On plaindrait presque Poutine de ‘’régner’’ sur un glacis stratégique aussi remuant. Après l’Ukraine, la Biélorussie, le Caucase (Arménie et Azerbaïdjan), c’est au tour du Kirghizistan. Cette, petite république montagneuse d’Asie centrale, de 6,5 millions d’âmes et de faible notoriété, voit sa population ruer dans les brancards. Les événements s’y précipitent depuis des élections législatives truquées, que le gouvernement a dû annuler sous la pression de manifestations massives. La violence de la répression a conduit à la démission impromptue du Premier ministre. La rue lui a choisi un successeur, Sadyr Japarov, incarcéré pour corruption, qu’elle a été tirer de prison. Des pillages ont ponctué les manifestations et même des mines d’or et de charbon auraient été attaquées par des bandes armées. A son tour le président, Sooronbaï Jeenbekov, se déclare « prêt à démissionner », dès que les bases d’une transition politique auront été posée et que la date d’une nouvelle élection aura été fixée.
Par contraste avec le dictateur biélorusse Loukachenko, la classe politique de Bichkek – tricherie à part – passerait presque pour une référence de démocratie. Mais le pays est aussi coutumier d’épisodes anarchiques. Des mouvements populaires ont déjà eu lieu en 2005 et 2010, aboutissant au renversement des autorités, à une époque où Bichkek offrait des facilités aériennes pour les forces de l’OTAN e Afghanistan. La coexistence être la majorité Kirghize et les fortes minorités, Ouzbek et Russes ne va pas de soi, non plus.
Boris Eltsine n’avait sans doute pas réalisé que son pays devrait se précipiter au chevet des uns et des autres en pourvoyeur des premiers soins, lorsqu’a été lancée la Communauté des Etats Indépendants (CEI). Ce cadre non-structurel a été, par la suite, relayé par l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) et par l’Union économique eurasiatique, afin de reprendre le processus d’intégration économique et politico-militaire de l’espace post-soviétique. On voit bien où on est parvenu dans le délitement. Pour V. Poutine, qui campe dans une posture revancharde face à l‘Occident, la fracturation de ce bloc hétérogène constitue un handicap et une limite frustrants, en même temps que le vestige d’un glorieux passé. Souhaitons-lui de parvenir à calmer le jeu chez ses dix vassaux !