Sans atteindre le niveau de la ‘’crise des réfugiés’’ de 2015-2016, les flux migratoires entrants sont redevenus un point sensible dans l’agenda européen. Par rapport à 2021, les arrivées aux frontières extérieures connaissent une forte hausse : 280 000 de janvier à octobre inclus, soit + 77 %…
Deux semaines après la crise franco-italienne autour de l’Ocean-Viking, les ministres européens de l’intérieur, réunis à Bruxelles en Conseil extraordinaire à la demande de Paris, ont approuvé, le 25 novembre, un plan d’action ‘’afin de ne pas reproduire ce genre de situation’’. On se souvient que le 11 novembre le gouvernement français avait accepté, à titre exceptionnel, le débarquement à Toulon des 234 passagers de l’Ocean-Viking, après le refus du gouvernement de Giorgia Meloni d’accueillir ce navire humanitaire bloqué au large des côtes italiennes. Il promet qu’il n’accueillera plus désormais des demandeurs d’asile parvenus en Italie, tant que Rome ne respectera pas le droit de la mer (l’obligation de sauvetage). On voudrait bien savoir à ce propos qui le respecte : la Libye, l’agence Frontex, l’Italie, la France jusqu’à récemment ?
La poussée est plus forte encore sur la route des Balkans : + 168 % sur la même période. La Commission prépare donc un autre plan d’action à cet effet. La possibilité d’une nouvelle vague d’arrivées d’Ukrainiens cet hiver rend l’adaptation aux circonstances encore plus complexe.
Le plan d’action ‘’italien’’ concocté par la Commission européenne propose 20 mesures, notamment pour renforcer la coopération avec la Tunisie, la Libye ou l’Egypte (avec la Turquie, c’est une cause perdue), afin de »prévenir les départs et augmenter les renvois d’exilés en situation irrégulière ». Il prévoit aussi une meilleure coordination et un échange d’informations entre Etats et ONG secourant des migrants en mer, et vise à promouvoir des discussions au sein de l’Organisation maritime internationale (OMI) sur des lignes directrices applicables aux bateaux effectuant des opérations de sauvetage en mer. Est-ce à dire que le droit de la mer pourra être appliqué de façon sélective ou que les pays du Sud de la Méditerranée, surchargés de tous les migrants du monde arrivant par voie de terre, devront, de plus, ouvrir leurs ports aux navires de sauvetage qui croisent dans leurs eaux territoriales ? Telle est en tout cas l’intention professée par le ministre Darmanin, qui s’intéresse peu au casse-tête imposé aux pays de premier accueil.
Une unanimité s’est fait jour sur un socle minimum, mais, comme le reconnait la Commission, ce ne sera pas la solution définitive tant que les Etats membres n’arriveront pas à conclure une réforme commune de leurs politiques de la migration et de l’asile = = au sein-même de l’Union européenne = =. Depuis plus de deux ans, le sujet tient de Arlésienne. Il bute, entre autres, sur la redéfinition (pour cause de non-application) du mécanisme temporaire – arrêté en juin, à l’initiative de la France – opérant la répartition des arrivants ‘’parmi les pays européens non-riverains’’. Pour soulager les Etats méditerranéens, une douzaine s’était engagée de façon volontaire à accueillir sur un an quelque 8 000 demandeurs d’asile arrivés dans ces pays sud-européens. La France et l’Allemagne devaient en prendre chacune 3 500. Paris s’est pourtant montré très restrictif s’agissant des quotas qui lui étaient assignés et a finalement suspendu ses relocalisations depuis l’Italie. La torsion de bras est claire : pas de prise en charge française sans accueil dans les ports italiens.
Le ministre italien, Matteo Piantedosi, a été invité à venir à Paris par son homologue, avant une prochaine réunion des ministres de l’intérieur prévue le 8 décembre à Bruxelles. Va-t-on assister à un exemple de ‘’commedia dell’arte’’, à une partie de catch ou à une fraternisation latine larmoyante ?