puisque son héroïsme ainsi qu’ une excellente aptitude à communiquer en ont fait un héros connu de tous. Il incarne puissamment un cheminement de libération pour la société russe.

Ses tortionnaires n’ont rien trouvé de mieux que de copier le traitement infligé au voyou du film Orange mécanique (lui faire flasher dans les yeux des images insoutenables). Puéril et cruel. Il ne faut pas laisser ces sbires faire de lui un Liu Xiaobo russe. Le prix Nobel chinois était trop intelligent, trop lettré et trop sage pour pouvoir rester en vie, face au Parti. Au bout d’une longue agonie en prison, privée de soin, on l’a poussé vers la mort sans avoir à l’exécuter précisément. Navalny doit, lui, retrouver la liberté avant qu’on l’ai détruit. C’est là une responsabilité incombant à ses concitoyens. Chez beaucoup d’entre eux, l’Occident (décadent, etc.) n’a pas bonne presse. Pourtant, autour d’un personnage aussi exceptionnel, une convergence Est-Ouest paraît encore possible. Travaillons y !

* 21 octobre – Fixation fiscale. En juillet dernier, un accord fiscal ‘’historique’’ a été finalisé au sein de l’OCDE. Le G 20 en avait pris l’initiative  dans la phase de la sortie de la crise de 2008 et la France était énergiquement à la manœuvre. Cet instrument opposable aux entreprises comme aux Etats était destiné à remettre un peu d’ordre dans la fiscalité des multinationales. Le renfort apporté par l’administration Biden permettait enfin de s’attaquer à l’évasion fiscale des  entreprises multinationales (aux chiffres d’affaires supérieurs à 750 millions $), évasion rendue possible par la complicité ou complaisance de certains Etats.

Le ministre français de l’économie avait accueilli le texte initial sans excès d’enthousiasme. L’objectif fixant à 15 % le taux de fiscalisation minimum ne constituait qu’un ‘’premier pas’’, marquant la fin des pratiques d’optimisation excessives et parfois même d’exemption douteuses. Chacun paierait l’impôt là où il accumule ses dividendes. D’après la commission indépendante pilotant le projet, ce seuil permettrait aux Etats de récupérer quelque 240 milliards $ de recettes supplémentaires. Peut-être 30, pour le fisc français : c’était déjà pas mal !  D’ici l’adoption formelle de l’Accord, Paris devait faire lobby (un peu seul, on s’en doutait) pour rapprocher la fixation du plancher d’imposition de son propre barème (30%). Mission impossible, on l’a bien constaté lors des cérémonies de signature . On s’est surtout félicité des conséquences politico-éthiques du texte : les pratiques les plus inéquitables de dumping fiscal seraient dorénavant assimilées à de l’évasion pure et simple et deviendraient donc répréhensibles par la Loi. Pour toute multinationale, le régime commun deviendrait la déclaration à l’Etat de prérogative fiscale, des dividendes réalisés sur les marchés où elle opère. Elle s’en acquitterait sous sa raison sociale consolidée –  incluant toutes ses filiales concernées.

Le renouvellement de fond de la fiscalité transnationale a été acté, 8 octobre, par la signature de 136 pays, en soi une petite révolution mondiale, mais malheureusement un peu au rabais. A cette échelle de participation, en effet, des concessions importantes ont été consenties au consensus de tous les signataires. Il y a donc des déceptions. Tout d’abord, la réforme ne s’applique, dans sa phase initiale, qu’aux 100 multinationales les plus puissantes et ne couvrira pas l’ensemble de leurs bénéfices. Les recettes fiscales attendues se limiteront donc à 100 mds $. C’est une reculade manifeste.. De plus, les parties à l’accord doivent égaliser leurs prélèvements sur les firmes du type GAFAM, Washington ayant exigé le désarmement des taxes préexistantes. Il y a là quelque chose inaccompli. Certaines recettes – comme pour les produits du sous-sol – sont déliées du lieu où elles ont été réalisées. Toute une gamme de dérogations autorise les Etats à prélever moins de 15 % des bénéfices d’une entreprise sur leurs territoires. Ceci signifie aussi que les autorités fiscales des pays du Sud ne doivent pas espérer de cette nouvelle norme mondiale des recettes substantielles pour leur développement en retour des investissements qu’elles accueillent.  On aura rendu les paradis fiscaux un peu moins attrayant. Pour autant on ne les fera pas disparaître. En France même, les tolérances légales à l’égard de formules innombrables et complexes d’optimisation fiscale créent un flux permanent d’évasion des entreprises à l’impôt. Le manque à gagner pour le fisc français serait, selon le compte fait par certains médias, supérieur aux bénéfices attendus de la réforme mondiale. Le conservatisme et la multiplicité des  contribuables bénéficiaires rend les pôles de résistance sociale incontournable. Il est vrai que toute progression en la matière se fait ‘’pas à pas’’.

* 20 octobre – De droit souverain. Les relations entre Bruxelles et la Pologne sont acerbes depuis plusieurs années. La réforme polonaise de la justice polonaise a été vertement critiquée par la Cour de justice de l’Union européenne. Le tribunal constitutionnel polonais a répliqué en estimant, le 7 octobre que la constitution polonaise était  »incompatible avec certains traités européens » et que les compétences de l’Union européenne n’étaient pas établies en matière d’État de droit. L’Europe à laquelle Varsovie a adhéré serait pire qu’incomplète : juridiquement infondée.

Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki et le parti au pouvoir, le PIS, ne cachent pas leur volonté ‘’souveraine’’ de garder la main sur une justice nationale aux ordres de leur gouvernement. C’est un rejet frontal des principes de droit sur lesquels a été établie l’Union européenne et que chaque Etat-membre est censé faire siens, notamment la Pologne depuis mai 2004. La Cour suprême polonaise est nommée essentiellement par le président polonais. Les juges aussi. Les membres de l’instance disciplinaire de la Cour sont désignés par le gouvernement, lequel détient aussi le pouvoir de révoquer les juges. Les Polonais justifient cette soumission servile de leur pouvoir judiciaire à l’Exécutif par la nécessité d' »épurer » la magistrature des communistes encore présents, un curieux prétexte idéologique d’un autre temps.

