* 11 mai – Jour de la ‘’réunification’’ de Jérusalem

Les violences de ces derniers jours dans la Ville Sainte étaient liées à de nouvelles méthodes d’expulsions de Palestiniens de Jérusalem Est. La furie s’est généralisée.

Depuis juin 1967, Jérusalem-Est constitue le nœud le plus inextricable du contentieux israélo-palestinien. C’est, à la fois, la question la plus douloureuse et la moins traitée du contentieux. De fait, les négociateurs des accords d’Oslo de 1993 l’avaient mise de côté comme étape ultime d’un processus de paix, sachant trop bien le potentiel de déchainement des passions qu’elle contenait. Ceci s’explique de par la concentration de tous les lieux saints dans un mouchoir de poche géographique, mais aussi du fait de l’enjeu politique attaché, de part et d’autre, à la fonction très symbolique de capitale d’Etat. Bientôt trois décennies et des dizaines de relances vaines, américaines ou européennes, auront scellé l’impossibilité d’un plan autour de deux Etats vivant en coexistence.


Les générations se sont succédé : intransigeante, insensible au droit et ancrée dans la confiance en sa force, du côté d’Israël ; déstructurée, abandonnée et révoltée de sa propre faiblesse et de l’indifférence du monde, du côté des Palestiniens. La cassure entre l’OLP et le Hamas, depuis 15 ans, de même que 12 années de gouvernement Netanyahu à la tête de l’Etat Hébreu ne procurent, à chaque camp, que des séquences de violence absolue, en guise d’unité retrouvée. Les prédations des colons israéliens, les collisions entre fidèles de confessions rivales, les décisions de justice iniques – dont les expulsions forcées de Palestiniens de leurs logis ou de leurs terres ancestraux – les cycles de vengeance prenant pour cibles des non-combattants, la mort qui rôde dans les airs… On aurait du mal à recenser toutes les étincelles qui peuvent mettre le feu aux poudres. Une circonstance aggravante s’y ajoute : après quatre scrutins accouchant de coalitions impossibles en Israël, ‘‘Bibi’’ a perdu tout mandat mais reste néanmoins au mannettes comme gestionnaire des ‘’affaires courantes’’. Il s’est fait une spécialité de se maintenir au pouvoir par la guerre. Ce n’est guère mieux du côté palestinien, où Mahmoud Abbas, totalement déconsidéré, rechigne à l’exercice de la démocratie et frustre la jeunesse palestinienne.


A Jérusalem Est,  »partie inaliénable de la capitale éternelle d’Israël », la présence arabe est méthodiquement grignotée au fil des expulsions. Cette menace réveille le douloureux souvenir des grandes dépossessions de 1948 et 1967. Comme stratégie de conquête, elle déstabilise les Palestiniens dans leur espace de vie traditionnel. L’épicentre en a été le quartier de Cheikh Jarrah, où vivent 300 000 Palestiniens, progressivement chassés par l’expansion de plus de 200 000 extrémistes juifs. Il n‘en fallait pas plus pour faire exploser les territoires occupés et tout l’espace israélo-palestinien. En pleines cérémonies de fin du Ramadan, les violences ont éclaté sur l’esplanade des Mosquées, puis partout.
La justice israélienne n’approuve pas explicitement, mais elle ne se hâte pas non plus à trancher les litiges. Elle laisse simplement le déplacement de population se produire de facto. C’est donc aussi à cause d’elle que l’idée d’une solution à deux États est devenue pratiquement impossible, le grignotage continu des territoires occupés ayant privée ce schéma de toute viabilité. Plusieurs pays arabes (Bahreïn, Émirats arabes unis, Maroc, Soudan) ont normalisé leurs relations avec Israël, l’ex-administration Trump a transféré son ambassade à Jérusalem… Tout va dans le même sens : le Grand Israël prend forme – sous un régime d’apartheid – et plus personne ne semble à même d’arrêter ce processus destructeur autant qu’illégal.


Réagirait-on encore à l’annexion de Jérusalem Est ? Par des mots courroucés, certainement. Mais qui aurait la folie d’introduire la force du droit dans cette poudrière ? Pour le système des Nations Unies et toute la chaîne des institutions post-1945, fondées sur la Charte de San Francisco, se serait un terrible revers systémique. Accepter ce précédent reviendrait à entériner les conquêtes en Ukraine, Moldavie, Géorgie, etc. de la Russie de Poutine ou d’attribuer toute la Mer de Chine et les franges de l’Himalaya à la Chine. Ce serait aussi passer aux pertes et profit le droit international humanitaire et celui des conflits, dont dépendent les vies de centaines de millions d’innocents (à commencer par les 83 millions de civils déplacés ou exilés). Une ère de colonisation débridée et violente ne pourrait-elle pas s’en suivre, alors que les catastrophes climatiques suscitent des convoitises pour la terre et pour l’eau et qu’elles se concrétisent par des bruits de bottes ? Le monde n’en peut plus du conflit israélo-palestinien. Celui-ci use les énergies positives et menace la sécurité de l’Europe, où ses résonnances sociales et psychologiques sont multiples et mortifères. Cela fait des décennies que le contrôle de l’incendie depuis l’extérieur est perdu. Les pompiers de la Paix y renoncent. Il faut néanmoins espérer que de nouveaux acteurs, mieux pourvus en discernement et plus courageux politiquement, émergeront parmi les protagonistes. Plaise à Dieu !

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