Mme Marine Le Pen a longuement détaillé, le 13 avril, son projet de politique extérieure. Comme tout ce qui touche à l’international, il n’aura qu’une incidence marginale sur l’électorat. Pourtant, il y a dans cette annonce comme une volonté de reconnaissance et d’autorité. On peut aussi y lire un message à ses maîtres à penser de l’extrême droite européenne, ses seuls alliés possibles dans l’Europe de ses projets. Poutine n’est plus mentionné, vu les circonstances, mais Viktor Orban et Matteo Salvini y font figures de précurseurs.
L’Europe. Contrairement à 2017, lorsque la candidate du Rassemblement national (RN) prônait la sortie de l’Euro et de l’Union européenne, elle affirme désormais souhaiter rester dans l’UE pour la « réformer de l’intérieur ». Elle escompte néanmoins réduire de 5 milliards d’Euros la contribution française au budget européen. Dans l’espace Schengen, elle rétablira un contrôle ‘’temporaire’’ aux frontières pour forcer des négociations sur un nouveau traité, en affirmant la supériorité du droit national sur le droit européen. Ce sera là où ses projets seront contraires aux valeurs européennes. Elle souhaite d’ailleurs restreindre les compétences de la Commission européenne. En s’appuyant sur quels alliés sinon en bloquant le Conseil européen à coup de veto et pour enrayer son rôle moteur au sein de l’Union et marginaliser la France ?
Pour ce faire , elle agira en chorus avec ses alliés polonais et hongrois (le RN étant d’ailleurs emprunteur auprès d’une banque magyare). Elle qualifie en revanche le « moteur franco-allemand de l’UE » de « quasi-fiction », sauf pour la culture et l’éducation. Elle réitère donc sa volonté de rompre tous les accords de coopération militaro-industriels conclus avec Berlin depuis 2017.
Ce travail de déconstruction des institutions et des liens constituerait un biais pour être poussée au « Frexit », par les partenaires et institutions de l’UE, sans avoir à assumer franchement la rupture. L’effondrement de l’Euro ne serait plus loin. Aussi, la perspective de voir la candidate du Rassemblement national (RN) accéder à l’Elysée donne la chair de poule à Bruxelles. Sa victoire à l’élection présidentielle signerait probablement, sous son mandat, la fin de l’Union européenne.
On se trouverait alors devant un scénario d’autarcie sans précédent, ouvrant des perspectives d’effondrements en chaîne. Par comparaison, le Hongrois Viktor Orbán n’est à la tête que d’un petit pays, d’ailleurs absent de la zone l’euro. Quant à Matteo Salvini, pendant un an seulement vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur de l’Italie, il n’a bataillé avec les institutions européennes que sur le sujet de l’immigration, placé sous sa responsabilité. En revanche, le présidentialisme français ouvre au vainqueur du second tour une vaste possibilité d’agir à sa guise, sans se soucier du Parlement, ceci, particulièrement dans la sphère extérieure. Le titulaire – on l’a vu – a même le pouvoir de déclencher des guerres de sa seule autorité personnelle.
Marine Le Pen mènerait ses guerres en solitaire, comme le reste de sa politique, étant favorable à une sortie de la France du commandement intégré de l’Otan, mais pas du Conseil atlantique. Elle ne renoncerait pas à l’application de l’article 5 du traité de Washington, qui assujetti la défense collective à la règle de l’unanimité. Ce faisant, elle pourrait bloquer toute décision de l’OTAN à porter assistance à un de ses membres, en cas d’agression. Elle refuse toute « soumission » à Moscou ou à Pékin et tout « suivisme à l’égard de l’administration Biden, « trop agressive à l’égard de Pékin ». Sa politique (pro) américaine consisterait à s’inquiéter d’une étroite union sino-russe qu’elle rééquilibrerait d’un hypothétique contrepoids occidental. Bref, elle n’honorerait aucune alliance, ni en Europe, ni dans le monde. A une nuance près, toutefois : l’option d’un « rapprochement stratégique entre l’Otan et la Russie », une fois la guerre terminée en Ukraine’’. Elle est bien la seule, à travers le monde, à imaginer ce scénario ‘’fleur bleue’’, où tous les Bisounours combattants se retrouveraient pour un fraternel banquet gaulois.
‘’A notre santé et à nos morts !’’