L’Union ne peut accepter sa ‘’délégitimation’’ par un Etat-membre en pleine dérive autoritaire. Elle a donc suspendu l’accès du plan de relance économique polonais aux fonds mobilisés par l‘Union pour la sortie de crise, dans l’attente d’une conformation de Varsovie aux règles du droit. Mateusz Morawiecki, s’est bien sûr insurgé contre ce qu’il estime être un chantage. La Hongrie campe également sur des positions populistes, anti-européennes et elle a subi la même mise en garde. En fait, la césure paraît plus tranchée que jamais entre une Europe occidentale traumatisée par le Brexit et en recherche de réassurances dans ses valeurs fondatrices et, face à elle, le flanc oriental de l’Union  tenté par le souverainisme et essentiellement sensible aux aides économiques que celle-ci lui apporte.

Les institutions de Bruxelles ne peuvent, par construction, que s’opposer à une dérive qui fragilise tout l’édifice européen. Ursula von der Leyen s’est exprimée hier, sans ambiguïté, devant le Parlement européen sur la crise de l’état de droit le en Pologne et la primauté du droit européen. Elle n’a laissé aux contestataires aucune autre porte de sortie qu’un maintien du plein effet des Traités et de leur primauté  sur les législations internes. La question possède de fortes incidences ‘’identitaires’’. Elle n’est pas fortuite, elle ressurgira forcément.

A la base, 80% des Polonais restent pourtant favorables à un maintien dans l’Union européenne. Le jeu tactique du gouvernement autour d’un hypothétique ‘’Polexit’’ – solution logique à l’incompatibilité présumée – risquerait fort de faire tomber celui-ci aux prochaines législatives, ce qui devrait permettre de rétablir l’harmonie politico-juridique avec l’Union. Ce serait à la fois un traumatisme et une clarification salutaire. Mais Premier ministre polonais n’est plus aussi droit qu’auparavant dans ses bottes. Il semble chercher quelque biais ambigu pour rentrer dans le rang, sans perdre la face. Il a ainsi écrit à tous ses homologues européens qu’il pourrait accepter que les textes européens soient supérieurs aux lois polonaises (ce qu’il ne croit pas), mais qu’il ferait face alors à un problème constitutionnel qu’il n’est pas à même de régler.

Dans ce genre de cas, on convoque des élections générales. Le peuple polonais n’est-il pas souverain chez lui ?

* 19 octobre – Temps brumeux sur la Manche.  Tristounet, l’état des relations euro-britanniques, et les émotions aidant, celui des liens franco-britanniques. Le divorce a été sec, brutal et acté au couperet. L’heure est aux contentieux et aux suspicions. Tout ça aurait dû être évité. Aujourd’hui, le voisin d’outre-Manche est déserté par des corps de métiers immigrés ou expatriés, certains de sees étales s’en trouvent vides et les transports désorganisés, l’essence se fait rare, les communautés étrangères hésitent à rester. Tout ça pour ne rien devoir au grand marché européen et, surtout aux institutions communautaires qui en sont des rouages essentiels. La sacro-sainte souveraineté nationale a été mise au service de la séparation et elle trouve des échos tout aussi incisifs sur le continent.

Les droits de pêche dans les eaux britanniques en sont un déplorable exemple. Le Royaume Uni et, singulièrement, les îles anglo-normandes sont en droit de négocier ‘’souverainement’’, selon leur intérêt. Dans ma Bretagne, les armements de chalutiers sont rouge d’indignation devant les procédures d’octroi  des licences. Un bon nombre sont incapables de prouver leur présence ancienne et continue dans ces eaux poissonneuses et donc de remplir les critères. Le Homard et les langoustines se fond rares chez mon poissonnier. On aurait pu travailler sur des quotas d’ensemble plutôt que bâtiment par bâtiment. De là à organiser le blocus du port de Saint Hélier et de menacer la population de Jersey de lui couper l’électricité ! Et certains élus locaux qui s’y rallient. La prise d’otages est criminelle et inadmissible : qui sont les imbéciles qui veulent faire revivre la Guerre de Cent ans ?

Une autre blessure a été ouverte par le projet (américain) ‘’d’alliance’’  AUKUS en région indo-pacifique. Pas tant du fait d’un suivisme inconditionnel manifesté à l’égard de Washington (Paris aurait souhaité pouvoir en faire autant) mais de l’omerta maintenue pendant 18 mois à l’encontre d’une marine française étroitement associée à la Royal sur le plan opérationnel. On peut bouder. On pourrait aussi bien requérir de Londres un geste généreux et réaliste pour raccrocher le bateau français et dans son sillage, l’Europe, dans un grand plan d’ensemble, s’agissant d’une région ‘’chaude’’ du globe où la France administre des territoires.

Parlant de l’Europe, elle a eu quelque mérite à se préoccuper de la paix entre les deux Irlande. Dans ce volet sensible du Brexit, la négociation du protocole nord-irlandais s’est faite de bloc à bloc. Belfast a fait corps avec Londres et Dublin s’est fondu parmi les 27. Il faut reconnaître que la solution trouvée et acceptée par les deux parties est franchement bizarre et peu pratique : une frontière douanière en mer passant au milieu d’un Etat souverain. Cet arrangement à  »souveraineté écornée » crée une paperasserie et des délais difficilement soutenables. Bruxelles a d’ailleurs proposé d’alléger les procédures de moitié. Cela aurait dû être fait dès 2020. Mais, la blessure est aussi politique, nichée dans la fierté britannique.  De ce fait, la volonté du gouvernement de Boris Johnson de délier la Cour de Justice européenne de la gestion des contentieux sur le Marché unique relance les crispations et les suspicions (le Royaume Uni exerce-t-il une vengeance au-delà des désaccords de fond ?). Aux yeux du reste du monde, cette méfiance risque simplement de décrédibiliser la grande Europe (au-delà de l’UE). Elle existe et constitue notre voisinage le plus stratégique. Raison de plus pour mettre quelques bémols à nos susceptibilités, un peu archaïques et assurément stériles.

