Il aurait pu choisir le 8 mars, journée mondiale des droits de la Femme, pour ce faire. C’eut été encore plus explicite ! Recep Tayyip Erdogan vient de retirer avec fracas son pays de la Convention d’Istanbul contre la violence faite aux femmes. Un décret présidentiel du 19 mars renie cet instrument, adopté en 2011 sur le territoire de la Turquie. Il requière des gouvernements l’adoption d’une législation sanctionnant les violences domestiques, y compris le viol conjugal et les mutilations génitales infligées aux femmes. Un droit de torture par le genre masculin s’en trouve rétabli, soit un bond saisissant dans l’obscurantisme barbare !
Les conservateurs accusaient cet instrument juridique de ‘’nuire à l’unité familiale’’ (curieuse conception), d’encourager le divorce et d’imposer une tolérance de la communauté LGBT. A leurs yeux, c’étaient autant de dérives sataniques. Depuis un an, ce lobby ténébreux engageait Erdogan à trancher le cou au Traité. C’est désormais fait et quelque quarante millions de femmes turques voient leur vie plonger soudainement dans l’insécurité.
Les femmes sont descendues dans les rues d’Istanbul et d’autres villes, pour conjurer le président turc de ne pas commettre cette trahison. Elles en appellent même à la croyance qui pourrait – qui sait ? – ‘’ressusciter leurs droits’’. Apparemment, les électrices ne comptent pas aux yeux du Dictateur. Le Parlement, non plus, qui avait pris la décision de ratifier cette convention et ne devrait pas se voir priver du droit constitutionnel de délibérer sur un retrait. ‘’La Constitution et la réglementation intérieure de la Turquie seront la garantie des droits des femmes », a assuré fièrement Zehra Zumrut Selcuk, ministre de la Famille, du Travail et des Services sociaux’’. En effet : on sait à quel point le Sultan se montre soucieux du droit, interne comme externe. La résistance va s’organiser, d’autant plus que le noyau réactionnaire sur lequel s’appuie Erdogan (depuis que sa famille a été prise en flagrant délit de corruption et qu’il a changé d’alliances pour museler la Justice) est nettement plus âgé que les forces vives du Pays auxquelles il s’en prend.