* 20 décembre – La biodiversité sous différents angles

« L’humanité est devenue une arme d’extinction massive à cause de notre appétit sans limite pour une croissance économique incontrôlée et inégale ».  »Elle traite la nature comme on utilise des toilettes ». Le secrétaire général de l’ONU, fort de son pouvoir d’invocation, n’y a pas été par quatre chemins. Le temps presse : jusqu’à un million d’espèces sont menacées d’extinction, un tiers des terres sont gravement dégradées et les sols fertiles disparaissent, tandis que la pollution et le changement climatique accélèrent la dégradation des océans. Le coût pour les écosystèmes est estimé à 3 000 milliards de dollars par an d’ici 2030. Mazette !

Du 7 décembre au 19 décembre, la conférence de l’ONU sur la biodiversité rassemblant à Montréal les ministres de l’Environnement de quelque 190 Etats, a tenté de parvenir à l’adoption d’un cadre mondial décennal pour sauvegarder la nature et ses ressources essentielles à l’humanité. Présidée par la Chine mais déplacée au Canada du fait de la politique zéro Covid, elle portait en elle, comme les COP sur le climat, un défi colossal : conclure en deux semaines un accord de la « dernière chance » pour sauver les espèces et les milieux naturels d’une destruction irréversible.

Par rapport à sa  »sœur » climatique, la COP  »biodiversité » reste un parent pauvre et abrite encore des visions divergentes. Il y a une conception de retour des écosystèmes à leur état primaire et une autre, majoritaire, centrée sur l’usage raisonnable des ressources naturelles. S’y ajoute la concentration (ou non) de l’attention sur quelques espèces  »totémiques » généralement de grande taille (l’ours blanc …) et sur des régions ciblées comme plus favorables à l’équilibre de la flore et à la faune, à l’origine de tensions politiques. Enfin, l’absence de scenarios scientifiques assis sur le consensus de la science et celui du monde politique (peu présent dans le débat) crée un hiatus considérable par rapport à l’actualité forte de la question climatique.

Il s’agissait de concrétiser une vingtaine d’objectifs, dont le principal visait à protéger 30 % des terres et des mers en réserves naturelles. À ce jour, 17 % des terres et 8 % des mers sont protégées. 75 % des écosystèmes mondiaux sont altérés par l’activité humaine et la prospérité du monde est en jeu : plus de la moitié du PIB mondial dépend de la nature et de ses services. Etaient également visées la restauration des milieux naturels, la réduction d’usage des pesticides, la lutte contre les espèces invasives, ou l’établissement d’une pêche et d’une agriculture durables. Les négociations ont patiné depuis trois ans. Les financements Nord-Sud ont constitué, comme toujours, le principal sujet contentieux. La coalition du Sud a réclamé au moins 100 milliards de dollars par an pour préserver la biodiversité – autant que pour le climat – et 700 milliards de dollars par an d’ici 2030 ! Est-ce bien réaliste ? La question de la biopiraterie a constitué également une source de blocages : les pays riches étaient appelés à partager enfin les dividendes de la vente de cosmétiques ou médicaments dérivés des ressources naturelles prélevées sur le Sud. Cette revendication se comprend.

La présidence chinoise a finalement soumis au consensus un document au contenu généralement qualifié de  »faible ». En substance, on y retrouve l’objectif emblématique de 30% des terres et des mers protégées d’ici à 2030. Cet objectif porté par une coalition de 116 pays, dont les Européens. Mais le niveau de protection n’est guère exigeant (notamment par rapport aux pratiques de surpêche). Le texte inclut aussi la promesse de restaurer 30% des écosystèmes dégradés d’ici à 2030. Il donne des garanties pour les peuples autochtones, gardiens de 80 % de la biodiversité subsistante sur Terre. Mais beaucoup de formulations diluent des objectifs clés comme la réduction des pesticides ou le changement de modèle agricole. Côté financement 20 milliards par an sont promis aux pays en développement d’ici à 2025, puis 30 milliards par an d’ici à 2030. C’est plus qu’actuellement, mais c’est très loin des 100 milliards annuels réclamés par les pays du Sud. Les divergences autour d’une volonté des Etats du Sud de dupliquer le Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM) par une dotation  »moins rigide » dévolue à la biodiversité ont abouti à un compromis : une branche  »biodiversité » spécifique sera établie au sein du FEM.

Va-t-on parler d’un accord aussi historique que celui de Paris de 2015 pour le climat parce que, simplement il y a eu consensus ? Certes, non : l’accord de Kunming – Montréal ne sera pas contraignant mais simplement  »entrainant », mais on lui donnera néanmoins des effets en Europe. On a finalement réussi à dépasser les tactiques dilatoires délibérées génératrices de scénarios décevants, comme celui de Copenhague en 2009, où la COP climat s’était conclue sur un échec retentissant. On retiendra de Montréal le sentiment d’une paix souhaitée – non pas retrouvée – avec la nature. On peut également se dire que tant que les Etats nationaux se réuniront autour de problèmes aussi globaux, en format multilatéral, l’ égoïsme humain global restera bien moindre que la somme combinée leur réticences respectives. Des progrès un peu boiteux ont été accomplis. Un chemin tortueux reste ouvert.

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