En une autre époque, j’ai pu constater la forte affinité entre les stratèges britanniques et français quant à leur vision du monde. De façon générale, les élites des deux pays se fréquentent avec plaisir. Quelle tristesse que les brûlots  des media des deux rives imposent un ton sarcastique et désobligeant à cette relation de toujours. Depuis la chute de l’Empire romain jusqu’à la Guerre de cent ans, on s’est certes pas mal ‘frités’’ comme entre toutes les tribus occupant un terroir, mais les Celtes des deux rives appartenaient aux mêmes familles et partageaient leur espace, leur langue et leur culture naturellement. Il faudrait s’inspirer de ce vieux cousinage.

* 18 octobre – Hyper, c’est trop !  »Hypersonique » est l’avenir de la géostratégie. Bientôt finira l’ère de l’équilibre de la terreur par la parité balistique. Les pions nucléaires seront redistribué entre grandes puissances, sans omettre la part revenant aux Etats voyous perturbateurs du TNP. On passe des courbes stratosphériques au rase-motte en zigzag à une vitesse de fou : cinq, six, sept fois le vitesse du son. La règle pour recréer l’équilibre restera la parité qualitative des systèmes d’arme et quantitative des arsenaux entre des acteurs considérés un par un, sans coalition. Encore faut-il qu’existe aussi une  »envie de dialogue », sans laquelle la course aux armements et le risque d’un passage à l’acte échapperaient à tout contrôle. Or, on le voit partout, il y a peu d’amour et de compréhension entre les géants nucléaires, ces temps derniers. Alors, le missile hypersonique sera-t-il l’arme offensive de déstabilisation de toute la société internationale ? Il faudra quelques années pour le savoir, mais, dans l’intervale, le risque d’une première frappe décisive, sans capacité de riposte peut devenir plus tentant. C’est, toutes choses égales par ailleurs, la posture d’Israël face au programme nucléaire iranien.

En décembre 2019, la Russie a annoncé, la première, la  »mise en service » d’engins  »Avangard », équipables d’ogives nucléaires. Elle a fièrement avancé qu’ils étaient capables de franchissement intercontinentaux au ras des pâquerettes, à des vitesses rendant tout repérage radar et toute interception impossibles. Mieux ou pire encore, ces missiles de croisières hyper-boostés seraient re-dirigeables en vol sur d’autres cibles et pourraient aborder leur but en surgissant depuis n’importe quelle direction. Les missiles anti-missiles (déjà déstabilisants pour la dissuasion) et les radars pointus du Norad et des frégates Aegis s’en trouveraient totalement dépassés et impuissants. Exit la guerre stellaire, retour au plancher des vaches. Une vraie cause d’alarme pour l’Hyper-puissance américaine, dans un scénario où des milliers d’engins hypersoniques réussiraient contre elle une première frappe paralysante (sans riposte possible). On en est pas là, bien sûr, et l’Amérique a largement le potentiel disponible pour  »combler le gap ». Mais quand même….

Et encore, si l’adversaire était unique et politiquement bien  »balisé », comme l’est la Russie. En championne absolue de la dialectique nucléaire au bord du gouffre, la Corée du Nord, elle aussi, a revendiqué, le 28 septembre, son accession à la technologie hypersonique. Sa maîtrise ne semble pas encore convaincante, mais un essai a eu lieu, parmi une série de tirs balistiques. La Corée du Sud en garde pour elle les paramètres. On peut néanmoins compter sur les Nord-Coréens pour aller jusqu’au bout de leur mise au point, avec l’acharnement qu’ils ont déjà eu à faire la bombe. Pyongyang, dans son délire, affirme  »multiplier par mille (sa) capacité défensive ». Ses cibles favorites se trouvent évidemment aux Etats Unis. Les Nations Unies aussi, dont le Conseil de sécurité suit la crise et tente de restreindre tant se peut la fuite en avant nord-coréenne ont de quoi se faire du souci. Mais d’où Pyongyang s’est-il procuré les secrets de fabrication de son  »arme absolue » ?

Dès août 2018, Pékin a fait connaître l’existence de son projet  »Ciel étoilé 2 » théoriquement capable de croisière à une vitesse de plus de 7300 km/h. Il répond à des normes plus performantes encore que son alter ego russe. Le Financial Times a surtout révélé (sans démenti chinois) qu’il avait réussi, en août dernier, un trajet complexe autour du globe. Lancé sous une fusée Longue Marche, il aurait terminé sa boucle terrestre à 32 km de son point d’impact prévu. C’est peu pour un potentiel vecteur nucléaire. Les progrès spectaculaires du programme chinois ont pris de court l’Occident. Jamais la Chine n’avait étalé un tel avantage stratégique, qui plus est à un moment où ses relations se tendent rapidement autour de la question de Taiwan (l’Amérique est le seul obstacle à une invasion armée) et d’une multitude d’enjeux économiques, technologiques et diplomatiques. Ce n’est pas le contexte idéal pour rétablir l’équilibre autour d’un nouveau système d’arme optionnellement nucléaire. La transition s’annonce délicate.

La conception bien française de la dissuasion – au niveau d’arsenal le plus bas possible – était déjà sérieusement entamée par la  »Guerre des étoiles » et par le recours aux missiles de croisière de longue portée. Des étapes intermédiaires ont été aménagées entre les scénarios extrêmes d’entrée en conflit. La France pourra-t-elle rester longtemps dans la course ? Le doit-elle, d’ailleurs ? Elle a une campagne présidentielle devant elle pour y réfléchir.

