D’un désamour envers les « gentils » Occidentaux

Ours cowboy

Nous pataugeons au milieu d’une ‘’guerre’’, est-ce d’ailleurs le mot juste ? Elle a été ouverte par des écorchés-vifs, manipulée par de lointains commanditaires, greffée sur un fond de rancœurs historiques imprécises et fantasmées. Voilà où nos en sommes et pour ceux d’entre nous qui auraient manqué quelques épisodes de la série  »Désamour », un rappel de cette suite de cafouillages géopolitiques peut s’avérer utile.

L’arrière-plan moyen-oriental de ce sac de nœuds est si pregnant que les méfaits du jihadisme en Europe – qui nous concernent et donc nous frappent – n’en constituent qu’un vulgaire épiphénomène. En d’autres termes, s’il fallait une génération et plus pour rétablir un semblant de stabilité dans ce Levant-Orient ‘’en fusion’’ et si compliqué, nous autres, voisins Européens, resterions tout ce temps-là exposés aux effets collatéraux de la  »guerre sainte ‘’ fratricide’’ entre Sunnisme et Chiisme totalement étrangère à nos préoccupations habituelles. Autant le savoir et s’organiser durablement, dans la vigilance et la neutralité. Avec un peu de chance, nous pourrons mieux contribuer, un jour, au retour de la paix.

– L’affrontement des deux grandes branches de l’Islam remonte aux tout premiers califes (7è, 8è siècles). Sur les dix successeurs de Mahomet, on ne sait trop lequel a réchappé de l’assassinat. La violence a été largement consubstantielle à l’expansion guerrière de l’Islam comme la prospérité, l’épanouissement des siences et le raffinement culturel doivent à son rayonnement intellectuel, qui, déjà au VIII è siècle avait débordé sur l’Europe. Notons que celui-là hautement pacifique. Après tout, l’impérialisme chrétien à travers le monde n’a pas été plus doux, moins ambivalent (Colomb, Cortès, le colonialisme) et, lui aussi, a connu des schismes sanglants. La bizarrerie est que sort fatal réservé, par le camp majoritaire sunnite, à Ali et à Hussein continue = = quatorze siècles plus tard = = à attiser les hégémonismes régionaux sur un terreau oriental politico-religieux ! De nos jours, cet acharnement séculaire met aux prises les monarchies du Golfe et, en face, l’Iran et tous ses alliés chiites, alaouites, etc.

– Cette ferveur vengeresse s’est fortement aggravée, en conséquence guerre d’agression déclenchée par Saddam Hussein contre l’Iran (1980-1988), laquelle a vu l’indicible : l’utilisation d’armes chimiques contre des populations (Chiites). L’opération américaine de 1991, au secours du Koweït puis celle de 2003 ont fait déborder l’aiguière, lorsque l’administration américaine a carrément épuré la composante sunnite du pouvoir en Irak – minorité au gouvernement. En précipitant les anciens cadres du Pays dans la lutte armée contre Oncle Sam et contre le pouvoir Chiite qu’il avait installé à Bagdad, l’Amérique boy-scout de M. BUSH-fils a commis une bien fatale erreur !

– Ces Sunnites furibards (en tout cas, beaucoup d’entre eux) se retrouvent maintenant au sein du prétendu  »Etat Islamique », qui porte en arabe le nom d’une lessive (Dash). Ce sont eux que l’on voit entraîner un millier de jeunes Français à faire sauter des bombes et à prêcher à la kalachnikov. En Syrie, où les Alaouites affrontent Sunnites et démocrates avec un degré de soutien ambigu des Chrétiens, la guerre des jihadismes a dégénéré en folie meurtrière générale, au grand profit du régime tortionnaire de Bachar Al-Assad. Comme il est rassurant de voir ses plus farouches adversaires s’entre-tuer entre eux ! Certains de nos enfants égarés perdent la vie au nom de cette perverse géopolitique-là. Le Liban, saturé de réfugiés et fragilisé par son communautarisme, tient difficilement la corde. Nous pataugeons entre deux attentats.

– Attentats jihadistes contre drones armés :
Dans ces conflits régionaux confus et imbriqués, le foyer vibrant du martyr et de la vengeance (haine ?) finit toujours par affronter l’école politicienne des exécutions discrètes, froides et plus ou moins ciblées. Vous l’avez compris, c’est l’Orient contre l’Occident et il est triste de constater encore et encore le retour du même schéma : le mode terroriste apparaît dans tous les conflits dits  »asymétriques », entre Etats et groupes armés plus ou moins clandestins. Le recours à la violence la plus aveugle, celle qui créée la terreur, ‘’compense’’ l’infériorité sur le champ des armes. Comme pour toute guérilla, le mode opératoire terroriste convient aux minoritaires, aux archaïques, qui entendent soumettre à leur rage la population principale.

