Pauvre Europe ! 75 ans après sa sortie de guerre, elle reste hantée par les syndromes du partage et de la domination stratégique par deux empires extérieurs ! Certes, son seul grand succès est de s’être créée, sur ses propres ruines, pendant la Guerre froide. Nouvelle guerre froide, voulue par Vladimir Poutine, nouvel écartèlement, nouvelle dépendance… Après que l’Occident a ‘’digéré’’ l’ex-RDA et fort malmené l’appel de Gorbatchev à un apaisement du jeu géopolitique, les années 1990 ont vu une série d’initiative visant à stabiliser l’architecture de sécurité et de défense européenne.
Certaines, comme la ‘’Confédération européenne’’ de François Mitterrand – qui revenait à estomper l’OTAN dans une logique continentale – n’ont pas fait consensus. La volonté de Paris de ‘’secouer’’ la tutelle américaine a surtout inquiété ses partenaires, d’où le retour de Paris au bercail de l’Alliance, déguisé puis assumé sous Nicolas Sarkozy. Paris a joué un rôle constructif dans la révision du Traité ‘’Forces Conventionnelles en Europe (limitations par catégories et par zones géographiques) ‘’puis dans le dispositif ‘’Ciel ouvert’’ qui en assurait la vérification par des survols libres. Moscou a triché dans les deux cas. En 1997, à nouveau, avant que la Pologne ne rejoigne le bloc occidental, des garanties ont été négociées pour ne pas déployer des moyens ‘’offensifs’’ sur le territoire des nouveaux membres. Nouvel échec, dû en majeure partie aux craintes des nouveaux partenaires quant à ‘’une vengeance de l’Ours’’. On ne peut nier que la ‘’frontière dure’’ se soit considérablement rapprochée du sanctuaire russe ni que l’Ours se montre de plus en plus menaçant.
Si Vladimir Poutine et sa revendication – quasi-hystérique – de reconstitution d’un glacis stratégique à l’Ouest de la Russie, avec des souverainetés plus ou moins limitées selon la proximité et des sous-Etats ‘’finlandisés’’ (mes excuses à la Finlande) font à nouveau peur, c’est que le nouveau tsar a plongé son pays dans une ère de violence armée. Après le massacre des Tchétchènes, qui l’a assis sur son trône, la Géorgie en 2008 puis l’Ukraine (qui avait commis le crime de passer un accord de partenariat économique peu ambitieux avec l’UE), en 2014, sont passées en partie sous sa botte. Une guerre hybride a été lancée contre l’Europe, ciblant ses médias et ses institutions démocratiques. Sur la périphérie moyen-orientale et africaine, les guerriers russes sans insignes s’emploient à attiser des foyers de conflit contre l’Occident… Tout cela pour dire que l’époque est tristement révolue où l’on pouvait créditer la diplomatie russe d’accepter une certaine dose de partenariat, de discipline stratégique, au bénéfice de la paix. L’architecture de défense et de sécurité, si elle devait y survivre, ne sera qu’un trompe-l’œil pour faire reculer, quelque temps, le risque de la guerre en Europe, un Münich.
Il faut dire que tout comparse qu’il fut du dictateur russe, Donald Trump aussi a bien savonné la planche d’une Europe sans défense. Les traités de contrôle de l’armement conventionnel ont été dénoncés avec un mépris affiché pour les nains du vieux continent ennuyeux. Ces nains ont été invités à payer la note sans pouvoir compter en retour sur la protection apportée par le Traité de Washington. Il a également rayé d’un trait de plume le Traité sur les forces (nucléaires) de portée Intermédiaire, par lequel est limité le nombre des ogives russes qui ciblent les métropoles européennes. Il est, au passage, un peu curieux que les citadins européens n’aient pas conscience de cette menace planant au-dessus de leurs têtes.
Après l’expulsion, de facto par Moscou, de la France et de l’Allemagne du processus de négociation de la paix en l’Ukraine, ne reste plus aujourd’hui que les deux ex-nouveaux »Super-Grands’’, poursuivant à Genève le dialogue de leurs vice-ministres sur l’instabilité stratégique prévalente. »Prévalente » en Europe s’entend, sans présence des Européens (divisés) pour traiter du fond. Les positions des deux camps répétées au sein de l’OTAN puis à l’OSCE restent irréconciliables, puisqu’un continent de 500 millions d’âmes ne peut – du point de vue américain – être abandonné aux grands coups de scalpels de l’architecte stratégique russe. L’Ukraine, puis la Géorgie deviendront-t-elles des membres de l’OTAN, ce, au prix d’une guerre ? Au printemps 2008, l’engagement avait été pris par l’Alliance de ne pas donner droit à leurs candidatures. Aujourd’hui, entre nouveau Münich et nouveau Yalta, il paraît bien plus urgent de réarmer l’Europe moralement et stratégiquement. Une initiative majeure s’impose.
Très beau et bon papier l’Ourson, merci. Mais n’y a t’il pas eu une volonté des USA d’abaisser la Russie lors de la présidence de Boris Yeltsine ? Vlad veut la revanche, il a été formaté au KGB a un nouveau jingoisme slave. Mais je veux croire à un certain réalisme de sa part. XI Jiping est plus dangereux à terme, car je pense qu’il croit en sa propagande.
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Personnellement, j’admire les hauts dirigeants chinois comme des génies absolus de l’hypocrisie.
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