* 15 octobre La France emmurée. Avec 0,5 % de nouveaux arrivants par rapport à sa population, certains pensent la France ‘’envahie’’ (surtout en période électorale). La principale composante de ce flux très modeste résulte des mariages franco-étrangers. Va-t-on empêcher nos compatriotes de convoler avec les personnes de leur choix ? La seconde source est aussi une obligation constitutionnelle : la réunification ou le regroupement familial. On devrait plutôt préférer les familles, structurantes, aux individus solitaires. Les études universitaires gratifient le pays de la venue de 90.000 étudiants : c’est peu pour une économie qui a des ambitions mondiales. L’asile comme la demande de séjour viennent après avec environ 80.000 demandes prises en compte. Les entreprises françaises sont bien heureuses de trouver parmi ces gens, souvent jeunes, des travailleurs à embaucher dans des secteurs en tension ou dans les high-techs pour combler les déficits de l’offre. Les naturalisations, le plus souvent comme suite des mariages réduisent d’autant l’effectif des étrangers-résidents. 36 % de étrangers installés régulièrement en bénéficient. C’est un plus pour la vitalité du pays et pour son économie.

En raisonnant en ‘’stock’’, la population de l’Hexagone comprend 6,8 millions d’immigrés pour 67,3 millions d’habitants, soit 10,2 % des résidents sur le territoire. Les politiques de restrictions à l’immigration, plutôt que de les intégrer, plus ou moins un demi-million de clandestins malgré eux. En supposant qu’ils ne circulent pas ailleurs dans l’espace Schengen (ce qu’ils font), le ‘’vivier’’ total des étrangers se montera entre 11 et 12 %. La moyenne s’agissant des pays de l’OCDE est de 13,6%. Dans ce total, le nombre d’expatriés ou de conjoints venant d’autres pays industrialisés est difficile à isoler mais il doit être substantiel. On allait oublier les retraités allemands, britanniques, belges ou néerlandais qui viennent dépenser dans ce pays béni des dieux les pensions qu’ils ont gagnées ailleurs : carrément de la philanthropie. Avec l’Italie et la Lettonie, la France est au bout du compte l’un des pays de l’OCDE les moins poreux à la pénétration étrangère. L’Allemagne (16,3% d’étrangers) a fait sept à huit fois mieux en 2015, la Belgique abrite 17,2 %, la Suède a accueilli près d’un quart de sa population en provenance de l’étranger, même la Pologne  s’ouvre libéralement à ses voisins de l’Est, en particulier les Biélorusses. Collectivement, l’Europe, représentant 6,6 % de la population mondiale, ne prend à sa charge que moins de 5% des déplacés et réfugiés victimes des maux planétaires. Elle dresse, par contre, des murailles ‘’protectrices’’ en sous-traitant à ces voisins des rives sud et orientale de la Méditerranée et au Niger le soin de bloquer les flux.

La France n’est pas cette terre d’immigration grande ouverte dont certains s’affolent, elle serait même assez malthusienne. Elle attire plus les élites que les malheureux, sauf peut-être dans la sphère francophone.  Alors, quelle raison de s’agiter depuis le donjon la forteresse ? Que veut-on faire dire aux statistiques de l’INSEE ? L’honnêteté voudrait qu’on ne quantifie que les arrivants qui s’installent pour de bon, la France constituant un carrefour de circulation au milieu de l’espace Schengen… et aussi qu’on n’attribue les termes de ‘’Français’’ ou ‘’résidents étrangers’’ selon le cas et la situation, à ceux qui ont fait souche et ne sont absolument plus des ‘’migrants’’. Le vice est politique et idéologique. Il réside là : dans un biais pervers d’enfermement des migrants historiques (qui donc ne le sont plus) dans cette polémique catégorie ‘’migrants’’. C’est un biais destructeur de la cohésion nationale, une sorte de pas initial vers l’apartheid social. Un quart des Français ont au moins un ascendant étranger. Tant mieux ! Pas bon à dire en période électorale ? Et après !

* 12 octobre – La gîte de la barque irakienne. Quelque 25 millions d’Irakiens ont été appelés aux urnes. Peu de peuples, au Moyen Orient, ont vécu autant de guerre et de basculements politiques depuis la fin des années 1960 et le long règne de Saddam Hussein. Au point  qu’aux yeux de son peuple, l’avenir reste un point d’interrogation, un flou sur la scène arabe. Les élections anticipées devaient calmer la révolte de la jeunesse irakienne catalysée, en octobre 2019 par la corruption générale des élites, une économie en panne, et une société laissée à l’abandon dans ce pays producteur majeur de pétrole. Réprimé dans le sang – l’estimation est de 600 morts et de 30 000 blessés –, le mouvement a été étouffé. Ses militants ont été victimes d’enlèvements et d’assassinats sous les coups de factions armées inféodées à l’Iran, le Hachd al-Chaabi en particulier. Ayant commis ces forfaits, cette deuxième force au sein du Parlement sortant, essuie en retour un net recul électoral. Alliée à l’Iran, elle restera pourtant un pion décisif sur l’échiquier politique, à l’image du Hezbollah au Liban.

Le 11 octobre, le leader chiite – mais anti-iranien Moqtada al-Sadr a proclamé  victoire. Le courant de cet ancien chef d’une milice insurgée contre les forces d’occupation américaines devrait conserver son rang de première force au Parlement, avec plus de 70 sièges sur un total de 329. Par ailleurs,  »l’État de droit » de l’ancien Premier ministre Nouri al-Malik, considéré comme très corrompu, recueille 37 sièges.

Ces législatives, étaient les cinquièmes depuis 2003 et le renversement de Saddam Hussein, par l’invasion armée américaine. La campagne a été dominée par de puissants appels au boycott, qui ont finalement motivé une abstention record. Les électeurs ont trainé les pieds, dégoûtés d’une classe politique qu’ils estiment indifférente à leurs maux quotidiens et le taux de participation officiel a fléchi à 41%.

