La campagne électorale française a une drôle de tonalité eurosceptique et un horizon de vue replié sur l’Hexagone. Alors qu’en Allemagne, par exemple, l’Europe ne pose plus question et qu’elle porte même les principales recettes aux grands problèmes transversaux, en France, elle reste un défouloir existentiel et un illusoire terrain d’affrontement. Son importance primordiale dans les politiques et les cadres de vie des citoyens est tout simplement ignorée.
Voilà une bonne façon de convaincre l’électeur que le politicien »bien de chez nous », est un héros tout puissant et que sa parole vaut re-création de la Mère-Patrie. Cela revient à se persuader que la monnaie, le commerce, la santé, le politiques budgétaires ou celles de l’environnement sortent ‘’toutes cuites et prêtes à l’emploi’’ du puissant cerveau de nos Super-Dupont organisateurs du genre humain (celui du clan franchouillard, s’entend). Dupont-Electeur ne doit surtout pas en douter. Ce syndrome rappelle les mécanismes mentaux du Brexit. L’UE est brandie sous ses yeux comme un défi à SA souveraineté (ou comme un exutoire à ses frustrations) et notre pauvre Dupont-Citoyen est téléguidé par les émotions !
Il faudra bien rendre à la Patrie des porteurs de béret – à eux seuls – des prérogatives absolues sur les problèmes qui la dépasse, pour lesquels elle ne dispose pas des ressources ni de la puissance pour agir utilement et que, dans tous les cas, elle maitrise mal. Reste l’identité et la sécurité, deux causes récurrentes, plutôt archaïques et hors-le monde. Ce mantra s’accompagne d’une répudiation inconséquente des traités signés et qui valent constitution. Foin des normes, exit les garde-fous contre un retour de la guerre et de la sauvagerie ! Ne parlons ni du climat, ni des transitions, ni d’un retour de la Paix ! Cela fait beaucoup de marches arrières à encaisser, pour un simple spectacle saisonnier !
L’Ours n’aime pas la pensée binaire. Il n’a plus trop envie de plonger son museau dans un monde orwellien, qui, de toute façon, s’évaporera en avril ou en mai. Il n’est pas sorti de sa taïga pleine de dangers pour partir en guerre contre d’autres, qui n’auraient pas exactement la même fourrure que lui ou qui grogneraient avec un accent. Ni envie de se voir attribuer un territoire en fonction de sa complexion et de sa connaissance des valeurs ursidées. Cette campagne nombriliste et sans horizon, sans »nourriture pour penser » (food for thought), est aussi sans discernement aucun quant aux profonds effets du monde sur le fonctionnement de la France. Elle est plus désolante encore qu’ennuyeuse. Personne ne voit donc qu’autour de nous tout change très vite et que ce n’est plus un jeu d’autorité, bien ou mal exercée, qui nous adaptera à notre dangereuse époque ?
Est-ce que quelqu’un d’important voudrait bien penser à partir des réalités mouvantes ? Il devrait nous dire que les vieilles ficelles du chauvinisme sont passées de mode, inefficaces. L’Ours, lui, se tait (du moins, jusqu’à demain)…