Moscou vient d’évoquer une réduction de son offensive militaire en direction de Kiev et de Tchernigui. Selon la partie russe, les pourparlers d’Istanbul entre les deux capitales sur la neutralité et le statut non-nucléaire de l’Ukraine entreraient dans »une dimension pratique’’. Toute décision devra encore remonter à l’autocrate du Kremlin pour être validée, mais une rencontre Zelensky-Poutine serait peut-être envisageable par celui-ci.
De deux choses l’une : soit la Russie continue à mentir et elle poursuivra sa besogne par la ruse, soit elle va vraiment mal. Il ne faudrait pas moins qu’un bogue majeur dans sa machine de guerre et d’énormes contretemps dans l’exécution de ses buts de guerre pour qu’elle vire de bord aussi radicalement. Les chiffres qui circulent – et qui restent invérifiables – parlent de pertes humaines au combat en un mois égales ou supérieures à celles induites par dix années de guerre en Afghanistan (1979-89). L’hypothèse d’un échec militaire, la certitude d’une Bérézina politique, le début d’une grave récession économique, toutes ces évolutions contraires au plan grand-russe de V. Poutine accréditent plutôt l’hypothèse que celui-ci tenterait de sauver les meubles. Avant tout pour se protéger d’un retour de traumatisme du peuple russe, qui pourrait emporter son pouvoir. ‘’Cet homme ne peut pas rester au pouvoir’’, le verdict carré de Joe Biden à Varsovie, loin d’annoncer un putsch qui serait téléguidé par l’Amérique traduit un constat lucide de ce à quoi s’est exposé celui qui a été si loin, trop loin, pour être pardonné. Si, supposons-le, il se résignait désormais à limiter la casse, l’Occident pourrait cheminer avec lui, en tout cas le temps le temps qu’il faudrait pour épargner à l’Ukraine son anéantissement. Mais pas plus.
Staline a bien survécu à l’attaque de l’Armée rouge contre la Finlande (un précédent qui évoque de façon frappante le scénario ukrainien actuel), à l’asservissement des Etats baltes, à la partition de la Pologne de concert avec le IIIème Reich allemand. Chef de guerre implacable face à l’agression hitlérienne, il s’est mû en un allié utile des démocraties, du moins pour un certain temps. Poutine, dont les péchés sont assez semblables, pourrait en tirer quelque inspiration pragmatique pour son compte, avant son jugement dernier. L’Histoire dira. La messe, elle, n’a pas encore été dite.
De son côté, en échange de sa neutralité, l’Ukraine réclame légitimement un accord international de garanties, ‘’analogue au chapitre cinq de la Charte de l’Otan’’, pour assurer sa sécurité et la protéger de son belliqueux voisin. Les Etats-Unis, la Chine, la France et le Royaume-Uni – en tant que membres du Conseil de sécurité de l’ONU – mais aussi la Turquie, l’Allemagne, la Pologne et Israël en seraient signataires et garants. Ces pays s’engageraient à intervenir militairement, en cas d’atteinte à son intégrité ou à ses institutions. Pour hâter la fin des hostilités, Kiev serait même prête à concéder que la Crimée et le Donbass sous contrôle russe restent temporairement exclus de l’accord. Ce serait prendre le risque très réel d’une reprise des combats au terme de la trêve initiale. Mais, dans la situation terrible où se trouve son peuple, l’urgence humanitaire du président Zelensky est compréhensible et respectable.
A moins, évidemment, que la lueur tremblotante ne soit vite soufflée des déflagrations d’obus …