* 5 septembre – Un train fou peut en cacher plein d’autres

L’Eté aura généré quelques idées noires quant aux perspectives dans et hors les frontières. Elles ont été exprimées par E. Macron depuis son estivage de Borne-les-Mimosas (sans rapport avec la première ministre) : ‘’il faudra de la force d’âme pour affronter l’avenir… l’abondance, l’insouciance, c’est fini’’. En politique intérieure, le président français a en fait annoncé la fin du ‘’quoi-qu’il-en-coûte’’ mais pas vraiment la sobriété. Les esprits ont été marqués par l’ampleur des incendies en Europe, les inondations gigantesques au Pakistan, tout cela préfigurant le climat invivable des prochaines décennies. Par malchance, Etats Unis, Chine et Europe, les trois principaux moteurs de l’économie mondiale se grippent. La crise de l’énergie s’y rajoute : l’inflation élevée actuelle va-t-elle muer en récession globale, cet hiver ?

Sur le plan géopolitique, les foyers de crise sont anciens, mais les braises se ravivent rapidement. Parmi de multiples interrogations conjoncturelles : ‘’allons-nous vers un double conflit majeur autour de l’Ukraine et autour de Taiwan’’ ? Attention, au carrefour des voies : le train fou que l’on voit peut en cacher bien d’autres…

La visite à Taipeh de la présidente de la chambre des représentants, Nancy Pelosi, dûment couverte par un échelon aéronaval de l’US Navy, n’a guère apaisé les tensions et elle a même été mal perçue en Corée et au Japon. Malgré sa légitimité et sa portée morale, elle aura surtout offert un prétexte au déclenchement des foudres gesticulatoires de Pékin. En vrai grandeur et à armement réel, l’Armée Populaire de Libération a conduit une répétition  de blocus de l’île depuis six côtés. Elle a mimé une agression militaire et montré au passage un fier mépris pour la vie des 25 millions de  »compatriotes » taiwanais. Des missiles ont été lancés en survol de l’Ile et jusque dans la ZEE japonaise. La ligne médiane du détroit de Taiwan a été  franchie par l’aviation militaire. La RPC est prête pour la guerre.

Cette mobilisation guerrière s’est poursuivie trois jours, publication à l’appui d’un ‘’livre blanc’’ confirmant l’intention d’une invasion de l’Ile pour en extirper ‘’les séparatistes’’ (les citoyens ordinaires). Il est moins question d’intégrer Taiwan à la Chine que de la soumettre à la loi totalitaire et répressive du Parti communiste. En RPC, l’Etat n’est d’ailleurs qu’un sous-produit idéologique du Parti, qui est, lui, la totalité du pouvoir.

Pour ne pas déserter le terrain, Washington a remis le couvert (seconde mission parlementaire, passage de navires de la Navy dans les eaux internationales, vente de missiles anti-aériens pour la défense îlienne). Le rapport de forces Est-Ouest permet de retarder l’invasion, elle-même annonciatrice d’un nouveau massacre – comme l’histoire du Parti en compte beaucoup dans sa lutte contre la démocratie – mais cette prochaine fois, sur une très grande échelle. D’évidence, comme pour la question tibétaine et celle des Ouïgours, une solution de fond ne serait possible que dans une forme de révolution copernicienne du Parti (dit communiste) lui-même, au terme de laquelle ce Goliath se démilitariserait, accepterait la libre existence de la société civile et des pensées différentes de son monopole sur les esprits, bref, respecterait les gens. Ce n’est certes pas Xi Jinping qui prendra ce tournant alors qu’il s’emploie à ce que le prochain congrès d’octobre fasse de lui une sorte de  »Poutine à vie » chinois.

A cet égard, le rapport des Nations Unies sur les exactions d’Etat contre les Ouïgours est sorti tardivement mais il est accablant : ‘’L’ampleur de la détention arbitraire et discriminatoire de Ouïgours et de membres d’autres groupes essentiellement musulmans (…) dans un contexte de restrictions et de privation des droits fondamentaux tant individuels que collectifs peut constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité.’’ Cecii ne manquera pas de renforcer encore l’arrimage du régime pékinois à la mouvance des ennemis des peuples et de la démocratie, une fois encore, aux côtés de la Russie.

La peur de la Chine et de la Corée du Nord amène le Japon à envisager de se protéger par un mur de missiles à longue portée, un pas décisif dans la course aux armements qui s’accomplit en Extrême Orient comme en Europe (et accessoirement en Afrique). La Corée du Sud, qui a élu à sa tête un président ‘’faucon’’, multiplie les manœuvres militaires avec les forces américaines. Les camps adverses se durcissent. L’Europe est prise de cours et elle n’a pas de réponse.

L’affirmation d’une puissance conquérante en mer de Chine impose un parallèle, de plus en plus frappant, avec l’hubris d’annexion du régime Poutine. Déjà, en temps de  »paix », l’Extrême Orient est un théâtre où s’affrontement les grandes puissances du monde travaillées de tentations agressives. Osera-t-on imaginer ce qu’il en adviendrait si des guerres de style  »poutinien » y éclataient demain ? Ce ne serait plus deux trains fous dévalant sur le même passage à niveau mais dix, fonçant en sens inverse, sur la même voie.

Excusez la comparaison.

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