Toutefois, l’absence d’une majorité claire au sein d’un parlement éclatés en une myriade de petites formations va contraindre les nouveaux élus à négocier des alliances. Les tractations pour faire émerger un nouveau Premier ministre -traditionnellement un chiite – et un gouvernement composite promettent d’être longues. Au-delà les frictions partisanes de rigueur, on peut s’attendre à ce que la scène politique reste polarisée par deux emprises extérieures contradictoires : la présence des troupes américaines sur le sol irakien et celle de paramilitaires iraniens, instrument ‘’d’influence ‘’ envahissant de la République islamiste d’Iran voisine. La première  »occupation » disparaitra avec leur retrait des instructeurs et des forces spéciales annoncé pour l’an prochain. Les Français disent, eux, vouloir rester.

L’Irak finira-t-il par produire un gouvernement consensuel, un jeu politique sans milice armée et sans assassinat, une formule de relative stabilité intérieure ? Peu de pays de la Région ont su donner leur place aux générations montantes et aux petites classes moyennes. Il faudra laisser l’Irak se relever de l’intérieur. Sa situation ambivalente reste pour l’heure celle d’un quasi-vassal du turbulent régime iranien, en même temps qu’un allié obligé de l’Occident qui le voit en rempart contre la résurgence de l’Etat islamique. Difficile à concilier. Ne soyons donc pas trop exigeants !

* 11 octobre – La confiance est horizontale. On reproche souvent à la politique africaine de la France de se cantonner au cercle un peu faisandé de la France-Afrique. C’est assez injuste car Paris recherche depuis trois décennies des approches nouvelles auxquelles résistent généralement les pouvoirs en place. Raison de plus pour ne pas négliger ces nouvelles (et jeunes) élites et les petites classes moyennes africaines qui voient leurs aspirations bloquées par les’’ vieux crocodiles’’ incrustés dans leurs trônes. Pour un président français, même bien intentionné, la chose n’est pas facile tant sa personne incarne, aux yeux des sociétés civiles du Continent noir, une histoire (ancienne) d’exploitation et une pratique politique ‘’complice’’ des potentats locaux.

A l’occasion d’une visite à Ouagadougou, Emmanuel Macron avait débattu à bâtons rompus, il y a quelque temps, avec un panel d’étudiants burkinabés. Malgré sa brillance et quelques bons arguments, ceux-ci l’avaient poussé dans ses retranchements et il n’avait pas emporté leur confiance. Affirmer que la colonisation a été un crime contre l’humanité ne remet pas, d’évidence, les compteurs à zéro.

Remettre le couvert, mais cette fois, pas moins que pour un ‘’sommet’’ avec la société civile africaine à Montpellier  – à Paris c’eut été un affront diplomatique à l’égard des capitales – voilà qui était forcément risqué. Avec la complicité d’un habile penseur camerounais du ‘’post-colonialisme’’, Achille Mbembe, l’ambition affichée par l’évènement était de ‘’refonder les relations de la France avec l’Afrique’’. Un exercice irréaliste et grandiloquent dont on ne pouvait pas ne pas remarquer l’inspiration et la finalité essentiellement franco-françaises.

On y a vu ressurgir tous les abcès de souffrance du continent noir, par focalisation constante sur l’histoire coloniale. Pour se faire reconnaître, les ‘’forces vives africaines’’ doivent faire assaut de patriotisme et en appeler à la conscience de l’ancienne métropole. C’est assez classique et les citoyens invités n’ont pas mâché leurs mots, face au président-incarnation de leur histoire, un peu donneur de leçons en démocratie, qui les surplombait de son autorité et de son aura de puissance.

L’histoire était au rendez-vous mais tout le monde a été un peu court, s’agissant d’imaginer un partenariat également bénéfique aux deux bords et démocratique. L’Afrique est trop enserrée dans ses maux actuels, la France ne peut abandonner aucun des intérêts stratégiques qu’elle détient au sud du Sahara. Qui plus est, les Africains qui savent gratter, sous la superficie des mots, ont mis à jour les contradictions des stratèges parisiens : une succession dynastique au Tchad avalée sans trop de grimace puisque s’agissant d’un allié militaire, un engagement au Sahel contre le terrorisme jihadiste, destiné à protéger l’Europe plus que les Africains et encore, peu après le ‘’sommet’’, une méchante crise avec l’Algérie qui montre combien Paris peu perdre ses positions à poser publiquement en observateur critique (sans doute lucide et sincère) , de l’identité, de l’histoire et des mœurs politiques d’un peuple étranger. La diplomatie française ne pourra pas longtemps adopter une posture de Janus, mi-abbé Pierre, mi-Machiavel s’adressant au Prince.

Il y a des formules plus consensuelles bien que plus lentes. L’Europe entretien des assemblées de voisinage actives, liées aux accords de coopération qu’elle passe. Les nationalismes y sont moins exacerbés. Les Nations Unies aspirent à mieux accueillir les débats d’ONG et d’organismes d’opinion dans leurs nombreux fora. RFI propose chaque semaine à ses auditeurs africains d’exprimer leur opinion sur l’actualité, telle que vue en France. Il ne faudrait surtout pas renoncer à s’écouter et à se comprendre de peuple à peuple. Mais de façon horizontale, de préférence, désintéressée et avec constance.

* 8 octobre. L’Europe citoyenne en marche (?) Depuis la mi-septembre, des panels de citoyens se réunissent dans les locaux du Parlement européen à Strasbourg, afin de débattre de l’avenir de l’UE. Ces assemblées de citoyens tirés au sort prennent modèle sur la convention citoyenne réunie à l’initiative du gouvernement français pour tracer des perspectives et préparer des mesures nouvelles sur le climat. On sait bien que l’accueil est parfois mitigé l’égard de cette formule de représentation directe de la société civile, qui n’a pas force exécutive. Sans chercher à en magnifier l’ambition ni les moyens, elle peut faire émerger des propositions de caractère législatif que les parlements s’estiment tenus de reprendre à leur compte. C’est en tout cas une des rares formules simples et disponibles qu’on ait actuellement pour revivifier la démocratie et rapprocher la grande politique des gens. Une autre, à laquelle il sera fait recours, consiste à  porter le débat vers eux, là où ils vivent.

