* 19 octobre – Haïti sous tutelle bienveillante ?

Souffrir une invasion barbare ou vivre sous le joug de gangsters … On se gardera bien de pointer l’une de ces situations comme étant pire que l’autre. Mais il faut bien dire qu’Haïti subit depuis des décennies le second fléau, celui du crime organisé. Comme s’il ne lui suffisait pas d’être pauvre et totalement désarmée face aux catastrophes climatiques qui s’accumulent dans la région des grandes Caraïbes et du Golfe du Mexique. Ou, encore, que la classe politique locale, percluse de clientélisme et de corruption, n’apporte aucune réponse aux maux de cet Etat le moins développé des Amériques. Le banditisme se conjuguerait il  »naturellement » à la corruption et à la misère ?

Un peu plus d’un an après l’assassinat politique du président d’Haïti, Jovenel Moïse, l’anarchie s’est installée dans l’île. La police haïtienne a identifié un coupable, bénéficiaire potentiel de cette invraisemblable exécution de même que le commando de tueurs recruté par une entreprise de ‘’service’’ vénézuélienne aux Etats Unis. Mais la rumeur folle des bidonvilles soupçonne son successeur d’être le  »vrai commanditaire ».

Au Pays du Vaudou, la vie publique n’est souvent pas très rationnelle. La plus vieille république de l’hémisphère Ouest (après les Etats Unis) a défait en 1804 les troupes de Napoléon et les colons français, qui pratiquaient l’esclavage. Mais, depuis l’épisode glorieux incarné par Toussaint Louverture, elle s’est enfoncée dans l’anarchie intérieure et la dépendance de protecteurs extérieurs. Les interventions américaines, onusiennes ou même françaises s’y sont multipliées en entamant sérieusement sa souveraineté, sans jamais la sortir durablement de l’ornière. Les coups d’Etat et les élections truquées se sont succédé depuis la période Duvalier, fameux pour ses tueurs  »Tontons Macoute », jusqu’à présent, sur toile de fond de luttes partisanes farouches.

L’élite haïtienne, souvent formée à l’étranger, s’est définitivement fixée à Miami, ailleurs aux Etats Unis ou en Europe. On ne doit pas la blâmer d’avoir déserté un champ d’empoigne où pour quelques dollars tout  »possédant », même modeste, se fait enlever, rançonner, assassiner. Mais Haïti est privée de corps intermédiaires, de politiciens d’expérience, de ministres et de cadres compétents, etc. Ceci explique sa condition humiliante d »’Etat-objet », condamné à la mendicité et frustré de l’exercice de sa souveraineté. L’actualité la plus récente de l’Île est faite de manifestations meurtrières contre la cherté du coût de la vie, de règlements de compte entre bandes par armes à feu et de contagion épidémique. La vie des honnêtes gens est devenue impossible. On y survit peut-être aussi mal qu’en Ukraine.

Dans un tel contexte, l’idée malséante d’une tutelle internationale réémerge de façon récurrente. Le secrétaire général des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, a réclamé, le 9 octobre, le déploiement d’une force armée internationale en Haïti, pour débloquer la crise sécuritaire qui la voit sous l’emprise de bandes criminelles et, qui plus est, sous la menace endémique du choléra.

Le prochain Conseil de sécurité consacré à la crise en Haïti est prévu le 21 octobre. A. Guterres a envoyé aux quinze membres du Conseil une liste d’options pour maintenir Haïti la tête hors de l’eau. Les douze millions d’Haïtiens répugnent à voir à nouveau des soldats équipés pour la guerre débarquer sur leur île. Ce n’est pas l’Ukraine et ils n’attendent pas une guerre d’artillerie contre le crime organisé – notamment autour du marché de la drogue – qui règne chez eux. C’est plutôt une prestation en juges, enseignants, cadres administratifs et policiers qu’il conviendrait de leur apporter. Le blog de l’Ours espère que des gendarmes, des magistrats et des administrateurs français se porteront volontaires au sein du contingent international en préparation. Plutôt qu’en monnaie sonnante – qui disparaîtrait dans de douteux comptes en banque – la dette morale de la France envers ce malheureux peuple devrait être payée en soutien fraternel à son redressement. Après tout, Haïti est un endroit du monde où l’on peut encor travailler pour la Paix, si on y met les moyens.

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