* 6 juin – ‘’Humiliation’’ : quel sens ? 

Les médias nous montrent les canons Caesar à l’œuvre sur le champ de bataille du Donbass. Ce n’est certes pas une jouissance mais quand même une petite fierté. Six obusiers auto-tractés seulement, ça ne va pas renverser le cours de la guerre : c’est quand même une contribution à la défense de millions de civils agressés. En Roumanie, la France a pris le commandement de la force de l’OTAN composite qui veille sur la frontière de la Moldavie. Si Odessa tombe, elle aura à élaborer un plan de défense ‘’autour » de ce petit pays sans défense. L’armée de l’air s’est installée dans les pays baltes, à proximité du dispositif russe. Le Pays de Voltaire est bien un protagoniste vigilant.

Mais son président souhaite apparemment entretenir une longueur d’avance sur les autres protagonistes et sur les belligérants. Depuis le 24 février, il se serait entretenu au total plus de cent heures avec Vladimir Poutine. Il persévère, sans induire le moindre effet sur la rage du dictateur russe, on le sait, hélas. Non : c’est à une ‘’autre Russie’’ et à ‘’un autre Poutine’’ que s’adresse sa stratégie. Il ne pause plus en Jupiter mais en Jean l’Evangéliste, annonçant le grand basculement apocalyptique (apocalypse, en grec signifiant ‘’vision’’) dans le Royaume du Père. En l’occurrence, ce serait plutôt l’heure d’une Paix à conclure à l’horizon d’un futur lointain et certainement hypothétique. Fraichement réélu par son peuple, le Maître des horloges guerrières, se veut, en politique extérieure, visionnaire.  Le problème est qu’il le proclame trop : par deux fois, il a appelé les acteurs du monde à ‘’ne pas humilier la Russie’’.

Choc et fureur pour tous ceux qui s’escriment à ‘’ne pas se laisser écraser par la Russie’’. L’Ukraine et, derrière elle, l’Europe orientale se disent outragées par cette mansuétude bienveillante  à l’égard d’un agresseur en posture de guerre totale au Donbass. Ne se moque-t-on pas, à Paris, des milliers de morts de cette offensive ? N’est-ce pas la France elle-même qui s’humilie par des propos trahissant la cause qu’elle dit soutenir ? On pourrait parler d’une énorme bourde, pas tant, en fait, dans une recherche de sortie de guerre à cogiter. Ce qui disqualifie ces déclarations, c’est leur exécrable timing, l’absence de psychologie et le fond de cynisme qu’elle font apparaître, l’incapacité du président en exercice de l’Union européenne à se rallier les autres dirigeants européens à ses vues, la perte de crédibilité que tout ceci inflige à la diplomatie française. Car on aurait du mal à imaginer que, même en grève, les diplomates du Quai d’Orsay valideraient une si grosse bévue. Au lieu de cela, on va chercher d’anciens chefs militaires français au sein de l’Alliance pour nous expliquer – bizarrement – le sens du mot ‘’humilié’’ (sommes-nous à ce point illettrés ?).

Que ce soit sous Clémenceau ou sous la résistance, personne, dans le camp des défenseurs, ne s’était fort apitoyé  sur la dignité perdue de l’Allemagne. Il n’empêche qu’il y a eu un Aristide Briant et un Charles de Gaulle pour travailler à réparer la paix des vainqueurs sans (trop d’) inutile humiliation. Mais ceci, après que les armes se soient rues, pas auparavant. Le négociateur américain, John Holbrook, a parlé en toute dignité avec Milosevic, de la Paix en Bosnie, avant que celui-ci expie ses crimes en prison (humilié, suicidé ?). Il faut savoir exprimer ses idées dans le bon ordre et, surtout, écouter ses subordonnés, ses partenaires et alliés. Sans quoi, on perd la face et c’est  »humiliant ».

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s