1.L – Brèves de janvier – mars 2022

* 3 février – Le Tigre chinois et la gouvernance du monde. Qui gouvernera le monde en 2022 ? La question agite autant Pékin que Washington, Tokyo, Paris ou Bruxelles. Dans une bonne partie du monde, l’année du Tigre a commencé le 1er février, jour du Nouvel An chinois. Selon l’astrologie chinoise, ce tigre-là sera d’eau, fuyant, non-maîtrisable, plein d’imprévisibilité. Également, bien dans la zoologie chinoise, avec ses dents et ses griffes. De quoi glacer le sang de ceux qui, en Occident, au Japon ou en Inde, assistent à l’irresistible ascension du géant chinois sur la scène mondiale, en se demandant où cela va s’arrêter ? Pékin plastronne en accueillant les jeux olympiques d’hiver dans un pays dompté par le dressage de ses minorités et la ‘’société de surveillance’’ pour tous. A l’international, l’Empire fait de plus en plus peur et considère ses voisins insoumis – à commencer par Taiwan – comme des rebelles à punir comme il l’a fait avec Hongkong. Revenu à une conception dichotomique et idéologique du monde, celle de Xi Jinping, le Parti paraît prêt à beaucoup sacrifier à sa suprématie éternelle et au triomphe de son chef, lors de son prochain congrès, en octobre. Bondir, tel le Tigre. Une guerre extérieure ‘’patriotique’’, n’est pas l’option la plus probable mais elle deviendrait envisageable si la population se mettait à renâcler. L’appel à la fibre nationaliste fonctionne alors à plein.

Le spectre de la récession globale due à la pandémie de COVID s’éloigne, mais les crises prochaines s’annoncent en cascade, les anciennes n’étant pas guéries (Syrie, Liban, Biélorussie, Sahel et Afrique occidentale, Caucase, Corée du Nord…) et celles ‘’ressurgissantes’’, dans le cas de la Russie face à l’OTAN, se font plus menaçantes. La pandémie mondiale a entaché l’image de la Chine, qui nie son rôle initial dans le phénomène viral, ce qui la pousse à imposer plus durement son sautorité. Pour elle, l’Occident, en déclin, n’est plus un obstacle. Il est promis à la dégénérescence et à l’effacement de la carte du monde. La Russie est perçue comme un comparse pour précipiter le phénomène plutôt que comme un allié de long terme. Pékin va observer les gesticulations militaires du Kremlin en pesant ses seuls intérêts géostratégiques. Quant aux Etats-Unis, les ferments de division au sein de leur société n’ont pas échappé aux stratèges chinois. L’Amérique de Joe Biden clame son leadership sur l’Ouest mais, politiquement, elle est affaiblie. Après le désastre qu’elle a subi à Kaboul, elle ne peut plus vraiment se lancer dans des interventions de ‘’shérif de la planète’’, même si elle en a encore les moyens matériels. Elle ne se laissera pas entraîner dans une guerre pour défendre l’intégrité de l’Ukraine et sans doute pas même dans de grands efforts pour palier l’impuissance de l’Europe.

Dans un tel contexte, le droit international et les institutions multilatérales ont perdu toute influence : le  Tigre peut bondir sur qui il veut, comme et quand il le veut. A ses yeux, la crise de la gouvernance mondiale devrait aboutir à l’effacement complet des institutions de l’ONU. En Asie, elle a commencé à les remplacer par d’autres, régionales, sous sa main. Populismes et nationalismes nationaux substitueront la Loi de la Jungle à ce qui fut, deux générations durant, les fondements de la Paix et de la sécurité mondiale. Pour Pékin, l’hégémonie du plus puissant reste compatible avec les dividendes de la mondialisation. Il y  une grande part d’illusion dogmatique dans cette euphorie de puissance. Il y a en fait un risque sérieux à sous-estimer ainsi la résistance du monde extérieur au ‘’grand rêve chinois’’ de l’Oncle XI. Qi vivra verra …

* 2 février – Yémen : guerre éternelle mais lucrative. Ukraine, Afrique de l’Ouest, Covid … : aucune démocratie n’a la tête à sauver le Yémen ces temps-ci. Cette guerre de sept ans n’est pas oubliée, elle est ignorée, niée. Comme constaté la semaine dernière, la capacité des rebelles houtistes à frapper désormais avec leurs missiles jusqu’au cœur des Émirats arabes unis et en Arabie a relancé les bombardements des villes. A l’origine un conflit civil, la confrontation entre un gouvernement sunnite sous tutelle saoudienne et la rébellion chiite du Nord s’intensifie. Riyad se venge de ce qu’elle voit comme une implication offensive de l’Iran contre la dynastie des Saoud. Tout à sa volonté de ne pas froisser l’Arabie saoudite, l’Occident détourne le regard mais prend en sous-main le parti de ses ‘’clients’’ sunnites. Riyad et ses alliés peuvent donc continuer à détruire les villes du Yémen, sans risquer les sanctions, pourtant dans l’air du temps sous d’autres cieux.

En fait, les enjeux politiques et commerciaux ont pris l’ascendant sur les malheurs indicibles de la population. L’eau manque, paralysant la lutte contre le choléra. La nourriture est hors de prix. Les soins, inabordables. Les salaires, le plus souvent impayés. La société se délite : 380 000 victimes au bas mot, des millions de déplacés, des viols, des enlèvements, des tortures, une famine méthodiquement organisée, un embargo qui empêche les organisations humanitaires d’intervenir et, par-dessus tout cela, des épidémies à répétition (choléra, Covid-19, rougeole…). Les jeunes s’enrôlent pour seulement pouvoir nourrir leurs familles, alimentant en boucle la machine de guerre. Selon l’ONU, le Yémen a produit la pire tragédie humanitaire de notre siècle. En termes de classement, le pays devancerait même la Syrie sur l’échelle des désastres humanitaires … Ce calvaire va entrer, en mars, dans sa septième année et il ne semble pas devoir connaître de fin.

Au crédit de la ‘’communauté internationale’’  (mais, existe-t-elle ?), les bombardements se seraient faits un peu moins intenses par moment et le port d’Hodeida n’a pas été complètement détruit. Mais, quelques soient les efforts des ONG sur le terrain, on ne parviendra pas à protéger et à nourrir 28 millions de Yéménites abandonnés. D’ailleurs, une forte augmentation de l’aide humanitaire ne pourrait pas faire advenir la paix. La communauté internationale répugne à faire pression sur les belligérants  et ne parvient pas même à les réunir autour d‘une table. Joe Biden a bien – du moins officiellement – mis fin au soutien inconditionnel que l’administration Trump accordait à la dynastie des Saoud. Mais le changement n’est pas vraiment perceptible…

Pour sa part, la France s’honorerait à cesser de vendre ses armes à l’Arabie-Saoudite, laquelle les utilise à l’occasion pour massacrer des civils. Ces transgressions des droits international et européen alimentent un désagréable soupçon de complicité de crime de guerre. Cela flétrit la réputation d’une puissance mondiale qui se voudrait, d’après son président, ‘’puissance d’équilibre et de paix du XXIe siècle’’.

Mais il faudrait aller plus loin : respecter le droit humanitaire, mettre fin au blocus imposé par la coalition et qui étrangle un peuple, arrêter les combats par une interposition armée, reconstruire la paix. La population est en deuil : 95 000 personnes ont été tuées et l’on estime que 85 000 enfants sont morts des conséquences de la guerre. En fait, au-delà du risque majeur d’extension régionale de la confrontation à d’autres régimes sunnites et chiites, ce déni un peu honteux d’un désastre humanitaire infligé devant nos yeux reste particulièrement choquant.  Le Parlement français a tenté, en 2020, de se pencher sur le problème mais l’Exécutif a vite étouffé sa voix, n’étant pas prêt à renoncer aux débouchés du Golfe pour son industrie de l’armement. Point barre : la question est réglée.

