
Xi Jinping a été accueilli avec pompe, par la coalition populiste au pouvoir à Rome, en ouverture de sa tournée européenne. Forte de la primauté historique que lui vaut l’expédition marchande de Marco Polo à Cathay (la Chine du 13 ème siècle, sous l’empereur mongol Kubilai), l’Italie, s’offre à l’empereur Xi. Là voilà érigée en voie d’accès impériale pour l’investissement chinois en Europe. Elle n’est pas mécontente de faire un pied de nez à la politique commune en matière de commerce et soigne bien sa différence avec cette Union Européenne qu’elle veut rudoyer. De son côté, la Commission européenne vient d’élaborer dix propositions visant à protéger l’Union du désavantage « systémique » que le géant chinois fait peser sur l’économie et même la cohésion de l’Union. Ce blog a traité, en son temps, du thème Y être ou ne pas y être : angoisses croisées d’un partenariat en Chine/, s’interrogeant aussi sur l’évolution du Goliath sous XI Jinpig (article « à propos de la Chine »). Désormais, la question se pose « quelle place et quelles conséquences sont prévisibles pour l’Europe et la France au sein d’une architecture mondiale dominée par la Chine ? ».
– « L’initiative une ceinture une route » (Yi dai – Yi lu 一带一路)- dernier nom de code attribué aux « nouvelles routes de la soie » – se présente comme un gigantesque projet de création d’infrastructures et de conquête économique à l’échelle du monde « utile », s’entend : pour l’économie de marché. Conçu par Pékin, il part logiquement de Pékin, pour servir les intérêts stratégiques de Pékin, économie et géopolitique confondues. C’est l’exacte antithèse du Livre des Merveilles retraçant l’épopée et les rêves de richesse du marchand et navigateur vénitien ! L’architecture, dont le chantier progresse rapidement, impliquera à terme une centaine de pays (70 y sont déjà incorporés, par le truchement de deux milliers d’accords bilatéraux passés avec Pékin). Elle induira, au cours des deux prochaines décennies, un « chiffre d’affaire » de plus de 1000 milliards $. Pour Rome, c’est, dans l’immédiat, la perspective d’un financement chinois conséquent de la modernisation de ses deux maillons portuaires sud-européens dans la « ceinture » : Gènes (tremplin vers l’Europe occidentale) et Trieste (tremplin vers l’Europe orientale). Ces tremplins chinois s’ajoutent à ceux déjà établis en Grèce (port du Pirée), en Espagne et au Portugal. Séduisante perspective, qui dessine surtout les contours d’un nouvel ordre économique marchand et global ! L’Europe des 27 fait tristement figure de nain commercial par comparaison avec les deux grades puissances d’Asie – Chine et Inde – qui trustent désormais plus de la moitié des échanges mondiaux. Vieux partenaire déclinant d’une politique extérieure chinoise pragmatique et sans aménité ni sentimentalisme historique particulière, notre continent ne représente qu’une cible parmi bien d’autres. Mais elle reste qualitative.
– Une certitude, à ce stade : les Etats-Unis se tiendront éloignés, bloqués qu’ils sont dans une approche de leurs échanges avec la RPC, par la seule confrontation et le rapport de forces. Ce forfait yankee ouvre à la puissance chinoise une opportunité inespérée de contourner l’Oncle Sam, pour mieux appâter les pays européens vers l’Asie et, ce faisant, affaiblir l’axe euro-atlantique (ou occidental) des échanges mondiaux … et des solidarités politiques. Sans constituer une nouveauté en soi – le basculement vers l’Asie ne datant pas d’hier – s’ouvre la perspective d’une césure au sein de l’Occident, si Washington y trouvait motif à conflit et à des initiatives malheureuses, comme pour le commerce international avec l’Iran. Moscou, qui est un acteur de taille moyenne dans l’opération, manœuvre à bord du bulldozer. Une fenêtre d’opportunité est à saisir pour grignoter toujours plus la cohésion européenne.
