* 6 octobre – Si vis Pacem …

‘’Gagner la guerre avant la guerre’’, la nouvelle stratégie militaire de la France, exposée par le nouveau chef d’état-major des armées, ne se démarque pas de l’adage ‘’si vis pacem para bellum’’. Prêt pour la guerre, dans l’idée de ne pas avoir la faire, l’idée est dans la continuité de la pensée stratégique de l’Hexagone et elle fait toujours sens. Mais on emprunte un peu plus à Sun zi : il faut avant tout acquérir une emprise sur les esprits, aveugler les sens. Sur la scène des multiples confrontations du monde, la dissuasions n’est plus seulement nucléaire, elle s’intègre aussi dans une puissance de feu (et de projection) et dans une posture qui force le respect. Sur cette base, le général Thierry Burkhard développe un concept ultra-moderne, qui bouscule un peu le décompte traditionnel des hommes en armes, des chars, avions, navires et canons. Il en a présenté les grandes lignes, le 1er octobre, devant les députés de la commission de la Défense de l’Assemblée.


‘’Gagner la guerre avant la guerre’’ implique de fortement progresser dans une série de domaines connexes aux systèmes d’armes, jusqu’à présent peu explorés. On plonge dans l’univers des high techs et du numérique. De fait, les  »opex » comme Barkhane au Sahel vont entrer dans une catégorie de sous-traitance basique : il va falloir entrainer les troupes à maitriser des spécialités plus ‘’pointues’’, qui primeront à terme sur les opérations de terrain. En filigrane, on devine la place majeure promise à la robotique militaire et aux drones de toutes sortes. L’espace devient un théâtre stratégique majeur, où la tentation est patente d’introduire des systèmes d’armes futuristes, à bas de lasers et de détecteurs de toutes sortes. On se rapproche de la conception américaine de conflits ‘’télécommandés’’ à grande distance sans soldat – ou très peu – au sol. Dans cette optique, une place novatrice doit aller à la lutte informationnelle, via les canaux informatiques et les réseaux sociaux pour répliquer aux tactiques de confusion portées par des pays adverses. La guerre électronique semble destinée à fusionner à la guerre psychologique. Un service de vigilance de protection contre les ingérences numériques étrangères va bientôt être mis en place sous l’autorité du premier ministre et sous la gestion pratique de la Défense. On va protéger nos esprits des campagnes d’infox et de confusion conduites par les ennemis de la France – un sujet qui ne porte pas à rire l’esprit citoyen. Ce vaste et sulfureux domaine qui touche aux bases de la démocratie pourrait-il être l’apanage de la seule Défense, sans incidence négative sur les médias et les opinions publiques ?


Le monde est dangereux et on aurait tort d’en être seulement spectateur. Le général Burkhard estime que tous les Etats sont ‘’concurrents’’ entre eux. ‘’Compétition-contestation puis affrontement” constitueraient la dynamique des tensions entre Etats. La France, vue par elle-même, représenterait la (seule) ‘’puissance d’équilibre’’. Mais les malheurs du monde sont loi d’être le fait d’Etats et de classes politiques. Prenons l’exemple des carricatures du Prophète. La possibilité de passer du soft au hard power implique surtout de cultiver ses alliés (voyez l’affaire des sous-marins commandés par l’Australie), de se faire comprendre d’eux, d’en augmenter le cercle au besoin, et de coopérer dans la formation, l’entrainement et l’armement d’armées moins bien dotées de pays qui se conçoivent en partenaires et amis. Il faut aller à leurs devants. La fonction de prévention de la défense vise à conforter l’influence de la France en tant que puissance.
La coopération et les échanges de temps de paix trouvent toute leur place pour tuer dans l’œuf les germes de conflits hybrides qui se multiplient. Les conflits actuels commencent le plus souvent par des affrontements civils (éthiques, religieux, économiques, politiques, etc.) sans grand rapport avec la géopolitique. C’est dans une seconde phase, avec l’intervention de puissances étrangères appelées à la rescousse ou en quête de gais opportunistes qu’ils acquièrent une dimension de ‘’guerre’’ géostratégique.

On le sait, l’ONU est à bout de moyens pour assurer cette fonction préventive. Ce blog est séduit depuis longtemps par le projet d’un Conseil de sécurité social, économique et environnemental, parallèle au conseil de sécurité et fonctionnant en symbiose chargé de désamorcer les foyers de tension non-militaires ou pré-stratégiques. Dans un récent appel collectif, une douzaine de chefs d’Etat et un bouquet de personnalités demandent à l’organisation new-yorkaise de s’ouvrir plus largement aux organisations de la société civile. Des citoyens formés et déployés pour gagner la paix sans avoir à la perdre ? Pourquoi pas, s’ils sont aussi épaulés par des militaires formés à gagner la guerre… sans avoir à la faire.

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