La super-coalition nationale parlementaire italienne aura vécu, après la démission de Mario Draghi que l’on annonce imminente. Cette perspective inquiète beaucoup de partenaires de Rome en Europe et pas seulement la Commission et les milieux d’affaires. L’aura du chef de gouvernement et sa réputation de sérieux paraissaient gager une cohérence salutaire de la politique de la troisième économie de l’UE. L’Union ne peut pas se permettre de voir son flanc sud flancher au plus fort des crises qui se superposent.
Draghi a obtenu la confiance du Sénat, mais trois partis de droite et d’extrême droite ont boycotté le vote à la chambre des députés : Draghi exigeait l’unanimité, avec la raideur moraliste qu’on lui connait. Il se voit désavoué et contré par une coalition extrémiste – des Berlusconistes de Forza Italia, des Ligueurs de Salvini et des Frères italiens, en pointe dans les sondages – ce groupe se mettant en embuscade pour investir le pouvoir. L’objectif secondaire de la droite populiste est d’étriller le parti ‘’Cinq étoiles’’, populiste, brouillon et placé en trajectoire d’effondrement, mais accessoirement à même de gouverner avec les Centristes. Les prochaines législatives devant intervenir d’ici janvier 2023, ces partis se sont dégagés de l’inhibition qu’ils avaient à casser l’union sacrée, pour préférer se compter au parlement. On s’attend désormais à des élections anticipées dès l’automne, ce qui ouvrirait une période de relatif vide du pouvoir.
La classe politique n’a pas appris grand-chose du précédent passage aux affaires d’une extrême droite populiste, incapable de gérer et d’inspirer le respect à l’international, car principalement portée par sa propagande xénophobe vulgaire et même carrément raciste. Derrière ce ‘’complot’’ contre l’unité, il est plus que probable que l’on trouve l’inoxydable Sylvio Berlusconi. A 85 ans, le ‘’Cavalieri’’ ne cesse pas de régler ses comptes personnels, plutôt que de faire oublier son comportement corrompu et dépravé de l’époque où il était premier ministre. En sonnant l’hallali contre Draghi, il lui ‘’rend un chien de sa chienne’’. Précisément, il lui fait payer le fait d’avoir fait obstacle, en janvier, à son accession au palais Quirinal, en remplacement du président Sergio Matarella (finalement reconduit).
Voilà à quoi tient le sort d’un grand pays plongé dans les difficultés et, par-delà, à quoi pourrait tenir la solidité de l’Europe. C’est lorsqu’il faudrait dans l’urgence défendre la démocratie contre ses ennemis, que celle-ci se met à craquer de l’intérieur. »Craquer », seulement, car rien n’est encore joué, heureusement.