C’est  la vocation explicite des recommandations que présenteront, jusqu’à la mi-octobre, les citoyens ordinaires participant à la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Quatre panels thématiques, représentatifs de  toutes les classes d’âge, de la parité et des 27 nationalités, se réunissent en trois sessions, du 17 septembre au 17 octobre. D’autres sessions auront lieu en ligne en novembre et finalement, entre décembre et janvier, dans différentes villes européennes. Ces panels de 200 personnes environ assistées par des experts indépendants, seront initiés à l’ensemble des idées nouvelles qui ont émergé depuis l’origine du processus, que ce soit au cours des événements organisés dans toute l’UE ou via des consultations en ligne. Les thèmes attribués aux panels ne sont pas exclusifs d’autres sujets que les participants voudraient soulever. En voici la liste :

Panel 1 – Une économie plus forte, justice sociale et emplois / éducation, culture, jeunesse, sport / transformation numérique

Panel 2 – Démocratie européenne / valeurs et droits, état de droit, sécurité

Panel 3 – Changement climatique, environnement / santé

Panel 4 – L’UE dans le monde / migration

Il faut souhaiter que la  Conférence sur l’avenir de l’Europe accouche de propositions convaincantes auxquelles il pourra être donné suite. Les panels de citoyens européens pourraient faire jurisprudence à l’avenir. Au-delà de son objet important, elle mérite une publicité, qui donne envie à plus d’Européens de s’exprimer sur leurs attentes et leur rôle dans l’Union européenne, dans l’idée de mieux affronter défis à venir. Elle devrait inspirer au Parlement européen, à la Commission et au Conseil un élan pour mieux les servir et pour renforcer la confiance, ce catalyseur de l’action dont toutes les institutions politiques souffrent de déficit chronique. Les piliers de l’UE s’y sont engagés… maintenant la vigilance citoyenne fera la différence.

* 6 octobre – Si vis Pacem … ‘’Gagner la guerre avant la guerre’’, la nouvelle stratégie militaire de la France, exposée par le nouveau chef d’état-major des armées, ne se démarque pas de l’adage ‘’si vis pacem para bellum’’. Prêt pour la guerre, dans l’idée de ne pas avoir la faire, l’idée est dans la continuité de la pensée stratégique de l’Hexagone et elle fait toujours sens. Mais on emprunte un peu plus à Sun zi : il faut avant tout acquérir une emprise sur les esprits, aveugler les sens. Sur la scène des multiples confrontations du monde, la dissuasions n’est plus seulement nucléaire, elle s’intègre aussi dans une puissance de feu (et de projection) et dans une posture qui force le respect. Sur cette base, le général Thierry Burkhard développe un concept ultra-moderne, qui bouscule un peu le décompte traditionnel des hommes en armes, des chars, avions, navires et canons. Il en a présenté les grandes lignes, le 1er octobre, devant les députés de la commission de la Défense de l’Assemblée.


‘’Gagner la guerre avant la guerre’’ implique de fortement progresser dans une série de domaines connexes aux systèmes d’armes, jusqu’à présent peu explorés. On plonge dans l’univers des high techs et du numérique. De fait, les  »opex » comme Barkhane au Sahel vont entrer dans une catégorie de sous-traitance basique : il va falloir entrainer les troupes à maitriser des spécialités plus ‘’pointues’’, qui primeront à terme sur les opérations de terrain. En filigrane, on devine la place majeure promise à la robotique militaire et aux drones de toutes sortes. L’espace devient un théâtre stratégique majeur, où la tentation est patente d’introduire des systèmes d’armes futuristes, à bas de lasers et de détecteurs de toutes sortes. On se rapproche de la conception américaine de conflits ‘’télécommandés’’ à grande distance sans soldat – ou très peu – au sol. Dans cette optique, une place novatrice doit aller à la lutte informationnelle, via les canaux informatiques et les réseaux sociaux pour répliquer aux tactiques de confusion portées par des pays adverses. La guerre électronique semble destinée à fusionner à la guerre psychologique. Un service de vigilance de protection contre les ingérences numériques étrangères va bientôt être mis en place sous l’autorité du premier ministre et sous la gestion pratique de la Défense. On va protéger nos esprits des campagnes d’infox et de confusion conduites par les ennemis de la France – un sujet qui ne porte pas à rire l’esprit citoyen. Ce vaste et sulfureux domaine qui touche aux bases de la démocratie pourrait-il être l’apanage de la seule Défense, sans incidence négative sur les médias et les opinions publiques ?


Le monde est dangereux et on aurait tort d’en être seulement spectateur. Le général Burkhard estime que tous les Etats sont ‘’concurrents’’ entre eux. ‘’Compétition-contestation puis affrontement” constitueraient la dynamique des tensions entre Etats. La France, vue par elle-même, représenterait la (seule) ‘’puissance d’équilibre’’. Mais les malheurs du monde sont loi d’être le fait d’Etats et de classes politiques. Prenons l’exemple des carricatures du Prophète. La possibilité de passer du soft au hard power implique surtout de cultiver ses alliés (voyez l’affaire des sous-marins commandés par l’Australie), de se faire comprendre d’eux, d’en augmenter le cercle au besoin, et de coopérer dans la formation, l’entrainement et l’armement d’armées moins bien dotées de pays qui se conçoivent en partenaires et amis. Il faut aller à leurs devants. La fonction de prévention de la défense vise à conforter l’influence de la France en tant que puissance.
La coopération et les échanges de temps de paix trouvent toute leur place pour tuer dans l’œuf les germes de conflits hybrides qui se multiplient. Les conflits actuels commencent le plus souvent par des affrontements civils (éthiques, religieux, économiques, politiques, etc.) sans grand rapport avec la géopolitique. C’est dans une seconde phase, avec l’intervention de puissances étrangères appelées à la rescousse ou en quête de gais opportunistes qu’ils acquièrent une dimension de ‘’guerre’’ géostratégique.

