Un mois après le début de la crise des sous-marins entre la France et l’Australie, l’Union européenne annonce le report d’un mois des négociations prévues sur un accord de libre-échange avec l’Australie. La France a déclaré publiquement qu’elle ne pouvait plus faire confiance au gouvernement australien et elle rencontre une certaine compréhension – pour un temps – du côté de Bruxelles. Le rappel de Jean-Pierre Thébault, l’ambassadeur de France à Canberra rend de toute façon difficile de traiter d’Etat à Etat comme si le contentieux était dépassé. Il n’est pas question, pour l’heure, de son retour au poste, ce qui singularise le froid de Paris avec l’Ile-continent, en comparaison de l’accalmie recherchée avec Londres et Washington. Le temps de l’expiation et de la contrition va durer un peu plus. Naval Group prépare une note ‘’salée’’ au gouvernement australien, en dédommagement de la perte du ‘’contrat du siècle’’.
Par-delà toutes ces manifestations d’humeur, une question ‘’lourde’’ se pose : la reconfiguration générale des alliances, par logique de ‘’blocs’’ géographiques, permet-elle encore de dissocier les intérêts de puissance militaire de ceux du commerce international (et de la libre circulation) ? La logique du libre-échange universel, loi absolue du commerce à la fin du XXème siècle et credo de l’UE, n’est plus ratifiée par les peuples ni par les états-majors. Seules, les grandes entreprises et, évidemment, le secteur de la distribution, n’en démordent pas. Les récentes levées de boucliers contre les projets d’accords négociés de très longue date avec les Etats Unis et le Canada représentent un tournant stratégique. Ces accords ne passent plus. Les relocalisations se multiplient dans le sillage de la crise éco-pandémique, la proximité devient un impératif de sobriété et de santé.
Le monde nouveau se cloisonne en blocs culturels et militaires. Citons la guerre froide économique et technologique sino-américaine, les nouvelles routes de la soie chinoises destinées à escamoter l’OMC et les structures universelles du commerce, la constitution d’un bloc géant (sans les Etats Unis) en Asie-Pacifique, dont on voit bien qu’il se ferme à l’Europe (cf. la déconvenue concernant les sous-marins).
Tout indique qu’il nous faudra bientôt renoncer au steak de kangourou !