* 20 octobre – De droit souverain…

Les relations entre Bruxelles et la Pologne sont acerbes depuis plusieurs années. La réforme polonaise de la justice polonaise a été vertement critiquée par la Cour de justice de l’Union européenne. Le tribunal constitutionnel polonais a répliqué en estimant, le 7 octobre que la constitution polonaise était  »incompatible avec certains traités européens » et que les compétences de l’Union européenne n’étaient pas établies en matière d’État de droit. L’Europe à laquelle Varsovie a adhéré serait pire qu’incomplète : juridiquement infondée.

Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki et le parti au pouvoir, le PIS, ne cachent pas leur volonté ‘’souveraine’’ de garder la main sur une justice nationale aux ordres de leur gouvernement. C’est un rejet frontal des principes de droit sur lesquels a été établie l’Union européenne et que chaque Etat-membre est censé faire siens, notamment la Pologne depuis mai 2004. La Cour suprême polonaise est nommée essentiellement par le président polonais. Les juges aussi. Les membres de l’instance disciplinaire de la Cour sont désignés par le gouvernement, lequel détient aussi le pouvoir de révoquer les juges. Les Polonais justifient cette soumission servile de leur pouvoir judiciaire à l’Exécutif par la nécessité d' »épurer » la magistrature des communistes encore présents, un curieux prétexte idéologique d’un autre temps.

L’Union ne peut accepter sa ‘’délégitimation’’ par un Etat-membre en pleine dérive autoritaire. Elle a donc suspendu l’accès du plan de relance économique polonais aux fonds mobilisés par l‘Union pour la sortie de crise, dans l’attente d’une conformation de Varsovie aux règles du droit. Mateusz Morawiecki, s’est bien sûr insurgé contre ce qu’il estime être un chantage. La Hongrie campe également sur des positions populistes, anti-européennes et elle a subi la même mise en garde. En fait, la césure paraît plus tranchée que jamais entre une Europe occidentale traumatisée par le Brexit et en recherche de réassurances dans ses valeurs fondatrices et, face à elle, le flanc oriental de l’Union  tenté par le souverainisme et essentiellement sensible aux aides économiques que celle-ci lui apporte.

Les institutions de Bruxelles ne peuvent, par construction, que s’opposer à une dérive qui fragilise tout l’édifice européen. Ursula von der Leyen s’est exprimée hier, sans ambiguïté, devant le Parlement européen sur la crise de l’état de droit le en Pologne et la primauté du droit européen. Elle n’a laissé aux contestataires aucune autre porte de sortie qu’un maintien du plein effet des Traités et de leur primauté  sur les législations internes. La question possède de fortes incidences ‘’identitaires’’. Elle n’est pas fortuite, elle ressurgira forcément.

A la base, 80% des Polonais restent pourtant favorables à un maintien dans l’Union européenne. Le jeu tactique du gouvernement autour d’un hypothétique ‘’Polexit’’ – solution logique à l’incompatibilité présumée – risquerait fort de faire tomber celui-ci aux prochaines législatives, ce qui devrait permettre de rétablir l’harmonie politico-juridique avec l’Union. Ce serait à la fois un traumatisme et une clarification salutaire. Mais Premier ministre polonais n’est plus aussi droit qu’auparavant dans ses bottes. Il semble chercher quelque biais ambigu pour rentrer dans le rang, sans perdre la face. Il a ainsi écrit à tous ses homologues européens qu’il pourrait accepter que les textes européens soient supérieurs aux lois polonaises (ce qu’il ne croit pas), mais qu’il ferait face alors à un problème constitutionnel qu’il n’est pas à même de régler.

Dans ce genre de cas, on convoque des élections générales. Le peuple polonais n’est-il pas souverain chez lui ?

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