– L’axe principal de ce projet de « route et ceinture », catalyseur de la fierté chinoise, est de relier à l’Empire du Milieu les continents lointains où un courant d’affaires et un réseau d’influence sont à créer ou à accroître : Téhéran, comme Ankara comme, les régimes du Moyen Orient ne voient, en fait, que des avantages à rallier la grande matrice chinoise des échanges, qui abaissera considérablement les coûts de transport et leur ouvrira des marchés. L’Afrique subsaharienne, l’Inde, la Russie, la périphérie de l’Europe communautaire (qui s’estime incomprise par celle-ci), l’Amérique centrale, le Brésil, avec une attention particulière concernant les BRICS. A l’égard de ses voisins asiatiques, Pékin a depuis longtemps usé avec succès des mêmes recettes : investissement en infrastructures économiques et physiques – prêts financiers colossaux – constitution d’un marché dominant pour ses entreprises – présence sur le terrain en gros effectifs de coopération (dont la composante militaire). Des Etats vassaux comme le Pakistan, le Bangladesh, la Birmanie, Sri Lanka, le Népal et les cinq républiques d’Asie centrale sont alignés sur Pékin, acceptant un endettement financier important et des cessions de souveraineté en conséquence. Ainsi,les ports du Sri Lanka ou, au débouché du détroit d’Ormuz, la base portuaire pakistanaise de Gwaddar, les îles Coco, au large de la Birmanie, sont pratiquement des enclaves chinoises. Djibouti, offre de même, une base militaire à l’Armée populaire de Libération. Même le Vietnam, le Cambodge, si méfiants à l’égard de la Chine, se voient submergés économiquement et assujettis au modèle de développement chinois. Stratégiquement, la Corée ménage Pékin aux limites de la complicité, et converge avec elle bien plus qu’avec le Japon et les Etats-Unis. L’Inde est fascinée et jalouse de la réussite de son adversaire traditionnel. Les nouvelles routes de la soie vont contribuer à ouvrir ce géant de l’Asie du sud, méfiant et autocentré. De fait, le cœur de l’économie mondiale est déjà chinois.
– Les pays d’Afrique, en particulier d’Afrique de l’Est, ont Pékin comme principal banquier, bailleur de fonds, partenaire de coopération, investisseur et fournisseur. En deux décennies, la Chine y a déversé plus de 500 Mds $ de prêts financiers et leur a forgé une dette impayée de 50 Mds $. L’Ethiopie, base industrielle de la Chine dans la Corne de l’Afrique, sort du lot en « meilleur élève du modèle chinois en Afrique » et en gros débiteur, de surcroît. L’Empire y est de loin, le premier réalisateur d’infrastructures en tous genres, qui servent aussi l’implantation de ses sociétés. Parfois, il en récupère directement l’exploitation, pour rembourser ses prêts. Son discours anticolonialiste passe bien et fournit aux dirigeants africains d’utiles leviers de marchandage avec l’Europe. Ses produits sont moins coûteux et souvent mieux adaptés. Elle prend bien garde de ne pas traiter de la gouvernance locale ni des droits humains. Sans se priver des facilités qu’ouvre la corruption active des dirigeants locaux, elle affiche une non-ingérence en béton qui sert son image politique, sinon culturelle. On pourrait, de même, égrainer les atouts conquis par la Chine en Amérique centrale (le canal de Panama délimité par deux zones portuaires et industrielles chinoises) et en Amérique du Sud (sociétés minières et barrages hydroélectriques chinois, dans les Andes). Vainqueur de la mondialisation, l’Empire a les moyens, financiers et autres, d’imposer son hégémonie et d’édicter ses règles. Business is business !
