* 2 février – Yémen: guerre éternelle mais lucrative

Ukraine, Afrique de l’Ouest, Covid … : aucune démocratie n’a la tête à sauver le Yémen ces temps-ci. Cette guerre de sept ans n’est pas oubliée, elle est ignorée, niée. Comme constaté la semaine dernière, la capacité des rebelles houtistes à frapper désormais avec leurs missiles jusqu’au cœur des Émirats arabes unis et en Arabie a relancé les bombardements des villes. A l’origine un conflit civil, la confrontation entre un gouvernement sunnite sous tutelle saoudienne et la rébellion chiite du Nord s’intensifie. Riyad se venge de ce qu’elle voit comme une implication offensive de l’Iran contre la dynastie des Saoud. Tout à sa volonté de ne pas froisser l’Arabie saoudite, l’Occident détourne le regard mais prend en sous-main le parti de ses ‘’clients’’ sunnites. Riyad et ses alliés peuvent donc continuer à détruire les villes du Yémen, sans risquer les sanctions, pourtant dans l’air du temps sous d’autres cieux.

En fait, les enjeux politiques et commerciaux ont pris l’ascendant sur les malheurs indicibles de la population. L’eau manque, paralysant la lutte contre le choléra. La nourriture est hors de prix. Les soins, inabordables. Les salaires, le plus souvent impayés. La société se délite : 380 000 victimes au bas mot, des millions de déplacés, des viols, des enlèvements, des tortures, une famine méthodiquement organisée, un embargo qui empêche les organisations humanitaires d’intervenir et, par-dessus tout cela, des épidémies à répétition (choléra, Covid-19, rougeole…). Les jeunes s’enrôlent pour seulement pouvoir nourrir leurs familles, alimentant en boucle la machine de guerre. Selon l’ONU, le Yémen a produit la pire tragédie humanitaire de notre siècle. En termes de classement, le pays devancerait même la Syrie sur l’échelle des désastres humanitaires … Ce calvaire va entrer, en mars, dans sa septième année et il ne semble pas devoir connaître de fin.

Au crédit de la ‘’communauté internationale’’  (mais, existe-t-elle ?), les bombardements se seraient faits un peu moins intenses par moment et le port d’Hodeida n’a pas été complètement détruit. Mais, quelques soient les efforts des ONG sur le terrain, on ne parviendra pas à protéger et à nourrir 28 millions de Yéménites abandonnés. D’ailleurs, une forte augmentation de l’aide humanitaire ne pourrait pas faire advenir la paix. La communauté internationale répugne à faire pression sur les belligérants  et ne parvient pas même à les réunir autour d‘une table. Joe Biden a bien – du moins officiellement – mis fin au soutien inconditionnel que l’administration Trump accordait à la dynastie des Saoud. Mais le changement n’est pas vraiment perceptible…

Pour sa part, la France s’honorerait à cesser de vendre ses armes à l’Arabie-Saoudite, laquelle les utilise à l’occasion pour massacrer des civils. Ces transgressions des droits international et européen alimentent un désagréable soupçon de complicité de crime de guerre. Cela flétrit la réputation d’une puissance mondiale qui se voudrait, d’après son président, ‘’puissance d’équilibre et de paix du XXIe siècle’’.

Mais il faudrait aller plus loin : respecter le droit humanitaire, mettre fin au blocus imposé par la coalition et qui étrangle un peuple, arrêter les combats par une interposition armée, reconstruire la paix. La population est en deuil : 95 000 personnes ont été tuées et l’on estime que 85 000 enfants sont morts des conséquences de la guerre. En fait, au-delà du risque majeur d’extension régionale de la confrontation à d’autres régimes sunnites et chiites, ce déni un peu honteux d’un désastre humanitaire infligé devant nos yeux reste particulièrement choquant.  Le Parlement français a tenté, en 2020, de se pencher sur le problème mais l’Exécutif a vite étouffé sa voix, n’étant pas prêt à renoncer aux débouchés du Golfe pour son industrie de l’armement. Point barre : la question est réglée.

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