* 1er février – Trop dur pour y croire. Aujourd’hui, le blog de l’Ours, cite Pierre Haski, un maître en analyse géopolitique. Poutine fait ressurgir les fantômes de la guerre. Sommes nous aptes à faire face ?

 » Une guerre à l’ancienne, avec colonnes de chars et lignes de front, n’appartenait plus à notre univers mental. Or, à l’heure où les bruits de bottes russes s’amplifient aux frontières de l’Ukraine, ce risque est revenu, sous nos yeux, aux confins de  »notre » Europe, et il nous prend au dépourvu. Le maître du Kremlin en est bien conscient.

Comme tous les Européens de plus de 50 ans, j’ai grandi avec la guerre froide. Elle a façonné inconsciemment ma vision du monde. [Au point que lors de mon premier voyage de l’autre côté du rideau de fer, en Pologne dans les années 1980, je m’attendais à débarquer sur une autre planète, là où je ne découvrais en fait qu’une partie de l’Europe plus pauvre, plus triste. De même, le passage de Berlin-Ouest à Berlin-Est par Checkpoint Charlie s’accompagnait nécessairement d’une boule à l’estomac, sans doute causée par une lecture trop assidue des romans de John le Carré…] Il en fallait de l’audace pour imaginer que cette division de l’Europe disparaîtrait un jour, tant elle s’était inscrite dans nos imaginaires comme dans la géographie européenne. D’où le sentiment exceptionnel de libération à la chute du mur de Berlin en 1989, et l’euphorie – vite dissipée, hélas – qui a accompagné cette « réunification » de l’Europe.

Cette toile de fond, avec cette histoire encore fraîche dans nos mémoires, explique notre désarroi face aux bruits de bottes autour de l’Ukraine. Nous avions exclu la guerre de notre inconscient collectif. Du moins la « vraie », aux allures 1914-1918 ou 1939-1945, avec ses colonnes de chars, ses « lignes de front », le bruit de la désinformation qui, inévitablement, l’accompagne. Nous avions été traumatisés par notre impuissance lors du siège de Sarajevo et l’implosion de la Yougoslavie dans les années 1990 ; nous avons été engagés ces vingt dernières années dans des guerres lointaines en Afghanistan, au Moyen-Orient ou au Sahel ; nous avons connu le terrorisme au cœur de nos métropoles ; mais un conflit à l’ancienne, avec une puissance nucléaire de surcroît, n’appartenait plus à notre univers mental. Or ce risque est revenu, sous nos yeux, aux confins de  »notre » Europe, et il nous prend au dépourvu ».

* 31 janvier – Vive le Colonel-Président ! Le Burkina Faso, a connu, il y a une semaine, un coup d’État militaire contre le président élu (deux fois), Roch Marc Christian Kaboré. Sur toile de fond d’épidémie de putsch militaires en Afrique subsaharienne, ce pays de tradition sage a été suspendu, le 28 janvier, de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Le ‘’club’’ des chefs d’État ouest-africains se réunira le 3 février, à Accra, pour évaluer la situation et les sacro-saintes perspectives de transition politique. Les coups d’état sont bien tolérés, à condition de faire les promesses qui sauvent la face. Classiquement, la Cedeao exige aussi  la libération du président renversé, placé en résidence surveillée. Le Burkinabé semble ne pas avoir été brutalisé. Alors, faut-il en faire un drame ?

Sans doute, non. D’abord parce que cette série de coups (Mali, Guinée, Burkina Faso) ou quasi-putschs (Tchad) risque de clairsemer les rangs de la CEDEAO. Ils instaurent, en quelque sorte, une nouvelle norme à la marge : s’il y a péril pour l’intégrité de la Nation ou la sécurité de la vie quotidienne, c’est forcément la faute des présidents en place. Les forces armées nationales vivent leur propre reculade face au djihadisme comme une humiliation et leur fierté se trouve sauvegardée par l’accession au pouvoir. Ce, avec la double garantie d’un exercice long du gouvernement confisqué aux civils et de produire, ‘’en interne’’ comme ‘’en externe’’, les boucs émissaires indispensables quand les choses tourneront mal. Si les formes sont respectées – promesse d’un retour hypothétique à l’état de droit – absence de violence – maintien des engagements internationaux – respect des pairs africains – ces derniers peuvent considérer les Etats fautifs avec mansuétude et les absoudre avant même la tenue d’élections.

Le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, nouveau maître du jeu à Ouagadougou, affirme que son pays a ‘’plus que jamais besoin de ses partenaires’’, qu’il comprend les doutes légitimes suscités par son coup d’État, que le Burkina continuera à respecter ses engagements internationaux, notamment en ce qui concerne le respect des droits de l’Homme. Il est parfait. Damiba s’est en outre engagé au retour à une vie constitutionnelle normale, ‘’lorsque les conditions seront réunies’’, on ne peut être plus précis quant à l’échéancier. Ce lieutenant-colonel est, on le voit, un putschiste sage et vertueux. Parions qu’il sera vite pardonné et que le Burkina échappera aux lourdes sanctions qui frappent le Mali. Un bref passage par le purgatoire suffira, du point de vue de la France aussi, surtout si le ‘’Pays des Hommes intègres’’ devait rester fidèle à la coopération militaire française et occidentale.

Il faut dire qu’à Bamako, les errances maliennes et la dérive pro-mercenaires russes du colonel  Goïta glacent le sang des ‘’sages’’ de l’Afrique de l’Ouest. Seul dans sa course folle vers le mur, le Mali fait figure d’enfant perdu de l’unité africaine. En revanche, si d’autres juntes anti-occidentales se formaient dans la région, cela provoquerait une cassure politique du sous-continent en deux blocs. Une belle aubaine pour les ‘’fous de Dieu’’ !

Il va falloir veiller sur l’épidémie de coups d’Etat comme le lait sur le feu. Le plus troublant, dans les reportages qu’en donnent les médias, est l’acrimonie passionnelle de beaucoup d’Africains, qui célèbrent avec tapage la déposition manu militari de dirigeants civils qu’ils ont élus et même réélus. Ils crient à la France : ‘’dégage !’’.

Les Français ont, eux aussi, ont accumulé au long de leur histoire les coups de passion pour l’uniforme. Pensons aux soldats de la Révolution française investissant la Convention, à l’hystérie populaire autour du général Boulanger, au ralliement peureux des masses françaises au ‘’Vainqueur de Verdun’’, au rêve des gilets jaunes de porter au pouvoir le général de Villiers, voire à la prise de pouvoir de Charles de Gaulle, cautionnée par les Français il est vrai. La France a toujours réussi à se dégager, non sans mal, du risque de tyrannie. Face à ‘’l’ordre’’ régnant en Afghanistan, dans les réduits syriens de Daech et dans les vastes zones ‘’libérées’’ de Boko Haram, les Africains réussiront ils à en faire de même ? Pour la France, la réponse s’écrit en filigrane dans le découragement et une forte tentation de se retirer du bourbier. Basta !

* 28 janvier – L’hydre vengeresse. Avant-hier, Washington a répondu, dans les formes diplomatiques bien formelles, à Moscou, comme Vladimir Poutine l’exigeait. Le fond du message est aussi ferme que la forme courtoise est accommodante.  Tout en associant les alliés à sa réponse – leadership ‘’bienveillant’’ oblige –, l’Oncle Joe rejette catégoriquement la prétention russe de dicter à l’OTAN sa taille et sa composition en rétablissant la configuration brejnévienne de ‘’souveraineté limitée’’ dans son glacis stratégique d’avant l’implosion de l’URSS (1991). Quant à l’anathème sur toute manœuvre militaire occidentale à portée des frontières russes, ukrainiennes ou biélorusses, l’Ouest l’écarte comme ultimatum préalable à une négociation à chaud, sans refuser d’en parler en de meilleures circonstances. L’objectif d’établir une meilleure transparence entre les deux camps protagonistes, grâce à de nouvelles mesures de confiance = réciproques = est explicitement mentionné. Bien.