– De toute évidence, l’Empire n‘entend pas faire de l’Europe une sorte de néo-colonie à sa manière, seulement une terre d’opportunité pour lui. C’est un accès à certaines technologies plus rapides à acheter qu’à développer lui-même (notamment dans le domaine militaire) et une perspective de captation du grand marché interne lui assureraient un maximum de profit, une base pour narguer l’Amérique et pour exploiter l’Afrique occidentale ainsi qu’un utile capital d’influence (pas de commerce sans « relations »). Avec plusieurs millions d’emplois – dans la grande distribution notamment – dépendant des exportations chinoises, comment, par exemple, la France pourrait-elle encore braver Pékin en cas d’agression militaire sur Taiwan ou de massacre au Tibet, ainsi qu’elle a pu le faire quand elle était puissante dans les années 1990 ? Pour autant, Pékin ne confond pas sa vision hégémonique avec nos réalités européennes. Zhongnanhai (中南海, le centre du pouvoir) s’attend à ce que les pays européens développent, séparément, des « contre-jeux » face à sa stratégie d’hyper puissance. L’important, de son point de vue, est que ceux-ci ne se liguent surtout pas sous l’étendard d’une Europe unie et autonome. Sur ce point, le solo italien face à « l’oncle Xi » constitue une maladresse tactique et la complaisance européenne sera vite perçue comme une preuve de faiblesse. De fait, la question se pose : « une route – une ceinture », faut-il en être ? Peut-on se permettre de ne pas en être ? Si l’ »on en est », qu’est-ce que cela changera (ou ne changera pas) ? Y a-t-il des précautions à prendre et par rapport à qui ?
– On doit laisser de côté l’option absurde d’un boycott de l’initiative / offensive économique chinoise. Se retrouver isolé dans un face-à-face avec les Etats Unis, qui sont de plus susceptibles de changer de pied, sans cesse, par rapport à la Chine (leur malaise existentiel) mettrait l’Europe et nous-mêmes en situation d’impasse et de déperdition de substance économique. Evitons notre biais consistant à nier l’existence d’une logique économique « à en être », simplement pour le seul résultat de ne rien faire, en vertu de notre préférence présumée pour le chômage. La France est actionnaire – à hauteur de 3,2 % des votes – de l’Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB), créée et dirigée par la Chine avec le but assumé de mettre en faillite le projet concurrent américain de libre-échange Asie-Pacifique (effectivement torpillé). Nous ne serions pas cohérents de refuser l’intervention du capital chinois sur notre propre continent.
– On ne se grandirait pas pour autant à se couler dans le moule de la vassalité onctueuse où s’est glissée l’Italie, pour tenter de redresser ses échanges (34 Mds € de déficit commercial) et de relancer l’investissement. En France, beaucoup d’investissements chinois se sont bien passés (mais pas tous). Peugeot a été tiré d’affaire par Dongfeng mais le groupe chinois fricote aussi avec Renault, ce qui annonce des lendemains compliqués. Nos élus locaux rêvent de zones d’activité chinoises dans leurs communes et régions et soutiennent parfois des opérations border line de captation de technologies, d’activités de restauration déguisées en industries, voire de blanchiment financier pur et simple. Le pire est que l’Etat s’y met aussi et cède à la tentation de vendre des infrastructures stratégiques pour boucler ses fins de mois : la captation de l’aéroport de Toulouse (celui d’Airbus) s’est achevée sur une grosse plus-value spéculative. L’argent chinois engage beaucoup de bénéficiaires français dans des montages incontrôlables à terme, sous nos latitudes, et qui les dépassent. C’est l’économie de Casino, mais d’une telle puissance que nul ne peut y résister. Le lobby français qui veut s’y sourcer est déjà considérable. Il bénéficie, chez nous, de retombées bien supérieures à la marge serrée que font les entreprises chinoises fournisseuses.
– La seule vérité qui vaille est celle-ci : plus les Européens seront unis par une stratégie commune envers la Chine, plus l’expérience que nous avons de ce pays nous imposera comme un bloc, plus nous pourrons aller loin sur les nouvelles routes de la Soie, que nous devons développer dans les deux sens et selon la loi cardinale de la réciprocité. Si nous ne sommes pas capables d’élaborer cette stratégie, restreignions et contrôlons mieux l’investissement chinois sur nos biens stratégiques : technologies duales, infrastructures de transport et de communication, espace, océanographie, santé, media, etc.
