‘’America is back’’. Célébré de toutes part, le retour au monde des Etats Unis, sous le gouvernement de Joe Biden est, certes, réjouissant, mais l’état du monde ne suit pas les hauts et les bas de la politique américaine. Le monde se replie sur ces égoïsmes nationaux et, depuis l’attentat de Manhattan, le multilatéralisme décline. Le retour de la plus grande puissance dans les instruments du droit international ne constitue donc pas une assurance que le droit va désormais primer sur le désordre général des relations entre Etats. Réintégration de l’accord de Paris sur le climat et d’organisations internationales, telle l’OMS, tentatives de relance de l’accord nucléaire à six avec l’Iran, prolongation de l’accord de 1987 sur les arsenaux nucléaires russe et américains, recours à des forums régionaux, tels l’OTAN ou le Quad, pour stabiliser les points chauds du globe, tout cela est bel et bon mais ne va pas pour autant enrayer l’inexorable déclin du multilatéralisme et encore moins assurer la paix et le développement universels. Et pas même suffire à surmonter collectivement le Covid ou le dérèglement du climat. On doit malheureusement se rallier au constat dressé sur le sujet par la revue Questions internationales dans un récent dossier.
Les grands traités universalistes signés depuis le début du 21ème siècle, tels la COP21 sur le climat (2015), le traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) de 2017, le pacte mondial pour les migrations (Marrakech, 2018), ont été élaborés sur des principes très louables. Pourtant leur proportion de ‘’wishful thinking’’ (méthode Coué) qu’ils recèlent s’accroît sans cesse aux dépens de leur opérabilité-même. Les objectifs nobles et les recommandations de bon sens n’ont plus beaucoup d’influence, quand les parties signataires sont ‘’invitées’’ et non plus ‘’obligées’’ de s’engager dans l’action concrète. Le multilatéralisme s’est adapté à sa propre érosion. Il se fait désormais léger et superficiel. Il vise plus à rebooster le moral des honnêtes gens épris de paix et de justice qu’à édicter des normes de portée générale. La raison en est bien sûr qu’il faut taire l’épidémie de défiance et de chauvinisme dénaturant les Etats, cause première de l’impotence de ce que certains veulent encore désigner comme ‘’la communauté internationale’’. Washington – comme Paris – ont bien conscience de cette réappropriation du monde par les nationalismes, qu’ils soient isolationnistes, identitaires ou hégémoniques et, d’ailleurs, les capitales occidentales n’en sont pas elles-mêmes exemptes. La machinerie onusienne et son secrétaire général subissent, à leur cor défendant, leur dépossession et en plus, ils en sont rendus coupables par les opinions populistes. Le Covid-19, qui confronte l’humanité entière, au même moment et à la même menace, exigerait une réponse globale. Mais la pandémie n’a pas eu le pouvoir de remettre à flot le multilatéralisme. Aucun conflit n’a été »gelé » par la crise sanitaire. Pas plus que l’invocation de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’un des piliers absolus de l’ONU, ne parvient à faire sanctionne les pratiques les plus inhumaines et les plus condamnables des Etats, petits ou grands. Depuis quatre décennies, les égoïsmes des ‘’Grands’’ comme ceux des ‘’Moyens’’ bloquent toute révision de la Charte des Nations-Unies et privent de légitimité le Conseil de sécurité dans son rôle de régulateur de la Paix. La règle égalitaire de cette institution – un siège une voix – comme le rôle de tuteur du monde accaparé par les Cinq puissances permanentes détentrices du véto ont créé tant d’impasses, de frustrations et de petites vengeances que les mécanismes de résolution des crises ne fonctionnent plus. L’universalisme garde une triste chance : celle de se réaliser dans la Loi de la jungle.