Dans sa nostalgie des années 1990, ce blog songe aux grandes années des sommets spectaculaires entre ce qu’on désignait alors comme ‘’les super-grands du monde’’. A Helsinki, Vienne, Reykjavik ou New-York, ils négociaient dans des décors solennels, du haut de leur suprématie globale, un plan de paix pour un conflit périphérique, le contrôle ou la réduction de leurs arsenaux stratégiques, la création d’un processus pour préserver le dialogue et servir de garde-fou à leur rivalité folle. Les médias du monde suivaient ces rencontres comme si le sort du monde tenait à une parole de leur part. Les conclusions étaient théâtralement présentées pour que nous nous pensions sauvés … ou presque.
Les 15 et 16 novembre, c’est en distanciel, sur leurs écrans, que les deux géants de notre époque se sont confrontés l’un à l’autre. Quasiment pas d’image, en tout cas qui soit parlante, et une communication médiatique anémique. On vit un chapitre d’histoire plus tendu que dans la décennie précitée mais dont n‘émane, à distance, que de la fadeur, du flou, des lieux communs. Les présidents américain et chinois, Joe Biden et Xi Jinping, se sont pourtant parlé pendant près de quatre heures. Sans doute ont-ils fait le tour de leurs innombrables différends. Pourtant, rien n’est réglé, rien. Plus exactement, ils ont calibré leurs échanges en vue de contenir à l’avenir les conséquences de leur concurrence pour le leadership du monde, en-deçà du risque de guerre directe entre eux. Tout d’abord, c’est le minimum que doivent s’imposer des super-puissances rationnelles, conformément à la logique ‘’MAD’’ (Destruction Mutuelle Assurée), la seule façon de ne pas se retrouver fracassé au pied de leur haut piédestal. Et puis, ça rassure un peu les ‘’petits’’ et les camarades »supplétifs » de leurs camps respectifs. Mais, dans les faits, les meilleures intentions modératrices ne prémunissent pas contre les dérives et les accrocs qui affectent, sur le terrain, le déploiement de la force.
La question de Taïwan, en particulier, est devenue leur premier motif de crispation. La RPC parle d’une province rebelle échappant à l’intégrité de la Chine et elle ignore tout droit à une existence sûre et libre de 23 millions d’habitants, censés être des ‘’concitoyens’’ mais perçus comme une chair à canon soumise à sa volonté de conquête militaire. XI reproche aux Taiwanais de »s’appuyer sur les Etats-Unis pour leur indépendance », de même qu’à Washington de ‘’tenter d’utiliser Taïwan pour contrôler la Chine’’. De son côté, Joe Biden a averti Oncle Xi que les Etats-Unis »s’opposeraient fermement à toute tentative unilatérale de changer le statu quo ou de porter atteinte à la paix et à la stabilité dans le détroit de Taïwan ». Les deux dirigeants n’auront donc pas dévié d’un pouce de leurs doxa de confrontation. Cela participe d’ailleurs de l’effet bluff (‘’essaie un peu, pour voir !’’) et, parant, de la dissuasion. Ils ont parlé, avec la même convivialité de Hongkong, du Tibet, des Ouighours, etc.
Avec un peu de recul, ce blog en vient à un peu moins aduler les années 1990. Comment croire encore que le condominium protège et respecte l’Humanité ? Le spectacle d’ombres chinoises à deux voix-deux ombres ne nous mène pas vers la lumière. Si l’intelligence doit être collective ou ne pas être, autant ressortir le système des Nations Unies des limbes où les puissants de ce monde veulent l’enterrer. Autant remettre en selle une vraie communauté internationale. Ecoutons plutôt A Guterres nous parler de coordination des bonnes volontés et de diplomatie préventive (cette brève est définitivement rétro).