* 17 mai – L’adieu au monde d’avant

C’est avec l’administration Biden que Paris pourrait tenter de relancer le débat sur la gouvernance mondiale post-Covid (synthèse d’une tribune, dans Le Monde, de Michel Duclos, conseiller spécial à l’Institut Montaigne).


Les préoccupations américaines concernant le climat et la lutte contre les inégalités rejoignent actuellement celles de la France. Dans le pays de Voltaire, on se soucie plus qu’ailleurs des méfaits du système international ‘’globalisé’’. Lors de la dernière édition du Forum de Paris pour la Paix, en novembre 2020, le président Macron avait proposé le lancement d’un débat international sur l’organisation du monde après le Covid-19. Pour leur part, les Etats Unis sont en chantier de ‘’réparation’’, après quatre années passées à déconstruire le système multilatéral, les mécanismes de paix et d’alliance. En réintégrant l’accord de Paris et l’Organisation mondiale de la Santé, ils ont repris l’initiative et rendu une chance à des projets novateurs, tel l’Accélérateur ACT destiné à partager mondialement les outils de lutte contre le Covid ou la taxation des sociétés multinationales. Ils font désormais leur toute une série de paradigmes dont la paternité était plutôt européenne, sans remonter à de plus lointaines origines rooseveltiennes, sous le New Deal. Ensemble, les deux pays peuvent caresser l’idée, un tantinet messianique, de définir un ‘’consensus de Paris’’ sur un système mondial économique et de retour à la Paix.


Les deux gouvernements ont pris du recul par rapport à l’époque Reagan – Thatcher et ses recettes néo-libérales forcenées : privatisations, tyrannie de l’équilibre budgétaire, déréglementations financière et autres, croissance économique destructrice de l’écosystème, effacement de l’Etat, etc. Les temps post-Covid appellent des orientations différentes, permettant de faire face à des défis nouveaux : la lutte contre le changement climatique, la réduction des inégalités, la protection des citoyens et des entreprises contre les catastrophes et les prédateurs. Pourtant, le débat (à peine) esquissé par le président français n’a pas décollé, ce, pour au moins deux raisons : la difficulté à mener un projet prospectif, alors que la pandémie n’a pas fini de bouleverser le cours du monde ; et le rayonnement soudain de la nouvelle administration démocrate, qui affaiblit d’autant l’aura et l’audience du locataire de l’Elysée.


Va-t-on pour autant vers une sorte de concurrence affûtée entre l’Ancien et le Nouveau Monde autour des nouvelles recettes de la gouvernance en démocratie ? Le constat est plutôt celui du soin que prend Washington de ne pas se couper, sur ces questions, de ses alliés européens. L’Amérique est, avant tout, focalisée sur sa rivalité systémique avec la Chine, mais elle souhaite se prémunir de l’isolement et de l’unilatéralisme, là où elle peut jouer en coalition. Voilà une évolution positive. En sens inverse, pourquoi Paris se priverait-il de l’opportunité de porter, avec Washington, le débat sur une nouvelle donne de la gouvernance ? Il ne s’agirait pas d’imposer, mais de formuler, en concertation, des préceptes adaptés à l’avenir. Les matières à traiter sont multiples et complexes, concernant l’adaptation des institutions et leur résilience, la régulation des finances – dont la taxe Carbone aux frontières – , l’invasion de la vie privée par les technologies, la relance du développement, de l’éducation, la maîtrise de la démographie, les flux migratoires, la consolidation du droit, etc. A l’image des citoyens réunis pour élaborer une stratégie sur le climat, on pourrait assembler un collège d’experts pour défricher le terrain, sujet par sujet, et objectiver les obstacles à surmonter. Les conclusions de cette commission viendraient ensuite alimenter le travail engagé dans de nombreuses enceintes internationales, au sein du système des Nations-Unies comme en dehors.


Ainsi, dès le sommet du G7 qui s’ouvrira le 11 juin à Carbis Bay (Angleterre), les présidents français et américain pourraient proposer cette commission internationale sur les lignes directrices d’une gouvernance globale renouvelée. Un premier bilan d’étape interviendrait à l’occasion du Forum de Paris, en novembre. Il associerait Mario Draghi au pilotage de l’initiative, puisque le président du conseil italien préside le G20 cette année et que l’objectif visé est celui d’une concertation à l’échelon mondial.

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