A terme, la Russie est invitée à reprendre les tractations sur le déploiement des armes nucléaires de portée intermédiaire ciblant les capitales ouest-européennes, dont Paris, Lyon, Marseille, etc., bien entendu sans participation aucune des Européens. On le sait, Moscou ne veut pas de ces derniers dans les affaires nucléaires ni dans le contrôle des armements. L’Ukraine n’est qu’un enjeu parmi d’autres, dans cette partie au bord du gouffre. L’axe principal de l’offensive de Poutine vise à faire reculer loin vers l’Ouest la sphère défensive de l’OTAN, ce qui hisserait dans un premier temps son pays au rang de super-puissance restaurée à parité avec les Etats Unis et dominante en Europe. Dans un second temps, la guerre hybride, les pressions politiques et militaires lui ouvrirait la possibilité d’une ‘’finlandisation’’ des anciens satellites. La tentative est en cours avec l’Ukraine et avec la Biélorussie (grâce à la soumission servile de Loukachenko). Elle s’est déjà concrétisée avec le Kazakhstan, la Moldavie, l’Arménie et une grosse partie de la Géorgie.

Le plan d’ensemble n’est pas exactement un avatar douteux de ‘’Mein Kampf’’ lisible à l’avance. Il s’agit moins de récupérer les pertes stratégiques consécutives à la chute du mur de Berlin et à la dissolution de l’URSS, que d’une prétention à renouveler un Yalta bien stalinien à l’avantage du Kremlin. Joe Biden prône une issue diplomatique mais se montre un peu shérif de l’Ouest (pistolet en main), forcément content qu’il est de retrouver un leadership que les Européens, apeurés, ne lui contesteront pas. Mais c’est quand même une bonne pâte. Imaginez le scénario actuel avec, au pouvoir à Washington, Donald Trump, l’ami de Poutine et contempteur de l’Europe, … s’il revenait en 2024 !

La France est sans doute un peu plus lucide sur les risques de la crise que la plupart de ses voisins européens. Conjointement à Berlin, Paris a pris l’initiative d’une réunion de ‘’format Normandie’’ autour de la situation aux frontières de l’Ukraine. Les Ukrainiens ont bien sûr répondu et – bon signe ! – les hauts fonctionnaires russes n’ont pas boycotté. Rien promis, ni cédé non plus. Cette formule de négociation établie après l’invasion de la Crimée et du Donbass crédibilise l’existence de l’Europe et donne à la Russie un forum ou s’exprimer sans faire rouler les chars. Pas terrible, mais mieux que rien, quand même !

* 27 janvier – Partisan contre terroriste ? Après six jours de durs combats et avec l’appui aérien des Etats Unis, les Forces démocratiques syriennes (FDS), à composante majoritaire Kurde, ont finalement repris le contrôle de la prison du quartier Ghwayran à Hassaké (nord-est de la Syrie), d’où l’Emirat Islamique avait libéré des centaines de djihadistes. Une violente attaque coordonnée avait permis à Daech de s’emparer de la prison et d’y retrancher ses guerriers armés. Plus d’une centaine de djihadistes dans et à l’extérieur de la prison y ont pris part, le 20 janvier, notamment des assaillants infiltrés. Beaucoup auraient été neutralisés; d’autres courent dans la nature avec l’obsession de leur vengeance.

Trois ans après ce qu’on avait décrit comme une suppression territoriale sans désagrégation de ses forces, la centrale terroriste a pu conduire un assaut extrêmement difficile à contrer. On savait qu’elle pouvait rebondir : elle le fait et ne va sûrement pas s’en tenir là, même si elle a subi un échec de son offensive.  Parmi les éléments dangereux non-jugés, sous la garde des Kurdes, il y aurait près d’un millier de ressortissants français.

Il y a bien sûr tout un faisceau de responsabilités à pointer du doigt dans cette affaire. Trois ‘’négligences’’ peu excusables sont à souligner :

1. l’abandon des Kurdes, menacés dans leur survie par l’armée de Bachar comme par les Islamistes armés, est essentiellement le fait de Donald Trump. L’Etat-major américain avait maintenu un petit échelon aérien, contre la volonté du ‘’commandant en chef’’. Cet échelon a sauvé la mise aux gardiens de la prison de Hassaké.

2. Le Court-termisme, devenu la règle, a conduit l’Occident à se désintéresser de la reconstitution de Daech dont tout le monde savait pourtant qu’elle était en route. Les Kurdes faisaient leur boulot de gardiens vie et les diplomaties avaient d’autres chats à fouetter.

3. Le court terme myope en politique extérieure, c’est l’électoralisme. Ces deux champs des affaires publiques sont incompatibles entre eux. La personnalisation partisane d’une crise extérieure conduit inévitablement  à une catastrophe de moyen terme. On n’a pas voulu ou vraiment essayé de mettre en place une juridiction internationale à même de juger les terroristes, dont aucune juridiction nationale ne voulait se saisir (pour surtout ne pas contrarier les citoyens occidentaux les plus méfiants ou ignorants). La France est, à cet égard coupable de ne jamais vouloir reprendre ses citoyens passibles de condamnation pour des crimes contre l’humanité : M Dupont ne veut pas les voir de retour chez lui, ni eux, ni leurs familles – pas même les nouveaux nés. Pas question, donc, qu’on les juge ! Dupont est électeur mais pas excessivement citoyen : le bon ordre du monde n’est pas son premier souci. Mais il n’est pas à blâmer. C’est la complaisance partisane à son égard de celui qui a la charge de la politique étrangère – en toute connaissance de cause – mais qui la traduit en termes démagogiques (rester populaire à tout prix, même contre les intérêts de la Nation) qui doit être dénoncée. Voilà qui est fait.

* 24 janvier – Vertiges et bords de gouffre. Drôles d’interactions entre trois continents… ou quatre ! L’Europe entrevoit la possibilité d’une guerre dévastatrice sur son territoire, si Vladimir Poutine poursuit jusqu’au bout sa volonté affichée d’ ‘’avaler’’ l’Ukraine. On en est au point où les diplomates américains quittent à la hâte l’ex-satellite soviétique devenu une cible pour une destruction massive. Les missiles nucléaires russes regagnent leurs bases en Biélorussie, avec l’armée du ‘’Grand frère’’. Pourtant, Moscou avait présidé, elle-même, au début des années 1990, à la décision de regrouper sur la terre de Russie toutes ses armes d’apocalypse dispersées dans l’empire soviétique. De beaux esprits nous rassurent : ‘’Poutine est un homme intelligent et tout à fait rationnel’’. Outre qu’on ne voit pas bien la rationalité consistant à jouer cette partie mortifère, au bord du gouffre, pour simplement prouver qu’on a du muscle et qu’on peut imposer le respect (une psychologie de racketteur de quartier HLM ou de petit maître-chanteur), on sait bien qu’Alexandre, Néron, Charles VI, Napoléon 1er ou Adolf ont été très rationnels dans la conception de leurs plans de grandeurs. C’est après avoir atteint le niveau incurable de la paranoïa que le Prince dévoile sa perversité profonde. Ladite perversité a de la gueule, de l’efficacité et du prestige : elle sera applaudie, mais saignera l’humanité.

Un point de basculement dans la tourmente est également perceptible en Afrique subsaharienne. Le continent noir est devenu un ‘’ventre mou du monde’’ comme les Balkans l’avaient été pour l’Europe. Les casernes se soulèvent, ça et là, contre des dirigeants mal élus. Tout récemment, c’est le cas au Burkina Fasso, qui s’ajoute aux putschs opérés en Guinée, au Mali, aux menaces qui apparaissent au Niger, au chaos de la Centrafrique. Les situations locales varient, mais le contexte continental est bien celui de la colère de populations mal ou non-gouvernées et celui d’une perception montante de la déferlante djihadiste, laquelle emporte tout sur son passage. Les classes politiques et les citoyens perçoivent que les armées locales, construites pour accumuler des privilèges et non pour combattre des guerriers, sont impuissantes et les militaires eux-mêmes, très nerveux.

