Trois minutes après la prestation de serment de Joe Biden, Pékin a imposé des sanctions contre 28 responsables de l’ex-administration Trump. La charrette inclut l’ancien Secrétaire d’Etat Mike Pompeo et transporte tout le gotha des cadres Républicains ayant traité de la relation avec la Chine. Par ailleurs, ’’les entreprises et les institutions auxquelles [les coupables] sont associés seront interdites de relations commerciales avec la Chine’’. Punir d’anciens officiels ayant quitté leurs fonctions, ceci au motif qu’ils ont ‘’sérieusement violé la souveraineté de la Chine ces dernières années » revient à s’arroger un droit de censure à rebours, bien différent du droit à réagir, sur le coup, dont a légitimement usé l’Empire. Voilà un rajout non-sollicité au procès en destitution du milliardaire à la houppe orange, qui s’ouvrira le mois prochain. Les maîtres de la Cité interdite se placent virtuellement à égalité d’autorité avec le Congrès américain pour juger du passé. En décembre 2020, l’administration Trump avait, certes, interdit l’accès du territoire américain à quatorze responsables chinois impliqués dans la répression à Hongkong, mais le gouvernement chinois ne s’était pas particulièrement défoulé sur le coup. La vengeance est un plat qui se mange froid. Les nouveaux dirigeants démocrates ont évidemment déchiffré cette sentence impériale comme étant à eux destinée : une mise en garde condescendante relative à leur politique chinoise, qu’ils devront entourer de toutes les précautions nécessaires pour ne pas heurter la RPC. Pas d’état de grâce, ni de préjugé favorable au départ, donc. La nouvelle porte-parole du Conseil de sécurité nationale n’a pas manqué de réfuter fermement l’avertissement céleste, qualifié de ‘’non-productif et cynique’’.
Un autre »défi chinois’’ attend Washington. C’est l’accord politique sino-européen sur les investissements, signé par la Commission européenne le 30 décembre 2020 et publié le 22 janvier. Il paraît à beaucoup ‘’léger’’, voire ‘’cosmétique’’, sur les droits humains, un sujet qui tient plus à cœur aux démocrates américains. Les informations sur la réduction en esclavage des Ouighours, connues entretemps, ont suscité le malaise. Bruxelles et les 27 gouvernements européens, qui ont donné la priorité à l’économie sans s’assurer de contreparties sur l’état de droit et la réciprocité des concessions, se retrouvent sur la défensive, face au Parlement de Strasbourg et à l’allié américain.
Il paraît à beaucoup de dirigeants occidentaux ‘’problématique’’ de toucher aux cordes sensibles de la Chine. La deuxième puissance économique mondiale (et future première) se positionne comme sauveteur de l’économie mondiale, dans cette terrible période de récession. Elle est, de fait, la seule qui soit encore fonctionnelle, un motif d’espoir et de respect. L’activisme chinois en matière de libre échange engrange succès après succès : quatorze pays de la région Asie-Pacifique ont signé à l’initiative de Pékin, un Partenariat régional économique global (RCEP), en novembre. Un mois plus tard c’était l’accord d’investissement avec l’UE. Les nouvelles routes de la soie prennent forme et l’OMC a été mise totalement hors-jeu. 2021 verra la vague s’amplifier, tandis que l’administration américaine restera empêtrée dans le Covid et l’apaisement des affrontements civils. »Nous devons construire un socialisme qui est supérieur au capitalisme, et poser les bases d’un avenir où nous gagnerons la position dominante’’, tel est le maître-mot de Xi Jinping, un plan clairement hégémonique et pas si mégalomane que ça. Cette position de souverain de la communauté mondiale, visée à l’horizon de 2049 (centenaire de la Révolution) implique une nouvelle hiérarchie planétaire, marginalisant les Etats-Unis et leurs alliés européens, japonais, australiens, etc. Pourquoi donc offrir des concessions – dangereuses pour la stabilité interne chinoise -, à ceux dont on prépare le repli et l’effacement ? “