Décidément, l’Ourson Géo abuse des titres ésotériques et inquiétants…
Vous souvenez-vous d’ « Ali le Chimique », ce fidèle serviteur de Saddam Hussein ? Les Allemands (groupe chimique BASF) n’étaient pas finots, en 1988, de lui avoir vendu certains précurseurs chimiques qui lui ont servi à gazer à mort plusieurs milliers de Kurdes, à Halabja, de même que certaines populations chiites du Sud, en diverses occasions.
– Mais, passons vite au nucléaire. Qui donc a donné l’arme nucléaire – officieuse – à Israël ? On dira Guy Mollet, pour ne pas pointer « le gouvernement de la France ». En effet, l’Hexagone est un membre actif et respecté du Nuclear Supplyers Group (NSG), lequel assure le contrôle le plus strict sur ce type d’exportation high-tech, précisément, pour empêcher toute prolifération vers le secteur militaire. Que dire alors, en Irak, de l’épisode « Osirak » qui vit, en juin 1981, un réacteur nucléaire tout neuf, de technologie française, bombardé et détruit (ouf !), par les avions Israéliens : il vaut mieux se faire platement oublier sur ce coup-là, tant le pays natal n’a franchement pas été clair.
Il y a toujours pire, certes, tel le cas de ce M. Abdul Khader Khan, père de la Bombe pakistanaise (1998). Ce retraité du nucléaire devint, dans les décennies suivantes, tenancier d’une superette H (bradant la bombe H). Une réduction de 20 % était consentie quand la charge militaire n’était plus de toute première fraîcheur mais toujours « consommable ». Le brave homme, héros national adulé, avait vendu à Mouammar Kadhafi, à Kim Il-Sung et à quelques autres la « mort en fusion », en kit, avec missiles, avec rabais. Comme Saddam Hussein, Kadhafi a rendu ses jouets, peu avant de se faire repérer par l’armée de l’air française en octobre 2011, puis « débiter » au sol, en fines lamelles, comme on sait.
– Entre-temps, Kim, fils et successeur de Kim, lui-même fils et successeur du Kim précédent, avait appris la leçon du possesseur d’arsenal: ne jamais mollir ! On s’attend à tout moment à ce qu’il teste sa 6 ème bombe expérimentale, en même temps qu’il essaime dans l’azur, par grappes de cinq ou six, ses lanceurs Taepo-dong, à même de livrer « la charge » sur Guam, Hawaï ou sur la Californie, sans négliger la Corée du Sud et le Japon « ennemis ». La 7ème ogive restera-t-elle sagement stockée dans un silo, avant que le Dieu vivant, Kim Jong-Un, n’enfonce négligemment le bouton, dans un moment de susceptibilité ?
– Le super-marché pakistanais détient l’arsenal indiqué pour vitrifier l’Inde et une bonne moitié de notre planète. Mais il se montre bien plus sage et courtois, en ne nous menaçant pas, matin, midi et soir de vitrification collective. Ne parlons pas de l’Inde, nucléarisée par « contournement du droit », mais tellement respectable, par ailleurs, qu’il serait indécent de le lui rappeler.
– Respect à part, on craindrait plus les arrières-pensées de l’Arabie Saoudite, absorbée comme elle l’est dans une lutte à mort, contre l’Iran, pour la domination de la région et de sa branche de l’Islam. Riyad compte beaucoup sur le petit frère pakistanais pour faire donner la »bombe islamique » (sunnite), face à celle des ayatollahs (chiites). Cette dernière n’est peut-être pas encore opérante, mais Téhéran pourrait achever de la bricoler en quelques mois, au cas où… En attendant, l’une et l’autre capitales ne répugneraient pas à traiter chimiquement les perturbateurs qui les gênent : houthis du Yémen, s’agissant du Roi Salman; Armée libre syrienne et tout ce qui gravite autour, pour les pasdarans iraniens. Une somme de déflagrations à anticiper… pas loin de nous autres.