En Syrie (peut-être un peu aussi, en Irak), Daech se refait une santé en prenant d’assaut les prisons où sont enfermés ses guerriers sanguinaires. On pourrait bientôt voir certains d’entre eux gagner l’Afrique, avec des moyens et des armes encore renforcés. Qui les arrêtera ?

La France n’a jamais été aussi désavouée en Afrique. Sa consternante impopularité doit, en partie et toujours, aux ambigüités de la France-Afrique, le cercle complaisant qu’elle a créé autour des classes dirigeantes dont elle espère obtenir la stabilité. Une chimère à l’heure ou tout bouge ! Mais, d’une certaine façon, elle paye aussi une conception africaine de la géopolitique ancrée dans le passé et qui se limite au binôme ‘’colonisation / décolonisation’’. Les Africains inquiets d’affirmer leurs droits par rapport à l’histoire ancienne, ont peu conscience des bouleversements stratégiques en cours et n’en tiennent pas compte. Ils sont en revanche sensibles aux  offensives idéologiques russe, chinoise ou turque, prônant des modèles de gouvernance présumés mieux adaptés et anticoloniaux. Il y a une grande part d’intoxication dans ces propagandes, qui néanmoins impriment les esprits. Le Mali est l’exemple le plus triste d’une course intellectuelle vers le vide. L’Occident comme les pays voisins sont voués aux gémonies. Les sanctions adoptées frappent, il est vrai, les Maliens eux-mêmes, plus que le colonel Goïta et consorts, ce qui est maladroit. Il est clair que bientôt, ni Barkhane, ni l’Europe, ni la CEDAO, ni l’ONU ne pourront protéger ce pays contre les affiliés de Daech et de Al Qaeda.

Alors, Poutine et ses mercenaires sans insignes, cadrent-ils avec l’image du sauveur ? Comme en Ukraine, on peut penser que l’autocrate russe manigance surtout un grand désordre en Afrique. Il cherche à en faire son fromage pour deux raisons essentielles : mettre la main sur les ressources minières avec lesquelles les guerriers de Wagner se paient ‘’sur la bête’’ et tenter de déstabiliser l’Europe occidentale, son besoin de stabilité stratégique, son image coloniale, ses inquiétudes sur le flanc Sud comme sur les flancs Est et Nord. La Russie de Poutine (qui n‘est pas la Russie éternelle et n’a plus de culture) peut-elle mettre en œuvre un plan d’encerclement aussi colossal, qui plus est sans lâcher contre elle-même les vannes du djihadisme ? On peut sérieusement en douter mais, comme on l’a dit et comme l’histoire de nos grands paranoïaques le montre, quand on a pris goût au jeu de la vengeance et de la force, on ne sait plus s’arrêter.

* 20 janvier – Poème russe. En introduction de son discours à Strasbourg, Emmanuel Macron a évoqué  »une Europe bâtie sur un modèle unique au monde d’équilibre entre liberté, solidarité, tradition et progrès. Il a rappelé que la construction européenne reposait sur trois promesses : la démocratie, le progrès partagé par tous et la paix. Mais aussi que ‘’l’ébranlement actuel du monde venait bouleverser ces trois promesses. Pour autant qu’il pourra y adapter le calendrier européen durant les six prochains mois, l’un de ses principaux objectifs de sa présidence européenne serait de sauver la paix, face à une probable offensive de la Russie en Ukraine. C’est noble. En prendra-t-il les moyens ?

Dialoguer avec Moscou parait un choix réaliste, si toutefois la France parvenait à se faire reconnaître du Kremlin comme un partenaire reconnu. Depuis son arrivée au pouvoir, Macron a notamment relancé à maintes reprises l’offre de partenariat, plaidant pour un dialogue ‘’franc et exigeant’’, qui, manifestement, n’intéresse pas Moscou. L’exercice ‘’n’est pas une option’’, certes, une nécessité dans l’absolu, mais cette France moyenne puissance aux intérêts globaux, capable d’intervenir militairement en Afrique et au Moyen-Orient est perçue par Poutine, sous deux angles : dangereuse et à marginaliser comme ‘’trop petite pour se mêler de tout’’.

En 2008, la diplomatie française avait, non sans ambigüité, œuvrer à un cessez le feu en Géorgie, aussitôt mis à profit par les forces russes d’invasion pour s’incruster / annexer ? les territoires qu’elles avaient occupés. En 2011, Paris a rendu la pièce à Poutine, en réinterprétant complètement le mandat que le Conseil de Sécurité lui avait confié sur la Libye. La manœuvre franco-anglaise, soutenue par les Etats-Unis, a provoqué la colère du Kremlin (comme d’ailleurs de Zhongnanhai). En 2014, Paris et Berlin ont mis au point un schéma ‘’Normandie’’ autour de la crise en Ukraine, schéma dont Poutine veut se débarrasser de la façon la plus humiliante possible pour les ‘’nains verbeux européens’’. Pas une option, alors, ce dialogue stratégique sans complaisance ? Mais pas une possibilité non plus. Au risque de choquer un tiers des Français, qui ont une appréciation positive du tyran moscovite, celui-ci voit la France et les Français comme une gêne et ressent à leur égard une profonde inimitié. Venir à lui avec un grand sourire le laisse carrément froid et sarcastique.

Alors que la tension s’accroît avec la Russie, notamment après l’envoi de troupes aux frontières avec l’Ukraine, Emmanuel Macron a raison de donner la priorité au renforcement de notre défense et à ‘’enfin construire un ordre de sécurité collective sur notre continent’’. Le construire d’abord entre Européens tient de la nécessité absolue et,  »en même temps », du pari impossible. On va progresser avec l’Allemagne, peut-être confirmer la vieille alliance militaire avec le Royaume Uni (surtout si les Britanniques arrivent à se débarrasser du bouffon du 10, Downing street), mais la culture dominante chez nos autres partenaires est plutôt celle d’Edouard Daladier : munichois. Quant à partager le résultat avec nos alliés dans le cadre de l’Otan, avant de le proposer le paquet à une négociation avec la Russie, c’est presque proposer un duel à mort entre Poutine et Biden dont les ‘’pages’’ européens seront les petits valais spectateurs. Le désaccord sur ce que devrait être l’Alliance atlantique est toujours là, même si la France, qui a réintégré les les forces communes, n’est plus le vilain petit canard provocateur de l’époque gaullienne. On la soupçonne quand même de tirer la couverture à elle, avec arrogance et de déstabiliser la Pax americana.

Bon courage donc au président français pour lancer, pendant les deux mois utiles de sa présidence tournante des 27, un réarmement stratégique de notre Europe comme puissance de paix et d’équilibre ! La paix et l’équilibre ne sont pas des obsessions russes. Seuls les citoyens de ce grand empire boiteux pourront, non sans peine, essayer de guérir paranoïa et mégalomanie d’une sphère dirigeante hors-du temps présent. Quant au bel agenda russe de la présidence européenne tournante, invoquons les icones des saints du Paradis pour qu’il se cristallise au-delà des belles paroles d’un maître de la Com…

* 19 janvier – Covid : quel début de la fin ? La communauté scientifique internationale paraît divisée sur les chances de sortir à moyenne échéance de la pandémie. Partout, les populations sont usées par deux ans d’épreuves et  d’incertitude et elles sont aux aguets d’une embellie. Non que le monde ne redevienne ‘’normal’’ mais quand même, plus vivable. Aussi, la question de savoir si la cinquième vague sera la dernière possède une portée universelle.

