Avis de tempête sur les relations entre Pékin et l’Union Européenne ? Coup sur coup les ambassadeurs chinois en France, en Belgique, en Allemagne et au Danemark ont été convoqués. Le Quai d’Orsay a dénoncé pour sa part les « propos inacceptables » de l’ambassadeur de Chine, Lu Shaye, à l’encontre de parlementaires et d’un chercheur français ( »petite frappe, hyène courante »). Convoqué, le représentant de la Chine a omis de se déplacer, évoquant des « problèmes d’agenda ». Il a été enjoint – publiquement – de respecter la règle diplomatique en la matière.
« Après la multiplication des propos inacceptables tenus publiquement par l’ambassade de Chine ces derniers jours, y compris sous la forme d’insultes et de menaces à l’encontre de parlementaires et d’un chercheur français, nous rappelons les règles élémentaires consacrées par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques qui s’attachent au fonctionnement d’une ambassade étrangère, notamment s’agissant de sa communication publique ». « L’ambassade est invitée à s’y conformer strictement ». « Ni la France, ni l’Europe ne sont des paillassons’’. De tels rappels à l’ordre et aux bons usages – largement répercutés par les médias – constituent en soi une réprimande sévère. L’ambassadeur LU, un des ‘’loups guerriers’’ de Xi Jinping, s’était déjà fait épingler pour sa sortie, en avril 2020, sur le personnel médical français censé ‘’avoir déserté les EHPAD et laissé mourir leurs pensionnaires’’. Curieux registre diplomatique, qui renoue avec la propagande des années 1960 ! LU reprendra l’attache du Quai mais, selon l’Ambassade, ce sera pour dénoncer les sanctions imposées par l’UE et les »questions liées à Taïwan ». A pique envoyée sur le devoir de courtoisie, contre-pique pour culpabiliser l’adversaire. Le Quai estime que l’ambassadeur se déchaîne ‘’pour plaire à ses autorités’’, plutôt que par souci de la relation bilatérale.
La crise diplomatique entre Pékin et l’Union européenne se cristallise désormais sur les sanctions de représailles (interdiction de visa) contre 10 personnalités européennes – dont l’eurodéputé français Raphael Glucksman. Ils sont coupables d’avoir dénoncé les violations massives des droits humains dont est victime la communauté Ouïghoure du Turkestan oriental (Xinjiang). Cette dénonciation, dans le sillage de prises de position américaines très fermes, a conduit Bruxelles à sanctionner symboliquement (le symbole est une arme politique) quatre dirigeants responsables de la répression au Xinjiang.
Les droits humains sont un devoir de justice. Mais celui-ci implique un regard constant et identique sur les régions et les pays où ils sont transgressés, ceci, toujours sur la base des droits et libertés fondamentaux (Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948) ou/et du droit international humanitaire. Tout en approuvant l’UE sur le fond, on peut s’interroger sur l’opportunisme du choix du moment. En supposant que D. Trump serait parvenu à se maintenir à la Maison Blanche, son jugement sur la question Ouïghoure aurait été identique. Mais alors l’Europe ne l‘aurait pas relayé. La solidarité transatlantique reprend force – tant mieux – et l’on peut comprendre que cela dérange certains dirigeants, à Pékin, géopolitique oblige.