Samedi 10 décembre, sur le parvis des droits de l’Homme du Trocadéro, à Paris. A deux mille kms de là, une population de quelque 100.000 habitants, martyrisée, en voie d’être décimée, en pleine descente aux enfers, recroquevillée dans une ville-cimetière, bombardée, exterminée, réduite en cendres.
Pour le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, c’est »le crime contre l’humanité sur la plus grande échelle qui a été commis depuis le seconde guerre mondiale ». Le Conseil de sécurité de l’ONU a tenté d’adopter, en vain, trois résolutions successives pour permettre aux habitants civils de s’extraire de la nasse. Moscou, Pékin, Téhéran et dix autres Etats s’y sont opposés. Dix ministres des affaires étrangères, »amis de la Syrie », se réunissaient à Paris, ce même 10 décembre. Américains et Russes poursuivaient, à Genève, leur dialogue de sourds.
Impuissance coupable : ce sont dix, cent Srebrenica * qui broient, sous nos yeux, des femmes et des enfants, au fil des »tris » brutaux opérés par les bourreaux du régime. Les hommes en âge de combattre, sont torturés puis achevés; les femmes, les vieux, les enfants, sont brutalisés comme »complices ».
Au Trocadéro, nous sommes une dizaine, de l’ACAT, de la CIMADE, des Restos du coeur ou simples citoyens concernés à titre individuel, à porter notre conscience humaine et notre chagrin. Des amis nous ont confié les leurs et ils sont aussi là, par procuration. Nous avons les 30 articles de la DUDH en poche ainsi qu’un témoignage, paru dans le Monde de la veille, écrit par un survivant de Srebrenica, horrifié par le carnage d’Alep. A nos pieds, le sol du parvis est gravé d’une citation du père Joseph Wresinski sur l’universalité des droits de l’Homme. Devant l’appareil photo, on sourit, bien sûr. Le lieu et le jour ont en effet leur signification : ce 10 décembre est le triste 68 ème anniversaire de la Déclaration – Universelle (!) – des Droits de l’Homme, adoptée, ici-même, au Trocadéro. Alep meurt. Nous reviendrons l’an prochain sur le parvis.
* Srebrenica, ville musulmane de Bosnie, où quelque 8500 habitants ont été exécutés en masse par l’armée bosno-serbe du général Mladic, en juillet 1995, après que le détachement de casques bleus de l’ONU ait renoncé à les protéger. C’était alors »le plus grand crime contre l’humanité » perpétré depuis 1945. C’était avant Alep.