On le sait, l’ONU est à bout de moyens pour assurer cette fonction préventive. Ce blog est séduit depuis longtemps par le projet d’un Conseil de sécurité social, économique et environnemental, parallèle au conseil de sécurité et fonctionnant en symbiose chargé de désamorcer les foyers de tension non-militaires ou pré-stratégiques. Dans un récent appel collectif, une douzaine de chefs d’Etat et un bouquet de personnalités demandent à l’organisation new-yorkaise de s’ouvrir plus largement aux organisations de la société civile. Des citoyens formés et déployés pour gagner la paix sans avoir à la perdre ? Pourquoi pas, s’ils sont aussi épaulés par des militaires formés à gagner la guerre… sans avoir à la faire.

* 5 octobre – L’ermite nucléaire des matins pas calmes. Pour mesurer la folie de notre monde disloqué, rien de tel que le thermomètre géopolitique de la péninsule coréenne. Dans ce théâtre hautement névralgique, le risque d’une nouvelle guerre impliquant les ‘’grands’’ n’a jamais été jugulé depuis l’armistice onusien de 1953. Les accrochages militaires, les apparitions d’armes de destruction massives comme les coups d’éclat diplomatiques les plus inattendus s’y succèdent, tel le sommet qui a réuni Donald Trump et Kim Jong-un  à Singapour. Les épisodes de tension tournent presqu’en boucle et diffèrent peu, les Etats Unis (dont le Nord veut obtenir le retrait des forces de toute la Péninsule) ou le gouvernement de Séoul en font les frais. Le régime de Pyongyang ne craint rien autant, en effet, que la sobriété et l’oubli. Pour se maintenir constamment sur l’avant-scène, il se montre sans cesse à l’initiative, dans une agitation provocatrice, qui peut paraître brouillonne et qui accroit délibérément l’incertitude et le sentiment du danger. En quatre ans, il a procédé, au moins, à six essais nucléaires en total mépris du Traité de Non-prolifération, élaboré à la fin des années 1960 en tant que pilier de la stabilité stratégique. Avec la complicité – bien plus discrète – de l’Iran, du Pakistan et de l’Inde la RDPC (Corée du Nord) s’ingénie à faire table rase de toute régulation en la matière. L’ONU a voté contre elle des sanctions dont elle n ‘a cure, son souci actuel étant de mettre au point les ogives et les lanceurs qui la feront accéder au rang de puissance stratégique mondiale, capable de faire face aux Etats Unis, de faire chanter le Japon et d’acquérir une totale indépendance vis-à vis de son ‘’protecteur’’ critique chinois.

Le 1er octobre, Pyongyang affirme avoir testé un missile de croisière hypersonique dont la vitesse est censée déjouer toute parade du camp adverse. Elle a aussi annoncé avoir lancé avec succès un missile balistique après avoir testé la veille un missile anti-aérien d’un type  inédit. Tout un bouquet. A l’administration Biden qui l’avait sondé sur les modalités d’une reprise de contact (discrète), le régime a répondu vertement ‘’non’’. Réuni à la demande des Etats Unis, de la France et du Royaume Uni, le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pu que constater son impuissance actuelle ne parvenant pas à s’accorder à réagir par une déclaration commune  Paris aurait voulu que soit marquée une préoccupation face aux transgressions constatées et que les 15 membres appellent à appliquer pleinement les sanctions économiques décrétées par l’ONU en 2017. Comme toujours, la Russie et la Chine se sont opposées à toute prise de position, chose ‘’non pertinente à ce stade’’. Pyongyang peut donc poursuivre tranquillement sa mégalomanie guerrière et faire peser sur le monde le danger d’une conflagration mondiale. Pour nous égarer un peu plus, quelques jalons paraissent posés dans le sens d’un rétablissement du téléphone avec Séoul. A moins que … On a du mal à décrypter, on n’y peut rien après tout, on est même un peu lassé, donc : n’y pensons plus ?

* 4 octobre – GRRR : le ton monte !  Depuis quelque temps, le ton monte entre la diplomatie française et ses partenaires étrangers. Enorme ‘’coup de gueule’’ contre l’Australie, qui fait faux bond sur le contrat des sous-marins ; bouderie et reproches adressés à Washington, qui a frappé d’‘’un coup dans le dos’’ son plus vieil allié en le shuntant de son dispositif stratégique en ‘’Indopacifique’’ ; dénonciation furieuse de l’illégitimité de la junte malienne qui l’accuse d’un ‘’abandon en plein vol’’ tout en louchant sur les mercenaires de Poutine pour la remplacer. Dès le surlendemain de ce cette prise de bec et sans préavis aucun, un grand coup de sabre silencieux ampute la circulation des Maghrébins – souvent des parents de nos binationaux – entre les deux rives de la Méditerranée. Cette mesure unilatérale fait l’effet d’une bombe, dont Paris assume sans état d’âme l’impact humiliant et même déstabilisant. Après quelques protestations plutôt modérées des gouvernements ‘’punis’’ de façon publique, on aurait pu s’en tenir là…

Mais non. Il fallait bien que l’opinion perçoive que l’heure n’est plus aux vacheries feutrées et aux sous-entendus doucereux dans la tradition des chancelleries. Fi des traditions de discrétion et de respect des formes et des convenances ! La diplomatie française au niveau suprême se fait incisive, offensive même. A l’occasion d’un dialogue qu’il a improvisé avec ceux que l’on nomme les petits-enfants de la guerre d’Algérie, Emmanuel Macron assène coup sur coup : ‘’ l’Algérie s’est construite sur « une rente mémorielle ;  il y a une  haine contre la France, non pas de la part de la société algérienne mais du système politico-militaire. Ce système est fatigué, le Hirak (mouvement d’opposition de la jeunesse qui a fait tomber l’ex-président Bouteflika) l’aurait fragilisé. Abdelmadjid Tebboune, le président du pays, serait pris dans un ‘’système (politico-militaire) très dur’’. Enfin, pour achever le patient : La France sert de bouc-émissaire aux échecs du système, en tant qu’ex-puissance coloniale. Mais ‘’est-ce ce qu’il y avait une nation algérienne, avant la colonisation française ‘’ (en oubliant la Turquie ottomane) ? ‘’Qu’on soit les seuls colonisateurs c’est génial’’ !

