Elle avait 22 ans. Le 13 septembre, alors qu’elle visite Téhéran avec sa famille, la jeune kurde-iranienne est arrêtée arbitrairement par la »police des mœurs ». Elle portait mal son voile. Elle est alors embarquée par cette unité spéciale chargée de faire respecter par les femmes le port du voile et une coercition dans tous les domaines de la vie publique. Mahsa Amini a été violemment battue lors de son transfert en détention. Elle est tombée dans le coma a décédé trois jours plus tard à l’hôpital.
Sa mort embrase le pays. Des protestations se répandent dans toute les villes et sont brutalement réprimées (déjà des dizaines de morts) par les autorités de la dictature théocratique. Celle-ci, qui maintient son pouvoir absolu sur la population, n’en est pas à son premier Tian An Men. Autant que dans la révolte de 1979 contre le Shah d’Iran, elle s’est construite sur l’esclavagisation des femmes, la soumission des hommes et a fait du hijab son étendard politique. Il est difficile de trouver sur terre un régime plus oppressif que celui des mollahs et des ayatollahs. Pour cette raison, il faut espérer qu’un jour la voix de peuple l’emportera. Qu’ils partiront.
En fait, ce drame après beaucoup d’autres met en lumière les trois fléaux que le régime Khamenei – Raïssi porte par son essence-même, proche du fascisme :
* L’oppression, l’arbitraire absolu et la violence comme mode de fonctionnement interne. La police des mœurs, la Bassidjis (milice cogneuse du style des S.A allemands du début des années 1930) et, derrière eux la Justice et l’Armée ont jusqu’ici réussi à faire taire toute révolte citadine. Cela ne pourra durer toujours, face à une population fortement urbaine et éduquée (les femmes, notamment).
* L’expansionnisme de puissance au grand Moyen-Orient. Il ne menace plus seulement Israël mais aussi le Liban, l’Iraq, les états du Golfe. Il fait obstacle à une paix en Syrie, intervient contre l’Arménie et soutient l’agression russe en Ukraine. Il confronte volontiers les Etats Unis et alimente à travers l’Eurasie la haine de l’Occident. Son principal outil de subversion extérieure est constitué par les gardiens de la Révolution.
* La course à l’armement nucléaire. Personne ne croit plus que la valse des centrifugeuses iraniennes à un haut degré d’enrichissement de l’uranium serve un autre but. Les derniers développements de la querelle entretenue par Téhéran avec l’AIEA (qui a perdu le contrôle à distance) et les Etats Unis plus l’Europe donnent à penser que Téhéran est en train d’accéder au seuil nucléaire, peut être même aux technologies de simulation qui permettent de ‘’maîtriser la bombe’’, sans avoir à la montrer. Sans doute même des sites cachés, comme autrefois celui de Natanz, lui permettent d’aller plus loin encore, sous le sceau du secret. Parvenir au seuil permet d’activer les derniers préparatifs – eux, visibles – de l’emploi de l’Arme à très court terme avant sa mise à feu.
L’Iran des ayatollahs est sans doute possible une menace pour le monde. La pire de ses agressions potentielles serait le scénario d’une première frappe nucléaire, contre Jérusalem ou Riyad. L’embrasement serait mondial mais les vieux théocrates ne s’arrêteraient pas à ce détail. Le fait qu’ils détiennent une sorte de suprématie sur la confession chiite n’entretient pas de rapport direct avec leur agressivité. La population est, elle, dans sa majeure partie, assez pieuse mais modérée.
Une démocratie iranienne ne serait pas portée à faire de la religion une arme contre le reste du monde. Bien sûr, il existera toujours une concurrence avec le sunnisme, mais elle pourrait rester confinée dans le champs culturel. L’Iran, avec ses 80 millions d’habitants et ses potentiels technico-industriel et militaire continuera aussi à se percevoir lui-même en puissance régionale. Le plus urgent est d’éviter qu’un vieux fanatique pose le doigt sur la gâchette nucléaire. Ce n’est pas un péché d’ambitionner un statut de puissance dès lors que l’Etat de droit est établi et si la Charte des Nations Unies, le Traité de Non-prolifération nucléaire et le droit international humanitaire s’en trouvaient respectés.
Tous ces prérequis et espoirs procèdent de quelle hypothèse ? D’une victoire de la démocratie actuellement défendue par des femmes et des hommes courageux aux quatre coins du Pays. Il n’y a aucun doute : ils se battent pour nous aussi.