* 9 novembre – L’Ethiopie loin des regards

Le 2 novembre, le gouvernement éthiopien et le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT) ont signé un accord de cessation des hostilités. Faut-il croire la paix à portée ? Le Tigré, est une région montagneuse au nord de l’Éthiopie. En deux ans, le conflit entre cette province sécessionniste et le régime d’Addis Abeba est devenu l’un des plus meurtriers de la planète. Pourtant, personne ou presque n’en parle. Aujourd’hui, une lueur d’espoir, faible, apparaît. Ce premier pas vers un retour à la normale est encore loin de régler les problèmes de fond qui tiennent à un partage historique du pouvoir qui était favorable aux Tigréens mais qui a été rompu. On est aussi encore loin de songer à rendre justice aux nombreuses victimes et survivants du conflit.

Depuis 1991, le  »fédéralisme ethnique » structure l’organisation interne du pays. L’Erythrée s’est toutefois séparée de l’Ethiopie en 1993. Les régions administratives prennent leur nom à partir de déterminants ethniques présumés caractériser la majorité des habitants. Lors du recensement de 1994, les Oromos et les Amharas représentaient respectivement 32,1 % et 30,2 % de la population, en tant qu’ethnies les plus nombreuses. On dénombrait aussi les 7 %d’Afars et seulement 4,2 % de Tigréens, enfin, autant de Somalis.

Pourtant, les Tigréens ont dominé la vie politique en Éthiopie pendant près de trente ans, jusqu’à l’arrivée au pouvoir, en 2018, d’Abiy Ahmed, un Oromo, comme premier ministre. Les autorités tigréennes sont retirées alors dans leur région, en reprochant une marginalisation de la minorité tigréenne  »plus noble », par le pouvoir. Quelques mois plus tard, le 4 novembre 2020, l’armée gouvernementale a envahi le Tigré pour en reprendre le contrôle par la force. Les forces armées gouvernementales sont notamment soutenues par les forces de la région Amhara, voisine du Tigré, et par l’Érythrée, frontalière au nord. Face à cette attaque, le FLPT, dans un premier temps, a mal résisté, avant de contre-attaquer très efficacement. Les forces amharas se sont rendues coupables de crime contre l’humanité en menant une campagne la terre brûlée contre les Tigréens. Le front s’est brutalement déplacé. 

Cette guerre pour la fierté ethnique et le pouvoir politique a produit des dizaines de milliers de morts civils, d’innombrables victimes de viols et d’esclavage sexuel et, dans sa phase la plus récente, un nettoyage ethnique par la faim et le blocus. Depuis le début des combats, en 2020, des dizaines de milliers de civils ont été sacrifiés, des millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays et 61 000 ont fui au Soudan.

Quand on use le terme ‘’guerre’’ aujourd’hui, on pense à l’Ukraine ou au Yémen, pas à l’Éthiopie. Le conflit au Tigré se déroule à huis clos et les massacres ont eu lieu à l’abri des regards. Sans doute, ils continueront encore. Le gouvernement fédéral interdit tout accès à la zone de conflit. Qu’ils soient journalistes, humanitaires, chercheurs, aucun observateur n’est autorisé à assister à la confrontation. Malgré ce black-out imposé, quelques rares enquêteurs discrets sont parvenus sur le terrain. Ils sont en mesure de  dénoncer ce qu’il s’y passe, même si la documentation des crimes est non-existante. On ne saura sans doute jamais jusqu’où la barbarie a été poussée dans cette fédération-mosaïque de plus de 111 millions d’habitants (12ème rang mondial). C’est dans le Sud : c’est loin…

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