Si cette plongée dans une crise aigüe avec Alger n’était peut-être pas calculée, le risque d’un tapage médiatique aura été assumé. Comment aurait-on pu garder confidentiels des propos aussi violents qui portent atteinte aux fondamentaux existentiels de l’Algérie actuelle ? Le propos aurait pu prendre la forme d’un excellent télégramme diplomatique destiné à un cercle confidentiel d’experts et de décideurs. Tous les Etats du monde se jaugent à huis clos et scrutent leurs failles respectives… mais chut ! Car, le ton mis à part, l’analyse tient la route et l’on ne peut critiquer le président français pour un manque de lucidité, du moins sur le fond. Mais, sabrant quasi-publiquement la légitimité du régime algérien, moquer ses échecs et diviser la société en trois blocs antagonistes (l’opposition au système, sans haine pour la France, les militaires dans une posture de haie et de fausses excuses et le président Tebboune, en quelque sorte ‘’otage’’ de ses prétoriens). Classiquement, le donneur de leçons un rien méprisant, est perçu comme s’ingérant dans les affaires de l’autre … ‘’de manière irresponsable’’, ajoutent les deux communiqués algériens courroucés. ‘’Conception hégémonique’’, souligne Alger, ‘’qui relève d’une vision éculée des rapports être les Etats’’. Il est clair que la déconstruction conceptuelle de l’épopée historique comme de la scène politique algériennes a quelque chose d’une intrusion, qui vous laisse à nu.

Les efforts pour arrimer ce grand voisin de la rive Sud à un ensemble euroméditerranéen à même de stabiliser la région (et de prévenir des opérations jihadistes sur le Vieux continent) pourraient s’en trouver compromis … à moins qu’on ne mise à Paris sur une chute prochaine du régime (ce serait pour le coup vraiment irresponsable !). Toute l’approche mémorielle par touches successives entreprise par trois présidences françaises pour panser et dépasser les blessures de la guerre d’Algérie parait ruinée pour un bon moment. Avec la même imprévisibilité que pour les visas, des représailles algériennes sont tombées. Outre le rappel de l’ambassadeur algérien à Paris – ce qui n’est pas rien – elles affectent des intérêts stratégiques français : l’accès au Sahel, via le ciel algérien, des avions militaires français participant à Barkhane et à d’autres opérations. Comment la brouille franco-algérienne va-t-elle être perçue en Afrique subsaharienne ? Cette France, fière de ses propos tranchants y collectionne les difficultés relationnelles, pas seulement avec le Mali. Elle n’a rien obtenue de concret, en retour de ses accès de colère contre l’Australie et les Etats Unis. Elle se heurte au Royaume Uni sur les dossiers post-Brexit (‘’give me a break’’, dixit Boris Johnson). Elle s’en prend à des partenaires plus qu’aux grands prédateurs du moment : la Russie, la Chine, la Turquie (qui -il est vrai – a absorbé quelques piques cet été). Les citoyens électeurs français aiment les postures brillantes et querelleuses et s’intéressent moins au fond. Mais doit on frapper tous azimuts ? L’état du monde est fragile et pourrait demander plus de pragmatisme prévoyant et de persistance. Juste une opinion.

* 1 er octobre – Torpilles à Kangourous. Un mois après le début de la crise des sous-marins entre la France et l’Australie, l’Union européenne annonce le report d’un mois des négociations prévues sur un accord de libre-échange avec l’Australie. La France  a déclaré publiquement qu’elle ne pouvait plus faire confiance au gouvernement australien et elle rencontre une certaine compréhension – pour un temps – du côté de Bruxelles. Le rappel de Jean-Pierre Thébault, l’ambassadeur de France à Canberra rend de toute façon difficile de traiter d’Etat à Etat comme si le contentieux était dépassé. Il n’est pas question, pour l’heure, de son retour au poste, ce qui singularise le froid de Paris avec l’Ile-continent, en comparaison de l’accalmie recherchée avec Londres et Washington. Le temps de l’expiation et de la contrition va durer un peu plus. Naval Group prépare une note ‘’salée’’ au gouvernement australien, en dédommagement de la perte du ‘’contrat du siècle’’.

Par-delà toutes ces manifestations d’humeur, une question ‘’lourde’’ se pose : la reconfiguration générale des alliances, par logique de ‘’blocs’’ géographiques, permet-elle encore de dissocier les intérêts de puissance militaire de ceux du commerce international (et de la libre circulation) ? La logique du libre-échange universel, loi absolue du commerce à la fin du XX ème siècle et credo de l’UE, n’est plus ratifiée par les peuples ni par les états-majors. Seules, les grandes entreprises et, évidemment, le secteur de la distribution, n’en démordent pas. Les récentes levées de boucliers contre les projets d’accords négociés de très longue date avec les Etats Unis et le Canada représentent un tournant stratégique. Ces accords ne passent plus. Les relocalisations se multiplient dans le sillage de la crise éco-pandémique, la proximité devient un impératif de sobriété et de santé.

Le monde nouveau se cloisonne en blocs culturels et militaires. Citons la guerre froide économique et technologique sino-américaine, les nouvelles routes de la soie chinoises destinées à escamoter l’OMC et les structures universelles du commerce, la constitution d’un bloc géant (sans les Etats Unis) en Asie-Pacifique, dont on voit bien qu’il se ferme à l’Europe (cf. la déconvenue concernant les sous-marins).

Tout indique qu’il nous faudra bientôt renoncer au steak de kangourou !