* 5 mai – La face dépitée des mandarins chinois

Au temps où j’y travaillais, les magnifiques parterres fleuris des avenues de Canton m’avaient, un jour, inspiré un compliment. ‘’C’est agréable pour les Cantonais’’. Grand mal m’en a pris. Le mandarin de service qui m’accompagnait m’a vertement rabroué : ce beau paysage n’était pas destiné, comme je le pensais, à l’agrément des braves gens. Il était là pour ‘’glorifier les dirigeants (locaux) du Parti’’. En Chine, la gloire et la beauté ne sont pas destinés aux masses populaires. Elles servent exclusivement à promouvoir la face de ceux qui les dirigent, avec un grand souci de leur image (source d’autorité), sans surtout demander leur avis à ceux d’en bas. Peu de cas est fait de la dignité et des libertés des citoyens de base, seulement priés de servir de faire-valoir à leurs glorieux dirigeants.

Ainsi il en va de la politique zéro Covid adoptée par Pékin. Elle révèle les impasses d’un régime dont la légitimité n’est pas essentiellement fondée sur l’efficacité de ses dirigeants. Cette politique fonctionne jusqu’à ce qu’au sein du sommet, elle suscite des polémiques liées à sa brutalité. Les cris de rage et de désespoir des Shanghaiens enfermés dans leurs immeubles, mais aussi dans leurs bureaux et dans leurs usines, manifestent ainsi comme une velléité de révolte chez ce peuple pourtant habitué à subir en se taisant. Et le phénomène ne se limite pas à la capitale économique de la Chine : une quarantaine de grandes villes subissent les contraintes inhumaines du ‘’zéro Covid’’. Les comités de quartiers, composés de travailleurs de base peu éduqués, inféodés au Parti, s’habituent à œuvrer en garde-chiourmes, contenant dans un enfermement carcéral, dans l’angoisse et la famine des centaines de millions de citadins chinois. Investis d’un pouvoir tyrannique, ils se défoulent sur autrui et deviennent dangereux pour la société. A Canton, n’ont-ils pas entrepris de souder des barres de fer sur l’extérieur des portes d’entrée, transformant l’habitat en sarcophage cloué pour toute une population de malheureux. Si toute cette violence met en péril l’activité économique (un ciment de la société), il n’est pas dit que cela contribue à contenir le virus, loin s’en faut..

Certes, la Chine ne se sort pas trop mal de la pandémie, avec seulement quelque 4 600 morts ‘’officiels’’. La construction en un temps record d’hôpitaux de campagne et la livraison de masques chirurgicaux à des pays amis dresse une vitrine flatteuse de sa puissance. L’économie chinoise a tenu bon (8 % de croissance en 2021), les Jeux olympiques d’hiver se sont déroulés sans dégât sur le plan sanitaire. A quelque mois du congrès qui confirmera sa place au pinacle, Xi Jinping Xi Jinping n’est donc pas du tout d’humeur à ouvrir un débat sur sa politique sanitaire. Encore moins d’en changer. A l’origine de la maladie, à l’automne 2019, il a considéré, qu’il fallait escamoter tous les indices et données scientifiques sur le ‘’cas zéro’’ et les origines du Covid de Wuhan. L’OMS a été trompée dans ses tentatives d’enquête. La propagande a, contre toute évidence, imputé à l’ennemi américain la source initiale du virus. Aussi, loin d’avoir tardé à reconnaître l’épidémie de Shanghai, la Chine (= le Parti=) a campé en ‘’sauveur de l’humanité et vainqueur du Covid. Une sorte d’imposture, commise au nom de ‘’la face’’, en l’absence de tout contrôle international comme de contre-pouvoir médiatique.

La politique de confinement constituait la dure contrepartie, en interne, de ces fanfaronnades à l’international. Cette obstination à  »commander au virus » a généré un coût faramineux – économique tant qu’humain – dont le prix obérera l’avenir. S’ajoutant à la souffrance des gens, l’inefficacité n’est pas facilement pardonnée par les Chinois. Elle diminue leur tolérance naturelle à la langue de bois de la propagande : l’immense gloire du ‘’Centre’’ dirigeant pourrait subir le doute. On ne peut jauger l’effet de la folie carcérale du Parti sur la conscience politique des Chinois mais il existe, dans les grandes villes.

Le dispositif paraît vaciller du fait de la flambée du variant Omicron et de ses dérivés. Le PCC se trouve, à nouveau, exposé aux regards du monde extérieur, alors que les statistiques épidémiologiques se sont tues. Certes, la Chine limite encore raisonnablement la vague des contaminations, mais elle n’honore plus son mantra du zéro absolu. Même relative, la faillite de sa doctrine jette un soupçon sur l’infaillibilité dogmatique des dirigeants de Zhongnanhai (le quartier pékinois du cénacle du Parti).  Il n’existe aucune alternative politique au Parti Communiste Chinois, sauf à le militariser dans des guerres. Mais, d’ici au congrès d’octobre, une prise de conscience collective de ses failles et abus actuels pourrait faire émerger, en son sein, une ligne de (sourde) opposition à ‘’l’Oncle Xi’’. Elle peut aussi bien être  »éradiquée » par lui, préventivement au Congrès. Ainsi, il en va du Parti : Amen !

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