Raul Castro a quitté le pouvoir, à l’issue du 8e congrès du Parti communiste cubain. Une page se tourne, celle du leadership idéologique sur la gauche ‘’révolutionnaire’’ en Amérique latine et de l’époque où l’île symbolisait une résistance – totalitaire mais ‘’héroïque’’ – à l’isolement et à la persécution que les Etats-Unis lui faisaient subir. Soixante ans, jour pour jour, après la proclamation par Fidel Castro de la révolution, Raul Castro passe le relais à la tête du PCC, l’appareil central du pouvoir, à Miguel Diaz-Canel, l’actuel président de la République. Raul, le patron historique de l’Armée jusqu’en 2008, avait succédé à son frère en tant que président jusqu’en 2018, tout en détenant le pouvoir suprême en tant que premier secrétaire du parti depuis 2011. L’intermède ‘’Raul’’ a-t-il amorcé une transition que le changement de génération devrait amplifier ou, au contraire, Raul Castro va-t-il continuer, pour quelques temps encore, à tirer les ficelles du pouvoir en coulisse ?
Difficile à dire, s’agissant d’une succession dictée par la disparition de la génération des guérilleros de la Sierra Maestra et non pas par une volonté de renouveau explicitement exprimée. Ces vieux révolutionnaires qui ont renversé la dictature Batista en 1959, n’ont jamais cédé le pouvoir. Ils ne laissent pas d’autre testament que »la continuité de l’ordre socialiste’’, à laquelle la population n’est plus, elle, autant acquise qu’avant, tant la vie quotidienne, le discours politique poussiéreux et les archaïsmes de la gouvernance la frustrent et la lassent.
Avec Miguel Diaz-Canel, la relève semble assurée dans la continuité. À 60 ans, ce ‘’jeunot’’, diplômé d’ingénierie, a patiemment gravi les échelons au sein du PCC avant d’être désigné président par Raúl Castro, en 2018. C’est, dit-on, ‘’le seul survivant’’ des purges destinées à mettre à l’écart les cadres de sa génération. De ce point de vue, le parallèle chinois est tentant avec la curieuse filiation de Deng Xiaoping à Li Peng. Diaz-Canel n‘a d’ailleurs pas manqué d’évoquer ‘’l’autorité du Père’’ : ‘’ Le camarade Raul conduira les décisions pour le présent et l’avenir de la Nation’ ’ou encore : ‘’l’homme ne peut se contenter de pain : il a besoin d’honneur’’, ce qui avait mis en rage nombre de ses compatriotes, exaspérés par les pénuries. De fait, l’île est exsangue économiquement après avoir perdu son approvisionnement énergétique depuis le Venezuela et du fait du durcissement des sanctions – un vrai blocus – par Donald Trump. En plus, la crise du Covid-19 la prive des recettes du tourisme qui constituent sa rente principale. Le PIB a chuté de 11 % l’an dernier. Qui pourrait encore sauver Cuba ? La Chine ? Sa contribution se place sur un plan commercial et elle ne dispense aucune faveur, quand bien même son modèle économique ‘’socialiste de marché’’ intéresse La Havane. La seule hypothèse de salut viendrait d’un changement radical d’attitude à son égard de la part de l’administration Biden. Ce serait un coup magistral mais pour le jouer, il faudrait que soit dépassée la féroce querelle partisane qui divise les Américains sur Cuba… et aussi que les dirigeants de l’Ile manifestent des dispositions à s’extraire de la gangue mentale dans laquelle ils se sont enfermés.