Au Chili, le fantôme de l’ancienne dictature militaire commence à se décomposer. Une trentaine d’années pour solder un ordre constitutionnel liberticide, inégalitaire et anti-social, c’est plus d’une génération sacrifiée, mais on y est : le vote populaire vient d’ouvrir la voie à l’adoption d’une nouvelle Loi fondamentale. Fondamentalement différente ?
Sans doute, mais c’est encore trop tôt pour décrypter la suite., Ainsi, les partis de gauche devancent ceux de la droite, au terme d’un scrutin destiné à nommer les concepteurs du futur projet constitutionnel. Ils sont déterminés à modifier en profondeur le texte d’Augusto Pinochet (1973-1990). Avec 20,80 % des suffrages, le gouvernement de droite aux affaires, partisan d’un maintien d’un néo libéralisme ‘’thatchérien’’, se retrouve plus ou moins hors-jeu, en tout cas sans levier fort sur la future Assemblée constituante. Mais, même en emportant un tiers des sièges, les deux listes de gauche ne sont pas non plus dominantes dans le collège conventionnel de 155 membres et elles devront batailler ferme pour faire prévaloir l’objectif de droits sociaux garantis dans l’éducation, la santé ou le logement. Les candidats indépendants, souvent issus des conflits sociaux de 2019, ont, en effet raflé la mise et supplanté les formations politiques traditionnelles. C’est eux qui donneront le ton aux débats, s’ils savent rester unis. Par ailleurs, les peuples autochtones se voient attribuer dix-sept sièges. Ceci empêchera que l’impasse soit faite sur leur condition peu enviable. Du fait de l’absence de sondages, le piètre résultat de la droite, alliée à l’extrême droite au sein d’une liste unie, ni la déferlante des candidats indépendants n’étaient attendus. Cette surprise rebat les cartes, alors que se rapproche, en novembre, l’échéance de la présidentielle. Le système politique est en pleine reconfiguration dans le sens probable d’une plus grande diversité et d’une complexité accrue du rapport de forces politique. La nouvelle Loi sera écrite dans un délai d’une année et elle sera soumise à referendum l’an prochain.
Quelles que soient les arcanes du processus engagé, l’aboutissement sera bien une rupture d’avec la constitution Pinochet, donc un changement d’époque. Toute notre estime et nos encouragements vont au peuple chilien.