Talleyrand versus Machiavel : quelles divergences entre les deux géopoliticiens célèbres ?

Talleyrand ou la gouvernance dans la constance et l’infidélité
Machiavel fait la transparence sur la gouvernance de son temps

* Niccolò di Bernardo dei Machiavelli, Machiavel est un haut-fonctionnaire célèbre pour ses ouvrages de politique. En 1498, il occupe la fonction de secrétaire de la chancellerie de Florence et se distingue en effectuant des missions diplomatiques en Europe. En 1512, la chute de la république de Florence et le retour des Médicis au pouvoir provoquent sa disgrâce. Il est emprisonné et torturé, puis se retire dans sa propriété pour rédiger différents ouvrages. En 1513, il commence à travailler sur ‘Le Prince’, qu’il dédie à Laurent II de Médicis pour regagner les bonnes grâces des Médicis. Inspiré de la vie de César Borgia, l’ouvrage explore la ligne de conduite la plus habile pour gouverner et se maintenir en place. Il traduit l’essence du machiavélisme, souvent perçu comme sulfureux, alors qu’il fait surtout la transparence sur les mœurs et la mentalité du pouvoir régnant.

* Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord,                                                                  Homme politique de premier rang sous la Révolution française et l’Empire, auteur de bons mots mais pas écrivain, il marque son époque comme un brillant diplomate spécialiste du double ou triple-jeu (« La parole a été donnée à l’homme pour déguiser sa pensée »). Au travers des neuf régimes qui se succèdent à la tête de la France, de 1789 à 1838, il réussit à défendre, grâce à son habileté et à ses qualités de négociateur (“Oui” et “non” sont les mots les plus courts et les plus faciles à prononcer, et ceux qui demandent le plus d’examen.”) aussi bien ses propres intérêts que ceux de la France, face aux puissances européennes. Comme son opposé italien, l’évêque d’Autun se méfie des émotions et affectations : « Tout ce qui est excessif est insignifiant ». Il cultive néanmoins sa part de désillusion et de mystère : « L’esprit sert à tout, mais il ne mène à rien. La vie intérieure, seule, peut remplacer toutes les chimères ».

Sur ces deux célèbres tacticiens de la scène européenne, l’avis de Mirabeau : « il n‘est pas possible que Dieu fasse, par génération, deux scélérats pareils ». Effectivement, trois siècles les séparent.

1 – La géopolitique

L’optique de Machiavel : conquérir, conserver, perdre le pouvoir (optique d’un appel aux cités-états italiennes pour qu’elles s’unissent pour chasser les Français, Espagnols, Allemands et autres pillards suisses). « Le Prince ne doit avoir d’autre pensée que le fait de guerre et l’organisation de la discipline militaire ». Pourtant, il n’est pas parvenu à unifier l’Italie : « les prophètes bien armés furent vainqueurs et les désarmés, déconfits ». Ami ou ennemi ? : « Un sage prince doit savoir subtilement nourrir quelques inimitiés afin que, les ayant vaincues, il en tire la plus grande louange ». Machiavel conseille d’aller jusqu’à des échanges de renseignement non-faussés entre les puissances (il pense à Charles Quint).

L’optique de Talleyrand : éviter une crise, une guerre, rétablir la paix dans un équilibre continental. Il se tourne plutôt vers l’avenir, dans « l’après » des formules de Machiavel : « la nature n’a pas donné aux hommes d’yeux par derrière ». Les conquêtes sont rarement bénéfiques : « Il ne faut pas couper le nœud gordien qu’on peut dénouer ». « Un arbitrage suppose une querelle entre deux puissances. Votre premier soin sera d’entretenir la jalousie, l’aigreur, d’exciter même quelque altercation… de rendre, enfin, votre médiation nécessaire… Il faut brouiller les gens qu’on veut raccommoder ». « Pour les Etats comme pour les individus, la richesse consiste non à acquérir ou à envahir les domaines d’autrui mais à bien faire valoir les siens » (sa critique à peine déguisée de l’aventurisme napoléonien conduira à sa disgrâce). « Les lenteurs s’expliquent par l’esprit de conciliation dont l’expérience me prouve chaque jour de plus en plus les avantages ».

2 – La société humaine

La vision de Machiavel est hautaine et glaçante : « les hommes sont méchants… ils doivent se caresser ou (s’) occire… par peur ou par haine ». « Il est du devoir du Prince de maintenir sur ses fondements la religion qu’on y professe… quand bien même on en reconnaîtrait la fausseté » (NB : il annonce Voltaire !).

L’optique de Talleyrand : c’est presque la même, une touche de psychologie en plus : « Les hommes sont comme les statues : il faut les voir en place ». « On peut violer les lois sans qu’elles crient (la rectitude ne paie pas) ». « Tout indique qu’en l’Homme, la puissance de la haine est un sentiment plus fort que celui de l’humanité en général et même que celui de l’intérêt personnel ». « On ne croit qu’en ceux qui croient en eux ». Il ne s’attaqua jamais à la religion, craignant, plus que tout, le pouvoir de l’Eglise.

Sources glânées auprès de Philippe Selz, que je remercie – Journées diplomatiques de Valençay 26-27/10/2019

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