* La relation transatlantique, le dialogue Euro-Africain, l’OMC et le système multilatéral en général doivent être protégés. Notre action au Conseil de sécurité nécessite liberté et rapidité. Nos DOM-TOM – convoités par Pékin – n’ont pas vocation à opérer en relais d’influence régionaux chinois.
* L’accès des Européens aux investissements et marchés publics en Chine – très étroit et conditionnel – devrait être strictement symétrique et égal à celui que Pékin s’est taillé dans le tissus économique européen. Cette demande de réciprocité est à faire apparaître dans toute négociation et doit conditionner toute avancée.
* Les coopérations en matière d’éducation, de sciences, de culture, de relations consulaires, de coopération judiciaire, etc. constituent des piliers de nos relations bilatérales. La libre évocation des droits humains et de l’Etat de droit en font partie. La société civile européenne y joue un rôle légitime que les gouvernements des 27 doivent protéger. Ceux-ci n’y parviendront qu’en refusant solidairement de voir bâillonner leurs démocraties par des chantages aux contrats commerciaux et autres menaces de sanction. La fermeté paie.
On pourrait même se permettre de perdre quelques années à consolider l’Europe avant d’agir, dans le monde, en harmonie avec nos valeurs et nos intérêts de long terme. La Chine saurait, aussi, nous enseigner la patience… et l’art d’exister à l’international.

Annexe : 2 ème Forum de Pékin sur la Belt & Road Initiative – Mai 2019 (Rapport de la CCE, du Comité France-Chine et de l’Asia Centre)
Le deuxième « Forum Belt & Road Forum» – consolidation et remodelage – s’est tenu à Pékin, comme prévu, deux ans après le premier. Le Comité France Chine et Asia Centre étaient donc présents, ainsi que l’IRIS représenté par son président Alain Richard et l’IDDRI par son directeur général Sébastien Treyer, dont nous reprenons ici quelques commentaires. Quoi de plus important que d’être au contact pour essayer de mieux comprendre enjeux et évolution du projet du Président XI : « Une ceinture, une route ». Avant même l’ouverture du Forum, des signes d’un démarquage évident par rapport au premier exercice étaient apparus, expression ou non d’une volonté de corriger des dysfonctionnements, de faciliter le déroulement ou de cloisonner/verrouiller.
Les raisons de ces changements peuvent se trouver dans un souhait d’occuper d’autant plus de terrain qu’il y avait moins de matière et de participants impliqués concrètement, dans un souci de sécurité ou de fluidité de gestion des différents groupes, ou peut-être de focaliser chaque session distincte sur l’obtention de résultats productifs, souci assurément peu couronné de succès. Ces modifications n’ont pas été sans conséquence, à commencer par la prise en mains par l’Agence Chine nouvelle, dont la vocation n’est pas réellement cohérente avec ce genre de mission, de la partie « think-tanks » du Forum. Du côté « business » aussi, l’organisation en amont s’est révélée quelque peu aléatoire et manquant de transparence sur le programme et les intervenants. Au-delà de la pérennité d’une météo idéale, contrôlée ou pas pour obtenir le « bleu APEC » dans le ciel de Pékin, le changement suscité par la réorganisation et la tenue en parallèle des 13 autres événements1 n’a pas contribué à donner l’image de belle cohérence et de propos symphoniques, tel que recherché en 2017. La « super-plénière » où tous les invités bénéficiaient des discours des chefs d’Etat en 2017 a été remplacée par un format plus exclusif. Le nombre de chefs d’Etat/de gouvernements y était plus élevé (37, contre 29 en 2017 mais moins que les 40 annoncés). Parmi les absents remarquables, Recep Tayip Erdogan en particulier, qui avait été le troisième à prendre la parole lors du premier Forum. 