Ca y est, à l’heure dite et en bon ordre : Olaf Scholz a composé sa coalition de gouvernement, qu’il a souhaitée placer sous le signe du progrès. On peut faire dire beaucoup de choses au mot ‘’progrès’’, mais on ne peut contester une forme de virtuosité calme et bienséante au lent processus de formation d’un nouvel Exécutif allemand. Les libéraux obtiennent le portefeuille stratégique des Finances, les Verts un mega-ministère de l’Economie, de l’Energie et du Climat, ainsi que ceux de l’Environnement et de l’Agriculture, tandis que le SPD se réserve la Défense, l’Intérieur et la Santé.
La gestation fut longue, mais la naissance, rapide. Le matin, l’ex-vice-chancelier chargé des finances offrait un bouquet de fleurs et des mots doux à Angela Merkel. L’après-midi il expose son contrat de coalition intitulé ‘’Oser plus de progrès’’. Celui-ci diffère légèrement de celui de Merkel quant aux valeurs mises en avant, mais aussi truffé d’assurances de continuité. L’audace y est pondérée, car les temps sont durs. Le soir, il diffuse l’identité de ses ministres. Tout un processus démocratique, sans cri ni pathos. Outre Rhin, on conçoit des réformes mais on se méfie des ruptures. De là s’explique cette capacité à créer un consensus entre formations politiques dont les programmes sont assez divergents – voire-même antagonistes. Comment le Parti Libéral et les Verts vont-ils s’entendre sur la transition énergétique et écologique. Les sociaux-démocrates et les Verts, sur les premiers pas d’une Europe-puissance ? Ils sont tous d’esprit pro-Européen, avec des nuances, mais sans doute même plus que les Français.
Face à la cinquième vague particulièrement ‘’rugissante’’ de la COVID dans son pays, Olaf Scholz se retrouve, d’entrée de jeu, devant un défi brûlant. Il indique vouloir débloquer un milliard d’euros en faveur des personnels soignants et s’interroge ouvertement sur le recours à la vaccination obligatoire. Dans l’urgence, il y a dialogue et effort de cohésion.
Cela laisse les Français un peu songeurs, tant leur culture politique guerrière exige un gagnant absolu et des perdants saignés à mort. C’est maintenant les échéances électorales de l’Hexagone et ce fameux tempérament français qui vont donner quelques sueurs aux planificateurs allemands : quel Super-Dupont agité va émerger des urnes, pour s’attaquer à quels moulins à vent ?
La meilleure cohérence allemande sur la ‘’grande image’’ pour faire cheminer l’Union collectivement, entre les écueils qui l’entourent, pourrait servir de sésame à Berlin pour naviguer avec ses 26 partenaires de l’UE sur les eaux subtiles du compromis, ondes polychromes inconnues de leurs voisins français. A Paris, il faudra bien s’habituer à ce que, faute de mettre un peu d’eau dans l’autoritarisme français et un brin d’effort pour faire oublier l’arrogance chronique du coq gaulois, faute aussi d’emprunter quelques recettes au consensus allemand, la présidence française de l’Union risque de s’emballer dans le vide et de casser des pignons, sans enclencher le moteur de Berlin, ni faire tourner (vers l’avant) les roues du lourd char européen. ‘’Willkommen, Olaf ! Nous souhaitons apprendre de votre pays et nous savons que vous écouterez d’autant mieux nos cocoricos pondérés’’. Schüss !