* 29 novembre – Immobilités chinoises

La Chine pèse lourd sur les affaires du monde, mais elle est aussi une vaste prison à ciel ouvert. Transformée en société de surveillance, dardée de mouchards et de contrôles de ses citoyens, elle a affronté la pandémie du Covid comme un défi à l’autorité de la direction du Parti. Celle-ci a fait de la politique d’isolement, destinée à empêcher toute contagion collective, une cause sacrée et surtout un manège infernal. Seule au monde à persévérer dans la politique ‘’zéro Covid’’, elle l’a pratiquée avec une inflexibilité et un mépris des libertés individuelles à rendre fous les mieux résignés de ses sujets. Au bout de trois ans de ce régime carcéral absurde à répétition, sans résultat probant, la révolte est survenue et la nature humaine reprend un peu partout le dessus : l’expression d’une révolte contre l’enfermement et contre les ‘’enfermeurs’’.

Les ouvriers de Foxconn à Zhengzhou ont sauté les murs et les barrières. Canton s’est mobilisé, clashant avec les forces de l’ordre. A Shanghaï, des milliers de jeunes ont occupé la rue et affronté la police après le drame de l’incendie d’Urumqi. Pékin à suivi (la prestigieuse université Tsinghua, n° 1 du Pays), puis Canton à nouveau, Wuhan, Chengdu, Xi An… une trainée de poudre relie entre elles les grandes métropoles de l’empire  urbain qu’est la Chine. C’est un phénomène nouveau, lié à l’ère numérique. Le raz le bol est devenu général, qu’il saisisse les strates ouvrières enfermées dans leurs usines ou les campus privés de vie normale, voire d’avenir. Le moment est à ‘’briser les cages pour prendre son envol’’. L’exaspération est à son summum depuis ces trois ans où se sont ont accumulés les cas de suicide, les mises au chômage, l’injustice arbitraire, un régime punitif pour tous. Infinitésimaux en nombre à l’échelle du Pays, les rebelles brandissant des feuilles blanches – dénonciation habile de la censure et du vide de leurs vies gâchées – parlent pour une population très large. Les réseaux sociaux, dont le contenu ‘’viral’’ est vite effacé ont rendu leur rébellion populaire. Le Parti veille à une censure immédiate. Il est peu probable que le contrôle total que s’y est construit Xi Jinping puisse être entamé si peu de temps après le  »congrès de son apothéose », mais un débat sur l’assouplissement de la ligne sanitaire couplé à une chasse aux contestataires pourrait bien s’immiscer dans son ordonnancement monolithique. De toute façon, aucune alternative de pouvoir n’est concevable en Chine.

 Le 26 novembre, des centaines de jeunes gens ont scandé‘’ Xi Jinping, démission !’’ ou encore ‘’A bas le Parti communiste !’’. Cela ne sera pas pardonné, pas plus que le Tian An Men de 1989, qui encensait la ‘’5 ème modernisation’’ (la démocratie) et vomissait la corruption et le népotisme. Comme il y a 33 ans, les gérontes psychorigides du Bureau politique vont vouloir ‘’refermer la cage’’.  Même si la jeunesse ne brandit pas encore de slogans politiques élaborés, sa lutte ne peut que se radicaliser compte tenu de la volonté féroce qu’aura le pouvoir de l’étouffer par tous les moyens. Le plus probable est que la lourde machine de la répression s’en prendra aux individus les plus repérables et misera sur la peur du chaos et de l’anarchie d’une majorité de Chinois  »embourgeoisés » pour déconsidérer le mouvement. La brutalité des procédés répressifs matera les autres par la peur.

Moins d’un mois après le ‘’triomphe’’ de XI Jinping, consacré par le 26 ème Congrès du Parti, le coup est rude, porté au maître absolu de la Chine. Inflexible et surtout piégé dans sa propre ‘’idéologie sanitaire du zéro Covid’’, il est inimaginable qu’il fasse marche arrière. Aucune notion d’humanisme n’est susceptible de lui traverser l’esprit : il est le gardien de la forteresse. D’ailleurs, tout abandon précipité de la politique de confinement systématique d’énormes collectifs humains pourrait conduire à l’exposition massive au virus d’une population mal vaccinée et insuffisamment préparée à y faire face. A partir des 40.000 nouveaux cas par jour actuellement recensés, la contagion pourrait alors exploser et rapidement dépasser les possibilités du système sanitaire chinois. En même temps, poursuivre l’enfermement des gens ne mènera nulle part, à plus long terme, sinon à faire exploser la révolte. Tel est le dilemme insoluble de ‘’l’Oncle Xi’’.

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