Banquise et éléments géophysiques de l’Arctique – Pascal Orcier
Réchauffement ou changement climatique voire « syndrôme de la météo folle » : comment un cycle funeste s’est-il enclenché aux pôles planétaires et pourquoi pourrait-il nous être fatal dans quelques générations à peine ? Chacun a sa représentation mentale du thriller polaro-climatique, souvent, approximative : l’ours blanc, naufragé dépité, dérivant sur son petit morceau d’iceberg… Justement, « Arctos » signifiant « ours », en grec, l’Arctique est étymologiquement et fondamentalement « oursien ».
1 – Depuis sa tanière de rédaction bien chauffée, ‘Ourson géopolitique pense avoir trouvé une bonne source d’info scientifique. Il en remercie la paléoclimatologue, Valérie Masson Delmotte, directrice de recherche au CNRS / Laboratoire des Sciences du climat et de l’environnement, à Saclay, qui explique limpidement la chose dans sa préface de »géopolitique de l’ours polaire » (super titre, magnifique ouvrage : l’ourson en reparlera sur le fond !) :
« L’Arctique est constitué d’un océan sur lequel se forment en hiver environ quinze millions de kilomètres carrés de glace de mer ou banquise. Cette extension de banquise se réduit de moitié en été. Les observations historiques et le suivi par satellite montrent un recul de l’extension et de l’épaisseur de la banquise arctique autour du XX ème siècle, particulièrement rapide depuis les années 1980 et plus prononcé en fin d’été… Il est exceptionnel par rapport aux variations naturelles des derniers millénaires ».
– « Ce recul de la banquise est à la fois témoin et acteur du changement climatique. Il est du à l’influence de l’Homme sur le climat : nos rejets de gaz à effet de serre, en empêchant une partie du rayonnement infra-rouge de la terre de partir vers l’espace, conduisent à une accumulation d’énergie dans le système climatique. celle-ci se manifeste par le réchauffement de l’air, des sols et des océans, et la fonte des glaces. En retour, le recul de la banquise arctique constitue un amplificateur du réchauffement : la glace de mer qui réfléchissait l’essentiel de l’ensoleillement estival vers l’espace est remplacée par une surface océanique qui, à l’inverse, absorbe d’avantage d’énergie solaire, et renforce le cycle de l’eau polaire. L‘atmosphère arctique se charge en vapeur d’eau, ce qui favorise la formation des nuages et augmente les précipitations régionales. l’effet de serre additionnel du à la vapeur d’eau amplifie à son tour le réchauffement. Au cours du dernier siècle, celui constaté dans le grand-nord est deux à trois fois plus intense qu’en moyenne planétaire (0,85 °) » …
– « Le scénario le plus optimiste, permettant de limiter l’ampleur du réchauffement à 2° par rapport au XIX ème siècle, implique une transition énergétique et agricole mondiale rapide, conduisant à stabiliser rapidement les rejets de CO2 puis à les faire diminuer jusqu’à être quasi-nuls à la fin de ce siècle. Dans ce cas, l’extension de la banquise arctique diminuerait d’environ 10 % en hiver et de 40 % en fin d’été.
A l’inverse, la poursuite de l’exploitation des énergies fossiles, pourrait conduire, au cours du siècle, à un triplement des rejets de CO2 annuels. Dans ce scénario, le réchauffement global s’accélérerait, atteignant 4° d’ici 2100 et se poursuivant durant plusieurs siècles. En moyenne, les modèles simulent une diminution de 30 % de l’extension de la banquise arctique et une quasi-disparition en été, avec une surface résiduelle inférieure à un million de km², autour de l’archipel canadien, dès le milieu du XXI ème siècle. Plus la banquise sera fine, plus la variabilité du processus sera importante, car elle sera plus réactive aux conditions météo de chaque été ».
– Le scénario « hallucination » – accrochez-vous aux rideaux – nous est proposé par la géo-ingénierie. Laissez les technologies régler les problèmes de cette brave planète… Par exemple, pour augmenter le rebond vers l’espace extérieur du rayonnement du Soleil (et diminuer l’accumulation d’énergie à la surface de la terre), c’est très simple : repeignons en blanc les toits, les routes et les champs. Quant aux montagnes et surtout aux glaciers qui se désagrègent, recouvrons les de chaux. Pour les océans, qui ont le tort d’absorber fortement les rayons stellaires (créant le Niño et sa copine antagonique, la Niña), épandre à leur surface de la mousse à raser corrigerait le problème. Plus fort encore, la communauté spatiale internationale pourrait mettre en orbite quelque 50.000 miroirs tournés vers l’espace extérieur, de sorte que le Soleil darde ses rayons sur quelques autres planètes. Pour le coup, Arctos troque ses lunettes de soleil contre des viseurs de nuit infrarouges et met sa grosse écharpe en peau de phoque. Plus fort que tout, grâce à quelques explosions nucléaires soigneusement agencées, on déplace gentiment l’orbite de notre bonne planète bleue. On l’écarte un chouia de Vénus pour qu’elle vienne flirter du côté de Mars. Effet réfrigérant garanti. Cliquez donc sur l’image.

