* 10 mai – Où va le petit train européen ?

Face aux « passions tristes » des Français (cf. Spinoza), Emmanuel Macron a saisi l’occasion du sommet social des 27, à Porto, pour relancer sa conception de l’agenda européen. On ne pourra pas lui reprocher de penser à ’’l’après-Covid’’, qui restera une période exposée à de nombreux défis et dangers. S’en prendre au dumping social en prônant un ‘’SMIC européen’’ constitue une recette populaire auprès des électeurs français. Mais comme horizon continental, cela ne nous mènera pas loin et n’effacera pas l’appréhension nettement plus forte que suscitent les réformes qui suivront la pandémie dans le but de rétablir la compétitivité et l’équilibre des comptes.

Où va l’Europe ? Que fait l’Europe ? Elle serait devenue aux yeux des Français un  »marché sans âme’’. Elle devrait être, effectivement, un projet construit autour d’un ‘’bouclier social’’ et d’un levier d’action sur le monde. Mais …
Qui est en mesure de construire cet avenir ? Un chef d’Etat un peu isolé dans sa tour d’ivoire, à un an de l’échéance présidentielle ? Cela paraît conforme à cette curieuse préférence française pour la gouvernance verticale. Seraient-ce plutôt les institutions européennes – Parlement, Conseil, Commission ? Elles en ont la légitimité, mais sont empêtrées dans les contradictions d’une famille d’Etats encore trop diverse. Elles sont également écartelées entre le primat donné aux marchés, à la concurrence et au libre-échange, d’un côté, et leurs quêtes d’écologie, d’émancipation des consommateurs, de renaissance de la démocratie locale et de soft power dans le monde, de l’autre. L’Europe c’est également un Conseil des régions manifestement hors-jeu en matière de démocratie locale. Celui que ses pairs baptisent narquoisement ‘’le Roi de l’Europe’’ compte bien sur son ‘’initiative’’ pour sublimer son aura continentale sous présidence française de l’Union, à quelques mois de sa possible réélection. Du coup, il oublie d’associer à sa haute réflexion les élus du Parlement ainsi que des régions, départements et communes : une révolution timide et fortement encadrée, mais sans états généraux ?

La formule miracle est ailleurs : tirer au sort quelques citoyens, les former, faire une synthèse de leurs débats, élaborer à l’Elysée quelques propositions législatives que le Parlement (trop heureux de ne pas être complètement shunté) adoptera sous une forme aseptisée. Le climat, les vaccinations, maintenant l’Europe passent par cette moulinette que beaucoup préfèrent aux prérogatives des élus (des élites forcément suspectes). Cette gouvernance par affichage de citoyens anonymes reste, pleinement, celle du Souverain. S’il s’agit de mieux se positionner par rapport à nos partenaires (qui voient en la France une convalescente assez faiblarde), la dimension sociale et humaniste que défend le Chef d’Etat français à l’international est dépassée par les initiatives ‘’rosseveltiennes’’de Joe Biden sur ce même terrain. Son plan de relance de 1 900 milliards de dollars fait paraître indigent celui de 750 milliards d’euros, laborieusement élaboré à Bruxelles. Le président américain prévoit aussi d’imposer une taxation minimale de 21 % aux multinationales et d’imposer les très grandes fortunes. Certains diront que son collègue français est plutôt enclin aux options monétaristes opposées. La passe d’arme entre eux sur l’accès des pays pauvres aux vaccins contre le Covid et l’éventuelle levée des brevets nous est servie pour aiguillonner nos petites fiertés. Mais, les deux propositions étant en fait complémentaires (plus de vaccins, moins de brevets), cette aimable saynète ne nous dira pas si quelqu’un, à bord du petit train européen, pourrait deviner quelles en sont les prochaines stations.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s