 L’Agence européenne des médicaments (EMA) se montre plutôt optimiste. Elle considère comme probable que la propagation du variant Omicron transforme la pandémie de Covid-19 en une maladie endémique plus bénigne, avec laquelle l’humanité pourrait apprendre à coexister. Ce variant moins virulent mais plus contagieux pourrait favoriser, du fait de ses caractéristiques, l’acquisition d’une immunité collective naturelle, possiblement planétaire. On aurait presque la tentation de frayer joyeusement avec ce virus, en plus de la vaccination, qu’il devienne comme une seconde sorte de grippe (une pathologie sérieuse mais qui n’effraie pas) et puis on passerait à autre chose.  Ça et là, des ministres de la santé évoquent ce scénario idyllique :  le début de la fin ne serait plus très loin !

Le patron de l’OMS, le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus se montrelui, bien plus prudent. Le plus grand échec et la plus grande frustration de son agence est de ne pas avoir pu remonter jusqu’au cas zéro de l’automne 2019, à Wuhan. Après avoir été choyé par le gouvernement de Pékin, l’Ethiopien a été grossièrement abusé et on ne le reprendra pas à évoquer des lendemains qui chantent. Pour lui, le variant Omicron est tout sauf bénin, à en croire le pic d’hospitalisations atteint dans de nombreux pays. Omicron continue de déferler sur la planète. Surtout, il escompte l’apparition de nouveaux variants plus létaux qui pourraient faire retomber toute tentation d’enthousiasme. ‘’ Aucun pays n’est encore sorti d’affaire’’  et il ne faudrait pas crier ‘’ouf !’’ prématurément. Les nouveaux variants… voilà un mauvais tour que peut jouer la nature ! Cette loterie virale est comme un banc de brouillard tombant sur notre avenir. Mais le propre de l’humain est d’espérer, non seulement pour soi-même mais pour autrui. On ne sait rien des possibles prochains variants dans un monde qui lui aussi se métamorphose dangereusement. Mais, Tedros, ne ruinez quand même pas notre besoin bien humain d’espoir !

* 18 janvier – Monde inégal, plaise à Dieu ! Il y a un an, l’ONG Oxfam avait calculé que les 1 000 personnes les plus riches de la planète avaient retrouvé leur niveau richesse d’avant la pandémie, ce, en seulement 9 mois. Par contraste, il faudrait plus de dix ans aux personnes les plus pauvres pour se relever des impacts économiques de la pandémie. Les 1 % les plus riches possèdent plus de deux fois les richesses de 6,9 milliards de personnes. Un an plus tard, le constat est encore plus alarmant quant à l‘impact inégalitaire des crises sanitaires, économiques et sociales traversées par l’Humanité depuis l’apparition du SRAS-Covid 2. En quelques chiffres :

* Les richesses des 1 % les plus riches de la planète correspondent à plus de deux fois la richesse de 92 % de la population (6,9 milliards de personnes) ;

* Les milliardaires du monde entier – soit 2 153 personnes – jouissent d’un niveau de richesse égal à ce que possèdent 4,6 milliards de Terriens (60 % de la population globale) ;

* Dans le monde, les hommes détiennent 50 % de richesses en plus que les femmes ;

* Les deux tiers des milliardaires tirent leur richesse d’une situation d’héritage, de monopole ou de népotisme ;

* A ce jour, près de la moitié de la population mondiale vit toujours avec moins de 5 euros par jour et le rythme de réduction de la pauvreté s’est ralenti de moitié depuis 2013.

Cinq cents milliards d’Euros ont pourtant été débloqués par la Banque centrale européenne et autant par ses homologues nationales, pour que l’économie encaisse le choc du Covid. Un plan de relance de 750 milliards y a ensuite été ajouté. Les premiers retours d’information montrent que, pour plus des deux-tiers, le bénéfice en est allé aux entreprises – largement aux plus grandes – et que la part revenant aux ménages est loin d’avoir égalé celle dévolue aux actionnaires. L’Insee démontre en effet que le corona virus a – involontairement – enrichi les seconds, tandis qu’un tiers des foyers s’appauvrissait. L’effet d’aubaine a presque doublé la croissance du patrimoine personnel des grandes fortunes industrielles. Ce n’était nullement un complot : cela traduit seulement une logique financière systémique.


Ces inégalités rapidement croissantes sont pourtant au cœur des fractures et des conflits sociaux, en Europe comme à travers le monde. Les ‘’intersocialités’’ économiques et culturelles (selon la taxonomie du professeur Badie) sont au cœur d’une majeure part des tensions qui traversent notre monde. Elles sont connues de tous en tant que réalité factuelle, mais leurs effets déstabilisateurs sont gravement sous-estimés. Un premier facteur de l’indifférence ambiante tient à la lassitude : ‘’pourquoi ressasser tout ça, qu’y pouvons-nous ?’’ Voilà bien l’égoïsme vaguement pleutre du seigneur féodal dévastant, pour son plaisir de chasser, les maigres terres agricoles de ses serfs miséreux : ‘’Dieu l’a voulu ainsi … pourquoi ferais-je autrement ?’’
A notre époque, Dieu prend le plus souvent les traits des gouvernements. Leur impuissance à protéger des peuples qui attendent (à tort) tout d’eux est le fait le plus pathétique des dernières décennies. Le vrai géni du système est conçu et propagé par les marchés financiers. Ceux-ci dictent aux entreprises leur loi, à laquelle les exécutifs démocratiques comme les dictatures doivent se soumettre, de la même façon. Or, les inégalités ne sont pas une fatalité, elles sont le résultat de politiques sociales et fiscales dictées par ces mêmes marchés et entreprises, qui tendent à réduire la participation des plus riches à l’effort de solidarité par l’impôt. Ne sont-ils pas des ‘’investisseur’’ ? Ainsi se trouve fragilisé, ‘’pour la bonne cause’’, le financement des services publics. Bien qu’essentiels pour combattre la pauvreté et soutenir l’économie, transports, éducation, santé, système de retraites…. sont sacrifiés au salut du ‘’système’’. En fait, comment faire autrement ?
Ce statu quo mortifère délite la cohésion des sociétés et suscite un peu partout de révoltes du type ‘’ gilets jaunes’’ et même des retours vers les idéologies archaïques fondées sur l’exclusion et la violence. Alors, quoi ? ‘’Plaise à Dieu’’, comme dirait l’Autre !

* 17 janvier – Malade d’être dans le monde. Maudire le drapeau européen le jour où, la France prenant la présidence de l’UE, il flotte sur la Tour Eiffel ; Inspecter un camp de rétention en Grèce pour se féliciter que les retenus soient bien traités comme des prisonniers ; demander à Bruxelles des subsides pour installer des barbelés aux frontières ; se battre pour plus de chauvinisme et d’isolationnisme à courte vue … est-ce vraiment digne du débat de politique extérieure au sein d’une des cinq puissances permanentes du Conseil de sécurité à l’approche d’une élection présidentielle ? Beaucoup de Français ont un peu honte de l’indigence du débat sur ce que la France peut apporter au monde et sur ce qu’elle en attend. Ce blog aussi. L’Ours cache son museau sous ses grosses pattes.  Et encore ! Si le débat était seulement indigent … Mais il n’y a aucun débat, juste le spectacle d’une citoyenneté étroite, égoïste, rabougrie dans sa cécité.

