La dialectique ‘’guerre ou paix’’ sera dominée, dans les mois qui viennent, par trois grandes puissances géopolitiques : les Etats-Unis, la Chine et la Russie. Dans certaines hypothèses, ces acteurs dominants entretiennent ouvertement l’option de recourir à la confrontation armée dans les rapports de force entre nations. Archaïque et réaliste à la fois.
Aux acteurs dominants du jeu stratégique est réservé le sinistre monopole des conflits mondiaux (potentiellement, tout au moins). Un seul ‘’grand’’ de la Planète est privé de cette capacité moralement discutable mais bien réelle et nécessaire, ‘’par impotence, sinon par philosophie’’ . C’est l’Union européenne, qui écarte cette option et tout scénario extrême. Elle exclut même d’avoir à contrer une offensive majeure à ses frontières comme dans son voisinage. Même refus de se protéger par le parapluie de la dissuasion. La France est un peu l’exception à cette attitude d’irénisme tranquille.
En citant l’éditorialiste Alain Frachon, du Monde (nos remerciements), examinons la trajectoire belliciste de la Russie de Vladimir Poutine :
« En Europe, Vladimir Poutine impose son tempo. Son message est simple : après avoir annexé une région de ce pays, la Crimée, organisé la sécession d’une autre, le Donbass, le président russe se dit prêt à aller à Kiev et à soumettre l’ensemble de l’Ukraine. Auparavant, il a pris soin de manifester avec éclat la puissance militaire retrouvée de son pays : tirs de missiles dernier cri, capacité de destruction dans l’espace, manœuvres géantes aux frontières de l’Ukraine. Des généraux ukrainiens disaient récemment au New York Times qu’ils ne résisteraient pas plus de quatre jours à l’armée russe. Après, ce sera affaire de guérilla populaire ». Solution archaïque parfois efficace mais à long terme, si l’on fait preuve de la patience et de la résilience nécessaires.
L’ambition russe a été publiquement affichée le 17 décembre 2021: »Poutine veut une nouvelle architecture de sécurité en Europe – en fait, revenir, autant que possible, à la zone d’influence russe existant du temps de l’URSS. L’OTAN doit être neutralisée et fermer ses portes à tout nouvel impétrant. L’objectif est de consigner l’ensemble en bonne et due forme au terme d’une négociation bilatérale entre Américains et Russes qui s’est ouverte les 9 et 10 janvier à Genève ». Ce blog reparlera de cet exercice inquiétant, entre Munich 1938 et Yalta 1944. Bien sûr, on ne parle qu’entre grandes puissances militaires : Moscou a expressément exclu les »nains européens » de la négociation.
‘’Négociation’’ est d’ailleurs un grand mot. Le Kremlin a fixé publiquement ses lignes rouges d’entrée de jeu, comme pour s’obliger à l’intransigence : tout échange de concessions devient alors une défaite complète et l’exercice devra déboucher, en quelques jours, sur un »oui » ou un »non » à ses ultimatums. La Maison Blanche a fait valoir que nombre des prétentions russes étaient inacceptables et qu’en jouant le temps, elle amènerait »l’Ours » à en rabattre. Elle affirme aussi vouloir réintroduire les Européens dans ce bras de fer, au moins sur un strapontin, et cherche aussi à répartir les enjeux entre plusieurs fora.
La Russie s’est placée dans une posture qui l’oblige à passer à l’offensive, si elle n’obtient pas satisfaction sur ses ‘’lignes rouges’’, c’est à dire sur la recomposition de son empire, à l’Ouest. Cela ne rend pas forcément l’OTAN vertueuse mais le recours au registre des menaces contre les anciens satellites rend l’Alliance indispensable. Dommage ! Une fois de plus, l’Ours blessé devient terrifiant quand il prend le risque de faire de notre continent un vaste cimetière. Peu importe alors ses griefs compréhensibles et ses malheurs passés. Le fait est que l’Europe se rapproche de la guerre. Entre Münich et Yalta, vous dis-je !