– La mobilisation, par les Etats arabo-musulmans (ou ce qui en tient lieu), d’alliés étrangers et occidentaux n’y changera rien (selon l’Ourson). Elle leur aliène même les populations locales, en même temps qu’elle s’avère toujours trop coûteuse en hommes, en risques politiques et en crédits financiers et, en même temps, éminemment corruptrice.

– La ‘’contribution’’ occidentale réside donc dans une technologie de défense ‘’propre’’’, protégeant ‘’l’opérateur-assaillant’’ en le tenant à longue distance de ses cibles (islamistes). Ce sont les drones tactiques armés, utilisés, depuis une dizaine d’années, dans une guerre du renseignement et de l’exécution extrajudiciaire très sournoise. On la perçoit – à peine – au-dessus de Gaza mais aussi au Yémen, au Pakistan et en Somalie. Pour ceux qui ont le malheur d’être désignés ou choisis par la machine comme cibles – assassinats  »cousus-main », par surprise, voire par erreur – le procédé paraît d’une lâcheté absolue. On aurait tort de sous-estimer le cycle de vengeance généré par l’emploi d’un tel type d’armes ‘’déloyales’’ dans ces zones de culture empreintes de passion et d’un sens de l’honneur rétro. Dans sa culture ‘’islamiste’’, le martyr ceinturé d’explosifs s’impose, lui, en héros affrontant, avec courage, à la fois l’ennemi et la mort.

– C’est aux bourreaux de ces centaines de milliers de victimes proche-orientales que nous devons aussi l’irruption chez nous du jihadisme. Merci ! Nous autres, Européens, ne nous situons qu’à la frange du séisme, loin de la faille principale où tout se joue par les armes, par le sang. Dans ce drame qui nous dépasse, nous n’avons d’autre option que de surtout ne pas prendre un camp et de serrer les rangs, nos plus larges rangs, s’entend.

– L’escalade entre ‘’croisés’’ et ‘’jihadistes’’ fait flamber la rancœur et nourrit le cycle de la violence imbécile.
Sans remonter aux croisades du Moyen-âge ni à la colonisation du XIX ème Siècle, les guerres d’Afghanistan – celles qui ont marqué notre époque – sont le point 0 du séisme. Elles ont connu leurs premières convulsions en décembre 1979, avec l’invasion soviétique. L’engrenage s’est mis en marche avec la mobilisation, par la CIA américaine, de combattants arabes étrangers (jihadistes) contre l’Armée Rouge. Cette n ème croisade a donné naissance, à son tour, dans la Péninsule arabique, à la franchise Al Qaida (aujourd’hui AQPA), nourrie du terreau aride wahhabite. La haine de l’Occident s’est alors propagée dans l’aire entière de l’Islam. La nébuleuse s’est vite retournée contre ses commanditaires comme contre les intérêts occidentaux. Sur l’échelle de la provocation débile, le culte imbécile voué au soit disant ‘’martyre’’ Ben Laden dépasse de loin en impudence les cartoons sans finesse des humoristes occidentaux, malmenant le Prophète.

– Parallèlement, une manœuvre des services de renseignement du Pakistan (ISI), désireux de s’approprier un levier en Afghanistan face à l’Inde et aux Etats-Unis, a fait naître le tristement célèbre mouvement taliban. Parvenus au pouvoir à Kaboul, entre 1996 et 2000, avec le cortège d’horreurs que l’on sait, les ‘’étudiants (analphabètes) en Islam’’ ont torturé un peuple de morts-vivants, en retournant leur fiel contre tous les acteurs extérieurs : sanglants attentats au Pakistan, ciblage de l’ONU et des ONG en Afghanistan, rejet mortel de tous ceux qui n’appartiennent pas à leur ethnie Pachtoune ;

L’attentat de Manhattan du 11 septembre 2001, a constitué le moment du paroxysme pour Al Qaida. Il a déclenché, comme Ben Laden l’espérait, une réaction implacable et fortement idéologique dans la classe politique américaine. Le Patriot Act a réduit drastiquement les libertés civiques et exposé les étrangers à un espionnage systématique. La réintroduction sournoise de la torture dans l’arsenal répressif américain s’est faite au prix d’une énorme arnaque juridique et d’une totale opacité des opérations menées. De vraies horreurs ont été délibérément commises à Abou-Ghraïb et à Bagram comme à Guantanamo, laissant sur le carreau des ‘’damnés’’vêtus d’orange, non-jugeables et non-libérables. Les vols charter de la CIA de 2005-2006, enfin, ont sous-traité la torture à des pays alliés et achevé de nous discréditer tous.