Les lecteurs de l’Oursgéopolitique la savent trop bien : le monde autour de nous comme chez nous est profondément détraqué. Non pas par une soudaine apocalypse mais par un emballement de crises et de menaces que nous négligeons de reconnaitre et de traiter parce que c’est trop compliqué et parce que notre méfiance en tout nous conduit au déni. La guerre qui menace avec la Russie, en Ukraine, le délitement accéléré de l’Union européenne et son impuissance dans le monde, le retour d’un condominium  de puissances agressives, véritable chance pour l’Otan, l’Hégémonisme sans âme de la Chine et sa propension à l’affrontement, notre marche arrière dans les combats pour sauver le climat et la biodiversité, la disparité face au Covid et à la misère du Nord et du Sud, etc. aucun de ces dossiers majeurs n’intéresse la vie politique française. Le réveil sera dur, fin avril, lorsque l’élu – plus ou moins nettement – des Français devra brutalement adapter à la réalité du monde son discours électoral forcément démagogique. On taillera dans le vif en nous expliquant alors  que tel ou tel ‘’traitre’’, telle ou telle malchance imprévue viennent effacer nos éphémères rêvasseries.  Pourtant, conduire un débat honnête et lucide sur l’état du pays dans le monde, la paix et la guerre, l’avenir de notre planète, les injustices qui affectent l’humanité (jusque chez nous), serait-ce trop demander ? N’est-ce pas le minimum dû aux citoyens ? Pendant la campagne en Allemagne, un effort a été accompli en ce sens par les partis. Alors, incurablement masochiste, la France ?

* 12 janvier – l’Europe flageolante Pauvre Europe ! 75 ans après sa sortie de guerre, elle reste hantée par les syndromes du partage et de la domination stratégique par deux empires extérieurs ! Certes, son seul grand succès est de s’être créée, sur ses propres ruines, pendant la Guerre froide. Nouvelle guerre froide, voulue par Vladimir Poutine, nouvel écartèlement, nouvelle dépendance… Après que l’Occident a ‘’digéré’’ l’ex-RDA et fort malmené l’appel de Gorbatchev à un apaisement du jeu géopolitique, les années 1990 ont vu une série d’initiative visant à stabiliser l’architecture de sécurité et de défense européenne.

Certaines, comme la ‘’Confédération européenne’’ de François Mitterrand – qui revenait à estomper l’OTAN dans une logique continentale – n’ont pas fait consensus. La volonté de Paris de ‘’secouer’’ la tutelle américaine a surtout inquiété ses partenaires, d’où le retour de Paris au bercail de l’Alliance, déguisé puis assumé sous Nicolas Sarkozy. Paris a joué un rôle constructif dans la révision du Traité ‘’Forces Conventionnelles en Europe (limitations par catégories et par zones géographiques) ‘’puis dans le dispositif ‘’Ciel ouvert’’ qui en assurait la vérification par des survols libres. Moscou a triché dans les deux cas. En 1997, à nouveau, avant que la Pologne ne rejoigne le bloc occidental, des garanties ont été négociées pour ne pas déployer des moyens ‘’offensifs’’ sur le territoire des nouveaux membres. Nouvel échec, dû en majeure partie aux craintes des nouveaux partenaires quant à ‘’une vengeance de l’Ours’’. On ne peut nier que la ‘’frontière dure’’ se soit considérablement rapprochée du sanctuaire russe ni que l’Ours se montre de plus en plus menaçant.


Si Vladimir Poutine et sa revendication – quasi-hystérique – de reconstitution d’un glacis stratégique à l’Ouest de la Russie, avec des souverainetés plus ou moins limitées selon la proximité et des sous-Etats ‘’finlandisés’’ (mes excuses à la Finlande) font à nouveau peur, c’est que le nouveau tsar a plongé son pays dans une ère de violence armée. Après le massacre des Tchétchènes, qui l’a assis sur son trône, la Géorgie en 2008 puis l’Ukraine (qui avait commis le crime de passer un accord de partenariat économique peu ambitieux avec l’UE), en 2014, sont passées en partie sous sa botte. Une guerre hybride a été lancée contre l’Europe, ciblant ses médias et ses institutions démocratiques. Sur la périphérie moyen-orientale et africaine, les guerriers russes sans insignes s’emploient à attiser des foyers de conflit contre l’Occident… Tout cela pour dire que l’époque est tristement révolue où l’on pouvait créditer la diplomatie russe d’accepter une certaine dose de partenariat, de discipline stratégique, au bénéfice de la paix. L’architecture de défense et de sécurité, si elle devait y survivre, ne sera qu’un trompe-l’œil pour faire reculer, quelque temps, le risque de la guerre en Europe, un Münich.

Il faut dire que tout comparse qu’il fut du dictateur russe, Donald Trump aussi a bien savonné la planche d’une Europe sans défense. Les traités de contrôle de l’armement conventionnel ont été dénoncés avec un mépris affiché pour les nains du vieux continent ennuyeux. Ces nains ont été invités à payer la note sans pouvoir compter en retour sur la protection apportée par le Traité de Washington. Il a également rayé d’un trait de plume le Traité sur les forces (nucléaires) de portée Intermédiaire, par lequel est limité le nombre des ogives russes qui ciblent les métropoles européennes. Il est, au passage, un peu curieux que les citadins européens n’aient pas conscience de cette menace planant au-dessus de leurs têtes.

Après l’expulsion, de facto par Moscou, de la France et de l’Allemagne du processus de négociation de la paix en l’Ukraine, ne reste plus aujourd’hui que les deux ex-nouveaux  »Super-Grands’’, poursuivant à Genève le dialogue de leurs vice-ministres sur l’instabilité stratégique prévalente.  »Prévalente » en Europe s’entend, sans présence des Européens (divisés) pour traiter du fond. Les positions des deux camps répétées au sein de l’OTAN puis à l’OSCE restent irréconciliables, puisqu’un continent de 500 millions d’âmes ne peut – du point de vue américain – être abandonné aux grands coups de scalpels de l’architecte stratégique russe. L’Ukraine, puis la Géorgie deviendront-t-elles des membres de l’OTAN, ce, au prix d’une guerre ? Au printemps 2008, l’engagement avait été pris par l’Alliance de ne pas donner droit à leurs candidatures. Aujourd’hui, entre nouveau Münich et nouveau Yalta, il paraît bien plus urgent de réarmer l’Europe moralement et stratégiquement. Une initiative majeure s’impose.

* 11 janvier – Trois guerres à éviter en 2022 – Russie Alain Frachon, Editorialiste au Monde, constate que la dialectique ‘’guerre ou paix’’ sera dominée, dans les mois qui viennent, par trois grandes puissances géopolitiques : les Etats-Unis, la Chine et la Russie. Dans certaines hypothèses, ces acteurs dominants entretiennent ouvertement l’option de recourir à la confrontation armée, dans les rapports de force entre nations. Aux acteurs géants du jeu stratégique est réservé le sinistre monopole des conflits mondiaux (potentiellement, tout au moins). Le seul ‘’grand’’ de la Planète privé de cette capacité structurelle, ‘’par impotence, sinon par philosophie’’ – à savoir l’Union européenne – écarte cette option et exclut d’avoir à contrer une offensive majeure à ses frontières comme dans son voisinage. Ceci, même par la dissuasion. La France est un peu l’exception à cette attitude d’irénisme tranquille.

Examinons aujourd’hui, en citant Alain Frachon (remerciements), la trajectoire belliciste de la Russie de Vladimir Poutine :

« En Europe, Vladimir Poutine impose son tempo. Son message est simple : après avoir annexé une région de ce pays, la Crimée, organisé la sécession d’une autre, le Donbass, le président russe se dit prêt à aller à Kiev et à soumettre l’ensemble de l’Ukraine. Auparavant, il a pris soin de manifester avec éclat la puissance militaire retrouvée de son pays : tirs de missiles dernier cri, capacité de destruction dans l’espace, manœuvres géantes aux frontières de l’Ukraine. Des généraux ukrainiens disaient récemment au New York Times qu’ils ne résisteraient pas plus de quatre jours à l’armée russe. Après, ce sera affaire de guérilla populaire.