– Mais, j’oubliais : la Turquie, ex-démocratie « boostée » en califat, aux prises avec tous ses voisins, surtout avec les ethnies non-turques ou non-sunnites, cèdera-t-elle, à son tour, à la tentation d’utiliser des armes interdites contre tous ces importuns ? Le Sultan, dont l’autorité confine au divin, ne plaisante jamais avec ses voisins. Imaginons que, par inadvertance, le Syrien Bachar l’irrite au moyen de quelques aérosols de V-X ou de sarin. Il est plus que probable qu’en retour, Damas se prendrait prestement quelque volée d’ogives sur le nez. De quoi amener les armées américaine et russe, guerroyant sur le sol de ce malheureux pays, à se frotter l’une à l’autre assez méchamment. Après un ou deux porte-avions coulé(s), d’un côté (un nouveau Pearl Harbor !), et une ou deux bases militaires – dont Tartous – réduite(s) en cendres, de l’autre (cynique agression occidentale !), l’OTAN – tremblotante – appelée à la rescousse, la Chine pariant sur le pire et bloquant à cette fin le Conseil de Sécurité, Poutine blessé au tréfonds de son machisme géostratégique, Trump savourant, par avance, une « victoire totale, par l’assèchement du marigot moyen-oriental » (bon pour sa réélection, en 2020), les Européens terrés au fond de leurs caves à vin et en proie à une méchante déprime… où irait-on ? L’Ourson Géo se refuse à en dire plus car, en toutes circonstances, l’espoir doit persister.
Après quelques « échanges » de mauvaises substances, quelle ampleur pourrait atteindre la fuite effrénée, vers notre Europe – intacte – des exilés, désespérés, gazés, vitrifiés et torturés de tous horizons ? Réponse : des millions ¤, des dizaines de millions ¤, des centaines de millions ¤, des milliards ¤ ? (prière de cocher la case appropriée, pour édifier l’Ourson)…
– En fait, chers amis, les armes de destruction massive (ADM) – nucléaires – chimiques – biologiques – machines-outils et réacteurs biochimiques conçus pour (re)produire ces armes hors-la-loi – forment une seule et même famille abominable. Pour cette raison, dans la doctrine de la France, une agression chimique ou biologique de grande intensité appellerait une riposte nucléaire immédiate. L’inverse est tout aussi possible, dans le mode opératoire d’autres pays. Signalons que, sous parrainage russe et après avoir déjà – oh combien ! – pêché, le régime syrien s’est, depuis 2013, « volontairement » et officiellement rangé des brancards, dépouillé de ses armes interdites, détruites en se plaçant sous l’autorité du Traité d’interdiction contrôlé depuis La Haye. Petit mensonge,… ou grand crime potentiel contre l’humanité ?
Plus de 25 pays de par le monde, sur au moins trois continents, ont atteint le « seuil » nucléaire,, ce qui leur permettrait de détruire totalement un adversaire et sa population, dès une première frappe unique, en misant sur l’effet de surprise. Quant au nombre de pays dotés d’un arsenal chimico-biologique – les « armes nucléaires du pauvre », strictement prohibées par les Traités – il est certainement bien plus élevé. Pour tout aggraver, en matière d’ADM, les pays et les groupes armés vont généralement par binômes, déchirés par des haines séculaires.
– A Khan Cheikhoun, Bachar al Assad vient encore de gazer un village de sa propre population : quelques combattants, beaucoup de civils dont des femmes, des vieux et des enfants. Certains observateurs – très naïfs ou mal informés – clament « en quoi ces morts du fait d’armes chimiques devraient nous émouvoir plus que ceux, plus nombreux, victimes de balles, de couteaux, de bombes ou de la torture ? ». Et les mêmes de ruminer : « que fait donc la communauté internationale !? ». RIP.
La réponse se trouve dans les précédents paragraphes (relecture possible, si vous vous étiez assoupi). La morale comme la voix de notre conscience dénoncent ces morts atroces comme pareillement insupportables. Mais, en outre, se joue la question de la survie de l’humanité. Celle-ci nous impose de ne pas nous aventurer, même « innocemment », dans la spirale incontrôlable des armes de destruction massive. Ce serait un cercle vicieux sans fin, jusqu’à l’extinction d’Homo sapiens de la surface du Globe.
Sous nos yeux : les Syriens. Par-delà : la population terrienne dans son ensemble, exposée à l’enchaînement des déflagrations en une immense conflagration. En termes seulement quantitatifs, un tel emballement évoque une vertigineuse montée des destructions, un génocide à acteurs multiples ! Ceci justifie amplement que soit tracée, dans l’ordre universel, une ligne rouge et surtout pour qu’on s’y tienne. On attend des citoyens conscients d’un tel enjeu une forte détermination à réagir, en exigeant fermement que le droit prévale et par la force bien ajustée, si nécessaire. Pour s’y préparer, chacun devrait s’endurcir mentalement, comme on le fait déjà par rapport au risque terroriste « classique ». Entrevoir l’impensable et le décortiquer contribue à le prévenir et à l’éviter, sans se laisser intoxiquer par les partis-pris du moment et par les justifications partisanes. La vigilance mise au service du droit pour la survie des humains commence par un œil exigeant, braqué sur la complexité du monde, averti et qui cherche à voir loin.