– Mesurera-t-on jamais à quel point la brutalité américaine a fait l’unanimité contre elle et causé la fureur dans tout le monde arabo-musulman ? Un milliard de croyants en a été humilié. Faut-il s’étonner de voir ces récits de guerre et de torture renvoyés à la face de l’Occident, sans tri aucun, par de jeunes exaltés, plus ou moins manipulés. Un retour de boomerang hautement prévisible. Et voilà les Français (dont l’Ourson) perçus – à tort ou à raison – comme  »les petits frères d’arme de l’Oncle Sam », gendarmant consciencieusement le monde musulman. Contre ‘’l’islamisme’’ (quel sens ?), l’ONU et l’OTAN et les Etats-Unis ont entrepris une croisade légitime et légale en Afghanistan. La légitimité ne dure pas si longtemps. A l’heure d’abandonner le terrain piteusement, ces institutions reconnaissent avoir payé très cher leur intervention. Désormais, elles cherchent surtout à camoufler leur échec.

– Lorsquen mars 2003 Georges W. Bush Jr a lancé son improbable coalition américano-occidento-musulmane à l’assaut du régime de Saddam Hussein, il a entamé une guerre en Irak sur la base d’un motif fabriqué : la présence – jamais prouvée – d’armes de destruction massive. Ces armes avaient existé mais avaient été retirées. Le cauchemar s’est reproduit, à l’échelle d’un pays nettement plus grand et avancé que l’Afghanistan et donc avec un retentissement plus fort. La résonance à travers l’Oumma musulmane a été à la hauteur de l’énormité des faits. Le retrait occidental, est intervenu – quelques mois seulement – au terme d’une ribambelle d’erreurs cardinales et de préjudices immenses portés aux populations civiles. Depuis la fin de 2014, ce sont les enragés fabriqués par la croisade américaine, que nous combattons en Irak (où les Français n’étaient pas), mais pas en Syrie, où la mort règne en maître. Ce gâchis désolant a été planifié par les inventeurs fous et malfaisants de la ‘’diplomatie transformatrice’’ (transformer les étrangers, contre leur volonté). l’escroquerie intellectuelle du siècle. De même, les prédations effectuées au profit du juteux ‘’war business’’ privé (Halliburton, Blackwater et d’autres encore) ont ouvert la voie à la mêlée sanglante : Sunnites (parrainés par l’Arabie, les EAU et le Qatar) contre Chiites (appuyés par l’Iran, la Syrie, le Hezbollah libanais), démocrates contre terroristes, fous et gangsters contre n’importe qui et inversement.

L’opération franco-britannique de novembre 2011, en Libye, est loin d’avoir calmé le jeu. On aurait pu s’en tenir à protéger la population encerclée à Ben Ghazi, comme la résolution de l’ONU, adoptée à notre initiative, nous le dictait. Que nenni ! Nous nous en sommes pris frontalement au dictateur et à son régime puis nous sommes partis soudain, laissant derrière nos avions des monceaux de ruines, une guerre civile interminable, des institutions étatiques disparues et des arsenaux d’armes ouverts à tous les trafiquants du Sahel.
Quoiqu’indirectement, cette intrusion a puissamment contribué à la prolifération du jihadisme combattant, de la Mauritanie jusqu’au Nigeria. ‘’Croisés’’ malgré nous, face aux protagonistes ‘’islamistes’’ (je n’aime pas ce mot dans lequel chacun met ses préjugés), nous voilà désormais enlisés au Mali, au Niger, au Tchad, au Cameroun, pour réparer les dégâts, et même en Centrafrique. Nous jouons bel et bien un rôle de gendarme aussi utile qu’incompréhensible au bédouin bien accroché au terrain, agressé dans ses traditions.

– Ajoutons à tout cela le cas du Nigeria (opérations de renseignement contre Boko Haram), le Yémen, la Somalie et le Pakistan, autant d’états fragiles en voie d’éclatement où pleuvent les drones armés de la CIA. On comprend comment l’Occident, par sa maladresse, son cynisme, sa puissance armée et financière, a créé des centaines de millions d’écorchés vifs, des générations futures de fous de Dieu virtuels. Nous mesurons très mal ce puissant ressentiment à notre égard, engoncés comme nous le sommes dans notre îlot privilégié de paix et de prospérité. Il va falloir apaiser beaucoup de monde. Et cela, il n’est pas certain que M. (je suis) Charlie ne l’ait clairement mesuré./.

Ours cowboy-fâché

Nota : le mot  »jihadisme » est à comprendre dans son sens commun actuel

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