L’ambition russe a été publiquement affichée le 17 décembre 2021. Poutine veut une nouvelle « architecture de sécurité en Europe » – en fait, revenir, autant que possible, à la zone d’influence russe existant du temps de l’URSS. L’OTAN doit être neutralisée et fermer ses portes à tout nouvel impétrant. L’objectif est de consigner l’ensemble en bonne et due forme au terme d’une négociation bilatérale entre Américains et Russes qui s’ouvre les 9 et 10 janvier à Genève. Bien sûr, on ne parle qu’entre grandes puissances militaires : Moscou a expressément exclu les Européens de la discussion. ‘’Négociation’’ est un grand mot. Le Kremlin a pris soin de tracer publiquement ses « lignes rouges » à l’avance, comme s’il souhaitait se lier les mains et rendre difficile la moindre concession de sa part – qui ressemblerait alors à un recul. La Maison Blanche a répliqué en faisant valoir que nombre des prétentions russes étaient inacceptables.

Peu importe que les Russes aient tort ou raison quant au sérieux de leurs griefs anti-occidentaux et peu importe qu’ils y croient ou pas eux-mêmes. Là n’est plus le problème. La Russie s’est placée dans une posture qui l’oblige à agir si elle n’obtient pas satisfaction sur ses ‘’lignes rouges’’. C’est cette situation qui compte, et qui nous rapproche de la guerre ».

* 11 janvier – Risque de guerre : l’Aigle et le Dragon L’antagonisme entre la Chine et les Etats-Unis a été, à l’origine, commercial. Mais tous les jours ou presque, de nouveaux éléments viennent alourdir le contentieux entre ces deux puissances. La rivalité a désormais envahi l’ensemble du spectre géostratégique. Technologie; puissance militaire; conquête de l’espace; hégémonie mondiale, aucune affaire mondiale n’y échappe. Les Chinois sont subjugués par le ‘’rêve’’ dont Xi Jinping a fait son programme : dépasser les États-Unis et prendre le leadership mondial dans tous les domaines. Sûrs, de leur côté, de pouvoir conserver ledit leadership et leur avance sur les autres puissances, sans doute un rien condescendants quant à la puissance réelle de leur adversaire, les Américains se sont longtemps réfugiés dans le déni. Mais Pékin dispose désormais de la plus grande marine militaire du monde et d’un arsenal stratégique qui croit exponentiellement en taille et en portée. Son hégémonie en Asie, mais aussi au-delà, à travers le maillage des nouvelles routes de la soie, sonne l’alerte. L’inflexibilité teintée de mégalomanie de la direction du Parti chinois s’impose désormais à tous les acteurs géopolitiques de la Planète . Elle ne se laisser arrêter par rien, ni par personne, au point de s’enorgueillir de ses missiles hypersoniques et de ses têtes nucléaires capables d’anéantir toutes les grandes métropoles des Etats-Unis. Certes, une performance, mais ue menace pour la Paix !


Après l’avoir trop minoré, le défi chinois obsède durablement l’Amérique. Avec la stratégie du pivot, Washington mobilise tous ses moyens pour tenter d’endiguer l’hégémonie montante de Pékin. Les répliques se succèdent : annulation de la participation d’officiels américains aux J.O de février à Pékin ; boycott de la technologie 5G chinoise et, surtout, tensions croissantes dans le détroit de Taïwan dont l’accès aux eaux internationales doit désormais être forcé par l’US Navy. Ecoutons Alain Frachon, l’éditorialiste du Monde à ce propos :


« Courant décembre 2021, le secrétaire américain à la défense, Lloyd Austin, livrait son diagnostic sur les manœuvres répétées de l’armée chinoise visant Taïwan. Elles ont tout l’air d’une répétition avant l’invasion, disait-il. Sans insister particulièrement sur ce point, le président chinois, Xi Jinping, n’exclut pas l’option militaire. Tout en reconnaissant l’unité de la Chine (nota : pas le monopole absolu du Parti communiste), les Etats-Unis se sont engagés en 1979 à fournir à l’île, qui depuis 1949 s’auto-gouverne de façon autonome, les moyens de se défendre. Cela n’oblige pas les Etats-Unis à intervenir militairement eux-mêmes, mais le président américain, Joe Biden, laisse courir une manière d’ambiguïté. A tout le moins, Pékin s’interroge sur la nature de la réaction américaine en cas d’assaut sur Taïwan ». Manifestement, Washington aussi…

L’invasion n’est pas pour demain matin, car l’Oncle Xi se doit de passer, en idole adulée des masses, le cap pour lui stratégique du 20e congrès du Parti, à l’automne. Pourtant, lorsqu’il jugera le moment favorable à l’usage de la force (l’Occident suffisamment affaibli), peu d’observateurs doutent qu’il se réfrènera. La communauté internationale – pour autant qu’elle existe – aura le plus grand mal à pardonner un assaut frontal aussi massif contre une population de 24 millions d’âmes, un crime contre l’humanité qui promettrait d’être sanglant. Après le Tibet, Tiananmen-1989 et Hong Kong-et les Ouigours du Xinjiang-2020, une telle montée en puissance de la violence contre des populations civiles achèverait de conférer au Parti-Etat l’image d’un ogre qui, l’un après l’autre, dévore ses enfants. Cela rappelle un certain dirigeant russe moustachu. Doutons que l’anthropophagie puisse pérenniser un régime politique !

* 6 janvier – Réalité alternative. C’était il y a tout juste un an : le Capitole, emblème de la démocratie américaine, était pris d’assaut par des partisans déchaînés de Donald Trump. Ces ‘’proud boys’’ et autres néo-nazis voulaient se venger des résultats de l’élection présidentielle et renverser une institution perçue comme le pilier de la démocratie américaine. Leur motivation n’était pas d’abattre d’emblée celle-ci, mais de contraindre = = par la force = = les élus, qui avaient validé le décompte électoral, à reverser le verdict des urnes.


Malgré l’échec de cette attaque, aussi brouillonne que violente, le traumatisme reste immense. Une majorité d’électeurs républicains – un bon tiers de l’électorat – se cramponne mordicus au grand mensonge du trucage des urnes. Une commission parlementaire est partie pour enquêter aeternam, sans produire de conclusion consensuelle. Donald Trump ne cesse de stimuler et d’incarner cette colère irrationnelle et peu d’observateurs doutent de sa ferme intention d’emporter la Maison blanche en novembre 2024 pour sortir les Etats-Unis des rails de la démocratie.

Le basculement de dizaines de millions d’Américains dans une réalité ‘’alternative’’ est, dans tout cela, le phénomène le plus effrayant : rien n’y fait. En substance, la vérité n’existe pas, le réel se définissant comme le ressenti voire l’exaltation d’une minorité d’acteurs. C’est le raccourci le plus court vers l’ochlocratie : la foule, chauffée à blanc, rejette les institutions et toute voix qui lui est étrangère. Elle tourne en boucle sur ‘’SA’’ réalité et n‘écoute que celui qui contrôle ses émotions. La dictature de la rue est rarement spontanée. L’Allemagne du début des années 1930 a montré comme ce genre de populisme, astucieusement téléguidé, installe la dictature ‘’au nom du peuple’’ et au seul profit du Tyran. Donald Trump exploite sans vergogne les failles du système politique américain et il est bon à ça. Qu’il capte à nouveau le pouvoir suprême, par les urnes ou par un nouveau putsch, la démocratie américaine n’y survivra pas, ni, avec elle, les libertés.


On a pas trop de mal à anticiper les effets qu’auraient sur l’Europe un tel basculement du sort de l’Occident. Le choc psychologique créé par une Amérique devenue totalitaire serait immense et la confiance dans la stabilité politique, la viabilité de nos Etats du Vieux Continent fléchirait rapidement. Ceci, d’autant plus que, derrière l’idéologie trumpiste déferlante, les idéologues et autres influenceurs anti-démocratie d’outre-Atlantique et d’ailleurs (ils sont majoritaires dans le monde) s’en donneraient à cœur joie, dans les médias, les réseaux sociaux et par pression directe sur les gouvernements d’Europe. Soutenue par des flots d’argent et par la puissance du numérique, cette ‘’occupation du terrain mental’’ européen porterait au point d’ébullition les tensions civiles préexistant déjà au sein des sociétés.

