L’armistice du 22 juin 1940, signé en forêt de Compiègne entre le Troisième Reich allemand, représenté par le général Keitel, et le dernier Gouvernement de la Troisième République, représenté par le Général Huntziger, avait suspendu les hostilités ouvertes par la déclaration de guerre de la France envers l’Allemagne du 3 septembre 1939. Bien, bien… Il mettait surtout un terme prématuré à la bataille de France, déclenchée le 10 mai 1940 par une agression de l’Allemagne nazie, marquée par la fuite de l’armée anglaise et son rembarquement à Dunkerque puis par la chute de Paris, déclarée ville ouverte le 14 juin. Etait-ce une négociation diplomatique dans les règles ou, plus simplement, une capitulation devant la force, avec la dose de lâcheté que cela comporte ? Le président ukrainien, Vlodymyr Zelensky devrait-il en faire son modèle pour sortir des hostilités armées avec la Russie et »adopter la voie d’une solution politique à la crise » ?
En tant qu’ex-diplomate enfin libre, je ne peux que partager une préférence pour le règlement politique des conflits, dont on espère parfois = naïvement =, qu’il ouvrira la voie à un traitement humanitaire des souffrances infligées. Mais, dans le cas qui nous préoccupe, je sais que les plénipotentiaires du Maître du Kremlin n’ont comme ceux du Maître de Berlin en 1940 qu’une seule obsession : casser le pays envahi et si possible sa population, au coût le plus bas possible pour l’Agresseur. Les protocoles mis à la signature des diplomates vont juste permettre de finir le travail que les chars n’auront pas encore terminé. La prise en compte du sort des civils et des prisonniers sera juste un tissus de mensonges bien vite foulé aux pieds. La leçon est hyper-simple : L’Agresseur veut imposer une paix injuste, une soumission au verdict des armes, une forme de suicide national et, cela, avec les formes sophistiquées (et trompeuses) de la diplomatie d’Etat à Etat. La forme (faussement civilisée) et le fond (sauvage).
En fait, aucune paix ne dure sans justice et sans humanité. C’est pour cette raison que les démocraties de taille humaine ne se font pas la guerre. Et pour que la Justice et la Démocratie survivent, pour que le monde reste vivable (on pense là aussi au climat), la résistance à l’Oppresseur est la seule voie qui tienne la route et qui prépare un »monde d’après » digne du genre humain.
Le président Zelensky ajoute à ces fondamentaux un talent prononcé pour la communication. Il faut bien constater qu’il parvient à galvaniser son peuple par ses messages, simples et forts. Ses visio-conférences avec les nations qui, de par le monde, soutiennent sa cause sont une chambre d’écho formidable auprès des populations étrangères. On est dans la guerre ou juste à côté mais le moral tient bon, ce qui n’est pas le cas des soldats russes désorientés et mal nourris. La guerre psychologique est déjà gagnée et elle arme les dirigeants ukrainiens dans la partie de bras de fer diplomatique qu’ils ont acceptée d’engager avec les chefs du Kremlin. On ne peut pas dire que le maréchal Pétain, naïvement perçu en sauveur par les Français à l’heure de l’armistice, ait galvanisé quoi que ce soit ou vraiment qui que ce soit. Kiev c’est autre chose que Vichy !
C’est sans doute du fait de ce soutien énorme à sa cause que Zelensky a pu s’aventurer dans le jeu dangereux et subtil des concessions proposées à l’Ennemi, autour de la table des négociations. Bien sûr, ces éléments d’une solution politique ne seraient actés qu’en retour d’une trêve des armes et d’un retrait des forces russes (et syriennes). Mais reconnaître que l’heure n’est pas à une intégration de son pays dans l’OTAN ni même à une rapide insertion au sein de l’Union Européenne constitue une concession énorme aux buts de guerre russes. Proposer de négocier un statut »à part » pour la Crimée et les deux oblasts séparatistes du Donbass frise même la glissade vers une capitulation partielle totalement, prescrite par la constitution du Pays et par ses engagements internationaux. Alors, va-t-on vers une partition entre zones occupée et non-occupée comme dans la France de 1940 ?
Il nous reviendrait de fournir à l’Ukraine des garanties bilatérales de sécurité et de défense suffisamment costaudes et étayées par des forces (européennes, hors OTAN), elles-mêmes stationnées sur son territoire et imbriquées dans son dispositif de défense. On ne doit rien concéder sur le plan territorial qui ne soit contrôlé étroitement par l’OSCE sur le terrain et validé par les Nations Unies. Il est également exclu de modifier quoi que ce soit, au niveau d’une conférence de la Paix, sans une ratification préalable, claire et majoritaire par le peuple ukrainien, dans le respect de sa démocratie. Si ces trois garanties sont réunies, la négociation politique ne se limitera pas à un trompe-l’œil pour parvenir à une paix injuste. Mais ce ne sera pas gagné d’avance non plus.