La France n’est jamais meilleure en activisme diplomatie que lorsqu’elle est vexée. Et c’est peu dire que sa mise hors-jeu dans le Pacifique (et l’Océan indien), par une collusion ‘’anglo-saxonne’’, l’a froissée. Emmanuel Macron n’a pas perdu de temps pour rallier l’Union européenne de son côté – du moins Josep Borel, son haut représentant pour l’action extérieure et vice-président de la Commission – et mettre l’Inde, dans sa poche. Après un échange téléphonique avec Narenda Modi, Paris et New Delhi ont publié un communiqué commun affirmant leur commune ‘’volonté d’agir conjointement dans un espace indo-pacifique ouvert et inclusif ». Les deux pays se donnent pour ambition ‘’de promouvoir la stabilité régionale et la règle de droit, tout en écartant toute forme d’hégémonie ».
L’expression ‘’ouvert et inclusif’’ est une pique – transparente – contre l’esprit de ‘’club fermé’’ (Aukus) illustré dans l’affaire dite des ‘’sous-marins français vendus à l’Australie. L’épine a été intentionnellement glissée dans la chaussure de Joe Biden, au moment même où il vantait, à New-York, le multilatéralisme à l’Américaine et le compagnonnage avec les alliés. La réplique s’organise. Jean-Yves Le Drian a rencontré son homologue indien, Subrahmanyam Jaishankar, pour des consultations stratégiques. Quant à la dénonciation de »l’hégémonie », on comprendra qu’elle s’adresse à la Chine mais aussi, en filigrane, à ‘’l’autre grande puissance’’. Fait incroyable, l’Inde, elle aussi, a été sortie de la stratégie Indo-Pacifique élaborée par Washington. ‘’Indo’’, ne signifie-t-il pas l’Inde ? …dont la présence est reconnue comme un contre-poids majeur à la volonté d’expansion chinoise. Quant à ‘’Pacifique’’, peut-on en sortir la Polynésie française, Wallis et Futuna, la Nouvelle Calédonie ? Il est assez évident que la France y est plus impliquée au plan stratégique que, par exemple, le Royaume Uni.
Cette réaction rapide est bien meilleure que la ‘’pleurnicherie’’ concernant le marché du siècle perdu, dans laquelle s’était enfermé J-Y Le Drian, en agent comptable de l’armement. Un tel contentieux ne devrait pas sortir du cercle des technocrates et des entreprises concernées. La réponse présidentielle vise plus loin, plus haut. Ni Paris, ni New Delhi n’ont envie de s’aliéner durablement l’Amérique, dont ils ont besoin pour agir dans le monde (voyez l’aide reçue par Barkhane au Sahel !). Et ce sentiment est sans doute réciproque, bien que de moindre intensité outre-Atlantique. Un réajustement général rabibochant tout le monde pourrait réussir, si Paris travaille, sans hargne, à une sortie de crise par le haut :
-Ce serait, au minimum, l’intégration de la France et de l’Inde par ouverture de la coalition fermée créée par les stratèges américains. Les deux pays apporteraient des moyens importants à un dispositif dissuasif dont ils pourraient influencer la conduite dans un sens moins agressif qu’initialement conçu. On ne voit pas trop ce que l’Amérique aurait à y perdre, surtout si l’on s’en tient aux propos pondérés de Joe Biden à l’ONU (pas de nouvelle guerre froide ni de confrontation gratuite, le droit international, l’action collective…).
L’Australie, dont la coopération militaire avec la France couvre tant la Pacifique que l’Océan indien, consoliderait son partenariat dans l’aire territoriale et les eaux maritimes des TOM-DOM. l’Inde aussi.
– Une option plus forte serait de fusionner l’Aukus à trois et le Quad (Etats Unis, Japon, Australie, Inde) dans une seule et même organisation… sans doute aussi, d’y introduire l’Europe, dans le sillage de la France. Sept samouraïs, en tout ! Cela désespérerait peut-être Boris Johnson dans sa farouche préférence pour une formule assurant la spécificité britannique et une distanciation d’avec les 27.
Bôf, tant pis ! (Demain : Vexe-action au Sahel)