Cri horrifié de l’Ourson Géo: « alors là, on est plus dans l’économie circulaire mais dans un bien vilain délire paranoïaque; Pitié, essayez autre chose ! Pauvre de moi, je porte des lunettes, je ne supporte pas l’eau froide, je ne sais pas naviguer et je nage très mal ! »
2 – Approche alter-écolo du sujet, formule grand écran : le film « Demain » prend comme point de départ non pas la banquise mais la « malbouffe » contemporaine : le big bugle mayonnaise tue et on le sait mais c’est en fait le cas général de la nourriture produite par l’agrobusiness « chimique ». Si donc l’on passe à une culture bio de proximité, c’est à dire à la permaculture hyper intensive à l’échelle de micro lopins (grâce aux semis manuels très serrés), en respectant la vaste cohabitation des espèces végétales dans le même espace naturel, faisons donc pousser nos navets et nos cornichons « at home », dans nos jardins, sur les toits du centre-ville, sur les talus de nos avenues (sous les platanes). Ainsi, on mettra au repos les usines chimiques et, à régénérer, les 40 % de nos terres agricoles stérilisées. De même, ira au rebut, une grande partie de nos poids lourds pétroleux (ce sont eux qui transportent la nourriture « chimique » sur 1200 km, en moyenne).
– Du coup, nous voilà vite absorbés à produire notre propre énergie propre (des panneaux photovoltaïque, autour desquels se love la vigne et à l’ombre desquels pousseront nos tomates) pour faire rouler notre petite auto/moto électrique « co-voiturante ». Pour ce faire, on combinera la biomasse de nos artichauts, les rayons du soleil, les feulements du vent et les ondulations de la mer, ce qui donnera du travail aux agriculteurs « congédiés » de l’ère précédente chimico-fossile. A force de décentralisation de nos activités économiques, de recours aux ressources généreuses d’une nature « non-trafiquée » et en s’appuyant sur des équipements durables, au fil de transactions aimables entre voisins (en utilisant une monnaie locale « complémentaire », que ne menacera aucune crise bancaire), grâce, enfin, à la réduction du gaspillage des ressources terrestres et à d’amélioration de nos santés, nous penserons rétrospectivement qu’à l’ « époque chimique » et jacobine, nous avons bien bêtement délaissé la démocratie au profit du marketing. Nous apprendrons aussi à réguler les multinationales – devenues moins puissantes, dans un tel schéma – en n’oubliant ni Apple, ni Google, ni Monsento ou Total… Puis nous en viendrons à encadrer de près les banques et leurs courtiers, les assurances, les fonds de pension, les fonds souverains carnassiers, les paradis fiscaux sous les cocotiers.. pour finir par contrôler les hommes politiques. Les moins doués d’entre eux seraient priés de retourner à l’école, elle-même reconfigurée pour produire des citoyens humanistes et bricolos, à l’aise dans leurs sabots.
– Grâce aux gigantesques crédits carbone qu’accumulerait le nouveau cycle vertueux de l’économie globalo-locale, sociale et solidaire, les nuages arctiques se dissiperont et, au pôle, le rayonnement du soleil frappera une surface plus froide et plus réfléchissante. L’extension de la banquise et son épaisseur retrouveront progressivement leur état d’antan. Les compagnies maritimes auront renoncé à faire passer par les pôles leurs porte-conteneurs et autres plateformes de prospection.
L’ours polaire, swinguant majestueusement sur sa banquise se dira in peto : « c’est beau, chez moi et ça me donne de l’appétit ». CQFD. Pour l’heure, l’Ourson géopolitique, qui lui est végétarien, n’ose pas trop y croire. Mais il ne doute guère que là s’ouvre la voie : « si on réalise ne serait-ce que la moitié du plan, mon grand cousin, Arctos, sera sauvé ! » L’humanité sur sa petite planète, aussi.