La période pré-électorale est, chaque fois, l’occasion de faire rebondir les vieilles lunes et cette année, avant le scrutin départemental, nous avons été gâtés… Les éternelles propositions du Front National pour un rétablissement de la peine de mort à la suite d’un référendum se sont étalées à l’envi dans les médias sans qu’aucun journaliste n’ait, lui, le front de répondre à Madame Le Pen!
Aucun journaliste, d ’ailleurs, n’a l’air très au fait des ratifications des traités internationaux (2 européens et 1 onusien) interdisant le retour à la barbarie, sauf à quitter l’Union Européenne et abandonner le siège de membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies. A partir de là, 2 hypothèses se dessinent – aussi peu glorieuses l’une que l’autre – ou Madame Le Pen est ignorante ou elle est hypocrite… C’est donc à nous, membres de l’ACAT, de monter au créneau pour réaffirmer l’impossibilité de revenir en arrière, d’autant que le courant actuel va dans le sens de l’abolition! Car, même si les habituels pays exécuteurs ont fait du zèle en ce début d’année, l’abolition progresse.
Les inconditionnels de la mise à mort se sont lâchés sur les 5 premiers mois de 2015
– en Arabie Saoudite, le nouveau roi Salman (79 ans!) installé depuis le 21 janvier 2015 aura déjà eu droit à 90 décapitations en 5 mois soit plus qu’au cours de toute l’année 2014 (84) ;
– le Pakistan a levé le moratoire existant en décembre 2014. Depuis cette date, 100 condamnés ont été pendus. Quant à la Jordanie, qui, elle aussi, a levé son moratoire en décembre 2014, elle a procédé à l’exécution de 2 djihadistes en représailles après le meurtre particulièrement odieux d’un de ses pilotes brulé vif par l’EI (état islamique) en février ;
– l’Indonésie a aussi fait la une de l’actualité avec les condamnés fusillés pour trafic de drogue: 5 étrangers et 1indonésien le 18 janvier, 7 étrangers et 1 indonésien le 29 avril. La mobilisation
internationale a été très importante contre ces vagues d’exécutions, en partie en vain, hélas.
Le grand problème du nouveau président indonésien Joko Widodo est de ne pas savoir combattre la corruption massive qui gangrène le pays. Il est évident que certains verdicts ont été achetés. Dans le cas de Serge Atlaoui, il est intéressant de noter que le propriétaire indonésien de l’usine (où Serge avait été embauché pour ses compétences de soudeur) voit son cas trainer des années durant devant la cour d’appel alors que l’avocat général veut faire exécuter Serge le plus vite possible! 2 poids, 2 mesures! En toute inéquité…
Bien évidemment, la Chine, l’Iran, l’Irak ou les Etats-Unis continuent à exécuter. Mais les lignes bougent!
Ainsi aux Etats-Unis : le Nebraska, état conservateur, est devenu le 19ème état abolitionniste le 27 mai 2015, le gouverneur de Pennsylvanie a décidé d’un moratoire et le ministre de la Justice, Eric Holder, s’est prononcé pour un moratoire fédéral.
Le 13 février, les Iles Fidji sont devenues le 99ème état abolitionniste pour tous les crimes.
Au Suriname, ce sont les parlementaires qui, le 3 mars, ont voté l’abolition de la peine de mort lors des débats relatifs à l’adoption du nouveau Code pénal. Déjà en décembre, le Suriname avait voté pour le moratoire lors de l’Assemblée Générale des Nations Unies.
Sans oublier le Togo où, le 21 janvier, le Conseil des Ministres a adopté un avant-projet de loi autorisant la ratification du 2ème protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques, en vue de l’abolition de la peine de mort.
Bernadette Forhan
(présidente de de l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture – ACAT-France – depuis 2018)