17 milliards € pour 80 Rafale vendus plus quelques hélico Caracal, ça fait un beau magot ! Pas vraiment pour vous et moi, pas forcément pour l’Etat mais Dassault, Safran et Thales peuvent sabrer le champagne et leurs ouvriers et sous-traitants avec. Mettons-nous à leur place : le souci n’est pas de savoir ce que les Emirati (ou Emiriens) vont faire avec cet arsenal, et dans le cadre de quelle stratégie concoctée par l’Arabie saoudite. Quand l’argent et l’emploi rentrent à flots, les médias et le consortium de l’armement ne vont pas bouder leur plaisir. Logique. Soyons fiers des armes françaises (de fait, le Rafale est un bel avion, mais ses missiles ne font pas dans l’esthétique). Qui donc se soucie alors du degré de vertu et de civilisation du client ? Qui aura à l’esprit que les ventes françaises sont soumises au droit international ? On pense, entre autres, au Traité sur le Commerce des Armes ainsi qu’aux directives européennes strictes et contraignantes : en gros, ne pas vendre à des pays qui sont en guerre de leur propre fait ou alors s’engager à leur côté ce, en particulier, quand lesdites armes sont surtout susceptibles de frapper des populations civiles.
En France, le Président de la République est le Grand Maître des canons. Une savante commission interministérielle planche sur chaque projet d’exportation, mais croyez-moi d’expérience, le Premier ministre, qui en a la tutelle, et surtout le Chef de l’Etat ont toute latitude de ne tenir aucun compte de l’avis des fonctionnaires. De plus, ceux-ci savent trop bien qu’aller contre les intérêts des grandes entreprises du secteur irriterait fort en haut lieu. Ils ne sont donc pas les meilleurs détenteurs qui soient de la conscience.
Un gros contrat passé (préalablement négocié sur des années) c’est le cœur et le succès d’une visite obligatoire chez un gros client exotique. Car on ne parle pas ici de pays alliés. L’Emir ou le Roi exige, pareillement, cette visite bien ostentatoire, pour sa propre gloire. Entre un beau moment d’apothéose et une petite trahison des principes et du droit humanitaire, le fournisseur d’armes – labellisé démocratique – n’aura aucun mal à trancher … ce, dans le même sens que certaines dictatures sans âme également productrices de matériel de guerre (on est tous concurrents !).
On a quand même des manières, en France : notre Grand Commis Export va emballer d’intentions pures et d’amour des peuples – donc de leurs dirigeants brutaux et corrompus – sa belle visite au client. Il faut la rendre plutôt présentable : parlons d’abord de notre grandeur ! Biffons le droit et la morale (les médias nous suivront) ! Oublions un peu la guerre atroce conduite au Yémen, ses centaines de milliers de morts civils (parfois sous des armes françaises), les condamnations de l’ONU à l’égard des exactions saoudiennes et émiriennes ! Gardons-nous de penser à une quelconque complicité de crime contre l’humanité de la part de la France, ni à l’incitation qu’auront nos satanés clients à engager de front l’Iran militairement (et réciproquement : un conflit potentiellement mondial s’ensuivrait). Ignorons qu’aux yeux des Etats-Unis et des Européens, nettement plus regardants que nous, les jeunes émirs sont de dangereux boutefeux et Mohammed Ben Salmane, singulièrement, un tyran sanguinaire. M. Macron l’a rencontré, flatté, réhabilité … il fallait bien ça pour prospérer en affaires.
En contre-point, le premier des Français a plaidé pour une reprise de l’aide économique saoudienne au Liban. Ca ne coûte pas cher et ça rend vertueux. Qui nous dira un jour si cette noble prière a été exaucée ? D’ailleurs, on s’en fiche et, de toute façon, la visite est passée. Ainsi va la France d’aujourd’hui. Une majorité de ses citoyens approuve ces mises en scène en espérant, au passage, grapiller quelques retombées dans ses escarcelles complices. Parlons toujours de ‘’roman national’’, de ‘’valeurs françaises’’, d’’’héritage des lumières’’, etc. En fait, hors-‘’Nous’’ et ‘’l’Argent’’, il n’y a pas grand-chose qui compte vraiment et qui nous réveille. Comme quoi, on peut décliner tout en s’enrichissant.
Très bien ! L’acompte de mise en vigueur a t’il été débloqué ? Sinon, ce n’est encore qu’un mirage (phénomène courant dans ces contrées) !
Amitiés, Patrick Michon
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