L’Europe aussi compte sa part de citoyens ‘’trumpistes’’ (ils ne revendiquent pas, évidemment, ce qualificatif) et en France, par exemple, les instituts de sondage les évaluent à un bon tiers de l’électorat, remontés en bloc contre institutions, élites, élus et valeurs de la Démocratie. Nous rencontrons tous, au quotidien, ces concitoyens qui veulent se faire une justice toute personnelle et surtout l’imposer aux autres. La dérive vers la violence d’un phénomène au départ légitime, tel celui des gilets jaunes, est une illustration saisissante du cheminement de citoyens ‘’normaux’’ depuis un ressenti émotionnel exacerbé jusqu’à des formes d’expression violentes, sans intermédiation ni débat. A cette aile droitiste fantasmant un ‘’Grand soir’’ orchestré dans la rue, s’allie une mouvance d’extrême gauche qui, dans les actes comme dans leurs résultats, apparaît comme son exacte jumelle (les militants-guérilléros passant souvent de l’une à l’autre). Au centre, l’on profite de la peur suscitée par les affrontements, non pour consolider la cohésion sociale, mais pour ajouter aux stigmates sociaux et imposer l’ordre en durcissant et même dénaturant les principes humanistes fondant la démocratie. L’électeur effarouché approuvera ces écarts et votera en conséquence. L’abstention, elle, triomphera et l’opportunisme flasque s’ensuivra, livrant le pouvoir au premier fusil qui passera.


Alors, la survie en Europe d’une démocratie qui serait veuve de l’Amérique ? Vous voyez, chers lecteurs, où l’on veut en venir et vous reconnaissez la thèse exposée. Trump n’est pas de retour, du moins pour l’heure. Des Etats-Unis de l’époque Trump au Brésil, à la Turquie, à la Russie ou la Biélorussie, à la Hongrie et même à la Chine, exposons le désastre humain provoqué par tous les régimes trumpistes ou simplement autoritaires, cruels et chauvins à travers le monde. Maintenant, imaginons un peu la sombre misère de l’Europe et de la France si l’aberration de la ‘’réalité alternative’’ s’imposait à nous comme LA vérité unique qui nous serait dictée. Brrrrrr !

* 5 janvier – Tournez Kazakhs ! Le président du Kazakhstan, Kassym-Jomart Tokaïev, a décrété l’état d’urgence pour 15 jours, à Almaty, capitale économique du Kazakhstan et dans la province de Mangystau. Il a aussi limogé, mercredi, le gouvernement du Premier ministre, Askar Mamin, en réaction aux manifestations monstres qui agitent, notamment, la province d’Almaty. L’origine des troubles semble être la hausse soudaine des prix du gaz. La région pétrolifère de Mangystau dépend économiquement du GNL, pour les transports comme pour le commerce alimentaire déjà affectés par la crise du coronavirus.
Un groupe de manifestants aurait pénétrer dans un bâtiment ministériel. Plus de plus de 200 arrestations ont été opérées. La veille, les autorités avaient tenté de calmer le jeu en concédant une réduction du prix du GNL, le fixant à 50 tenges (0,1 euro) le litre, contre 120 au début de l’année. Cela n’a pas suffi. Il est fort possible que ce foyer de contestation soit maté par une vigoureuse répression policière. Mais celle-ci risque aussi de politiser et donc de pérenniser les troubles, à plus long terme.

Après la révolution orange de 2014, en Ukraine, le soulèvement de la population en 2020, en Biélorussie, la guerre autour du Haut Kahraba entre Arménie et Azerbaïdjan, l’on constate une désagrégation rampante de ‘’l’Etranger proche de la Russie’’, devenu instable. Le Kazakhstan est, dans ce glacis, le principal élément constitutif à l’Est de la Fédération. Son territoire est immense, incomparable aux autres ‘’républiques d’Asie centrale’’. C’est aussi un voisin et partenaire économique de la Chine. Ses riches ressources comme ses infrastructures sont d’importance stratégique. Pour moitié, sa population est composée de Russes ethniques. C’est donc un nouveau coup du sort malvenu et très sensible pour Moscou. Attendons voir…

* 4 janvier – Nouveau Yalta, ‘‘façon Staline’’ ? Les présidents russe et américain ont eu, le 30 décembre, leur deuxième conversation téléphonique en un mois, à la demande du Kremlin. L’étape suivante sera un face à face, à Genève le 10 janvier toujours à propos des menaces sur l’Ukraine en Ukraine. Le contact ne pouvait, par magie, apaiser les tensions résultant du déploiement par Moscou de plus de 100 000 militaires le long de la frontière russo-ukrainienne. Sans pouvoir encore demander à Joe Biden que l’Ukraine lui soit rendue, Vladimir Poutine exige qu’elle ne soit pas défendue par l’OTAN contre les menées russes et le droit d’en faire un élément d’un ‘’glacis stratégique’’ russe reconstitué. Le Kremlin veut se persuader que Kiev a perdu sa souveraineté et s’est mise aux ordres de l’ambassade américaine. Telle est, d’ailleurs, la perception majoritaire de la géopolitique en Russie, celle d’un monde à l’heure de Yalta, partagé en sphères d’influence.


En corollaire, Moscou, cherche à se dégager du ‘’format Normandie’’, réunissant les chefs d’Etat français, allemand, russe et ukrainien pour trouver une issue à la guerre dans le Donbass. En quête d’un rétablissement de son statut ancien de grande puissance, le Russe ne s’adresse plus ni à l’OTAN, ni à l’Europe, mais prétend désormais redéfinir, avec son seul rival (égal ?) américain, l’architecture de la sécurité européenne. Sans l’Europe, donc, envers laquelle Moscou affiche son mépris. ‘’La Russie discutera avec ceux qui sont réellement capables d’influencer la situation. Nous proposons des négociations sur une base bilatérale avec les Etats-Unis. Si nous impliquons d’autres pays, nous allons tout simplement noyer tout cela dans le débat et le verbiage’’.

Deux semaines après avoir posé ses exigences, sous forme d’un Traité entre Super-Grands, Poutine dicte à Washington, à la façon du ‘’petit Père des peuples’’ un partage géostratégique de l’Europe. Il paraît fort proche de celui de 1944 et traduit une constante de la vision russe. Mais avec un levier de pression redoutable. Outre l’Ukraine et la Géorgie, les pays baltes et même la Pologne sont en droit de se sentir visés.
‘’ Le résultat du travail conjoint devrait être de solides garanties juridiques excluant l’élargissement de l’OTAN vers l’est et le déploiement de systèmes d’armes offensifs à proximité immédiate des frontières russes’’. Il y aurait ‘’rupture complète des relations russo-américaines’’, si devait être commise la grave erreur d’introduire des sanctions à grande échelle contre la Russie, en cas d’escalade autour de l’Ukraine’’.
Suivront des réunions, en janvier, entre la Russie et l’OTAN, à Bruxelles, le 12 janvier et avec l’OSCE, le 13. L’affaire ne débouchera pas dans ces instances mais on peut compter sur la diplomatie militaire de la Russie pour tenter d’enfoncer des coins entre Washington et les 26 de l’UE. Pauvre Josep Borrell ! Toujours, pour la diplomatie européenne c’est toujours le même handicap lancinant à se faire reconnaitre.

L’agenda 2022, déjà bien chargé de dangers, n’échappera pas à la lourde hypothèque russe… nouveau rappel de l’inconsistance européenne.

2022, sans sac de nœuds ! L’Ours vous accompagne dès l’An Neuf