1 Liste des 12 conférences thématiques parallèles organisées sur une demi-journée et qui ont eu lieu le 25 avril : People to people Connectivity ; Trade Connectivity ; Economic and Trade Cooperation Zone Promotion ; Silk Road of innovation ; Policy connectivity ; Infrastructure Connectivity ; Financial Connectvity ; Digital Silk Road ; Think-tank Exchanges ; Sub-national cooperation ; Clean Silk Road ; Green Silk Road. L T C CNCCEF – COMMISSION ASIE-PACIFIQUE -2- LA CHINE HORS LES MURS / 29 / 29.05.2019 L’avancée du projet dans de nouvelles directions, en particulier vers l’Europe des 27 fut confirmée par la présence d’un nouveau « signataire », le Premier ministre italien Conte et celle du Président de la Confédération helvétique. Autour d’un discours du Président Xi reprenant le thème du multilatéralisme, la session officielle a été pour moitié consacrée à une adresse implicite à l’un des absents, les Etats-Unis, et affichait un esprit plus ouvert, inclusif et conciliant. De même, la dernière journée (le 27 avril) s’est prolongée hors de Pékin par l’inauguration de l’exposition internationale sur l’horticulture ou « Beijing Expo », près des installations des J.O. d’hiver, mais sans que tous les chefs d’Etat ou représentants officiels s’y joignent. Les mêmes questions demeurent cependant à l’issue du Forum : – BRI propose-t-elle une gouvernance alternative destinée à corriger les défauts des systèmes existants sans laisser la place aux contributions des pays adhérents, ou s’agit-il de structures parallèles destinées à coopérer avec « l’ordre existant » ? – Quelle est réellement l’interprétation chinoise de la « soutenabilité » des projets quelle que soit l’insistance sur le « verdissement » de la route ? – Comment concilier l’évident souci de liens bilatéraux forts avec le multilatéralisme officiellement prôné par la Chine ? La réponse quasi-officielle donnée par un think-tank interrogé est qu’il s’agit de deux temps disjoints, le multilatéralisme devant se manifester « plus tard ». La position française, toujours « en retrait » a été exprimée par le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères JeanYves Le Drian, paré d’un titre additionnel de représentant officiel du Président français, reparti le samedi matin avant la visite du site de la Beijing Expo, et l’européenne par le Vice-Président de la Commission Maros Sefkovic. En utilisant l’un et l’autre le mot de transparence et de soutenabilité associés à la connectivité, ils ont naturellement exprimé l’intérêt pour l’Europe (et la Chine, vu la taille du marché européen) d’un tel projet, à condition cependant qu’ils s’inscrivent (et c’était surtout présent dans le discours du haut représentant français) dans la cohérence avec les institutions multilatérales déjà en place. Côté business, une conférence des CEO était organisée par le CCPIT toute la journée du 25 avril, et ce pour la première fois, afin de fournir une plate-forme de contacts. Dans ce forum labellisé « CEO » des chefs d’entreprises chinois ont pris la parole et aucun CEO européen n’est intervenu. Cette non-intervention se traduisait d’ailleurs par une sous-représentation notable des Européens : parmi les 110 entreprises étrangères représentées, 23 seulement venaient de l’Union Européenne. La représentation des chefs d’entreprises se faisait principalement à travers des organisations collectives du type organisations internationales, chambres de commerce, et fédérations professionnelles par secteur et/ou provinces chinoises. Les discours des représentants chinois reprenaient la ligne officielle des cinq connectivités, et très peu de projets concrets ont été cités, sauf le projet du port de Sihanouk au Cambodge et celui de Yamal en Sibérie. Le Lieutenant Governor de Californie s’est fait remarquer par son discours sur la lutte contre le changement climatique, pied de nez aux Etats-Unis qui eux n’avaient aucun représentant business. Cette conférence CEO n’a abouti à aucune grande annonce, si ce n’est une grande cérémonie de 120 signatures de contrats à la chaîne entre entreprises chinoises et étrangères organisée à la fin de la plénière du