Y a-t-il une « collusion des puissants » pour nous cacher que l’arme nucléaire reste une sacrée menace ? Je crois qu’on s’est fait bien piéger, non pas par cynisme mais par manque de réflexion prospective et de perspicacité.
– Il faut dire que l’arme nucléaire a été encouragée par le lobby militaire US, parce que, dès les années 1930, la communauté scientifique avait passé le message que « quelqu’un » parviendrait à la mettre au point et à l’utiliser pour lui tout seul. On croyait aussi, au début des années 1940, que Hitler l’aurait avant les alliés (or Adolph n’était pas si intéressé que ça…). Harry Trumann, le seul chef d’Etat qui l’ait effectivement utilisé contre une population ennemie, n’était pas un monstre. J’ai plutôt l’impression qu’il y a vu un raccourci pour gagner la guerre en quelques semaines plutôt qu’au terme de longues années. Vrai ou faux, les historiens retiennent qu’il pensait économiser deux millions de vies de soldats américains ! En 1945, la rage d’en finir à tout prix atteignait des sommets qu’on n’imagine plus.
– Dans le système de la guerre froide – bien structuré – se procurer l’engin était la seule façon de s’affirmer comme une puissance. La France et la Chine ont récupéré leur statut d’acteur global de cette façon et assuré leur maintien/accession au Conseil de Sécurité. C’est grâce à la bombe que notre beau pays a pu prendre le large de l’OTAN en 1966, s’affirmer comme LA politique extérieure de l’Europe, gérer sa décolonisation, plutôt mal mais sans qu’on l’embête…
– Les années 1970, 80 ont vu un vrai effort entre les deux super-grands pour contrôler puis calmer le jeu. Si START, SALT, INF avaient pu avancer une ou deux décennies de plus, on serait arrivé à des plafonds de quelques milliers d’ogives seulement, ce qui aurait ouvert la possibilité que la France, le RU et, qui sait, la Chine entrent dans le processus de réduction. L’effondrement de l’URSS a préservé l’unicité de l’arsenal russe, entièrement regroupé sur la seule Russie. Mais Eltsine était dans son coma alcoolique puis Poutine a dénoncé les accords et relancé la course, en appelant à la vengeance.
– La disparition de la communauté internationale, en tant qu’acteur de solution de crises, a fait des dégâts. Notre incapacité à régler la question israelo-palestinienne a fait proliférer les armes bio-chimiques puis nucléaires – toutes clandestines – à travers tout le Moyen-orient et même le Maghreb (Algérie-Libye). Dès les années 1990 il était évident qu’on risquait une explosion générale sur la base des haines et rivalités et que la déflagration gagnerait l’Inde-le Pakistan, donc la Chine et la Corée (donc les Etats-Unis) par le jeu des alliances offensives, comme en 1914 en Europe, sur le plan conventionnel. Les opérations occidentales en Irak, Somalie, Afghanistan, Libye (merci Sarko !), Syrie-Irak ont fait des pays de l’OTAN une cible abominée, alors qu’ils n’étaient pas concernés, au départ.
– En sens inverse, le terrorisme arabo-islamiste de 5ème colonne (dès les années 1980, en France), l’emploi des armes chimiques par des dictateurs, la peur devant l’affaiblissement du droit international, la multiplication des conflits et l’absence de shérif efficace ont éteint l’élan pour le désarmement. Le monde serait devenu trop dangereux pour risquer un processus de vulnérabilisation, fondé sur la confiance et la bonne foi. Sans oublier l’impossibilité, désormais, de retenir ou sanctionner celles parmi la bonne vingtaine de puissances nucléaires clandestines, »du seuil nucléaire » qui oseraient une première frappe « surprise » (destruction entière de l’arsenal adverse, impossibilité de se défendre, sacrifice de sa propre population, etc.). La France, par exemple, pourrait se retrouver dans cette situation face au Pakistan, à la Corée du Nord, à Israel ou face à une énorme attaque bio-chimique de n’importe qui, qui éliminerait ses centres de commandement.
– Pour reprendre le désarmement nucléaire, il faudrait ad minima, que toutes les puissances « possessionnées » se déclarent ouvertement et laissent apparaître leur arsenal (vérifications in situ); qu’elles soient toutes en situation de paix avec des gouvernants dignes de foi, que la confiance règne suffisamment pour entamer des négociations qui ne tournent pas au piège (risque d’une première frappe par ‘une puissance sur une autre qui désarmerait de bonne foi et aurait baissé sa garde, complètement « à poil »). On en est très loin !
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