Pour mesurer la folie de notre monde disloqué, rien de tel que le thermomètre géopolitique de la péninsule coréenne. Dans ce théâtre hautement névralgique, le risque d’une nouvelle guerre impliquant les ‘’grands’’ n’a jamais été jugulé depuis l’armistice de 1953. Les accrochages militaires, les apparitions d’armes de destruction massives comme les coups d’éclat diplomatiques les plus inattendus s’y succèdent, tel le sommet qui a réuni Donald Trump et Kim Jong-un à Singapour. Les épisodes de tension tournent presqu’ en boucle et diffèrent peu, les Etats Unis (dont le Nord veut obtenir le retrait des forces de toute la Péninsule) ou le gouvernement de Séoul en font les frais.
Le régime de Pyongyang ne craint rien autant, en effet, que la sobriété et l’oubli. Pour se maintenir constamment sur l’avant-scène, il se montre sans cesse à l’initiative, dans une agitation provocatrice, qui accroit délibérément l’incertitude et le sentiment du danger. En quatre ans, il a procédé, au moins, à six essais nucléaires en total mépris du Traité de Non-prolifération (TNP), élaboré à la fin des années 1960. Il est supposé tenir lieu de pilier de la stabilité stratégique globale. Avec la complicité – moins tapageuse – de l’Iran, du Pakistan et de l’Inde, la RDPC (Corée du Nord) s’ingénie à faire table rase de toute régulation en la matière. L’ONU a voté contre elle des sanctions dont elle n ‘a cure, son souci actuel étant de mettre au point les ogives et les lanceurs qui la feront accéder au rang de puissance stratégique mondiale, capable de faire face aux Etats Unis, de faire chanter le Japon et d’acquérir une totale indépendance vis-à vis de son ‘’mentor’’ – critique – chinois.
Le 1er octobre, Pyongyang affirme avoir testé un missile de croisière hypersonique dont la vitesse est censée déjouer toute parade du camp adverse. Elle a aussi annoncé avoir lancé avec succès un missile balistique après avoir testé la veille un missile anti-aérien d’un type inédit. Tout un bouquet. A l’administration Biden qui l’avait sondé sur les modalités d’une reprise de contact (discrète), le régime a répondu vertement ‘’non’’. Réuni à la demande des Etats Unis, de la France et du Royaume Uni, le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pu que constater son impuissance, ne parvenant pas à s’accorder à réagir par une déclaration commune. Paris aurait voulu que soit marquée une préoccupation face aux transgressions constatées et que les 15 membres appellent à appliquer pleinement les sanctions économiques décrétées par l’ONU en 2017. Comme toujours, la Russie et la Chine se sont opposées à toute prise de position, chose ‘’non pertinente à ce stade’’. Pyongyang peut donc poursuivre tranquillement sa mégalomanie guerrière et faire peser sur le monde le danger d’une conflagration mondiale.
Pour nous égarer un peu plus, quelques jalons paraissent posés dans le sens d’un rétablissement du téléphone avec Séoul. A moins que … On a du mal à décrypter, on n’y peut rien après tout, on est même un peu lassé, donc : n’y pensons plus ?