matin, principalement dans les domaines du commerce et des infrastructures, mais de nouveaux types d’accords sur les industries émergentes telles que les services de cloud computing et de l’énergie ont été aussi conclus. L’après-midi, toute la technologie digitale a été mise en œuvre afin d’organiser 900 créneaux de rendez-vous B2B entre les entreprises présentes (186 chinoises et 110 étrangères) sur la coopération traditionnelle entre acteurs économiques étrangers et chinois, sans forcément concerner BRI. D’après les échanges avec les participants, nous vivons un tournant important dans la mise en œuvre du projet par la Chine. A titre d’exemple, des pays proches de la Chine tels que l’Indonésie et la Malaisie revoient à la baisse (à près de 75%) les contrats d’investissement chinois dans leur pays. Du côté de la session « think-tanks », l’occasion a été saisie de marteler un discours très affirmé, tenu par les orateurs chinois mais aussi par quelques invités, y compris d’improbables thuriféraires comme un ex-Premier ministre japonais, enjoignant les présents à soutenir un projet qui restait très directif même s’il est vrai qu’il a tenu compte des observations faites depuis deux ans, et présentait surtout le versant « soutenable » (écologiquement et financièrement) de la Belt & Road. Une seule des quatre sessions était une session ouverte au débat, tous les participants n’ayant cependant pas droit à la seule « minute » réglementaire dont a bénéficié Asia Centre en particulier, avec une vingtaine d’autres participants, les cinquante autres devant se contenter d’écouter. Ces deux jours ont été l’occasion d’effets d’annonce, en matière d’outils de suivi et même de financement de projets intellectuels ou liés à la communication : le « Studies Network » permettra en particulier de financer des publications, contributions intellectuelles destinées à donner du contenu venu des participants non chinois à tous les projets de coopération académique et intellectuelle dans le cadre de BRI. Comme l’a rapporté Le deuxième forum BRI (Image : Xinhua) CNCCEF – COMMISSION ASIE-PACIFIQUE -3- LA CHINE HORS LES MURS / 29 / 29.05.2019 par ailleurs l’IDDRI, le domaine du climat et de l’environnement a été très représenté dans les initiatives suivantes : – Lancement officiel de la BRI International Green Development Coalition, comprenant 25 pays (dont quatre membres de l’UE : l’Estonie, la Finlande, l’Italie et la Slovaquie), plusieurs organisations internationales dont l’ONU Environnement, l’UNIDO, l’UNECE, des institutions académiques et des entreprises ; – Lancement, annoncé par la NDRC, en partenariat notamment avec des organisations onusiennes, de trois initiatives : la BRI Green Cooling Initiative, la BRI Green Lighting Initiative, et la BRI Green Going-Out Initiative (climatiseurs, éclairage et bonnes pratiques des entreprises chinoises participant à BRI) ; – Lancement des BRI Green Investment Principles, soutenus par 27 banques et investisseurs internationaux, qui avaient été annoncés fin 2018 par la City of London Corporation’s Green Finance Initiative (GFI), en partenariat avec le Green Finance Committee (GFC) chinois. Suite des informations à attendre à Londres, juste avant le Forum annuel Paris Europlace, lors du Green Finance Day (2 juillet). – Lancement enfin, d’une BRI Environnemental Big Data Platform (évaluation et partage de bonnes pratiques sur les projets BRI). Enfin, tant pour le business que pour les autres types de participants, l’utilité de ce Forum résidait essentiellement dans les rencontres qui se faisaient hors conférences. Quelques think-tanks se sont aussi permis d’exprimer en « off » des réserves sur la priorité donnée au grand projet officiel par rapport aux urgences domestiques, mais il n’en reste pas moins que les rapports sur une maladie voire la mort annoncée de BRI sont largement exagérés. Sybille Dubois Fontaine Turner, CCE France, Comité France Chine et Jean-François di Méglio, Asia Centre