Un consensus en Europe sur l’Etat de droit ? Non pas, et la fracture qui s’élargit à ce propos entre les ‘’vieux’’ Etats de l’Union européenne et les ‘’nouveaux venus’’ de l’Est est porteuse d’incompréhensions et de crises : ‘’ Je suis un peu perplexe de constater qu’il y a des députés qui osent comparer l’Union européenne à une dictature communiste’’. Telle est l’expérience étonnante, au Parlement européen, du ministre des affaires européennes allemand, introduisant le difficile débat sur les conditionnalités à attacher au versement des fonds du futur budget européen de long terme (2021-2027).
La Pologne et la Hongrie font déjà l’objet d’une procédure de sanction au titre de l’article 7 du traité européen et, en principe, elles sont exposées à des réduction de leurs fonds structurels pour des entorses aux prérogatives de la justice et aux droits humains des minorités. Mais les décisions du Conseil restent en suspens et, en attendant, Michael Roth est la cible d’attaques assimilant la très respectable République fédérale au III ème Reich et à ses horreurs. Pour certains députés polonais, hongrois ou slovaques, le monde d’aujourd’hui reste celui des années 1940. Ceci interdirait, selon eux, à Berlin, de parler au nom des valeurs et des droits humains. Poursuivant plus loin encore ce parallèle populiste très réducteur, ces élus dénoncent dans les institutions de Bruxelles une ‘’nouvelle Moscou’’ et chez leur voisins occidentaux un comportement sans foi ni loi, qui a conduit à les ‘’laisser tomber’’ lors des offensives allemandes de 1938-39. L’argent n’est pas absent de ces griefs ressassés. Ainsi, quatre-vingts ans après la guerre, le gouvernement de Varsovie réclame, pour prix de ses 6 millions de victimes, toujours près de 850 milliards d’euros à Berlin, soit 100 milliards de plus que le montant du plan de relance européen (750 milliards d’euros) ! La question des compensations avait été en principe réglée, en 1953, entre la RDA et la Pologne, il est vrai. La Hongrie et la Pologne menacent aujourd’hui bloquer la ratification du plan de relance si la clause budgétaire n’est pas strictement limitée au bon usage des fonds , à l’exception de toute question d’éthique démocratique.
On est très loin de l’origine et du sens profond de la construction européenne, laquelle constitue sûrement le plus gros investissement sur la Paix effectué au bénéfice des anciens protagonistes. La RFA y a participé largement pour sa part et la mobilisation exceptionnelle des fonds européens de relance, qu’elle alimente et garantie, devrait être mieux accueillie par nos frères, un peu archaïques, de l’Est.