En Centrafrique, comme on pouvait l’anticiper, les élections présidentielle et législatives s’avèrent un vrai naufrage, en dépit d’une participation présumée de 76 % (en fait, de 37 % de l’électorat inscrit). Neuf candidats à la présidentielle saisissent l’autorité en charge des élections (ANE) contre une série d’irrégularités graves ayant entaché le premier tour du scrutin du 27 décembre. La principale fraude tient au recours massif à un mode dérogatoire de scrutin, limité par le code électoral à quelques cas précis (fonctionnaires en mission). La production à très grande échelle de certificats signés par l’ancienne présidente de l’ANE a conduit au de détournement de la loi. Globalement, la moitié de l’électorat a été privé de tout vote direct. De plus, en raison du contexte d’insécurité, à peine une moitié des centres de vote avait pu ouvrir, alors que des groupes armés menaçaient la capitale, Bangui.
L’Autorité Nationale des Elections affirme néanmoins la validité, de l’élection et la victoire, dès le premier tour, du président sortant, Faustin Archange Touadéra, avec 54 % des suffrages. La proclamation des résultats interviendra sous deux semaines. Les opposants dénoncent, quant à eux, une mascarade et demandent à examiner les registres de dérogation tenus dans chaque bureau de vote. Dans ce contexte d’anarchie armée et de violence, on peut en effet s’interroger sur le sens de ces scrutins.
A travers le pays, les combats reprennent un peu partout. Depuis le 19 décembre, une coalition de groupes rebelles, qui occupe les deux tiers du territoire, mène une offensive initialement destinée à perturber l’organisation des élections présidentielle et des législatives mais qui vise désormais plus loin. Les autorités soupçonnent l’ancien président Bozizé d’en être l’instigateur. Dans tous les cas, celui-ci a fait voler en éclats l’accord de stabilisation politique signé par les acteurs politiques en février 2019.Une douzaine de seigneurs de la guerre s’en prend en particulier aux implantations de l’armée centrafricaine. Ils ont notamment saisi la ville de Baboua à la frontière du Cameroun et celle de Bangassou, dans le sud-est. Ces prédateurs tentent désormais d’investir les villes de Grimari, Damara (fief du président sortant) et de Getwa. Beaucoup d’habitants ont du se réfugier en RDC. La MINUSCA parait totalement dépassée par la situation sécuritaire et les Nations Unies, qui ont tenu mordicus à la tenue de ces scrutins, se trouvent prises à leur propre piège.
Depuis 2013, la Centrafrique est ravagée par une guerre civile, après qu’une coalition de groupes armés à dominante musulmane, la Seleka, a renversé le régime du président François Bozizé. La France avait envoyé un contingent militaire dans le cadre de l’opération Sangaris. Celle-ci s’est avéré inadaptée à la reconstruction de l’Etat, prérequis absolu au retour d’un minimum d’ordre. L’effectif militaire été rapatrié discrètement en octobre 2016. Lors des élections, Paris s’est symboliquement contenté de faire survoler Bangui par quelques avions militaires. Comme d’autres pays voisins, le gouvernement de la Centrafrique continue d’échapper à toute légitimité démocratique et à l’état de droit. On n’ose à peine imaginer le boulevard ainsi ouvert aux entreprises séparatistes ou même terroristes. Ce n’est pas un ‘’ventre mou’’ au cœur de l’Afrique, mais un sinistre abcès, porteur de contagion, un vrai virus de la guerre.