Revoilà l’ineffable Boris Johnson ! A l’automne 2019, après avoir fait lanterner Bruxelles deux ans et demi, il avait validé de sa main le ‘’protocole irlandais », une clause centrale et hyper-sensible du projet d’accord post-Brexit définissant l’avenir des relations UE – Royaume Uni. Londres s’était officiellement félicitée de cet accomplissement. Le but était d’éviter le retour d’une frontière terrestre de l’Ulster avec la République d’Irlande, comportant le risque d’une rupture du Traité du Vendredi saint de 1998, garant d’une paix retrouvée mais qui restait fragile. Entré en vigueur début 2021, ce protocole régit désormais le statut dual de l’Irlande du Nord : politiquement, la province de l’Ulster reste une partie constituante inaliénable du Royaume-Uni, dont la souveraineté n’est pas limitée. En matière de commerce extérieur, elle consent cependant à s’aligner sur les normes du marché intérieur de l’UE. C’était la seule façon de maintenir ouverte la frontière entre les deux Irlande, tout en évitant une entrée massive, par voie de de fraude et contrebande, de biens interdits ou tout au moins d’origine non-contrôlée dans l’aire de consommation des »27 ». Ingénieux, ce compromis avait permis de surmonter le plus haut obstacle rencontré dans le cours la négociation et de maintenir la paix civile irlandaise.
Mais, depuis le début de cette année, Le gouvernement de Sa Majesté rechigne à mettre en œuvre ses engagements et à procéder aux contrôles douaniers prévus. Sur le départ en vacances, comme son Parlement qui entre en récession, Boris Johnson, signifie tout de go à Bruxelles, vouloir renégocier – dans son ensemble – le protocole nord-irlandais : énorme frappe de boulet de canon dans un jeu de quilles bien rangé. Sans entrer dans la polémique, Maros Sefcovic, vice-président de la Commission européenne, a sobrement répliqué : »Nous n’accepterons pas une renégociation du protocole ». On doit s’attendre à une guerre d’usure, tant que Johnson restera en mesure de piloter en mode girouette la diplomatie de son pays. Le dispositif de contrôle des marchandises dans les ports de Mer d’Irlande ne constitue pourtant aucunement une frontière. Il n’a pas d’incidence sur la libre-circulation des personnes. Mais, Westminster veut considérer que si. La formule qui permet de sauver le commerce dans les règles établirait, selon le Premier ministre »une frontière », à l’intérieur du Royaume. A partir de là, la souveraineté britannique serait entravée de façon (acceptée mais) inacceptable. Quant aux Irlandais, qu’ils s’affrontent donc entre eux, les Conservateurs de Londres n’en ont cure !
Où est passé le respect du droit et de la parole donnée ? Où se situe aussi l’intérêt de l’Ulster, celui du Royaume Uni et celui des Britanniques amenés à s’ajuster sans cesse à ce Brexit en grands zigzags ? L’essence de la souveraineté veut que l’application souveraine et librement consentie du droit et des engagements contractés s’intègre dans la souveraineté de l’Etat contractant. Un peu de réflexion s’imposerait sur la conception johnsonienne, pleine de cynisme, du »grand large ». Chacun peut voir qu’elle dessert l’image du Royaume Uni dans le monde. Dommage !