* 25 Novembre – Croisières clandestines

Où en est-on de la petite ‘’guerre des pêches’’ entre la rive continentale de la Manche et les îles anglo-saxonnes ? Le fait qu’on n’en entende plus parler témoigne de ce qu’on négocie âprement, sans tonner dans les médias. Un retour à la norme des choses, le sourire en moins. En fait, la crispation des lendemains de Brexit a changé de front. La Manche, en tant que couloir passage clandestin entre le rivage du Calaisis ou du Cotentin et celui du Sud de l’Angleterre devient un point chaud de contentieux en même temps qu’un mystère … voire un drame.


Au moins 27 victimes, hommes, femmes et enfants ont péri hier dans le heurt de leur canot pneumatique avec un des multiples cargos parcourant le ‘’rail’’ d’Est en Ouest. Les tentatives pour les mettre à l’abri ont été tardives et vaines. Par contre, quatre passeurs d’un réseau bien établi sur la rive française ont été appréhendés. Ils importaient de Chine, par dizaines, les rafiots gonflables. Cela ne paraît pas avoir été repéré et pourtant, une telle industrie, destinée à tant de passagers semble difficilement ‘’camouflable’’. A quoi servent les milliers de détecteurs installés sur les plages ? Tous ces malheureux tenaient absolument à traverser la Manche et étaient prêts à risquer leur vie pour ne pas rester ‘’bloqués’’ en France. L’émotion se dissipera – jusqu’au prochain naufrage dans ce nouveau cimetière maritime, aussi inhumain que la Méditerranée : c’est ainsi. Mais, en fermant hermétiquement aux exilés tout accès légal au Royaume Uni, n’invite-t-on pas le crime organisé à ouvrir en grand l’industrie périlleuse du passage clandestin ?

Comment interpréter qu’en une seule journée, dix mille – et jusqu’à 14.000 exilés à une récente occasion -aient pu prendre la mer depuis les côtes françaises – ni vus, ni connus – et croiser vers la très convoitée Albion. On est prié de croire que l’impressionnant dispositif policier déployé pour ‘’garder la frontière britannique’’ (par sous-traitance française) n’y voit goutte. Car même par mauvais temps et brume matinale, cela fait du monde sur les plages, du trafic sur les routes, du bruit sur les ondes. Convainquons-nous que les jumelles des gendarmes, ni les satellites au-dessus des têtes n’en repèrent qu’une fraction infime. Bôf ! Il y a comme une petite chance d’y arriver pour ceux qui doivent recommencer plusieurs fois leur traversée. La plupart y arrivent au bout du compte. Ceux, moins nombreux, qui sont interceptés avant la laisse de haute mer n’arriveront ni à se faire héberger sur un site d’urgence – tout a été fermé, démantelé – ni à postuler pour une aide matérielle de survie. S’ils parviennent à rejoindre des parents ou amis au Royaume Uni, curieusement, ils sont plutôt mieux reçus, nourris, hébergés, juste en face que dans l’Hexagone. Leur droit à demander l’asile y est encore à peu près respecté, même si Boris Johnson souhaite le remettre en cause. Alors, pourquoi cette muraille – passoire, du côté français, qui énerve tant le gouvernement de Londres ?


Il semblerait que du côté britannique, si vous entrez en clandestin, vous serez assez facilement pardonné. Et le marché de l’emploi est très accessible, ce qui n’est pas le cas en France. En fait, comme chez le voisin gaulois, il faut distinguer la posture intraitable ‘’zéro accueil’’ destinée au public et la réalité plus discrète des pratiques. Celles-ci doivent un peu au le droit et beaucoup au besoin d’importer une main d’œuvre bon marché. Qui plus est le ‘’laxisme’’, vrai ou faux, des autorités françaises offre un providentiel exutoire aux lecteurs de tabloïds britanniques. De la même façon, la férocité de la police française à Grande-Synthe près de Dunkerque ou autour de Calais rassure le riverain – électeur troublé dans sa quiétude par tout ce dérangement. Mais dans les deux pays, la Justice administrative ne laisse pas globalement violer le droit et le statu quo boiteux sert, finalement, des intérêts partisans.

Alors faut-il encore garder ces accords insensés, signés au Touquet, et qui financent les autorités françaises pour que leur pays se fasse agonir du public britannique ? Ceci n’a plus aucun sens depuis que cette frontière est devenue celle, extérieure, de l’Union. Paris soutient l’action de Frontex, qui scelle des frontières plutôt que de sauver des vies. Cette mission est souvent critiquée comme insensible à l’humanitaire voire purement policière. Si la tâche de gardiennage reste nécessaire, que ne mobilise-t-on pas, au moins, des moyens permanents de secours en mer ? La première urgence serait de renoncer au ‘’bakchich’’ empoisonné de la sous-traitance pour Londres. En suscitant une négociation, face à face, entre Londres et Bruxelles, on reviendrait aux fondamentaux du droit et des gens. Car l’humanité et les Traités nécessitent de ménager, en travers de la Manche, une petite passerelle sécurisée, destinée à l’asile, aux réunifications familiales et aux candidats postulant aux emplois en tension. Un rêve naïf, tout cela ?

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